1-New York City 2.56
2-Prelude 4.32
3-Taxi Ride 1.31
4-Amelia's Song 3.23
5-Race against Time 2.27
6-Walking The Grid 2.31
7-Working The Evidence 2.04
8-Seizure 2.23
9-Rhyme and Amelia's
Love Theme 3.00
10-Mackenzie 3.50
11-Amelia's Crisis 4.13
12-Pier Pressure 5.07
13-Underground 2.29
14-Final Confrontation 4.02
15-The City Awakens 2.48
16-New York City
(Orchestral Version) 2.52

Musique  composée par:

Craig Armstrong

Editeur:

Decca Records 466-804-2

Album produit par:
Craig Armstrong
Montage musique par:
Joe E.Rand

Artwork and pictures (c) 1999 Universal/Columbia Pictures. All rights reserved.

Note: ****
THE BONE COLLECTOR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Craig Armstrong
Une fois encore, Hollywood nous offre un thriller mis en scène sans intérêt et sans imagination ! L’australien Phillip Noyce, réalisateur d'un pourtant très réussi « Dead Calm » (Calme Blanc), signe avec « The Bone Collector » un thriller plat et lisse qui ne se hissera malheureusement jamais au dessus de la norme hollywoodienne habituelle d’un genre toujours autant cloisonné dans les clichés. Denzel Washington y interprète Lincoln Rhyme, un ex-criminologue quadriplégique paralysé à vie suite à un accident, et qui se retrouve mêlé malgré lui à une nouvelle série de meurtres. C’est alors qu’on lui adjoint les services d’Amelia Donaghy (Angelina Jolie), une jeune recrue qui va devenir ses yeux et ses jambes au cours de cette enquête difficile. Ensemble, les deux individus vont devoir analyser les indices laissés par le serial killer afin de comprendre où et quand auront lieu les prochains meurtres. Denzel Washington et Angelina Jolie forment un très bon duo dans le film, avec une intrigue de traque au serial killer plus que classique, dans la veine d’un « Silence of the Lambs » ou d’un « Se7en », auquel on compare souvent (à tort !) « The Bone Collector ». Ici, le dénouement s’avère être plus que prévisible, et le suspense bien entretenu mais sans réelle surprise particulière. A noter cependant que les scènes de meurtre sont d’une violence parfois étonnante pour une production hollywoodienne aussi calibrée !

Pour son premier solo sur une grosse production hollywoodienne, le compositeur Craig Armstrong, totalement inattendu sur ce projet, a écrit pour « The Bone Collector » une musique que l'on pourrait qualifier de hautement atmosphérique. Atmosphère semble être le meilleur terme pour décrire en un mot la musique d’Armstrong pour le thriller de Phillip Noyce, mais une atmosphère bien personnelle, bien particulière. Craig Armstrong est un compositeur un peu à part, éloigné du système hollywoodien. Le musicien affirme lui-même qu'il n'aime pas les clichés. Avec « The Bone Collector », Armstrong souhaitait par-dessus tout ne pas rentrer dans le jeu de la musique de thriller codifiée pour la simple et bonne raison qu'il déteste lui-même la violence et pense que la musique n'a nullement besoin de la souligner. Ainsi donc, la partition de « The Bone Collector » est une musique assez surprenante, différent de ce que l'on pourrait attendre sur ce type de film. A aucun moment la musique ne devient véritablement glauque ou terrifiante dans le film ! En revanche, le compositeur a conçu son oeuvre comme une musique dramatique et tragique, une musique envoûtante et profondément mélancolique qui grandit en nous au fil des écoutes. Les habitués des bonnes musiques de thriller de l'école des Young ou des Goldsmith seront sans aucun doute déroutés au début car « The Bone Collector » est loin de ressembler aux oeuvres des maîtres du genre. Le score de Craig Armstrong s’apparente à une description musicale tragique d'un périple sinistre dans une ville que le compositeur juge lui même comme "terrifiante": New York (malheureusement encore plus sinistre depuis les attentats du 11 septembre 2001 !). Ainsi donc, le thème principal, inspiré par le personnage d’Amelia, rejoint progressivement au fur et à mesure de l'évolution de l’histoire celui de New York. Si le thème de départ décrit la ville de New York et ses sombres quartiers, le dit thème finit par se rattacher ensuite au personnage d’Angelina Jolie alors que l'enquête progresse et que les policiers retrouvent de plus en plus de cadavres atrocement mutilés ou défigurés.

