1-La Soufflerie 2.20
2-Introduction 1.40
3-Le Complot 2.08
4-Les Hommes et
Les Bougies 1.00
5-Vidocq (Générique Début) 1.37
6-Les Draps 1.41
7-Les Pleurs de L'Enfant 1.47
8-Le Premier Combat 2.38
9-Les Prostitutées 1.08
10-Les Doubles 0.46
11-La Deuxième Révélation 2.23
12-Le Deuxième Combat 2.34
13-Kyrie 0.52
14-Les Documents 1.02
15-Les Témoignages 2.36
16-La Danse 1.13
17-Les Barricades 1.04
18-L'Egorgée 3.21
19-L'Automate 2.23
20-Les Peaux 1.05
21-La Première Révélation 3.52
22-Les Foudroyés 1.22
23-L'Orgie 0.52
24-La Poursuite aux
Invalides 1.38
25-L'Elixir de Jouvence 1.24
26-La Mort de l'Alchimiste 2.19
27-Hope Vol.2* 4.00

*Interprété par Apocalyptica
Avec Matthias Sayer
(Farmer Boys)
Ecrit par:
M.Sayer, J.Collier
Eicca Toppinen

Musique  composée par:

Bruno Coulais

Editeur:

ULM/La Bande Son
014924-2

Supervision musicale:
Slim Pezin
Production exécutive:
Patrick Aumigny,
Studio Canal Musique
Slim Pezin

Editions Studiocanal Musique/
Editions A Ghajatta
"Hope Vol.2"
Produit par:
Hiili Hiilesmaa
Extrait de l'édition spéciale de
l'album d'Apocalyptica, "Cult"

Artwork and pictures (c) 2001 Le Studio Canal +/RF2K Productions. All rights reserved.

Note: ****
VIDOCQ
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bruno Coulais
Premier film français à avoir été tourné entièrement en caméra numérique, le film de Pitof (de son vrai nom Jean-Christophe Comar), fameux responsable d'effets visuels sur différents films tel que 'Jeanne d'Arc' de Luc Besson ou bien encore 'Alien Resurrection' de Jean-Pierre Jeunet a réussi là un bel exploit technique: réussir à récolter suffisamment d'argent pour pouvoir tourner le premier film français avec une caméra numérique. Si l'on regrettera le fait que la qualité d'image et des nombreux fonds d'écran bleus (notamment dans le ciel de et certains décors de Paris pas toujours très crédibles) sont plutôt superficiels, on ne pourra qu'applaudir la performance technique et scénaristique qu'a offert là Pitof réussissant un film certes pas inoubliable mais qui a le don de captiver son spectateur par un parti pris dans la mise en scène (plans très rapprochés des visages à la Jeunet, nervosité dans l'enchaînement des séquences plus du style à l'américaine, mouvements de caméras très originaux, etc.) et par une enquête policière dont le dénouement inattendu constitue l'atout principal. Pitof offre aussi avec 'Vidocq' une vision plutôt étouffante voire sinistre du Paris de la fin du 19ème siècle, un Paris mouvementé et agité à cause de la Révolution, alors que le célèbre inspecteur de police Vidocq enquête sur les meurtres d'un mystérieux personnage surnommé 'l'alchimiste' et qui se cache derrière un masque énigmatique. Après un affrontement violent entre les deux personnages, Vidocq meurt en tombant dans un trou en flammes d'une soufflerie. Gérard Depardieu, bestial et gras comme une loche, reste égal à lui même dans le rôle de Vidocq, suivi par André Dussolier dans le rôle du commissaire Lautrennes et le jeunot Guillaume Canet dans le rôle de Etienne Boisset, le biographe de Vidocq bien décidé à venger la mémoire de ce dernier en retrouvant l'assassin de Vidocq.

