1-Opening: Let There Be Light 0.46
2-Navy Planes* 2.07
3-Lost Squadron* 2.23
4-Roy's First Encounter* 2.41
5-Encounter At
Crescendo Summit*? 1.21
6-Chasing UFOS** 1.18
7-False Alarm* 1.42
8-Barry's Kidnapping** 6.19
9-The Cover-Up* 2.26
10-Stars And Trucks** 0.44
11-Forming The Mountain* 1.50
12-TV Reveals* 1.50
13-Roy And Gillian
On The Road 1.10
14-The Mountain** 3.31
15-"Who Are You People?"* 1.35
16-The Escape* 2.18
17-The Escape (Alternate Cue)*? 2.40
18-Trucking**? 2.01
19-Climbing The Mountain** 2.32
20-Outstretch Hands* 2.48
21-Lightshow* 3.43
22-Barnstorming** 4.26
23-The Mothership** 4.34
24-Wild Signals** 4.12
25-The Returnees** 3.45
26-The Visitors*?/"Bye"/
End Titles: The Special
Edition**? 12.31

* Previously Unreleased

** Contains Previously Unreleased Music

? Not Used In The Film

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Arista Records 19004

Producteur:
John Williams
Producteur exécutif:
Laurence Bouzereau
Superviseur de la musique:
Richard Beres
Monteur superviseur de la musique:
Ken Wannberg

Artwork and pictures (c) 1977, 1980, 1998 Columbia Pictures Industries, Inc. All rights reserved.

Note: *****
CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Grand classique du cinéma de science-fiction des années 70, et immense succès dans la carrière de Steven Spielberg, « Close Encounters of the Third Kind » (Rencontres du troisième type) abordait le sujet des rencontres extraterrestres sur un angle totalement nouveau, plus humaniste et optimiste, teinté d’une poésie plus enfantine propre à Spielberg. L’histoire commence lorsque Claude Lacombe (François Truffaut), éminent spécialiste français des phénomènes OVNIs, est appelé au Mexique pour enquêter sur une récente découverte d’avions de guerre disparus en mission en 1945, et retrouvés dans un parfait état en plein milieu du désert de Sonora. D’autres faits similaires tout aussi étranges se produisent un peu partout dans le monde. Claude Lacombe est alors persuadé qu’il s’agit des signes avant-coureurs d’une intelligence extraterrestre sur le point de rentrer en contact avec l’humanité. Au même moment, aux Etats-Unis, dans l’état d’Indiana, un modeste réparateur de câble, Roy Neary (Richard Dreyfuss), aperçoit un OVNI passer juste au dessus de sa voiture et quelques kilomètres plus loin, une mère, Jillian Guiler (Melinda Dillon) voit son enfant se faire enlever par une soucoupe volante. Curieusement, les autorités refusent bizarrement et tentent d’étouffer l’affaire par tous les moyens, bloquant toute information éventuelle au sujet de ces mystérieuses apparitions d’OVNI. Cependant, Roy et Jillian ont, chacun de leur côté, d’étranges intuitions concernant un lieu énigmatique où serait censé se dérouler une rencontre avec les extraterrestres. Lorsque leurs intuitions deviennent de plus en plus fortes et de plus en plus pressantes, les deux individus finissent par ressentir le besoin de chercher ensemble l’endroit qu’ils s’imaginent.

