Suivant de très près la trace de 'Under Siege' et 'The Fugitive', Andrew Davis renoue avec le film d'action/thriller à l'ancienne pour 'Chain Reaction' (Poursuite), dans lequel il place un sympathique duo Keanu Reeves/Rachel Weisz dans la peau de deux jeunes scientifiques accusés d'un meurtre qu'ils n'ont pas commis, obligés de fuir à travers une bonne partie des Etats-Unis pour tenter de découvrir qui les manipule. Tout part d'une surprenante découverte scientifique dirigée par un certain professeur Alistair Barkley (Nicholas Rudall), un homme idéaliste et rêveur, qui a réussi à découvrir une nouvelle source d'énergie non polluante et écologique, avec l'aide de son équipe de jeunes scientifiques de l'université de Chicago. Eddie Kasalivich (Keanu Reeves) travaille au labo de Barkley en tant que mécanicien, tandis que sa collègue Lily Sinclair (Rachel Weisz) est une physicienne importante pour l'expérience. Alors qu'ils viennent de fêter le récent succès de leur découverte, les deux jeunes scientifiques ignorent encore tout de ce qui les attend: le professeur Barkley est assassiné, tandis que son laboratoire explose, vaporisant au passage près de 8 pâtés de maisons. Pour finir, l'un des scientifiques, Lu Chen (Tzi Ma), disparaît mystérieusement. Lorsqu'Eddie apprend au FBI qu'il était arrivé sur le lieu du crime peu de temps avant l'explosion, la police ne tarde pas à le soupçonner de meurtre. Obligé de fuir, il entraîne alors avec lui sa collègue Lily, afin de prouver leur innocence. Manifestement, quelqu'un en voulait à l'expérience de Barkley. Ils ne sont pas au bout de leurs surprises! En somme, 'Chain Reaction', c'est un peu 'The Fugitive', sauf que cette fois-ci, les fugitifs sont deux, avec, pour couronner le tout, une intrigue écologique qui parle de la découverte révolutionnaire du potentiel énergétique de l'eau. On retrouve ici le style habituel des films d'action 'à l'ancienne' d'Andrew Davis: courses poursuites haletantes, fusillades, séquences à suspense archi conventionnelles, personnages sans personnalités, scénario minime, rebondissements téléphonés et prévisibles, etc. En somme, un film d'action ultra routinier, typiquement hollywoodien, avec un casting sympathique mais un scénario assez mince, qui ne sert ici que de prétexte à une sorte de resucée de 'The Fugitive', version écologique. Un Andrew Davis en petite forme sur un film d'action ultra stéréotypé et assez insipide.


Fidèle abonné des productions d'action/séries-B de bas étages, Jerry Goldsmith nous livre sur 'Chain Reaction' un score d'action sans surprise, mais d'une efficacité toujours aussi redoutable sur les images du film. On retrouve dans 'Chain Reaction' toutes les formules habituelles des partitions action du maestro: utilisation de synthétiseurs et de rythmiques électroniques, orchestration favorisant les cordes, les cuivres divers (avec trombones et trompettes en sourdine), les percussions, thèmes parfaitement développés, etc. La thématique possède une place majeure dans le score de Goldsmith, puisque c'est grâce à elle que le maestro va articuler sa musique sur les différentes sections du film. Ainsi, 'Meet Eddie' ouvre le film avec le sympathique thème d'Eddie, le héros du film. Un hautbois annonce d'emblée la tête du thème principal, un petit motif de 6 notes que va développer par la suite le compositeur sous la forme d'un plus long thème décrivant la solitude des héros dans cette course poursuite haletante. C'est la trompette qui s'empare du thème, soutenu par une petite rythmique électronique et quelques cordes. Rien de bien mémorable en soi, mais la preuve que Goldsmith est toujours très fort lorsqu'il s'agit de trouver des thèmes forts et parfaitement développés dans ses partitions. 'Meet Eddie' se veut à la fois mélancolique (une caractéristique du thème principal) et rassurant (speech écologique du professeur au début du film). Niveau électronique, on notera l'utilisation parfois un peu superflue de samplers de quelques notes de guitares électriques qui viennent donner un côté plutôt 'cool' au héros, tout en rappelant le contexte technologique de cette intrigue de conspiration. Comme d'habitude, on peut compter sur le maestro pour savoir comment définir en musique toutes les caractéristiques du film qu'il accompagne en musique.

