1-Les Rivières Pourpres 4.51
2-La Bibliothèque 2.18
3-L'Hélicoptère 2.00
4-Guernon 2.38
5-Le Crucifié 3.04
6-La Course 1.34
7-La Tombe 1.02
8-L'Ecole 1.11
9-Le Glacier 1.47
10-Judith 0.54
11-Tension 1.21
12-Le Cimetière 0.57
13-L'Enfant Aveugle 1.29
14-Le Téléphérique 4.29
15-La Station 1.31
16-Sertys 1.11
17-La Profanation 1.13
18-La Poursuite 2.21
19-La Voiture 2.24
20-La Crevasse 1.44
21-La Mère 2.09
22-Les Chiens 1.36
23-Recherches 1.10
24-Le Corps Mutilé 1.42
25-Le Stade 0.57
26-La Morgue 2.37
27-L'Envol 4.30
28-piste interactive*

* la piste interactive est compatible PC et Macintosh.

Musique  composée par:

Bruno Coulais

Editeur:

Virgin France
07243 8 50250 2 8

Musique originale produite par:
Légende Entreprises et
Gaumont
Musique éditée par:
Les Editions La Marguerite et
Légende Entreprises
Supervision musicale:
Slim Pezin
CD extra réalisé par Artsonik/
Masterisé par Abbey Road.

Artwork and pictures (c) 2000 Légende Entreprises-Gaumont/Virgin France SA. All rights reserved.

Note: ***1/2
LES RIVIÈRES POURPRES
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bruno Coulais
'Les Rivières Pourpres' marque le retour de Mathieu Kassovitz dans le domaine du thriller. Le film est une adaptation du roman de Christophe Grangé, avec dans les rôles principaux Jean Reno (Pierre Némans) et Vincent Cassel (Max Kerkérian), deux flics français enquêtant sur une sombre affaire. leurs enquêtes respectives finissant alors par converger l'une vers l'autre pour aboutir à un jeu de piste diabolique avec un mystérieux serial-killer qui laisse des cadavres dans un sale état derrière lui, l’histoire se déroulant à Guernon, une ville universitaire des Alpes. ‘Les Rivières Pourpres’ repose sur une mise en scène soutenue et intéressante, surtout de la part d'un réalisateur français, même si une fois de plus on pourra toujours rappeler (avec moult préjugés) qu’en France, on ne voit jamais d’un très bon oeil les cinéastes qui osent faire des films « à l'américaine ». Qu'à cela ne tienne, 'Les Rivières Pourpres' est un thriller intéressant et captivant, qui, sans posséder le charme ou l’imagination d’un classique du genre tel que ‘Se7en’, n’en demeure pas moins très réussi.

En voyant le nom de Bruno Coulais à l'affiche du film pour la musique, on pouvait avoir quelques appréhensions. Comment le compositeur allait-il s’y prendre, lui, un compositeur aussi éclectique et original dans un genre très formaté et hyper conventionnel ? La réponse est on ne peut plus simple : Bruno Coulais s'en tire plutôt bien sans faire de grosses étincelles, et malgré quelques petits défauts (une musique inefficace dans la scène où Niemans est bloqué dans sa voiture par un autre engin). Ce que l'on retiendra essentiellement de la musique des 'Rivières Pourpres', c'est le côté envoûtant de sa musique, et c'est dès le 'générique de début’. Le film commence ainsi sur une série de gros plans flous et ondulés d'un cadavre en décomposition. Quoi de plus macabre pour démarrer un thriller ? Coulais évite alors de sombrer dans le macabre à son tour et contourne l'obstacle en optant pour une approche plus subtile, planante, envoûtante et mystérieuse. A la manière de Craig Armstrong sur ‘The Bone Collector’, Bruno Coulais évite quelques stéréotypes habituels des musiques de thriller (gros sursauts de terreur, musique agressive et dissonante, etc.) et nous propose une musique plus atmosphérique et nuancée, une musique qui ne tombe jamais dans les effets chaotiques habituels et évite de souligner la violence, comme c’est souvent le cas dans les musiques de thriller habituelles. En ce sens, la composition de Bruno Coulais pour ‘Les Rivières Pourpres’ s’éloigne donc de tout ce que l’on a pu entendre jusqu’à présent sur des films hollywoodiens de ce genre, et ce même si le compositeur n’innove pas vraiment dans le forme, mais plutôt dans le fond. Le parti pris est osé, et pourtant, Bruno Coulais l’assume avec panache jusqu’au bout.