Avec « Close Encounters of the Third Kind », Spielberg abordait dès 1977 l’un de ses sujets favoris : les extraterrestres, un sujet qui semble le poursuivre tout au long de sa carrière puisqu’il y fera de nouveau référence dans des films tels que « E.T. », « War of the Worlds » ou bien encore « Indiana Jones & The Kingdom of the Cristal Skull ». Mais à l’inverse de bon nombre de film d’extraterrestres du cinéma américain, « Close Encounters of the Third Kind » était l’une des premières productions hollywoodiennes de l’époque à montrer une vision plus positive - et féérique - de ces êtres venus d’ailleurs. Exit les « Alien » et autres « The Thing from Another World », plus d’allusion à la menace communiste ou de paranoïa des étrangers, le film de Spielberg délivre un message à la fois naïf et magique sur la rencontre entre deux espèces venus de mondes différents, une sorte de communion pacifique et surréaliste entre deux civilisations très éloignées l’une de l’autre. Avec « Close Encounters of the Third Kind », Steven Spielberg s’éloignait du sérieux de ses premiers films (« Sugarland Express », « Jaws ») en racontant une histoire plus personnelle, mélangeant quelques thèmes chers au réalisateur (les familles des banlieues américaines modestes, la relation père/fils, etc.) avec un suspense intense et une longue séquence finale anthologique, d’une immense beauté (et aussi techniquement très impressionnante pour l’époque). Cette longue séquence de fin permet au réalisateur américain de redonner un sens à l’expression « magie du cinéma » et nous émeut tout en nous permettant de retrouver notre âme d’enfant. Epaulé par une équipe technique assez spectaculaire (Michael Kahn au montage, l’incontournable Douglass Trumbull aux effets spéciaux - grand spécialiste à l’époque - et Vilmos Zsigmond parmi les nombreux directeurs de la photographie qui travailleront sur ce film), Spielberg réussit un véritable coup de maître pour cette grosse production dans laquelle le réalisateur en profite aussi pour réaliser l’un de ses rêves : faire tourner son cinéaste fétiche, François Truffaut, qui s’est laissé convaincre par le film de Spielberg même s’il ne parlait pas un mot d’anglais à l’époque. Le résultat est aujourd’hui celui que l’on connaît : 2 Oscars en 1978 et un succès financier colossal pour le film - qui donnera d’ailleurs lieu à une édition spéciale plus longue qui ne verra le jour qu’en 1998. « Close Encounters of the Third Kind » est un véritable film culte, un film de référence qui est très vite rentré dans la culture populaire et qui est continuellement cité dans les médias ou parmi les personnalités du monde du cinéma en général.

John Williams retrouvait Steven Spielberg pour la troisième fois sur « Close Encounters of the Third Kind » en 1977, après « Sugarland Express » en 1974 et « Jaws » en 1975. Pour cette troisième collaboration, Williams signe une partition rendue très célèbre grâce à son fameux thème de 5 notes, le thème qui sert dans le film de code musical pour communiquer avec les extraterrestres et que des scientifiques utilisent sur un énorme synthétiseur modulaire ARP 2500. Ce motif de cinq notes (sol 4, la 4, fa 4, fa 3 et do 4) a atteint une telle popularité qu’il est aujourd’hui cité par des groupes musicaux divers (Muse, Daft Punk, Enigma) et parodié dans de nombreux films et séries TV (« South Park », « Moonraker », « Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ »). Pour la petite histoire, aussi simple soit-il, ce thème représenta pourtant un véritable challenge pour John Williams qui eut énormément de mal à trouver un motif court et simple qui correspondait à ce que Spielberg recherchait pour son film, et dont l’unique impératif était qu’il soit uniquement constitué de 5 notes. Williams réfléchit alors et proposa de nombreux motifs différents au réalisateur. Au bout d’une centaine de propositions, Spielberg, toujours pas convaincu, fit alors appel à un ami mathématicien à qui il demanda de calculer le nombre de combinaison de 5 notes possibles à partir des 12 notes de la gamme, chose à laquelle le mathématicien répondit par le nombre conséquent de 134000 combinaisons possibles. Spielberg et Williams ressortirent déçus et épuisés par cette recherche désespérée du motif de 5 notes, jusqu’à ce que le réalisateur décide finalement, le lendemain matin, d’utiliser l’un des motifs que lui avait fait entendre Williams la veille, et ce après avoir épuisé quasiment toutes les solutions possibles et imaginables. Le reste appartient à l’histoire : un véritable coup de maître qui a atteint une très grande renommée - ou comment rendre une musique très célèbre avec seulement cinq notes (notons simplement que le fameux motif se rapproche beaucoup d’un motif assez similaire qu’écrivit Bernard Herrmann pour le film « Jane Eyre » en 1944). Autre fait notable connu au sujet de la musique de « Close Encounters of the Third Kind », John Williams composa l’intégralité de la musique bien avant le montage du film. En fait, le maestro commença à écrire sa partition deux ans avant que le film soit terminé, à partir de la lecture du script et des indications formulées par Spielberg, ce qui permit alors à Williams de composer sa musique plus librement, débarrassé de la contrainte des images, à la manière de la composition d’un véritable poème symphonique. Spielberg décida ensuite de monter son film en fonction de la musique, et ce à l’inverse de ce qu’il se fait habituellement. Les deux compères ont ainsi considéré que cela donnerait une ambiance lyrique plus particulière au film, plus opératique aussi. A ce sujet, le rapport image/musique dans « Close Encounters of the Third Kind » est tout simplement remarquable : comme souvent dans les films de Spielberg, il y a une vraie osmose entre la musique et les images, nourrie par une réflexion commune et solide des deux hommes sur leurs oeuvres respectives. Spielberg lui-même possède bon nombre de connaissances musicales qui lui ont toujours permis de communiquer aisément avec John Williams quand à la composition de la musique de ses films - chose plutôt rare dans le cinéma américain, où la plupart des réalisateurs n’ont bien souvent que des connaissances très limitées - voire inexistantes - quand à la technique musicale.

