1-Descent/Opening/Part Animal 4.10
2-Two Minutes/Princess 5.46
3-Meeting/Carousel Part 2 3.27
4-No Answer/Not a Dream/
Little Pain 4.44
5-Post Coital/Positive/Fried 2.58
6-Resignation/Escape/
Subway/Followed 6.22
7-Fun/Self-Storage White/
Joys of Parenting/Back-Up 6.16
8-Kyrie/Baptismus/Benedictus 7.07

Musique  composée par:

George S. Clinton

Editeur:

Sire Records 31084-2

Album produit par:
George S.Clinton
Montage musique:
Mike Flicker

Artwork and pictures (c) 1999 New Line Cinemas. All rights reserved.

Note: ****
THE ASTRONAUT'S WIFE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by George S. Clinton
« The Astronaut's Wife » (Intrusion) de Rand Ravich est un sympathique thriller/fantastique sur fond de tension psychologique et de paranoïa. Johnny Depp incarne avec brio l'astronaute Spencer Armacost parti en mission dans l'espace, laissant sa femme Jillian (Charlize Theron) sur terre. C’est alors que la NASA perd soudainement le contact pendant deux minutes avec Spencer et son collègue. Ils finissent par rétablir la communication avec les deux astronautes et reviennent tous deux sur terre, bousculés et bouleversés. Malheureusement, ce n’est pas son mari bien aimé que Jillian retrouve mais un individu complètement changé, au comportement énigmatique et inquiétant. L’existence de la jeune femme va finalement basculer dans le cauchemar le jour où elle apprendra qu’elle est enceinte de deux jumeaux. « The Astronaut’s Wife » repose donc sur l'intrigue suivante : que s'est-il donc passé pendant ces deux minutes où la NASA a perdu le contact avec Spencer dans l’espace ? La mise en scène de Rand Ravich demeure intéressante d’un bout à l’autre du film, car, sans révolutionner le genre du thriller, le film repose sur une incroyable montée de tension constante et un climat psychologique parfois troublant, entre paranoïa et angoisse. On regrettera le fait que le film semble piocher à droite à gauche pour bâtir son histoire - on pense notamment à « Alien », « Invasion of the Body Snatchers » ou « Rosemary’s Baby », dont le film de Rand Ravich semble s’inspirer massivement ! - mais on appréciera au final le suspense haletant de cette sympathique série-B assez prenante, servie par l’interprétation sans faille du duo Johnny Depp/Charlize Theron.

Le compositeur George S.Clinton s’est fait connaître dans les années 90 avec des musiques de film aussi diverses que « Mortal Kombat », « Austin Powers », « Black Dog » ou bien encore « Wild Things ». Avec « The Astronaut's Wife », le compositeur utilise un mélange assez habile entre l'orchestre symphonique traditionnel, une pléiade de samples synthétiques expérimentaux et d’impressionnants choeurs féminins incluant une voix féminine soliste, illustrant dans le film le personnage de Jillian (la très belle Charlize Theron) au centre de l’intrigue du film. Les voix féminines évoquent donc l’héroïne du film et sa descente aux enfers. Elles sont à la fois le reflet de la beauté de cette jeune femme, mais aussi de ses angoisses profondes et de sa peur d’un mari qu’elle ne reconnaît plus. Clinton poursuit son exploration musicale autour du personnage de Charlize Theron et nous offre un très beau « Love Theme » pour la relation entre Spencer et Jillian, un thème romantique qui retiendra toute notre attention dans un premier temps, au début du film. Le dit thème décrit l’harmonie touchante qui unit le couple à travers une mélodie confiée à un piano délicat sur fond de cordes résolument romantiques.

