1-Central Services/
The Office 1.41
2-Sam Lowry's 1st Dream/
"Brazil" 2.10*
3-Ducts 0.42
4-Waiting for Daddy/
Sam Lowry's Wetter Dream/
"The Monoliths Erupt" 3.00
5-Truck Drive 1.15
6-The Restaurant
(You've got to say
The Number) 1.34
7-Mr Helpmann 1.14
8-The Elevator 0.45
9-Jill Brazil/Power Station 2.07
10-The Party (Part 1)/
Plastic Surgery 1.03
11-Ducting Dream 1.53
12-Brazil 3.26**
13-Days & Nights in Kyoto-
The Party (Part 2) 1.18
14-The Morning After 1.46
15-Escape ? 1.03
16-The Battle 4.30
17-Harry Tuttle - "A Man
Consumed by Paperwork" 1.50
18-Mothers Funeral/
Forces of Darkness 1.44
19-Escape ! No Escape ! 2.26
20-Bachianos Brazil Samba 2.51

* vocal by Kate Bush
** featuring Geoff Muldaur

Musique  composée par:

Michael Kamen

Editeur:

Milan Records 74321 11124-2

Arrangements de:
Michael Kamen
Coordinateur de la musique:
Ray Cooper
Musique produite par:
Michael Kamen
Producteurs de l'album pour
Milan Records:
Ian P.Hierons
"Brazil" par Ary Barroso
aka "Aquarella do Brasil"
publié par "Latin-American
Music Publishing Co.ltd."

Artwork and pictures (c) 1992 Universal Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
BRAZIL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Michael Kamen
Sans aucun doute l’un des plus grands succès public de toute la carrière de l’inénarrable Terry Gilliam (ex- Monty Python), « Brazil » met en scène l’acteur Jonathan Pryce dans le rôle de Sam Lowry, un modeste employé de bureaux qui travaille pour le Ministère de l’information dans une mégapole étrange, à l’intérieur d’un monde rétro-futuriste totalitaire. Entre une mère envahissante et un patron tyrannique, Sam Lowry mène une existence bien terne, d’autant que chaque nuit, il fait le même rêve étrange : avec les ailes d’Icare, il s’envole et recherche une mystérieuse jeune femme blonde inaccessible. Mais un jour, une très belle femme, Jill Layton (Kim Greist), surgit brusquement dans sa vie. Avec la traque d’un chauffagiste renégat, Harry Tuttle (Robert DeNiro), un escroc recherché par les autorités locales, c’est au tour de Buttle de prendre sa place au Service des Recherches. C’est alors que Buttle meurt dans des conditions obscures. Sam Lowry est alors désigné pour prendre sa place. Il sait en réalité que la belle Jill habite juste au dessus de la famille du défunt Buttle. En réalité, Sam se sert de tout cela comme prétexte pour tenter de retrouver la femme de ses rêves. Véritable film culte des années 80, « Brazil » parle ainsi de l'évasion, de l’évasion salvatrice et libératrice dans le monde des rêves pour quitter un univers devenu froid, cynique, tyrannique et complètement déshumanisé, envahi par une administration aux ramifications sans fin. Terry Gilliam égratigne au passage les dérives d’une administration labyrinthique devenue véritablement cauchemardesque et écrasante. « Brazil » est un film étrange, redoutablement fantaisiste, servi par une mise en scène inspirée et inventive, et des effets spéciaux tout bonnement grandioses pour l’époque. Terry Gilliam nous livre pour son troisième long-métrage en solo (après « Jabberwocky » en 1977 et « Time Bandits » en 1981) l’un de ses films les plus étranges et les plus surréalistes, inspiré d’auteurs divers comme Kafka, George Orwell (« Brazil » fait clairement référence au classique de la littérature d’anticipation « 1984 »), Stanley Kubrick, Fritz Lang (les références à « Metropolis »), Alfred Hitchcock, etc. A noter pour finir que « Brazil » est aussi connu pour son célèbre conflit qui opposa Terry Gilliam à Sidney Sheinberg, l’un des producteurs du film à la tête d’Universal à l’époque. Le conflit aboutit à trois versions différentes du film, la version européenne de 142 minutes étant considérée comme définitive par le réalisateur lui-même. Quand au conflit avec Universal, il fut relaté dans un documentaire intitulé « The Battle of Brazil ».

