1-"La Lune brille pour toi"
(version edit)* 2.28
2-Le Petit Poucet
(Main Theme) 3.53
3-La Forêt de Rose 4.22
4-L'attaque des pillards 5.56
5-Sur le chemin des
cailloux blancs 3.44
6-Perdus 2.19
7-Les pièces d'or 1.34
8-Aux loups! 3.40
9-La maison rouge 4.53
10-A la table de l'Ogre 2.34
11-Le jardin secret 1.30
12-L'Ogre 2.23
13-La Forêt rouge 2.51
14-Entre l'Ogre et la falaise 2.08
15-Le Duel 2.44
16-Le messager de la Reine 2.07
17-"La Lune brille pour toi"
(générique de fin)* 4.26

*Interprétée par Vanessa Paradis
(Olivier Dahan, Joe Hisaishi)

Musique  composée par:

Joe Hisaishi

Editeur:

La Bande Son
014 934-2

Production:
Joe Hisaishi
Coordination artistique:
Koriko Kobyama
Coordination musicale (Paris):
Catherine Serre,
Fabien Micheletti,
Aïsba Hamasassia, Yaël Lévy

Production artistique:
Jean-Pierre Dionnet
Production musicale:
Patrick Aamigny,
StudioCanal Musique

Artwork and pictures (c) 2001 Studiocanal Musique/Universal Licensing Music. All rights reserved.

Note: ***1/2
LE PETIT POUCET
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Hisaishi
Olivier Dahan fait partie de cette nouvelle génération de réalisateurs venant du monde du clip, décidément très à la mode ces 20 dernières années à Hollywood. Réalisateur de quelques films comme le sombre 'Déjà Mort' ou bien encore 'Les Fantômes du Samedi Soir', Dahan a réalisé une belle adaptation cinématographique du célèbre conte de Charles Perrault, 'Le Petit Poucet', avec dans le rôle de Poucet un jeune petit acteur inconnu, Nils Hugon, entouré de quelques têtes plus célèbres comme Romane Bohringer (la mère), Elodie Bouchez (la femme de l'ogre), Samy Naceri (le soldat à la jambe de fer) ou bien encore Catherine Deneuve qui n'apparaît qu'à la fin du film dans le rôle de la Reine. Les décors s'apparentant au style d'une pièce de théâtre et l'ensemble est rondement mené même si la réalisation reste tout à fait quelconque et sans personnalité. Bref, un petit film sans prétention aucune si ce n'est de nous refaire découvrir avec une certaine poésie ce célèbre conte de notre enfance.

C'est le producteur associé Jean-Pierre Dionnet qui a eu l'idée de faire rencontrer le compositeur japonais Joe Hisaishi à Olivier Dahan. Ce dernier précise qu'il connaissait un peu l'univers musical des films de Takeshi Kitano et d'Hayao Myazaki qu'Hisaishi a mit en musique mais qu'il n'avait pas d'images précises à lui montrer. 'Le Petit Poucet' marque la toute première collaboration de Hisaishi avec un réalisateur européen. Olivier Dahan pensait que le mélange des deux cultures ne pouvait qu'être bénéfique pour son film, et il n'avait pas tort. Si, d'un point de vue formel, il est assez surprenant de retrouver ici quelques orchestrations et harmonies typiquement japonaises (et typiquement Hisaishi aussi!), le mélange des deux et très intéressant et pourrait aussi être sujet à discussion. Quoiqu'il en soit, Joe Hisaishi a écrit une excellente musique pour ce film, superbement orchestrée avec un grand professionnalisme tout à fait respectable. Olivier Dahan lui même fut surpris en se rendant au Japon pour écouter ce qu'Hisaishi avait écrit pour s'apercevoir que tout ce qu'il avait en tête se retrouvait parfaitement dans la musique de Hisaishi.