Tout le talent de George S. Clinton sur « The Astronaut’s Wife » est d'avoir su transformer et défigurer ce thème lors du retour de Spencer sur terre. L'idée est on ne peut plus simple : Spencer a changé, il semble ne plus être le même, il est devenu quelqu'un d'autre. C'est ce que Clinton veut représenter à son tour à travers les multiples transformations de son thème. La mélodie se détache progressivement de son caractère intime et romantique, pour aboutir petit à petit à un thème plus sombre et menaçant. Le piano reste omniprésent pour rappeler qu’il s’agit du personnage de Spencer, mais à l’écoute des premières notes du thème dans le reste du film, on s’attendrait presque à retrouver ce thème romantique sans que cela n’arrive jamais ! Ce concept fort intéressant prend une plus grande ampleur lors de nombreuses montées de tension plus agressives et dissonantes. George S. Clinton gère parfaitement ses différentes textures sonores, les synthétiseurs étant utilisés ici de manière habile sans jamais alourdir la musique du film (et ce même si le score bascule par moment dans du sound design un peu fastidieux à l’écoute !). L'orchestre reste très présent tout au long du film mais c'est l'emploi des synthétiseurs et des choeurs qui apportent ici une dimension sonore réellement imposante à l’écran. Les voix renforcent le caractère fantastique de l'histoire, ainsi que son côté humain. De temps à autre, une voix féminine soliste est là pour évoquer le personnage de Jillian. A noter l’emploi d’un effet sonore électronique particulièrement intéressant dans certaines scènes de suspense du film, un son qui n’est pas sans rappeler certaines sonorités glauques utilisées par Harry Gregson-Williams dans son score pour le film « Liar (Deceiver) ». On retrouve par moment dans « The Astronaut’s Wife » ce type de sonorités glauques et inquiétantes qui renforcent parfaitement la sensation de malaise tout au long du film.

La musique de George S. Clinton est donc là pour nous suggérer clairement que quelque chose ne tourne pas rond. Les cordes prédominent dans les passages à suspense plus glauques, jouant bien souvent en staccatos agressifs. Les montées de tension prennent ensuite une toute autre ampleur alors que Reese (Joe Morton), l'un des scientifiques de la NASA, essaie de faire comprendre à Jillian qu'il s'est passé quelque chose de grave pendant ces deux fameuses minutes dans l’espace. Les morceaux de terreur nous sautent dessus aux moments propices, comme pour cette scène où Jillian apprend la terrifiante révélation au sujet de son mari. Puis, la musique prend une tournure clairement oppressante lorsque la jeune femme apprend la nature réelle des jumeaux qu'elle attend, la musique se laissant progressivement envahir de nappes sonores sombres, inquiétantes et menaçantes. La partition de Clinton véhicule parfaitement cette sensation de malaise tout au long du film, le compositeur ayant d’ailleurs essayé de s'éloigner des conventions d'écriture habituelles pour aboutir à un travail de recherche sonore fort intéressant - les sonorités électroniques glauques et déformées rappelant par moment le score synthétique d’Akira Yamaoka pour le jeu vidéo « Silent Hill » sorti à la même époque (un must dans le genre !), le tout structuré autour d’un croisement régulier entre orchestre, synthétiseurs et choeur aux sonorités froides et parfois déshumanisées. Evidemment, les morceaux d'action/terreur font appel au lot habituel de percussions synthétiques endiablées comme pour la scène du métro ou celle de la « fausse » scène d’amour qui vire au cauchemar. Avec un mixage savamment dosé, le compositeur arrive à jouer sur ses différents effets sonores qui se mélangent continuellement avec les bruitages et les sonorités du film - brouillant parfois les pistes, la frontière entre les sonorités musicales et celles du film devenant de plus en plus floue, le but étant d’instaurer ici sentiment de malaise constant et troublant, une sorte de sentiment de perte de repères. La musique de Clinton plonge progressivement dans le cauchemar, aboutissant à une conclusion quasi-religieuse avec le « Kyrie/Baptismus/Benedictus » qui résonne de façon troublante pour la scène finale, avec ses choeurs en latin quasi apocalyptiques.

Vous l'aurez donc compris, « The Astronaut's Wife » est une excellente partition thriller signée George S. Clinton, qui nous offre pour le film de Rand Ravich une partition tour à tour mystérieuse, angoissante, oppressante, mélancolique et envoûtante. Dommage cependant que l’ensemble bascule à plusieurs reprises dans le sound design dissonant un peu facile, même si la présence d’un thème principal transformé et développé tout au long du film suffit à maintenir l’attention à l’écoute de cette partition plutôt chargée. Il ne fait donc nul doute que le score de « The Astronaut's Wife » devrait offrir une bonne carte de visite au compositeur dans le registre de la musique de suspense. George S. Clinton a parfaitement sut retranscrire l'ambiance de peur, de tension et de trouble psychologique du film. Les amateurs apprécieront sans aucun doute cette partition atmosphérique troublante et envoûtante, à réserver cependant aux initiés !



---Quentin Billard