Terry Gilliam a choisi Michael Kamen pour écrire la partition orchestrale fantaisiste et inventive de « Brazil ». La musique du film se base essentiellement sur le célèbre thème de la chanson populaire « Brazil » d’Ary Barroso datant de 1939 et qui a inspiré au cinéaste le titre de son film, chanson que Michael Kamen a adapté au sein même de sa propre partition, une idée originale parfaitement intégrée dans le score du film. Le thème de Brazil évoque clairement l'idée du rêve, de l'évasion, l'idée utopiste d'un pays où tous les gens seraient libres et heureux. C'est ainsi que Sam Lowry sifflote cet air à la fin du film, alors qu'il a enfin trouvé le bonheur après ses retrouvailles avec Jill, la femme de ses rêves. On retrouve les différents aspects du film à travers la musique de Michael Kamen : les péripéties de Sam Lowry, les passages plus sombres et agités dignes des plus grands thrillers, l'histoire d'amour entre Sam et Jill et bien sûr, les moments purement fantaisistes. « Central Service/The Office » commence ainsi sur le générique de début délirant du central des services dans un style de musique imitant les jingles de spot publicitaire des années 80, et ce avant d'enchaîner sur ce que l'on pourrait appeler la danse des dactylos - un morceau devenu très populaire par la suite dans les médias. A noter par exemple que les producteurs de la célèbre émission humoristique française « Les Guignols de l’Info » sur Canal + ont utilisé cette musique dans plusieurs de leurs sketchs. Le même morceau a aussi été utilisé par la suite dans la bande-annonce du film « Being John Malkovich ». Kamen a crée ici un ostinato rythmique trépidant à partir des bruits de machine à écrire sur un accompagnement dansant et syncopé, évoquant clairement l'enfer administratif vu sous un angle fantaisiste et ironique, dénonçant par un sens aigu de la dérision le caractère grotesque et démesuré d'une machinerie administrative monstrueuse.

C’est la chanteuse Kate Brush qui interprète la chanson de Brazil dans la deuxième plage de l'album après le dialogue de Ian Holm qui interprète Kurtzmann, le bureaucrate stupide qui n'arrête pas d'appeler Sam Lowry partout dans les couloirs. A noter cependant que cette version n’a finalement pas été retenue pour le film, mais on pourra quand même l’apprécier sur l’album de Michael Kamen. Le compositeur saisit ainsi sa chance d’offrir à « Brazil » une variété d’ambiances musicales tout bonnement épatante, passant d’un style symphonique impressionniste à la Maurice Ravel à des passages plus sombres sans oublier les morceaux pop et les pièces jazzy du plus bel effet : un vrai sens de la fantaisie et de l’inventivité qui rejoint clairement la richesse visuelle de l’univers du film de Terry Gilliam, le tout enveloppé dans une certaine forme d’humour et de dérision propre au compositeur. Dans « Ducts », on retrouve encore le jingle publicitaire de « Central Services », tandis qu’on pourra apprécier la très belle partie de saxophone solitaire dans « Waiting for Daddy ». Puis, le grand Michael Kamen se dévoile alors dans « Truck Drive », morceau d'action superbement orchestré et particulièrement agité, déchaînement orchestral massif illustrant la scène où Sam tente de rattraper le camion de Jill par tous les moyens.

On change ensuite totalement de registre pour la musique jouée durant la scène du restaurant avec la mère de Sam, une pièce jazzy cool pour clarinette et pupitre de saxophones. « Jill Brazil » attribue quand à lui le thème de la chanson-clé du film au personnage de Jill, la mélodie évoquant concrètement cette quête de liberté qui devient très vite pour le héros une quête d'amour (et de rêve). Dans le sombre « Ducting Dream », on retrouve toute la fantaisie parfois plus inquiétante du film de Terry Gilliam avec un orchestre particulièrement tendu et dissonant dans lequel Kamen mélange des sons électroniques étranges afin d’apporter plus de poids au rêve de Sam. A noter enfin une autre variante du thème de « Brazil » (piste 12 de l’album) par Geoff Muldaur, la mélodie sifflée étant ici suivie par la guitare. La partition continue de plus belle et fait monter la tension d’un cran pour la dernière partie - plus spectaculaire - du film. Ainsi, « Escape ? » illustre clairement le désir d'évasion de Sam tandis que « The Battle » commence de manière très agitée alors qu'une bataille féroce s'engage, permettant à Sam de prendre la poudre d'escampette. Michael Kamen déchaîne son orchestre dans un véritable déluge d’hymnes à l'évasion (cuivres héroïques, percussions martiales puissantes, etc.), un morceau d’action tonitruant à souhait et particulièrement prenant, à la fois héroïque et brutal, qui cite à l'occasion le poème symphonique opus 40 « Une vie de héros » de Richard Strauss - autre référence classique incontournable dans la partition de Michael Kamen, qui a toujours pris l’habitude de citer avec brio - et souvent avec humour - des oeuvres classiques dans la plupart de ses grandes partitions (« Die Hard », « Last Action Hero », etc.).

