1-Love Theme From
Chinatown 1.59
2-Noah Cross 2.27
3-Easy Living* 1.49
4-Jake and Evelyn 2.41
5-I Can't Get Started** 3.35
6-The Last of Ida 2.59
7-The Captive 3.05
8-The Boy on a Horse 2.05
9-The Way You
Look Tonight*** 2.16
10-The Wrong Clues 2.32
11-J.J. Glittes 3.05
12-Love Theme From
Chinatown 2.03

*Composé par
L.Robin/R.Rainger
**Composé par:
I.Gershwin/V.Duke
***Composé par
D.Fields/J.Kern

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5677

Produit par:
Tom Mack
Arrangé par:
Arthur Morton
Producteurs exécutifs:
Robert Townson, Richard Kraft

Artwork and pictures (c) 1995 MCA Records, Inc. All rights reserved.

Note: ****
CHINATOWN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Réalisateur à multiples facettes, Roman Polanski a toujours su se faire remarquer dans ses films, que l'on aime ou non ce qu'il fait. Polanski a abordé plusieurs genres dans sa carrière, que ce soit le fantastique horrifique ('Rosemary's Baby', 'The Ninth Gate'), le thriller ('Frantic'), l'aventure ('Pirates') ou bien encore le drame psychologique ('Bitter Moon'). Dans le registre du polar/film noir, c'est 'Chinatown' que l'on retient, l'un des plus fameux polar de toutes les années 70 et peut être même l'un des plus réussis de toute l'histoire du cinéma. Bien évidemment, il y'a des défauts, et pour 'Chinatown', le problème réside au niveau du rythme du film parfois un peu mou. Néanmoins, on a véritablement à faire là à un classique du genre, privilégiant une intrigue policière captivante qui met tout de même un peu de temps à se mettre en place. Polanski renoue avec les bonnes vieilles ficelles du polar à l'ancienne en privilégiant avant tout le scénario reposant sur une enquête policière un brin complexe et lente mais finalement assez captivante. Jack Nicholson interprète le détective privé JJ Jake Gittes chargé d'enquêter sur une affaire d'adultère à propos de Hollis Mulwray, chef ingénieur du département des eaux à Los Angeles. Une certaine Evelyn Mulwray, la femme de Hollis Mulwray engage ainsi Gittes pour qu'il suive son mari et épie ses moindres faits et gestes pour savoir qui il fréquente en cachette. Mais Hollis se retrouve assassiné et Gittes découvre très vite que celle qui lui a commandé l'enquête n'était pas la femme de Hollis et s'est faite passer pour elle. Gittes va alors décider de mener sa propre enquête sur la mort de Hollis tout en rencontrant sa vraie femme, Evelyn (Faye Dunaway). Petit à petit, le détective va découvrir un complot visant à détourner les réserves d'eau de la ville pour les vendre à très haut prix à des pays en manque. Gittes va alors découvrir que le père d'Evelyn est au coeur de cette affaire, Noah Cross (John Huston), partenaire d'affaire d'Hollis. Le détective va alors décider de suivre la piste de la mystérieuse jeune fille que Hollis voyait en secret dans le dos d'Evelyn et va découvrir des choses stupéfiantes. Cette intrigue captivante est très bien construite et suffisamment intéressante pour nous permettre de ne pas décrocher une seule fois, même si le rythme de l'ensemble du film reste parfois un peu mou. Considéré à juste titre comme un modèle du genre polar, Chinatown joue plus sur l'intrigue plutôt que sur les fusillades et autres bagarres inhérentes à ce genre de film. Avec son sens personnel de la narration (comme dans un roman), Polanski construit un film maîtrisé de bout en bout servi par un Nicholson impeccable une fois de plus.

Jerry Goldsmith a composé un score de style polar/thriller du plus bel effet, servi par un fameux et magnifique Love Theme faisant office de thème principal de la partition. Il est important de signaler que le compositeur n'a eu que 10 jours pour écrire cette musique, ce qui est exceptionnellement peu pour une composition de qualité, vous en conviendrez. Mais pourtant, le compositeur Ainsi donc, le compositeur choisi d'ouvrir le générique de début sur ce très beau thème confié à une trompette et un piano avec quelques cordes et harpe. La trompette soliste apparaissant tout au long de la partition apporte une petite touche jazzy restituant l'atmosphère typique des musiques de polar à l'ancienne des années 30 où il était fréquent d'associer le cliché du jazz avec l'univers des détectives privés et autres inspecteurs de police souvent alcooliques ou brutaux (Clint Eastwood a largement contribués à ce genre de stéréotype dans les années 70 avec son rôle de l'Inspecteur Harry dans 'Dirty Harry', servi par une musique très jazzy de Lalo Schifrin). Ici, le détective qu'incarne Jack Nicholson évite les clichés de l'alcool et de la violence (pour un polar, Chinatown est d'ailleurs assez peu violent, même si l'on a un ou deux passages plus brutal dans le film) mais l'on retrouve malgré l'influence du jazz hérité des anciens polars et que Goldsmith réutilise d'une bien belle façon ici dans ce superbe 'Love Theme'. Le thème décrit la relation naissante entre Gittes et Evelyn, une relation qui, étrangement, ne durera que le temps d'une seule et unique séquence intime dans le film, (bizarrement, les deux personnages se vouvoieront à nouveau après cette scène...comme si Polanski avait voulu éviter d'insister sur l'aspect amoureux du film et le mettre en arrière plan en tant qu'élément mineur du film) le Love Theme n'ayant pas toujours cette fonction de thème d'amour dans le film puisqu'il est parfois aussi associé au personnage de Gittes et de l'enquête qu'il mène. Si ce Love Theme possède un côté très nostalgique voire mélancolique avec sa trompette solitaire et sa touche de jazz à l'ancienne (notons sa splendide reprise dans le très romantique 'Jake and Evelyn'), la majorité de ses apparitions dans le film font perdre toute idée de nostalgie (hormis deux ou trois passages) pour le transformer en thème du détective menant une enquête complexe et déterminé à la résoudre jusqu'au bout.