Bruno Coulais revient de nouveau sur une grosse production après 'Les Rivières Pourpres' dans un style orchestral fort similaire à sa partition sur le précédent film de Mathieu Kassovitz. Sa musique sied à merveille au film de Pitof. Chaque ambiance, chaque texture sert à renforcer le climat étouffant et glauque qui est présent tout au long du film. Plus sinistre et plus sombre encore que 'Les Rivières Pourpres', 'Vidocq' est une partition qui met en relief les orchestrations typiques et habituelles du compositeur (très reconnaissable à la manière détachée dont jouent les cuivres par exemple) tout en travaillant particulièrement sur les sonorités, très importantes dans cette musique. Ainsi donc, au Czech National Symphony Orchestra se rajoute une utilisation très appuyée de synthétiseurs ainsi que d'un célesta particulièrement important dans cette musique, cet instrument offrant des sonorités quasi-hypnotisantes à la manière Herrmannienne du terme. Deux thèmes principaux et facilement reconnaissables structurent la partition. Le premier, entendu dans 'La Soufflerie' est un thème descendant et envoûtant. Par son aspect ambigu dans ses harmonies et sa structure, il évoque le mystère qui entoure les crimes de l'alchimiste et de ce sombre trafic de jeunes filles vierges. Ce thème est réutilisé plusieurs fois par un Coulais en pleine possession de ses moyens.

Le deuxième thème concernerait plutôt plus l'enquête et le personnage de Vidocq lui même. On l'entend ainsi dans 'Vidocq (Générique Début)' où comme son nom l'indique, le morceau est entendu dans le générique de début. Soutenu par un ostinato rythmique de cordes plutôt entêté, le thème se construit autour d'une dizaine de notes dans un motif facilement identifiables, à l'inverse des Rivières Pourpres qui possédait un thème beaucoup moins facile à reconnaître. Pendant un peu plus d'une minute, et alors que l'on voit lors du générique de début défiler des images troubles devant nos yeux, Coulais développe ce thème à l'orchestre doublé aux cordes par un son de synthétiseur dont la sonorité rajoute du mystère dans le caractère plutôt déterminé de ce thème. Un contrepoint de cordes renforce ensuite ce thème qui s'ouvre avec l'utilisation très brève d'un choeur, l'élément choral réapparaissant plusieurs fois au sein de la partition de Coulais. En tout cas, il est fort à parier que l'excellent thème du générique de début restera parmi les classiques de Coulais.

Sombre, atmosphérique, glauque, la partition de Coulais travaille beaucoup sur les ambiances sonores. Le célesta, très entendu dès le début de 'Introduction' avec ce motif en continu en arrière-plan offre une couleur envoûtante au sein de la musique. Notons aussi l'utilisation d'un orgue qui augmente le caractère mystérieux de la musique au sein de l'orchestre, l'orgue étant assez présent dans le reste du score. L'intérêt de 'Introduction' c'est qu'il permet à l'auditeur de prendre d'entrée conscience de la véritable 'couleur' orchestrale et instrumentale qui va s'offrir à ses oreilles durant tout le film. (on notera l'aspect ici dissonant et agressif des cuivres, les effets de dissonances étant ici bien plus mis en avant que dans 'Les Rivières Pourpres'). Ceci est particulièrement flagrant dans la séquence où Vidocq et son collègue Nimier questionne un domestique noir qui aurait apparemment un rapport dans la mort de personnes foudroyés mystérieusement par un éclair. Le morceau en question, 'Les Draps', met particulièrement l'accent sur les dissonances à l'aide de synthétiseur et de sons de timbales. Original de la part de Coulais, ce sinistre morceau n'annonce rien de bon pour la suite, préfigurant la future découverte de choses peu joyeuses.