Cette écriture orchestrale plus massive et Straussienne aboutit enfin au puissant « Harry Tuttle- A Man Consumed by Paperwork » (allusion au rythme de la pièce d'ouverture de la danse des dactylos) pour la scène où Tuttle, qui a permis à Sam de s'échapper, meurt étouffé sous des tonnes de papiers qui lui tombent dessus et le recouvrent entièrement de la tête aux pieds - une mort symbolique, comme pour suggérer que le système administratif a été plus fort que lui et qu'il a réussi à le 'dévorer'. Toute la partie accompagnant l'évasion finale de Sam permet enfin à la musique de Michael Kamen d’atteindre un véritable climax de tension. En ce sens, le compositeur fait preuve dans « Mothers Funeral/Forces of Darkness » d’une très grande maîtrise de son écriture orchestrale, baignant ici dans une atmosphère plus sombre, puissante voire même surréaliste, suggérant clairement la sensation de nager en plein cauchemar. « Escape ! No Escape ! » développe quand à lui la partie consacrée à l'évasion finale de Sam en maintenant encore une fois une écriture orchestrale à la fois brillante, brutale et déchaînée. Notre héros réussit enfin à s’évader et accomplit son rêve, aboutissant dans le film à un ultime rappel salvateur du thème de Brazil interprété ici par un violon soliste, comme pour ramener la paix dans l’esprit de Sam Lowry.

Outre son aspect fantaisiste, son éclectisme et son mélange de genres musicaux (la musique consacrée à la fête, « The Party Part 1 » et « Days and Nights in Kyoto-The Party Part 2 » sont très différents du style orchestral des autres morceaux), c'est ici l'utilisation du thème de Brazil que manie Michael Kamen tout au long de son oeuvre qui attirera plus particulièrement notre attention. Le compositeur joue brillamment avec ce thème tout au long de son oeuvre, le remodelant sans cesse pour le développer et l'adapter suivant les circonstances. Dans la danse des dactylos qui ouvre le film, Michael Kamen n'en conserve que le rythme initial sous une forme lente dans le but d'évoquer à contrario de ce que signifie la chanson l’idée de l'aliénation par le travail administratif. C'est la raison pour laquelle la mélodie de Brazil n’est jamais entendue entièrement au début du film, comme pour suggérer le fait qu'il manque alors quelque chose au héros mais que son désir est néanmoins bien présent. Hormis les versions vocales proposées sur l’album (Kate Bush ou Geoff Muldaur entre autre), Michael Kamen nous propose aussi quelques versions parfois plus douces ou au contraire bien plus enjouées et dansantes, comme c'est le cas pour le superbe générique de fin qui aboutit à une ultime reprise de Brazil sous sa forme originelle de samba brésilienne délirante dans « Bachianos Brazil Samba », et ce alors que Sam Lowry s’est enfin plongé dans son rêve, heureux d’avoir enfin pu trouver la liberté au fond de son esprit. Michael Kamen propose ainsi un intéressant travail de variation autour de ce thème qu'il a emprunté mais qui semble vraiment être bel et bien au coeur de la partition du film de Terry Gilliam. La musique de Michael Kamen nous permet ainsi de retrouver toute l'atmosphère étrange et fantaisiste de « Brazil ». Cette partition reste encore aujourd'hui l’oeuvre la plus inventive et la plus mémorable de Michael Kamen, une partition musicale en adéquation parfaite avec le film qu’elle illustre !



---Quentin Billard