La musique de « Close Encounters of the Third Kind » installe dès le début du film une ambiance sombre et ambiguë, une atmosphère à la fois lourde, pesante et angoissante, qui s’éclaircira progressivement au fur et à mesure que l’on se rapprochera de l’inoubliable dénouement final. Ecrite pour un grand orchestre symphonique, la partition de John Williams se structure ainsi en trois grandes sections principales, suivant l’ordre du film : pour commencer, l’angoisse des gens lors de la découverte des OVNIS, puis l'infiltration dans la montagne secrète et enfin, la très attendue rencontre avec les extra-terrestres à la fin du film. John Williams joue ainsi habilement sur ces différents tableaux et amène une véritable progression émotionnelle et dramatique dans sa musique, de l’obscurité angoissante à la lumière libératrice, de l’appréhension suffocante à l’extase exubérante. La première partie du score illustre ainsi l’atmosphère terrifiante du début du film sans le moindre apport mélodique. La froideur de l'orchestre est absolument saisissante, évoquant une atmosphère de paranoïa et de peur face à l’arrivée de phénomènes étranges et inexpliqués. Le climat terrifiant de la musique colle parfaitement aux visages souvent décomposés des gens pris de panique. L'ouverture du film (« Opening : Let There Be Light ») apparaît de façon brève et simple : une montée de tension basée sur une tenue dissonante inquiétante de cordes sur fond de choeurs mystérieux jusqu’au coup de cymbale coïncidant avec l’apparition du titre du film : Williams veut conserver un certain mystère dès le début sans trop en dévoiler dès l’ouverture (une théorie suggère aussi que ce coup de cymbale introductif aurait été placé exprès afin d’obtenir plus facilement l’attention des spectateurs au cinéma). En revanche, cette ouverture nous met déjà sur la voie de la première partie plutôt sombre et angoissante de la musique de Williams.

