1-Sonatine 1-Act of Violence 3.41
2-Light and Darkness 6.49
3-Play On The Sands 4.43
4-Rain After That 0.26
5-A On Fullmoon
Of Mystery 2.28
6-Into a Trance 3.17
7-Sonatine II-
In The Beginning 6.34
8-Magic Mushroom 2.51
9-Eye Witness 5.27
10-Runaway Trip 1.32
11-Möbius Band 4.46
12-Die Out of Memories 2.53
13-See You... 1.58
14-Sonatine III-Be Over 3.47

Musique  composée par:

Joe Hisaishi

Editeur:

Toshiba EMI
TOCT-8066

Album produit par:
Joe Hisaishi

Artwork and pictures (c) 1993 Shochiku Films Ltd./Shouchiku Co./Yamada Right Vision Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
SONATINE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Hisaishi
Quatrième film du fameux réalisateur japonais Takeshi Kitano, 'Sonatine' reste dans la plus pure tradition des films de Kitano: personnages froids et pourtant très humains, mise en scène lente mais réaliste, violence crue mais elle aussi très réaliste, poésie de l'esthétique, plans fixes et longs, tout dans 'Sonatine' permet de résumer le style très personnel du réalisateur de 'Violent Cop', au moins en ce qui concerne le domaine des polars (Kitano a aussi réalisé des films extrêmement différents comme 'Kikujiro' ou 'Minna Yatteruka'). Bien avant le succès critique d'Hana-Bi en 1997, 'Sonatine' est resté le classique par excellence de tous les films de Kitano, celui qui est généralement le plus apprécié et le plus respecté par la critique, et peut être même celui qui est le plus subtil dans son domaine. 'Sonatine' est peut être aussi le polar le plus 'positif' de Kitano. Effectivement, le réalisateur nous montre aussi que dans un monde aussi violent et brutal que celui des Yakuza (gangsters de Mafias japonaises), la vie offre parfois des bons moments aux individus qui saisissent la chance de vivre ces courts moments. C'est ce que l'on voit dans les moments plus intimes du film où Murakawa (Kitano, stoïque et froid et pourtant très humain) et sa bande se sont exilés dans une petite maison au bord de la mer pour échapper à un traquenard qu'un autre gang leur a tendu lors d'une fusillade à l'intérieur d'un bar. Ces scènes au bord de la mer renvoient bien évidemment à un autre grand film de Kitano, 'A Scene at The Sea' (il est important de noter qu'à l'instar des films de Quentin Tarantino, il y'a un type de scène qui revient plus ou moins à chaque fois dans tous les films de Kitano: une ou plusieurs séquences au bord de la mer). Pendant tout ces longues séquences où Kitano favorise un tempo lent et réaliste au bord de la mer, le réalisateur nous invite à respirer un bon coup alors que Murakawa semble retomber en enfance en se distrayant sur la plage avec ses hommes et la femme qu'il a sauvé d'un viol. Kitano a donc une double position à travers 'Sonatine' puisqu'il nous montre à la fois les bons et paisibles moments de la vie (ici avec une touche d'innocence très touchante) et le côté nihiliste renforcé par le plan final du film et tout le côté violent du film. A la fois violent et paisible, le film passe d'une extrémité à l'autre en conservant toujours une certaine lenteur qui rend l'histoire et surtout les personnages beaucoup plus réalistes que dans la plupart des films américains de ce genre qui privilégient plus souvent l'action au profit des personnalités des divers protagonistes. Dans 'Sonatine', ne vous attendez pas à retrouver des grands chorégraphies de violence/action à la John Woo ou à la Woo-Ping Yuen. Ce n'est pas du tout le style du réalisateur et c'est tant mieux, car ses films en sont plus attachants et plus proches de nous. Bien que j'ai une petite préférence pour son dernier film, 'Brother', 'Sonatine' reste néanmoins l'un des meilleurs films de Kitano, hautement conseillé pour ceux qui veulent avoir une autre vision du cinéma japonais, loin du conventionnalisme des films de Hong Kong.