Composant pour les émotions avant de souligner les images, Joe Hisaishi a écrit une partition à la fois typique de ce qu'il écrit d'habitude (comme notamment pour les films de Myazaki) et une musique aussi inspirée bien qu'un brin trop influencée de ce qu'il a déjà écrit ces dix dernières années. L'orchestre philharmonique de Paris interprète sa musique, auquel viennent se rajoutent des instruments solistes comme un piano, la shakuhachi, une flûte et un kena en duo, sans oublier le luth et des petites percussions latines. Hisaishi a écrit quelques thèmes excellents pour ce film dont le premier est entendu dans 'Le Petit Poucet (Main Theme)' du générique de début. Très lyrique et très chantant, (mais aussi malheureusement très ressemblant à un thème de 'Porco Rosso'), le thème du 'Petit Poucet' évoque par sa simplicité mélodique l'innocence du jeune Poucet ainsi que le côté féerique de son histoire (à remarquer le lien de ce thème avec la lune dans le générique de début, la lune que l'on retrouve dans le titre et les paroles de la chanson du film basée sur le thème principal). On remarquera qu'Hisaishi le délaissera un peu pendant une bonne partie du film pour le faire réentendre vers la fin et notamment pendant la scène du vol avec les bottes de l'ogre ou de la séquence finale chez la reine. Le deuxième thème entendu est celui de la jeune Rose que Poucet rencontre quelque part dans la forêt. Scène féerique par excellence, le thème est confié à un très joli duo de flûte et kena qui ressemble beaucoup à un thème de 'Princesse Mononoké' (une influence incontestable dans 'La Forêt de Rose' et 'Le Jardin Secret', deux jolies scènes entre Poucet et Rose). Si l'on passe ces quelques influences évidentes dans la partition de Hisaishi, on appréciera néanmoins le talent avec lequel le compositeur sait aborder les images du film avec un lyrisme qui lui est cher. En tout cas, le thème de Rose est absolument typique de Hisaishi et aussi très japonais dans ses sonorités, et si l'on pourra être surpris au début par le mélange des deux cultures, on admirera par la suite l'apport émotionnel immense qu'offre Hisaishi pour cette scène et pour le reste du film.

Un autre thème plus tragique apparaît dans le dramatique 'L'Attaque des Pillards' alors que le village de Poucet est ravagé par une attaque de bandits. Confié aux cordes, ce thème offre lui aussi sa touche d'émotion qui donne un impact immédiat sur les images du village ravagé et en ruine. On peut réentendre ce thème dans 'Perdus' où il est confié au début à un luth, un très beau morceau qui illustre la séquence dramatique où les parents de Poucet l'abandonnent dans la forêt avec ses frères parce qu'ils sont trop pauvres et qu'ils n'ont plus les moyens de les nourrir. (très belle reprise de ce thème ensuite aux cordes). Un morceau comme 'Sur le chemin des cailloux blancs' nous permet d'entendre un Hisaishi au ton léger et vaguement sautillant. Utilisant des pizzicati avec un motif de piano, quelques vents et des cordes (sans oublier les petites percussions discrètes) Hisaishi suit la scène où Poucet laisse des cailloux blancs derrière lui pour pouvoir retrouver ensuite son chemin lorsqu'il doit suivre sa mère qui va chercher du bois dans la forêt. Le mariage pizzicati/piano est tout simple ici et pourtant tellement juste avec les images que l'on ne peut qu'apprécier une fois encore le talent avec lequel Hisaishi sait approcher en musique les images qu'on lui propose.