Plusieurs morceaux développent alors cette ambiance initiale de suspense, la partition atteignant finalement un véritable climax de terreur lors de l’impressionnante scène de l'enlèvement du petit Barry (« Barry’s Kidnapping »). John Williams signe avec « Barry’s Kidnapping » un morceau d’une noirceur absolue et d’une agressivité incroyable, sans aucun doute l’un des morceaux les plus sombres et les plus intenses qu’ait écrit le maestro dans toute sa carrière. Williams renoue ici avec son style atonal dissonant de sa partition pour « Images » de Robert Altman (1972) et crée une longue pièce atonale complexe de plus de 6 minutes pour cette séquence angoissante et chaotique à souhait. Williams s’inspire ici des techniques instrumentales complexes de la musique avant-gardiste savante de Krzysztof Penderecki ou de György Ligeti dans les années 50/60- deux compositeurs qui semblent avoir servis de source d’inspiration à John Williams pour la composition des passages dissonants et chaotiques du score de « Close Encounters of the Third Kind ». « Barry’s Kidnapping » dispense ainsi son lot de glissandi dissonants, clusters de cordes suraigus, de jeu sur les quarts de ton, d’effets instrumentaux aléatoires divers et clusters dissonants des choeurs (à noter vers le milieu du film une espèce de cri suraigu terrifiant des choeurs doublés par des violons stridents !), qui apportent à la scène un éclairage fantastique quasi cauchemardesque, à mi-chemin entre les deux « De Natura Sonoris » de Penderecki et le « Requiem » de Ligeti. « Roy’s First Encounter » nous permet quand à lui d’entendre un premier motif qui commence à surgir discrètement aux pizzicati de cordes, entre deux mystérieux tremolos de contrebasses. Ce motif de 4 notes plutôt simple est associé dans le film à l’énigme de la montagne dans laquelle a lieu la rencontre avec les extraterrestres, une énigme que tente alors de résoudre Roy Neary pendant une bonne partie du film. La tension continue de monter dans les sinistres « Encounter at Crescendo Summit » et l’agité « Chasing UFOs ».

Puis, petit à petit, la musique évolue progressivement vers la lumière. C’est avec « Stars and Trucks » que la musique semble s’illuminer soudainement avec ses harmonies plus aériennes et impressionnistes. La tonalité commence alors à reprendre le dessus et réussit à estomper les dissonances agressives du début, associées à l’angoisse que suscite les apparitions d’OVNI (le très sombre et dissonant « Roy’s First Encounter », prémisse au redoutable « Barry’s Kidnapping »). Dans « Forming the Mountain » et « TV Reveals », Roy résout enfin l’énigme de la montagne. Williams reprend alors le mystérieux motif de 4 notes et le développe de façon plus intense, variant ses rythmes, son instrumentation et ses accents. A noter l’utilisation plus mystérieuse et envoûtante des choeurs féminins dans « TV Reveals ». Puis, le motif de 4 notes devient plus rythmé et agité dans « Roy and Gillian on the Road », trahissant un sentiment d’urgence et de précipitation, alors que Roy et Jillian se mettent en route à la recherche de la mystérieuse montagne. Le thème de 4 notes devient plus présent dans « The Mountain » et « The Escape », où les deux intrus trop curieux réussissent à échapper à la police militaire. A noter que « The Mountain » nous permet déjà d’entendre les premières notes du véritable thème principal de la partition, thème majestueux et grandiose associé à la rencontre extraterrestre. Williams lui apporte un côté noble et quasi féérique avec l’utilisation des choeurs féminins mystérieux de « TV Reveals » dans « The Mountain », alors que Roy et Jillian découvrent enfin la fameuse montagne dans laquelle aura lieu l’événement. La musique est alors parsemée de quelques rythmes militaires qui évoquent la présence des soldats censés tenir la montagne éloignés des curieux. Le thème de 4 notes prend une proportion de plus en plus entêtante et obsédante dans « Trucking » où il passe d’un instrument à un autre (trompettes, trombones, cors, violons, etc.) avec une fluidité incroyable. Dès lors, nous sommes cette fois-ci aux portes de la troisième partie du score. L’atonalité tente alors de reprendre le dessus, mais elle doit désormais affronter les couleurs tonales qui s’accrochent à cette partie de la musique de John Williams.