Bien que se trouvant vers le milieu du film, 'Assassins' - deuxième piste de l'album - décrit la séquence où deux tueurs tentent de supprimer Eddie et Lily dans la maison où ils se sont réfugiés. Si l'action débute très rapidement dès la séquence de la destruction du laboratoire et de l'excellente poursuite sur le pont (morceau honteusement absent de l'album Varèse - comment est-il possible que le compositeur ait accepté de ne pas inclure l'un des meilleurs morceaux d'action du score de 'Chain Reaction'?), 'Assassins' est le premier morceau d'action que nous donne à entendre l'album de Varèse. Le maestro soutient le suspense avec ses habituelles cordes dissonantes et tendues et quelques rythmiques électroniques légères. A noter ici l'utilisation des timbales et de quelques percussions électroniques typiques du compositeur (on pense parfois ici à 'City Hall') lors de la séquence de l'affrontement contre les deux tueurs. Le thème d'Eddie (accompagné ici de la guitare électrique toujours très envahissante) reste très présent, comme une sorte de balise musicale décrivant le parcours du personnage pour prouver son innocence (d'où, peut-être, une série de développements du thème parfois très houleux), avec l'aide de sa jeune collègue. 'Open Minds' décrit de manière plus paisible la séquence de la découverte au début du film, Goldsmith reprenant pour l'occasion le thème de trompette d'Eddie de manière plus sereine.

Le deuxième meilleur morceau d'action est, fort heureusement, présent sur l'album. Il s'agit de 'Ice Chase', superbe pièce d'action décrivant la poursuite frénétique sur la glace. Goldsmith fait monter très vite la tension avant de nous faire découvrir son thème d'action (déjà présent depuis la séquence de la poursuite du pont), un thème syncopé que Goldsmith reprendra pour l'occasion dans 'Air Force One' (cf. 'The Parachutes' par exemple). Tout à fait typique de ce que le maestro californien écrit pour les films d'action, 'Ice Chase' est une nouvelle démonstration du savoir-faire orchestral du compositeur, qui, à l'occasion, n'hésite pas à reprendre un motif déjà composé pour 'Executive Decision', et très souvent entendu à la trompette (dans 'Executive Decision', ce motif intervenait dans les principaux moments de suspense du score). Comme d'habitude, Goldsmith nous prouve qu'il sait développer à merveille ses motifs. Ici, le thème d'action est développé de manière continue, créant une sorte de dialogue musical avec les images de cette séquence de poursuite frénétique, pour ce qui est, incontestablement, l'un des plus excitants morceaux d'action du score.

Plus sombre et moins intéressant, 'No Solution' propose quelques mélanges orchestre/synthé tout à fait caractéristique du compositeur pour la séquence où Eddie s'introduit dans les labos de 'C-System' à la fin du film. 'System Down' fait alors monter la tension pour la séquence de l'évacuation du laboratoire, Goldsmith utilisant au passage des percussions électroniques à sonorité plus métalliques, rappelant une fois encore l'idée de la technologie au coeur de la conspiration du film. L'action atteint un climax dans l'excitant 'Open Door', lors de la fuite finale d'Eddie et Lily hors des Q.G de 'C-System'. 'Open Door' nous propose un sympathique récapitulatif des principales idées de Goldsmith sur la partie 'action' de 'Chain Reaction' (percussions métalliques/timbales, guitares électriques, cuivres agités, thème d'action développé, etc.). A noter une partie syncopée au piano vers la fin du morceau, qui n'est pas sans rappeler certaines pièces de Bartok, un compositeur qui a très souvent influencé Goldsmith dans ses partitions d'action. Finalement, 'Out Of The Hole' vient conclure le film sur une note plus optimiste et heureuse, Goldsmith reprenant le thème d'Eddie dans un final triomphant, une sorte de paix retrouvée.

Voilà bien un score d'action tout à fait routinier de la part d'un Jerry Goldsmith que l'on a connu autrefois plus inspiré. Comme d'habitude, le maestro californien fait bien son boulot, accompagne le film et ses différentes idées à la perfection, mais manque de nous convaincre totalement, faute d'idées plus originales et recherchées. Goldsmith commence à se répéter (on sent l'influence ici de 'City Hall' et 'Executive Decision'), recycle les formules habituelles du genre et semble parfois tourner en rond. En tant que musique de film, 'Chain Reaction' fonctionne parfaitement dans le film, mais en écoute isolée, on en reste un peu sur notre faim. Bilan: un score d'action sympa sans plus, à réserver en priorité aux inconditionnels du compositeur!



---Quentin Billard