Les ravages occasionnés sur les filles par l'alchimiste se retrouvent dans le sombre 'Les Pleurs de l'Enfant' alors que Vidocq retrouve dans une ruelle sombre une jeune fille nue et complètement terrorisée, échappée du laboratoire de l'alchimiste. Ici aussi, le thème envoûtant de l'alchimiste refait sa sombre apparition à l'aide de sonorités du synthétiseur au sein d'un climat sombre, très sombre dans lequel le choeur, en arrière plan, semble augmenter un sentiment d'inquiétude voire de peur qui se cache derrière le mystère des sombres expériences de l'alchimiste. Quelques morceaux d'action comme 'Le Premier Combat' ou 'Le Deuxième Combat' parcourent la partition de Coulais. La scène du combat dans le laboratoire de l'alchimiste est particulièrement reconnaissable à son utilisation de percussions synthétiques inhabituelles du compositeur, renforcé par différents samples de synthé dont les sons de voix étranges vraiment effrayants et des samples de guitares électriques en arrière plan sonore. Ce morceau qui permet de réentendre le thème de l'alchimiste retranscrit à merveille toute la violence du combat orchestrée avec virtuosité par la mise en scène et les plans de caméras de Pitof.
Dans 'Le Premier Combat', les cuivres et les cloches offrent une sonorité particulièrement agressive au sein d'orchestrations une fois de plus typiques du compositeur, très proches des 'Rivières Pourpres'. (le choeur est présent lui aussi) Les percussions synthétiques font aussi une petite apparition au sein d'un véritable canevas sonore superbement construit par Coulais dans ce morceau, les cuivres et cordes participant à un véritable canevas sonore fait de cloches, synthétiseur, motif hypnotisant de célesta et quelques apparitions des choeurs, et une fois encore, une utilisation des trompettes typique de Coulais.

En ce qui concerne le lieu lui-même, on notera le sombre 'Les Prostituées' pour la scène où Etienne va dans le quartier des prostituées à Paris pour mener son enquête. Un climat plutôt glauque s'installe au début du morceau avec l'appui du choeur comme pour suggérer l'aspect 'infernal' de ces lieux. A l'image des musiques des combats, 'La Première Révélation' et 'La Deuxième Révélation' participent aux flash-back dans lesquels les témoins qui se confient à Etienne racontent ce qu'ils savent sur Vidocq et ses combats contre l'alchimiste (même présence de la percussion électronique dans 'La Deuxième Révélation'). Quand à 'La Première Révélation', ce sinistre morceau permet une fois de plus à Coulais d'évoquer le mystère qui se cache derrière les agissements diaboliques de l'alchimiste à l'aide du motif hypnotisant de célesta et bien sûr, du thème de l'alchimiste. Le choeur est là aussi en arrière plan et la deuxième partie du morceau reprend le thème de 'La Soufflerie', celui de l'alchimiste alors que Etienne en apprend un peu plus sur le sinistre trafic des jeunes filles vierges. Notons le climat mystérieux qui se dégage du sinistre 'Les Documents' pour l'une des scènes d'enquête d'Etienne, l'orgue et les choeurs ouvrant le morceau qui s'élève par le biais de coups de cymbales et d'effets vocaux morbides. Une fois encore, une autre scène de témoignage permet au thème de l'alchimiste de refaire surface dans 'Les Témoignages', suivi par des cloches et des trompettes dissonantes et plutôt troublantes.