Si un morceau comme « Climbing the Mountain » s’impose par ses rythmes action agressifs et ses dissonances sinistres (scène de l’escalade de la montagne), un passage comme « Outstretch Hands » progresse rapidement de l’ombre (le début très dissonant) vers la lumière (la tonalité quasi impressionniste de son final, avec ses arpèges de harpe). Même chose pour « Lightshow », lorsque Roy et Jillian assistent, cachés derrière un rocher, à un véritable ballet de lumières dans le ciel. Quand à « Barnstorming » et « The Mothership », ils tentent chacun à leur tour de renouer avec l’atonalité oppressante de « Barry’s Kidnapping », alors que l’OVNI des extraterrestres se dévoile enfin mais que ses occupants ne révèlent pas encore leurs réelles intentions. De la même façon, le très complexe « The Mothership » est un complément fort appréciable au monumental « Barry’s Kidnapping », un autre morceau atonal et dissonant traversé de quelques bribes mélodiques. Le morceau se conclut sur un rappel du thème principal grandiose auquel Williams ajoute habilement en contrepoint une reprise plus rapide du motif de 4 notes aux flûtes. Enfin, c’est l’arrivée de la troisième partie dans « Wild Signals », pour la séquence anthologique où les humains communiquent avec le vaisseau extraterrestre en utilisant le fameux motif de 5 notes. Lors du dialogue, les scientifiques jouent le motif de 5 notes sur le clavier d’un synthétiseur, auquel répondent les extraterrestres par une succession de notes de plus en plus rapides et complexes. Véritable dialogue entre deux sons, « Wild Signals » se transforme très vite en véritable démonstration de virtuosité de la part des interprètes de la partition de John Williams. Si la version film inclut un dialogue entièrement synthétique et très kitsch (années 70 oblige !), l’album nous permet d’entendre une version 100% instrumentale du morceau avec un clavier électrique plutôt fin pour les humains et un mélange tuba/contrebasson plus grotesque et étrange pour l’OVNI - le morceau démontre aussi l’incroyable cohérence et le caractère totalement judicieux des choix instrumentaux du compositeur pour la musique de cette scène anthologique. Très vite, Williams étoffe son instrumentation et ajoute un hautbois qui succès au clavier, avec la présence continue du tuba et du contrebasson - une scène de pure anthologie et aussi une formidable démonstration assez magique du rôle que peut jouer une musique au sein même d’un film - une communion entre la magie du cinéma et de la musique, mais aussi une communion entre l’homme et l’extraterrestre dans le film : un coup de maître, tout simplement !

La musique redevient à nouveau très sombre et angoissante dans « The Returnees » où les choeurs deviennent plus présents, sur fond de dissonances plus oppressantes. Et pourtant, ici aussi la tonalité n’est pas loin et reprend finalement le dessus, avec une conclusion plus lumineuse dominée par des orchestrations plus légères et aériennes : flûtes, hautbois, harpe, cordes, et dont les vagues ondulantes des vents et les harmonies envoûtantes rappellent incontestablement la musique impressionniste française de Debussy ou de Ravel. Et pour finir, c’est l’indispensable conclusion anthologique du film, un morceau spectaculaire et inoubliable de plus de 12 minutes : « Visitors/Bye/End Titles », aboutissement grandiose de la partition de « Close Encounters of the Third Kind ». Le morceau se structure ainsi entre trois parties bien distinctes : tout d’abord, l’atterrissage de l’OVNI et l’appréhension de la rencontre avec les aliens, puis la rencontre en elle-même qui s’avère être finalement pacifique, et enfin, le départ de Roy dans le vaisseau des extraterrestres pour le générique de fin du film. « Visitors » reprend ainsi les sonorités dissonantes et macabres de « Barry’s Kidnapping » héritées de Penderecki et Ligeti, tandis que le morceau s’éclaircit progressivement vers des harmonies plus tonales et lumineuses. Les orchestrations deviennent alors soudainement plus légères, plus aériennes et aussi plus impressionnantes, avec l’utilisation des choeurs qui font parfois penser au « Sirènes » de Debussy. Williams apporte à cette scène de rencontre avec les extraterrestres un côté à la fois magique, surréaliste et extrêmement poétique. Les harmonies continuent de s’éclaircir et la musique progresse lentement vers un style plus lyrique et poignant, d’une très grande beauté. « Bye » permet alors d’offrir à la partition de John Williams un éclairage soudainement plus romantique, plus proche de la musique symphonique des grands maîtres du postromantisme allemand du 19ème siècle, celle de Richard Strauss et de Gustav Mahler. Le lyrisme incroyable qui se dégage des cordes atteint ici une beauté saisissante lorsque s’opère la magie utopiste et bouleversante d’une communion extraordinaire entre les hommes et les extraterrestres dans le film - un très grand moment de cinéma, et aussi un très grand moment de musique, tout simplement !