Joe Hisaishi retrouve Takeshi Kitano après 'A Scene At The Sea' sur 'Sonatine' pour lequel Hisaishi a composé un bon petit score entièrement synthétique avec quelques instruments acoustiques, un piano, une basse et quelques percussions. Le score de Hisaishi montre une certaine sensibilité et une retenue minimaliste typique de ses musiques pour les films de Kitano. Le réalisateur veut absolument éviter que la musique viennent alourdir le film ou être de trop dans certaines séquences. C'est pour ca que le score n'intervient par petites touches que dans les moments clés du film. Le Main Title du film introduit le thème principal du score qui apparaîtra surtout dans la dernière partie du film. Basé sur un motif de 8 notes répété, le thème se forme progressivement autour des différentes sonorités du synthé utilisée: piano pour le motif, petites percussions, basse, samples de guitare électrique en arrière plan. Répétitif, le morceau se construit autour d'un seul et même motif avec différentes couches sonores du synthé et affirme le climat du film avec une certaine forme de tristesse voire de nostalgie lointaine (ce côté répétitif du thème possède aussi un côté plus ou moins fataliste. Effectivement, le thème nous renvoie à l'idée que le personnage principal n'a aucune issue face au problème auquel il est confronté, et ce même si les apparences sont trompeuses). Ce thème très simple a quelque chose d'envoûtant et fait un très bel effet dans le film. Avec une grande sensibilité, Hisaishi retranscrit l'univers à la fois sombre et poétique du film à travers sa musique, même si le côté sombre ne semble jamais véritablement trop ressortir dans sa musique. Il préfère plutôt jouer sur une certaine ambiguïté plus proche de l'histoire. Le thème de 'Sonatine' est déjà considéré comme un classique dans l'univers musical du compositeur nippon.

Le reste du score est plus ou moins du même acabit avec un travail autour de différents instruments samplés du synthé, que ce soit le piano dans les moments plus paisibles ou plus dramatiques ou les percussions comme dans 'Play on The Sands', morceau surprenant qui introduit un rythme de batterie pop pour la fameuse séquence où Murakawa et sa bande jouent comme des gamins sur la plage. Ce morceau apporte une certaine force, une certaine vitalité à cette séquence rendue plus 'dynamique' par l'emploi inattendu de ce rythme de batterie dans ce qui semble être après 'Sonatine 1-Act of Violence' un autre grand morceau du score. (l'emploi du mot 'sonatine' est astucieux. Il désigne une forme plus restreinte de la 'Sonate' classique que Hisaishi semble reprendre pour intituler son thème principal, symbole de l'aspect humain du film. 'Sonatine II' et 'Sonatine III' n'étant que des variantes du thème principal utilisé dès le début du film dans le Main Title, tel un véritable petit leitmotiv émotionnel du film) A propos de l'aspect émotionnel du film, le morceau 'Light and Darkness' possède un titre renvoyant très clairement à l'esprit du film: la lumière et les ténèbres, le côté à la fois beau et sombre de la vie, les bons et les mauvais moments. Le piano semble rester l'instrument de prédilection pour Hisaishi puisqu'il l'utilise souvent dans ses scores pour Kitano et centre celui ci autour de cet instrument primordial. (c'est le cas dans le thème mais aussi 'Rain After That' ou le mystérieux 'A On Fullmoon Of Mystery' et d'autres pièces encore)

Certains morceaux ont des sonorités plus exotiques comme 'Magic Mushroom' ou 'Eye Witness' qui fait la part belle aux tambours, percussions très utilisés par Hisaishi dans ce score, sans oublier 'Die Out Memories' et ses sonorités de synthé un brin kitsch, la plupart de ces morceaux intervenant pour évoquer la vie qui passe au bord de cette plage et la vengeance que prépare inéluctablement Murakawa contre les membres du gang responsables de la mort de plusieurs de ses hommes. Hisaishi apporte à l'aide de ses synthés une idée de petit voyage intime dans une tranche de vie tragique et nihiliste, contenant pourtant quelques moments plus paisibles mais aussi plus courts et plus rares. 'See You...' décrit au piano la séparation finale entre Murakawa et Miyuki, la femme qu'il a sauvé sur la plage alors qu'elle allait se faire violer. Avec ce piano solitaire, 'See You...' apporte une touche de mélancolie toute en retenue mais qui sonne d'autant plus vibrant lorsque l'on comprend à la fin du film que les deux personnages ne se reverront plus jamais. Les quelques reprises du thème continue à apporter cette petite touche de tristesse qui revient alors pour 'Sonatine III' dans le générique de fin, probablement la meilleure version du thème principal étoffé avec différentes sonorités du synthé, un thème qui, après avoir vu tout le film, prend une dimension encore plus forte dans l'esprit du spectateur/auditeur.

Au final, 'Sonatine' apparaît comme un excellent score d'Hisaishi qui montre une fois encore que même avec peu de moyens, le compositeur nippon arrive toujours à trouver le ton exact de sa musique dans un film de Kitano, à qui la musique d'Hisaishi n'a jamais fait défaut une seule fois. Le score de Hisaishi capture à merveille dans le film l'atmosphère de cette plage au bord de la mer avec des personnages plus humains qu'ils ne le paraissent. Classique des scores de Hisaishi pour Kitano, 'Sonatine' reste hautement conseillé ne serait ce que pour découvrir la facette électronique d'un compositeur touche à tout qui est aussi maître de l'écriture orchestrale.


---Quentin Billard