'The River' (La Rivière) de Mark Rydell décrit les conditions de vie souvent rudes et difficiles des paysans américains du nord. Ici, c'est le couple Mel Gibson/Sissy Spacek qui incarne une famille de paysans qui va se retrouver confronté à un problème d'envergure: le projet de construction d'un barrage pour une centrale hydraulique dans la vallée où se situe sa ferme.

En 1984, alors qu'il compose une de ses plus brillantes partitions de cinéma, 'Indiana Jones and The Temple of Doom', John Williams écrit le score intime et dramatique de 'The River'. Utilisant un orchestre avec une guitare soliste et une flûte, Williams arrive parfaitement à évoquer l'unité et la chaleur forte véhiculée dans cette famille qui s'unis et se bat pour préserver sa terre. Axant sa partition autour de deux thèmes principaux, Williams construit un climat intime qui évoque tout d'abord le contexte du film (le son très 'americana' de la guitare) puis la famille de Tom Garvey (Mel Gibson) et les moments difficiles qu'il doit traverser lui et sa famille. 'The River' est une partition intimiste qui nous fait passer très vite d'émotions en émotions. Sans jamais en faire de trop, c'est un score simple qui montre que Williams n'est pas simplement le compositeur des fanfares cuivrées à la 'Superman' ou 'Indiana Jones' mais qu'il est aussi capable de s'affirmer comme un musicien subtil abordant une composition minimaliste et intimiste tout en retenue.

Le 'Main Title' du film s'ouvre sur la guitare et la flûte soliste sur fond de cordes graves. Ce motif de flûte illustre les moments plus dramatiques de la famille de Tom, comme par exemple lorsque ce dernier doit travailler dans une usine dans des conditions terribles et éprouvantes, séparé de sa femme et de ses enfants pendant quelques mois. Le second motif, qui se trouve être le thème principal, repose sur deux petites parties: la première est un motif de guitare/cordes assez enjoué, la seconde partie du thème étant une mélodie plus tendre de hautbois sur fond de cordes et qui évoque clairement la douceur de la chaleur familiale (et plus loin la solidarité qui unira les paysans pour aider Tom à sauver sa terre). Ces deux thèmes assurent déjà à eux seul l'atmosphère émotionnelle du score.

Williams affiche des moments dramatiques et sombres, comme lorsque le fils de Tom fait ses adieux à son voisin, où lorsque Tom retrouve sa femme après son infernal travail à l'usine. Mais ce sont les moments de gaieté qui sont les plus intéressants. Lorsque Tom revient à la ferme, l'orchestre devient alors entraînant. Cordes, vents, tous les instruments convergent vers des rythmes plus enjoués pour illustrer les retrouvailles de Tom avec sa femme et ses deux enfants, des moments de gaieté que l'on retrouve dans d'autres passages du film et qui illustre souvent aussi le plaisir de vivre dans la nature et ce malgré la vie difficile de paysan - belles illustrations musicales de certains plans avec un coucher de soleil par exemple, ou moments musicaux enjoués dans les champs de maïs lorsque toute la famille se retrouve pour admirer le résultat des cultures.

L'élément le plus touchant de la partition de 'The River' reste sans conteste le thème principal. Sa construction en deux parties bien distinctes tend à évoquer la double facette du film: une histoire sur la solidarité et la chaleur qui unit une famille mais aussi l'amour qui unit fortement le couple Tom/Mae (interprétation très touchante de Gibson et Spacek dans leurs rôles respectifs), une idée qui ressort plutôt dans la deuxième partie plus mélodique du thème (avec le hautbois et les cordes). On notera d'ailleurs pour la première apparition du thème principal (au début du film pour la scène du tracteur renversé et de l'inondation) la façon dont Williams affirme ce thème en utilisant une batterie inattendue pour la séquence mais qui donne une certaine force à la scène évoquant la famille qui s'unit dans l'effort pour combattre l'inondation (cet emploi de batterie au sein de l'orchestre se retrouvera plus tard dans 'Setting The Trap' de 'Home Alone'), tout comme lorsque Williams illustre de manière forte la scène de fin où les paysans se montrent solidaires avec Tom en venant l'aider à bloquer l'inondation qui menace sa culture et sa ferme (l'orchestre est majestueux, l'idée de solidarité ressort très bien dans ce passage).

'The River' contient des moments réellement intimes (discussion entre Tom et Mae après le retour de l'usine, Williams utilisant ses fameux sons cristallins que l'on retrouve dans 'Always', 'Home Alone', 'Jurassic Park', 'Far & Away', etc.) ainsi que des moments plus sombres ou plus dramatiques (passages difficiles à l'usine, lorsque Mae se retrouve seule avec ses deux fils à la ferme, etc.) et des moments plus touchants et réellement enjoués (l'amour qui unit la famille dans l'effort et le travail). Munis de deux thèmes intéressants avec un thème principal bien mis en avant, Williams retrace cet épisode de la vie de paysans américains (présence très appuyée de la guitare) de manière modeste, intime et sans effets dramatiques superflus. Evidemment, on pourra peut être reprocher à 'The River' de manquer un peu d'ambition et d'originalité dans ses idées musicales. Toujours est il que ceux qui ne connaissent que le John Williams des 'Star Wars' ou de 'Superman' feraient bien de se tourner vers ce style de partition plus intime, plus minimaliste et retenue!


---Quentin Billard