On arrive à un morceau charnier, l'excellent 'Aux Loups' alors que Poucet est ses frères, abandonnés dans la forêt, se retrouvent pourchassés par des loups affamés. Pour cette séquence de course poursuite avec des loups, Hisaishi développe un thème action qu'il confiera le plus souvent aux cuivres avec un rythme de percussions latines diverses, sans oublier l'utilisation de la shakuhachi qui donne une couleur particulière au morceau. Très rythmé, c'est avec un grand talent que Hisaishi développe ce petit thème de circonstance durant tout le morceau, ne cessant de le faire grossir pour évoquer le danger se rapprochant. Après ce passages très agité, on entre alors dans la deuxième partie de la musique, plus sombre et dissonante, alors que Poucet et ses frères arrivent au château rouge de l'Ogre et ce dans le dissonant 'La Maison Rouge' qui évoque de manière impressionnante l'arrivée des héros devant cette gigantesque maison sinistre et lugubre. Si la poésie refait un peu surface avec le thème de Rose dans 'Le Jardin Secret', là où Rose retrouve Poucet chez elle et lui montre son 'jardin' secret (notons la reprise très sèche et dénuée de tout lyrisme de ce thème dans 'A la Table de L'Ogre', là où le thème n'est repris uniquement qu'avec des pizzicati), Hisaishi reprend son style sombre et dissonant dans le très tendu 'L'Ogre', ce dernier poursuivant avec ses bottes magiques Poucet et ses frères qui s'échappent tous de la maison de l'Ogre et fuient en direction des montagnes. Dans 'La Forêt Rouge' et 'Entre L'Ogre et la Falaise', Hisaishi développe un ostinato rythmique ainsi qu'un motif de cuivres illustrant le danger et la menace de l'Ogre et que l'on retrouvera dans les deux pièces, pour la poursuite entre Poucet avec ses frères et l'Ogre, fou de rage parce qu'à cause d'eux il a tué par erreur ses filles (cette histoire est quand même assez dure pour un conte d'enfants!). Finalement, le point culminant de la peur est atteint dans le sombre et très agité 'Le Duel' (dont le début rappelle étrangement le motif du méchant dans 'In The Line of Fire' de Ennio Morricone!), là où Poucet va tenter de s'emparer des bottes de l'Ogre et d'échapper à ce dernier, n'ayant absolument ni le courage ni la force de se battre contre ce gigantesque monstre. On remarquera comment et avec quel talent Hisaishi ne cesse de faire monter la tension durant tout ce morceau jusqu'à la conclusion finale finissant sur la mort de l'Ogre qui fait une chute mortelle du haut de la montagne, privé de ses bottes.

A noter que la production de l'album a omis de mettre le morceau illustrant la séquence où Poucet vole au dessus du pays avec les bottes magiques de l'Ogre, un morceau aux accents héroïques qui permettaient de retrouver une belle reprise enjouée du thème principal de Poucet. Ceci dit, on retrouve ce thème dans 'Le Messager de la Reine' pour la conclusion du film, alors que Poucet arrive chez la reine et transmet à cette dernière un message important que lui avait remis un soldat en train de mourir dans les ruines de son village. Le thème fait une dernière réapparition avant la chanson du générique de fin de manière héroïque et quasi-solennelle pour apporter une conclusion heureuse après cette histoire finalement très agitée. En ce qui concerne 'La Lune Brille pour Toi', on pourra toujours critiquer la voix fluette et gamine de la chanteuse Vanessa Paradis, voix un tantinet irritante sur les bords. En ce qui concerne la chanson, rien à dire de particulier, il s'agit bien là d'une belle reprise du thème principal mais pas forcément indispensable pour la musique de Hisaishi.

En conclusion, vous aurez compris que 'Le Petit Poucet' est une BO pleine d'émotions qui prouve une fois encore à quel point Joe Hisaishi est décidément un très bon compositeur alliant aussi bien le lyrisme que les moments sombres et agités. A l'aise dans son écriture orchestrale teintée d'harmonies et de tics d'orchestration typiquement japonais, Hisaishi démontre avec brio que le mariage de deux cultures différentes n'est pas source de conflit mais peut apporter beaucoup dans au sein d'une même oeuvre. La musique du 'Petit Poucet' va en tout cas dans ce sens là. Si l'on passe les quelques références à des oeuvres antérieures de Hisaishi, on ne pourra qu'apprécier le charme de cette petite BO importante pour Hisaishi, car elle est le fruit de sa toute première collaboration (réussie) avec un réalisateur européen! Espérons que Joe Hisaishi continuera cette passionnante collaboration avec le cinéma européen!


---Quentin Billard