La musique met un peu de temps à s'installer dans le film et il faut dire qu'il n'y a pas beaucoup de musique dans 'Chinatown'. Passé le Main Title, la musique a tendance à se faire un peu discrète avec l'utilisation du piano et de quelques cordes plus mystérieuses avec la harpe. La musique du début du film reste plutôt mystérieuse et quelconque avant que le thème principal ne refasse son apparition un peu plus loin dans le film. L'utilisation du piano en tant qu'instrument apportant le mystère au sein de cette histoire policière est très intéressant. Goldsmith développera cette idée dans certaines de ses futures BO pour finir sur ce que l'on appelle de manière occasionnelle et simplifiée le 'piano thriller', comme on peut le trouver dans des scores tels que 'The River Wild', 'Basic Instinct' ou 'L.A. Confidential' (le descendant direct du score de 'Chinatown'). Mais plus l'enquête de Gittes avance, plus la musique se fait de plus en plus sombre tout en conservant toujours ce côté mystérieux et inquiétant renforcé à ce moment là par une touche d'inquiétude de plus en plus grandissante, le score faisant progressivement monter la tension tout au long du film, et ce même si, comme je l'ai déjà signalé il n'y a pas énormément de musique dans ce film.

Goldsmith réutilise beaucoup le 'Love Theme' à la trompette devenant alors le thème de Gittes, le thème possédant en fait cette double facette dans le film. Le thème devient par moment plus sombre, notamment lorsque Goldsmith le réemploie avec des cordes sombres (scène où Gittes se rend chez Evelyn et va voir le jardinier chinois près du petit étang où il aperçoit un objet au fond de l'eau) dénaturant totalement l'ambiance mélancolique initiale. Ainsi donc, le compositeur propose quelques travaux de développement du thème intéressant. Intriguante, la musique l'est assurément, employant les cordes avec le piano (il y'en a 4), les harpes (il y'en a aussi 4), quelques petites et légères percussions sans oublier la trompette plus ou moins présente. La musique prend une tournure plus sombre et plus inquiétante pour la séquence où Jake espionne Evelyn à travers la fenêtre d'une maison où elle est avec la jeune femme que son mari Hollis fréquentait en cachette. Jake ne comprend plus alors très bien à quel jeu joue Evelyn avec lui, et il sait qu'elle lui cache beaucoup de choses depuis le début. Cette scène clé dans le déroulement de l'intrigue vient renforcer les soupçons qu'il a contre elle. Goldsmith décide alors d'accompagner cette scène avec une musique de suspense très sombre mettant en avant des cordes dissonantes et tendues, le piano de style 'thriller' plus quelques petites touches légères de percussions (comme par exemple des sons discrets de castagnettes ou de petits blocs de bois, quelque chose de très discret dans le morceau mais qui crée une petite dynamique intéressante) et des accords de harpe dissonants. Goldsmith crée ainsi une atmosphère de suspense/mystère intéressante dans le film, sans jamais vraiment utiliser un seul passage d'action. (de toute façon, le film ne possède aucun passage d'action à proprement parler) Il est intéressant de voir comment le compositeur manie sa musique pour la rendre de plus en plus sombre au fur et à mesure que Jake découvre des indices et progresse dans son enquête. D'une manière générale, la musique se distingue de par la formation instrumentale plutôt réduite et loin des gros mastodontes orchestraux de l'époque (c'est probablement du à la très courte durée de composition du score ainsi qu'au ton plutôt littéraire du film qui ne pouvait pas se permettre d'utiliser une musique trop bruyante ou trop présente dans le film). Les parties de suspense atonal de la dernière partie du film sont saisissantes (sans oublier un dernier morceau plus rythmé et agressif, utilisant des percussions), le score allant ainsi crescendo dans la tension, finissant finalement sur une ultime reprise du Love Theme à la trompette pour le générique de fin.

Le score de Chinatown restitue à merveille l'ambiance polar/film noir du film de Polanski, peut être pas d'une manière aussi frappante que le compositeur fera sur 'L.A. Confidential' en 1997 (sur un registre similaire), mais d'une manière recherchée et très travaillée avec le style typique du Goldsmith des années 70. Le formidable et nostalgique Love Theme du film reste un classique parmi tous les thèmes composés par Goldsmith tout au long de ses 40 ans de carrière et l'ambiance restituée dans sa musique est très réussie au sein du film, et ce même si le score est finalement assez court. Pour une partition écrite en une dizaine de jours, 'Chinatown' est une très bonne BO et reste un grand classique dans la carrière de Jerry Goldsmith, car sans être l'un de ses grands chef-d'oeuvre ni une oeuvre parfaitement inoubliable, 'Chinatown' n'en demeure pas moins la preuve du talent du maestro qui, même en dix jours, peut écrire une partition maîtrisée de bout en bout avec un thème inspiré. Les compositeurs hollywoodiens d'aujourd'hui feraient d'ailleurs bien d'en prendre de la graine. Cette BO restitue finalement à merveille l'atmosphère musicale parfaite dans le film, le score s'écoutant aussi bien en dehors du film. Un score à découvrir, en somme!


---Quentin Billard