A côté de toutes ces atmosphères glauques, sinistres voire quelque fois morbides, Coulais a écrit des morceaux plus différents comme par exemple 'La Danse', scène où Préah (Inès Sastre) fait sa petite danse sensuelle déguisée en chinoise, avec ses quelques sonorités orientales au sein même d'un orchestre qui résonne étrangement comme du Stravinsky dans son écriture des cuivres (noter en arrière plan le chuchotement du choeur corse de A Filetta, choeur avec lequel Coulais participe depuis 'Don Juan' et que l'on retrouve aussi au début de 'Les Barricades', cette idée de faire chuchoter en arrière plan le choeur étant une fois de plus une idée pour structurer des atmosphères et des sonorités chargées de créer une ambiance générale sachant retranscrire tout l'aspect inquiétant, intriguant voire malsain du film). L'un des éléments notables du score de 'Vidocq' reste sans aucun doute le fait que la plupart des morceaux sont en demie teinte. Jamais un seul ne sombre dans une atmosphère monotone, Coulais s'arrangeant toujours pour rendre ses pièces complexes parce que recherchées sur le plan des sonorités. Par exemple, si 'L'Egorgée' débute avec le thème déterminé de Vidocq, il enchaîne sur des effets sinistres de cordes alors que l'on retrouve un cadavre égorgé pour finir sur une autre atmosphère, plus lente et glauque avec le choeur. C'est ce travail d'atmosphère qui caractérise particulièrement toute la partition de Coulais pour 'Vidocq'. On notera aussi l'étrange 'Les Foudroyés' pratiquement entièrement joué au synthé sur des sonorités vocales qui semblent résonner de loin et un espèce de son de basse électrique alors que des victimes de l'alchimiste se retrouvent calcinés en plein jour par un éclair. Autre passage étrange, celui de 'L'Orgie' (scène de l'orgie avec les jeunes vierges et les 3 mystérieux hommes égocentriques) avec ses sonorités orientales dans lesquels les sons de sitar retranscrivent le thème de l'alchimiste dans une version inattendue. Pour finir du côté des aspects surprenant de la musique de 'Vidocq', on notera le très inattendu 'Kyrie', magnifique pièce religieuse pour choeur et orgue digne des plus beaux chefs-d'oeuvre de la musique liturgique du 18/19ème siècle mais qui n'a malheureusement pas été retenu pour le film, Pitof n'ayant probablement pas su trouver un endroit approprié pour placer ce magnifique morceau de 52 secondes. La fin du film trouve sa conclusion de manière violente avec l'affrontement final entre Vidocq et l'alchimiste enfin démasqué. Coulais fait monter en tension son orchestre qui explose littéralement dans des effets terrifiants de dissonances pour cette scène de fin. (noter les effets de cordes au début du morceau plutôt surprenants).

Le CD omet lamentablement deux bons morceaux qui se trouvent être ceux de l'introduction du film: la marche de Vidocq dans la soufflerie à la poursuite de l'alchimiste et le premier combat entre les deux personnages. Le morceau d'introduction est malheureusement déjà connu pour être copié sur 'Vampire Hunters' de 'Bram Stoker's Dracula' du compositeur Wojciech Kilar (aux dires de la production et de Pitof lui même, ce morceau détourné de 'Dracula' ne serait pas de Coulais en réalité!). Toujours est il que cette pièce reposant sur un ostinato rythmique trouve sa conclusion sur l'affrontement violent des deux hommes et la mort de Vidocq dans le trou en flammes de la soufflerie. Le morceau de l'affrontement est un vrai tour de force orchestral, Coulais utilisant d'ailleurs un choeur latin qui fait une brève apparition pour retranscrire l'intensité du combat, comme si sa musique illustrait l'affrontement de deux titans. Absents du CD, ces deux morceaux avaient pourtant de quoi faire une superbe introduction à l'album qui se contente de simplement s'ouvrir sur des morceaux au caractère lent et non placés dans l'ordre chronologique du film en plus, ce qui est probablement un autre mauvais point à rajouter à un CD finalement assez décevant et qui aurait put être mieux rempli.

Au final, 'Vidocq' s'avère être la nouvelle grande oeuvre de Bruno Coulais. Certains préfèreront les sonorités des 'Rivières Pourpres', d'autres préfèreront le Coulais de 'Don Juan' ou de 'Microcosmos', d'autre encore continueront à clamer haut et fort que le seul et l'unique chef-d'oeuvre de Coulais reste 'Himalaya'. Toujours est-il que 'Vidocq' est la preuve une fois de plus que Bruno Coulais est bel et bien l'un de nos meilleurs compositeurs français du nouveau millénaire. En tout cas, 'Vidocq' est une partition sombre, glauque et sinistre qui demande des écoutes répétées et approfondies pour pouvoir profiter plus justement de toutes les subtilités de la partition de Coulais, une partition qui pourra demander à certains un petit temps d'adaptation au début. Si l'on oublie le morceau qui copie le 'Dracula' de Kilar au début du film, on ne pourra par contre que regretter l'absence de plusieurs morceaux du film sur un album d'un peu plus de 50 minutes qui aurait put encore être remplis d'une dizaine de minutes de morceaux supplémentaires, au moins pour ceux du début du film, un regret qui ne doit pas nous empêcher cependant de profiter de la nouvelle grande musique de film de Bruno Coulais!


---Quentin Billard