1-Welcome To Videodrome 4.11
2-801 A/B 7.14
3-A Slow Burn 4.46
4-TV or Not TV 5.09
5-TV Passions 5.49
6-Pins and Needles 3.04
7-Long Live The New Flesh 3.26

Musique  composée par:

Howard Shore

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5975

Réalisé sur:
Synclavier II
Synthétiseur programmé par:
Tom Coppola
Edition produite pour
Varèse Sarabande Records par:
Scot W.Holton

Artwork and pictures (c) 1982 Universal City Studios, Inc. All rights reserved.

Note: **1/2
VIDEODROME
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Howard Shore
David Cronenberg a toujours su construire des histoires dérangeantes avec des personnages décalés. Après 'The Brood' en 1979 (La Clinique de la Terreur) et Scanners en 1981, le réalisateur canadien s'attaque au pouvoir pervers de la télévision avec 'Videodrome' ou l'histoire de Max Renn (excellent James Woods, comme d'habitude), un patron d'une chaîne de télé américaine qui découvre l'existence d'une émission mystérieuse, 'Videodrome', cette émission ayant le pouvoir de contrôler l'esprit des gens qui la regardent en leur faisant vivre toute sorte d'hallucination les plus perverses et cauchemardesques qu'il soit. Au fur et à mesure que Max s'enfonce dans ce cauchemar sans issue qu'est Videodrome, il découvre une véritable organisation derrière cette émission destinée à détruire les téléspectateurs avides de sensations folles.

'Videodrome' n'est pas qu'un simple film d'horreur - la décomposition de l'homme et l'éclatement de ses organes vers la fin du film est très réussi techniquement et visuellement, et l'on est pourtant en 1982 (la même année, un autre réalisateur réussissait un véritable tour de force technique : John Carpenter et son fabuleux 'The Thing'), c'est aussi une critique de la société américaine et le pouvoir insensé de la télévision et des images qui pervertissent de plus en plus le public abruti par la débauche d’images en tout genre que la télévision peut montrer. Si ce sujet semble plus d'actualité que jamais avec la technologie d'aujourd'hui et la puissance des grandes chaînes télévisées, c'était quelque chose d’assez visionnaire à l'époque du film. On retrouve aussi les thèmes favoris de Cronenberg, à savoir : la perversion et le sexe dégradant (ici, le sadomasochisme), la fascination pour le morbide, la mutilation, la folie, etc. Maîtrisé, le film de David Cronenberg repose avant tout sur une mise en scène intense et un climat malsain qui s’étale pendant 90 minutes en non-stop, mené par un personnage principal piégé entre réalité et folie. Un classique !

En 1982, Howard Shore en est à sa troisième collaboration avec Cronenberg, après 'I Miss You, Hugs and Kisses' (1978), 'The Brood' (1979) et 'Scanners' (1981). Si la musique de 'The Brood' faisait appel à un petit orchestre à cordes, le score de 'Videodrome' est, lui, entièrement électronique. Shore a utilisé pour ce film le fameux Synclavier II et ses sonorités typiquement années 80 pour créer un score psychologique, sombre, tendu et intense dans le film. Conservant continuellement un tempo lent et répétitif, le score de 'Videodrome' s'affirme comme une partition 100% atmosphérique et sombre. Afin de restituer l'ambiance malsaine du film, Howard Shore s’est livré à l'expérimentation en manipulant différentes sonorités électroniques à l'aide de son synthétiseur. Dans le film, la musique crée ainsi une atmosphère lugubre et macabre particulièrement suffocante, surréaliste et cauchemardesque.

Pas de grands effets sonores éclatants ici, ni même de grandes envolées agitées. Le score de 'Videodrome' conserve du début jusqu’à la fin ce climat de lenteur sombre et dérangeant, la manipulation des sonorités électroniques s'avérant très efficace dans le film, et plus particulièrement lors des scènes d'hallucinations : on notera par exemple ces sons ressemblant à des violons désaccordés lorsque Max Renn voit sa main tenant un pistolet en train de se transformer. Au niveau thématique, la partition de ‘Videodrome’ est absolument dénuée de la moindre mélodie, et ce malgré la présence de deux motifs, un premier motif deux notes que l'on entend au tout début de l’histoire et, un peu plus loin dans le film, un second motif plus répétitif et glacial, une autre caractéristique du score d’Howard Shore. Effectivement, la musique électronique de Shore s'avère être particulièrement froide et métallique. Elle semble dépourvue de toute vie, de toute humanité. On pourra ainsi interpréter cela dans plusieurs sens : soit la musique exprime la déshumanisation de la société à travers la perversion de la télévision (une fois encore très d'actualité et pas seulement qu'aux Etats-Unis !), soit elle exprime la transformation progressive de Max Renn vers sa « nouvelle chair ». Les sonorités synthétiques du score plonge ainsi le spectateur dans le chaos : sons de cris déformés, bruitages de respirations et même parfois quelques éléments acoustiques - les fameux samples de violons mais aussi quelques sonorités d’un petit orchestre à cordes avec violons et violoncelles, comme par exemple pour la scène sexuelle entre Max et Nicki. Shore utilise aussi quelques sonorités très froides dans le style des musiques de film d'horreur de l'époque ('The Thing' d'Ennio Morricone, 'Halloween' de John Carpenter, etc.). Le résultat est de toute évidence très prenant à l'écran et apporte une noirceur assez éprouvante aux images.

'Videodrome' n'est pas une BO facile d'accès. Ceux qui connaissent les travaux plus récents d'Howard Shore risquent d'être fort déçus. Ce score nécessite tout d’abord d’être réceptif à ce style de musique atonale électronique et expérimentale. N’oublions pas que le but de cette musique n'est pas d'être écoutée mais bien d'accompagner et de renforcer l'émotion du film de David Cronenberg. A ce niveau là, c’est une vraie réussite, et on ne pourra qu’apprécier l’effort d’Howard Shore sur cette partition totalement expérimentale et plutôt dérangeante.


---Quentin Billard