'Les Rivières Pourpres' débute alors avec une certaine douceur, les sonorités semblant surgir progressivement du néant pour instaurer à l’écran un climat de mystère intrigant, utilisant quelques effets sonores synthétiques (utilisation de loops électro), avec l’orchestre symphonique traditionnel, agrémenté ici de quelques guitares et même une boîte à musique. A noter que cette fascinante atmosphère de mystère est largement accentuée ici par l'utilisation d'une harpe dont les cordes sont jouées en sourdine ou en harmoniques, le son feutré de la harpe renforçant cette couleur envoûtante quasi surréaliste. Comme toujours chez Bruno Coulais, la musique reflète ici un vrai sens personnel de l’orchestration et une réflexion intelligente et pertinente sur le choix de la palette sonore vis-à-vis du sens des images. C’est alors qu’intervient la boîte à musique lorsque l'on aperçoit la voiture de Niémans en train de se diriger vers les lieux du crime, en pleine montagne. La boîte à musique possède une importance capitale tout au long de la musique. Sa couleur enfantine évoque clairement l'intrigue qui mènera les deux policiers à une vérité incroyable - les enfants sont enlevés dans des maternités et élevés pour former un futur groupe d’élite. La boîte à musique renforce ici l’idée de l’énigme au coeur même de cette série de meurtres, véritable fil d’Ariane de la partition de Coulais. L’instrument concerne donc cette intrigue autour de l’enlèvement des enfants mais aussi l'enquête en elle-même, une sorte de façon de détourner (ou de canaliser) les sempiternelles montées de tension que l'on attend habituellement dans une musique de thriller.

'Guernon' illustre l'arrivée de Niemans dans la ville universitaire. L'intrigue est déjà annoncé par la présence de la boîte à musique baignant dans un climat assez sombre, Coulais utilisant essentiellement l'orchestre et quelques petits effets électroniques. Avec 'Les Rivières Pourpres', le compositeur français nous livre ici une vision très personnelle d'une musique de thriller. Moins conventionnelle que les grandes musiques de Christopher Young ou de Jerry Goldsmith pour ce type de production, la musique de Bruno Coulais reflète une vraie qualité d’écriture orchestrale (pupitres de cordes intéressants, cuivres hachés et jamais criards comme chez Marco Beltrami, synthétiseurs soutenant les ambiances de façon plus sporadiques que chez les américains, et surtout, pas de surenchère musicale particulière !). Il serait même d’ailleurs particulièrement intéressant de comparer cette partition avec celles des standards hollywoodiens de la musique de thriller actuels. Récemment, Elia Cmiral composa la musique pour un thriller français, 'Six-Pack'. Mais le style de sa musique correspondait justement aux canons hollywoodiens du genre. Philippe Sarde a signé il y a quelques temps la musique de 'K' d'Alexandre Arcady : c'était totalement différent de ce que l’on pouvait entendre chez les américains. Avec 'Les Rivières Pourpres', on pourrait résumer la démarche de Coulais à une sorte de compromis entre tradition et prise de risque.

'Le Crucifié' est un morceau particulièrement intéressant, pour la séquence où Niémans et Kerkérian (Vincent Cassel) se retrouvent dans une pièce de l'université où ils découvrent le cadavre crucifié d'un responsable de l’établissement (d’où le rapport avec « les rivières pourpres », citation empruntée à la Bible). Le compositeur évite alors de sombrer dans le piège facile des ambiances glauques et soutient une atmosphère plus sombre et nuancée, et ce même si la fin du morceau se conclut de façon plus horrifique. Coulais utilise un accompagnement obstiné et envoûtant d'effets sonores synthétiques pour finalement illustrer la découverte du corps par l’un des rares élans orchestraux plus inquiétants. Mais des morceaux d'action comme 'La Course' ou 'La Poursuite' (repris de 'L'Hélicoptère') sont assez frustrant quand à l’évocation de l’action elle-même. Coulais soigne son écriture orchestrale (excellent contrepoint des cordes avec les cuivres hachés dans 'La Poursuite'), mais à trop vouloir éviter quelques stéréotypes faciles, Coulais finit par oublier qu'il a tout de même à faire à des images de poursuite plus intenses et agressives. Or le problème de ces morceaux, c'est qu'on n’y ressent jamais cette intensité, cette violence. Du coup, leur présence dans ces scènes de poursuite paraît assez inefficace, ce qui est fortement dommage (notons au passage ce thème de cuivres de six notes qui évoque la poursuite).