C’est alors que le thème principal de Williams devient plus présent, et que le morceau cite explicitement une célèbre chanson populaire, « When You Wish Upon A Star ». Rappelons simplement qu’il s’agit d’une chanson écrite par Ned Washington et Leigh Harline pour le dessin animé de Walt Disney « Pinocchio » en 1940, une chanson dont le succès et la popularité grandissante à l’époque incitèrent le studio The Walt Disney Company à en faire le jingle musical officiel du logo Disney qui ouvre la plupart des productions animées du studio. Le choix de « When You Wish Upon A Star » peut paraître étonnant et très curieux dans le final de la partition de « Close Encounters of the Third Kind », mais pourtant, le résultat est tout bonnement magistral à l’écran, apportant une vraie poésie et une magie aux images du vaisseau qui décolle avec Roy à son bord. Elle rappelle aussi la magie du cinéma de Spielberg et ses références fréquentes au monde de l’enfance. Enfin, c’est aussi l’occasion pour John Williams de reprendre son fameux motif de 5 notes développé ici par l’orchestre de façon plus majestueuse et grandiose, avec ses trompettes quasi solennelles lors du générique de fin du film (« End Titles »). Chose encore plus impressionnante dans ce morceau, l’incroyable maîtrise avec laquelle Williams réussit à apporter une progression de ton en l’espace de 12 minutes, d’une fluidité exceptionnelle. En ce sens, « Visitors/Bye/End Titles » est tout à fait représentatif de la partition de « Close Encounters of the Third Kind », puisqu’elle résume toute l’essence même de la musique du film de Spielberg : de l’appréhension angoissante du début en passant par l’impressionnisme du milieu et de la magie féérique et grandiose du final, le morceau est construit comme un véritable poème symphonique classique d’une beauté tout simplement extraordinaire - et, osons le dire, exceptionnelle dans le monde de la musique de film !

Partition monumentale et incontournable dans la carrière de John Williams, « Close Encounters of the Third Kind » est une oeuvre savante extraordinaire qui oscille entre la noirceur absolue des passages atonaux très difficiles d’accès (l’angoisse de l’inconnu, des phénomènes OVNI) et de la magie féerique romantique et bouleversante du final (« End Titles »), une oeuvre à double facette d’une incroyable complexité, où chaque note semble avoir été murement réfléchie en rapport aux images et à l’essence même du film de Steven Spielberg. Ecrite à la manière des grandes oeuvres symphoniques du 19ème siècle et des pièces contemporaines du 20ème siècle, « Close Encounters of the Third Kind » est un premier grand aboutissement dans la collaboration Williams/Spielberg après le sombre et virtuose « Jaws » composé en 1975. Moins accessible que cette oeuvre précédente, la musique de « Close Encounters of the Third Kind » est un déluge d’émotions plus contrastées les unes que les autres, entre l’angoisse et l’exubérance, entre la terreur et la joie, entre l’ombre et la lumière. John Williams signe donc pour le film de Steven Spielberg une partition extrêmement complexe et difficile d’accès, d’une maturité étonnante, une partition monumentale assez unique dans la carrière du compositeur et qui demeure en fin de compte, l’un de ses plus brillants chefs-d’oeuvre : incontournable !


---Quentin Billard