Ce thème prend une ampleur toute particulière lors de la scène où Amélia retrouve le corps d'une fillette et de son grand-père attachés sous un pont dans l'eau. Le point le plus surprenant reste donc ici ce refus de céder à la facilité du suspense ou de la terreur, et ce depuis le début du film. A contrario, la musique se veut plutôt triste, amère, lente, morose et profondément mélancolique. On connaît d’ailleurs les penchants musicaux de Craig Armstrong pour les mélanges de genre. Après « Roméo & Juliet » de Baz Lurhman, le compositeur voulait écrire une partition symphonique sans oublier d’y incorporer ses traditionnels synthétiseurs, utilisés ici dans un but uniquement rythmique. Effectivement, le compositeur rajoute à son orchestre une série de percussions électroniques de style pop/techno qui restent toujours très discrets sans pour être trop effacées par la masse orchestrale. La dimension tragique de la musique est accentuée par l'utilisation d'un choeur et d'une voix féminine. Pour Craig Amstrong, les voix représentent le lien entre l'action et les personnages. Il s'agit aussi d'un "indice" musical qui force à capter l'attention de l'auditeur/spectateur et qui participe finalement à la manipulation du film : nous questionner sur l'identité du serial killer pour mieux brouiller les pistes. Les voix pourraient aussi symboliser le reflet de la bêtise humaine engendrée par la cruauté et la méchanceté d'un homme qui peut être assez fou pour torturer et tuer des gens innocents comme il le fait gratuitement tout au long du film. Le choeur n'est qu'une "image" musicale du drame qui se cache derrière la mort de ces innocents, bien avant tout l'aspect policier/thriller du film. C'est une substance musicale émotionnelle qui converge vers l'orchestre pour amplifier les scènes de crime et d'enquêtes qui, habituellement, auraient été mise en musique de manière glauque et sinistre. Point de cela ici, Craig Armstrong le dit bien lui-même : il n'aime pas les clichés et sa musique s'en fait grandement ressentir!

Ceci étant dit, si le fond de « The Bone Collector » convainc totalement, on ne pourra pas en dire autant sur la forme, finalement très conventionnelle et sans surprise. Des partitions symphoniques avec choeur et percussions électroniques, on en a déjà entendu des centaines par le passé. Mais c'est bel et bien dans le fond que la musique tire son épingle du jeu pour ce type de film. Le thème de New York/Amélia demeure donc très mélancolique avec son lyrisme intime et poignant, accentué par l'utilisation d’un piano qui accompagne parfaitement les quelques scènes plus intimes entre Amélia et Lincoln, des moments brefs et discrets qui véhiculent néanmoins un vrai sentiment d'amour non-dit entre les deux personnages, complètement absorbés par cette enquête macabre et difficile. On appréciera aussi l'évolution de la musique tout au long du film. Les choeurs interviennent lorsqu’un crime se prépare et accentuent les scènes de meurtre, mais ils résonnent aussi de manière véritablement tragique et funèbre, constituant sans aucun doute ici l'un des atouts majeurs de ce score. Finalement, en évitant de jouer sur les traditionnels effets de suspense et d'angoisse, la musique d'Armstrong en arrive à être réellement pesante, grandiose et inquiétante de par son aspect tout en demi-teinte et ses nuances orchestrales/vocales particulièrement intenses.

La dernière demie heure du film voit sa musique prendre une tournure véritablement dramatique de plus en plus intense, et ce lorsqu’Amélia trouve les deux derniers corps sous le pont d'un port. Plus intense et plus dramatique encore, la musique de Craig Armstrong en devient même hypnotisante et envoûtante. Et c'est ainsi que se déroule la musique jusqu'à la confrontation finale, probablement le passage le plus intense de la musique de « The Bone Collector ». Le compositeur ne suggère donc jamais l’action dans sa musique. Sa partition conserve un ton psychologique résolument mélancolique et retenu, jouant sur un état d’âme et une vision morose de la ville de New York. Et pourtant, l'intensité dramatique de la musique au sein du film est réellement prenante. C'est un véritable tour-de-force qu'a réussi là le compositeur de « Moulin Rouge » ! L'affrontement final résonne comme un morceau hautement dramatique voire sombre et pessimiste. Le message est clair : l'un des deux personnages va mourir, l'intensité dramatique est à son paroxysme, et peu de temps avant que le tueur ne fasse son entrée, la voix féminine soliste résonne comme un ultime rappel de la tristesse sous-jacente du sujet : la mort d'êtres humains assassinés de manière effroyable et peut-être la mort d'un autre homme après l'arrivée du tueur. On notera finalement l’utilisation d’un choeur a cappella conclusif pour la scène de Noël, un choeur aux accents plus religieux qui évoque l’idée d’une paix retrouvée malgré la mort de nombreux innocents, une sorte de demi-paix habilement décrite par Craig Armstrong.

En conclusion, à l'écoute de « The Bone Collector », on se retrouve plongé dans une ambiance forte et grandiose, une atmosphère morose et dramatique radicalement éloignée des oeuvres de Christopher Young ou de Marco Beltrami pour ce genre de film. Ne vous attendez donc pas à de gros morceaux d'action ou des déchaînements de terreur ! « The Bone Collector » est une partition assez surprenante pour un thriller hollywoodien aussi conventionnel, une musique très brillante servie par un thème banal en apparence, mais qui grandit rapidement en nous au fil des écoutes, à l'instar de la partition de Craig Armstrong dans sa globalité. Bien que l'on puisse évidemment préférer les musiques de thriller à la façon de Christopher Young, on ne pourra néanmoins que saluer l'effort d'un compositeur qui a su imposer jusqu’au bout son parti-pris et sa vision personnelle et humaniste de la musique d’un thriller pourtant très conventionnel à la base. En clair, voici une excellente partition à découvrir donc, une oeuvre de qualité signée Craig Armstrong !


---Quentin Billard