Thématiquement parlant, la musique des ‘Rivières Pourpres' s’avère être assez pauvre. On pourra reconnaître quelques motifs apparaissant dans les passages de poursuite ou de suspense, mais sans jamais laisser un souvenir particulier. Seule la boîte à musique demeure l'élément le plus mémorable dans ces scènes en question. Mais là où la partition des 'Rivières Pourpres' marque un point, c'est dans la création des ambiances, des atmosphères. En évitant la surenchère à l'hollywoodienne, Bruno Coulais arrive à recréer des ambiances de suspense pur comme 'La Tombe' par exemple, excellente pièce sinistre favorisant une écriture de cordes intéressante multipliant les différents effets instrumentaux avant-gardistes (col legno, glissandi en sourdines, etc.), chose que l’on retrouve aussi dans 'L'Ecole', morceau qui fait progressivement monter la tension au fur et à mesure que l'enquête des deux flics avance (à noter le thème des six notes de passage dans ce morceau situé entre 'La Tombe' et 'Le Glacier'). On pourrait aussi citer 'L'Enfant aveugle' et son accompagnement synthétique qui apporte un climat particulier au début du morceau, se concluant de manière plus tendue. Le principe général que semble avoir appliqué Bruno Coulais ici, c'est celui de la répétition, des ostinatos. C'est le cas dans l'accompagnement sonore du synthétiseur de 'Le Crucifié'. C'est aussi le cas dans 'Le Téléphérique', lorsque Niémans et Kerkérian sont sur le point de découvrir le coupable de tous ces meurtres, en pleine montagne. Le compositeur instaure dès le début du morceau une rythmique obstinée répétée tout au long du morceau, faisant progressivement monter la tension par le biais d’un très large crescendo lorsque les deux policiers se rapprochent enfin de la montagne.

Le très atonal 'Les Chiens' se distingue quand à lui des autres morceaux par ses effets orchestraux horrifiques décrivant la phobie des chiens de Niémans. 'Recherches' est une pièce tendue qui fonctionne une fois de plus ici sur un ostinato composé de cuivres et de col legno de cordes (on joue sur les cordes du violon avec le bois de l'archet que l'on retourne pour produire un son étouffé et sans hauteur de note). Mais c’est sans aucun doute dans 'Le Corps Mutilé' où l'on retrouve l’ambiance la plus sinistre du score des ‘Rivières Pourpres’, avec ces cuivres sombres et une excellente écriture de cordes illustrant la scène macabre de l'autopsie du cadavre vers le début du film. L'album se conclut enfin sur 'L'Envol' pour la fin du film, reprenant la rythmique de 'Le Téléphérique' pour aboutir à une reprise de la première piste introductive du film (à noter qu’ici, Bruno Coulais a rajouté une voix d'enfant discrète que l'on entend dans le mixage du film, mais pas sur l’album !).

En bref, vous l'aurez certainement compris, 'Les Rivières Pourpres' constitue un exercice de style intéressant pour le compositeur français Bruno Coulais, apportant ici sa vision personnelle d’une bonne musique de thriller à la française, un compromis plutôt malin entre des conventions standardisées et un style un peu plus européen d’esprit dans l'écriture globale des morceaux. Attachant beaucoup d'importance à la création d’une ambiance sombre et feutrée, plutôt mystérieuse et particulière, glauque en envoûtante, la musique apporte une ambiance réellement particulière au film de Mathieu Kassovitz. On pourra néanmoins regretter que le compositeur n'ait pas élaboré une thématique plus convaincante pour le film, et ce malgré la présence de quelques motifs très discrets et pas franchement mémorables. Au final, ‘Les Rivières Pourpres’ s’impose donc comme une bien belle surprise, une partition thriller plutôt intéressante et quelque peu audacieuse, à découvrir !



---Quentin Billard