1-Mutiny 8.58
2-Alabama 23.50
3-Little Ducks 2.03
4-1SQ 18.04
5-Roll Tide 7.34*

*Includes Hymn
"Eternal Father
Strong To Save"

Musique  composée par:

Hans Zimmer

Editeur:

Hollywood Records
162 025-2

Album produit par:
Hans Zimmer, Jay Rifkin
Hymn "Eternal Father
Strong to Save":
Ecrit par:
John Dykes
(Public domain)
Monteur de la musique:
Bob Badami
Assisté de:
Paul Silver
Assistants de Hans Zimmer:
Marc Streitenfeld,
Emma Burnham

Album compilé par:
Jeff Rona

Artwork and pictures (c) 1995 Hollywood Pictures. All rights reserved.

Note: ****
CRIMSON TIDE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Hans Zimmer
De toutes les productions Bruckheimer des années 90, 'Crimson Tide' (USS Alabama) est de loin le film le plus passionnant qu'ait produit le tandem Jerry Bruckheimer/Don Simpson (ce dernier décédera de cause naturelle un an plus tard). 'Crimson Tide' nous transporte dans l'univers des sous-marins nucléaires américains, dans la lignée des grands films du genre incluant 'Das Boot', 'Hunt for The Red October', 'Run Silent Run Deep', etc. Tony Scott, habitué à collaborer avec le tandem Bruckheimer/Simpson depuis près d'une dizaine d'années déjà ('Top Gun', 'Beverly Hills Cop II', 'Days of Thunder', etc.), nous livre l'un de ses meilleurs films qui évoque la confrontation entre un commandant et son second à bord d'un sous-marin nucléaire au sujet d'un ordre de tir incomplet (et par conséquent impossible à vérifier). Alors que des dissidents russes s'emparent par la force d'une base de lancement de missiles nucléaires en Russie, les Etats-Unis, craignant la menace d'une attaque nucléaire, décident d'envoyer leur plus puissant sous-marin nucléaire, l'USS Alabama, qui devra s'approcher des cotes russes et riposter en cas d'attaque. Dans ce climat de crise dont la gravité rappelle étrangement celle des missiles de cuba en 1962, le capitaine Frank Ramsey (Gene Hackman) dirige l'USS Alabama d'une main de fer, ne tolérant pas que l'on discute ses ordres ou qu'on le critique. Ramsey est un dur à cuire qui a à son actif une longue expérience dans la marine américaine. Son nouveau second, le lieutenant commandant Ron Hunter (Denzel Washington), ne tarde pas à montrer rapidement des divergences d'opinion avec son supérieur. Alors que la tension entre les Etats-Unis et le dissidents russes ne cesse de s'accentuer et que l'avenir du monde semble aujourd'hui incertain (on frôle la troisième guerre mondiale), l'USS Alabama reçoit l'ordre de se préparer pour un tir de missile stratégique sur la Russie. C'est alors que l'officier radio reçoit un second message prioritaire incomplet et indéchiffrable. Selon Ramsey, cet ordre signifie qu'il faut envoyer les missiles sur la Russie pour riposter contre une future attaque nucléaire. Mais Hunter, plus prudent et réfléchi, ne l'entend pas de cette façon et demande à ce que l'ordre soit vérifié et confirmé dans son intégralité. Il s'oppose au commandant, provoquant une grave scission au sein de l'équipage de l'USS Alabama. Désormais, ce ne sont plus deux nations qui s'affrontent mais deux hommes, aveuglés par leurs propres convictions. Hunter fait relever Ramsey et prend le commandement de l'USS Alabama, mais son manque d'expérience au cours d'une bataille contre un sous-marin russe fait basculer l'équipage de l'USS Alabama dans un long cauchemar: après avoir été touché par la torpille du sous-marin ennemi, le submersible coule lentement dans les profondeurs, frôlant l'immersion de destruction. Après avoir rétabli le contact, le sous-marin échappe de justesse à la catastrophe. Les deux adversaires provoquent finalement une mutinerie à bord du submersible et entament une longue course contre la montre, l'un croyant fermement qu'il faut absolument rétablir la radio pour finir de déchiffrer le message de l'état-major, l'autre croyant qu'il faut impérativement lancer les missiles sur la Russie, risquant ainsi de provoquer une troisième guerre mondiale si jamais l'ordre indiquait au contraire un cessez le feu.

Film captivant de bout en bout, 'Crimson Tide' évoque avec maestria l'affrontement entre deux hommes autour d'un message incomplet déterminant pour l'avenir du monde entier. C'est l'occasion pour Tony Scott d'évoquer le pouvoir des capitaines de sous-marin nucléaire américains qui, avant 1995, possédaient le droit de lancer des missiles nucléaires, alors qu'aujourd'hui, c'est au Président des Etats-Unis et à lui seul que revient le droit d'autoriser ou de refuser un tir de missile depuis un sous-marin. Les excellents Gene Hackman et Denzel Washington forment ici un duo d'adversaire magistral, entourés d'excellents acteurs tels que Matt Craven, George Dzundza, Viggo Mortensen, James Gandolfini, sans oublier la participation de Ryan Phillippe (son premier rôle modeste dans un long-métrage hollywoodien), Steve Zahn et Jason Robards. Le film vaut par la qualité de sa mise en scène rythmée et prenante et par l'incroyable crescendo de tension et de suspense qui parcourt le film avec une fluidité et une intensité exemplaire. Difficile de décrocher ici une seule seconde tant le récit de ce huit-clos claustrophobique ne cesse de prendre une ampleur dramatique et une gravité qui nous incite au passage à méditer sur les dangers des armes nucléaires et de l'hostilité entre des pays qui possèdent cet arsenal de destruction massive. Comme nous l'avons déjà mentionné un peu plus haut, l'intrigue de la crise entre les Etats-Unis et la Russie rappelle beaucoup les évènements célèbres de la 'baie des cochons' de 1962, dont s'est visiblement inspiré le scénariste du film. C'est d'ailleurs pour cette raison que, quelque part, 'Crimson Tide', loin d'être une simple fiction hollywoodienne, fait particulièrement froid dans le dos avec son scénario catastrophe réaliste. Voilà donc un film d'une qualité rare, quasiment parfait de bout en bout, une sorte de 'Mutiny on The Bounty' version sous-marin nucléaire. Un très grand film de Tony Scott à ne pas manquer, assurément!

Après avoir participé à quelques films précédents de Tony Scott incluant 'Days of Thunder' (1990) et 'True Romance' (1994), Hans Zimmer nous revient en pleine forme sur 'Crimson Tide', pour lequel le compositeur signe l'une de ses partitions incontournables, pour ne pas dire l'un de ses grands chef-d'oeuvres! La BO de 'Crimson Tide' possède toutes les formules habituelles chères au fondateur de 'Media-Ventures': score synthético-orchestral, morceaux d'action frénétiques avec percussions électroniques/techno massives, choeur d'hommes, suspense haletant avec des morceaux atmosphériques, sans oublier le plus important: un thème principal purement et parfaitement grandiose! La partition de Hans Zimmer pour 'Crimson Tide' est importante sur plus d'un point, d'abord parcequ'elle révélait en 1994 le goût du compositeur pour les musiques d'action, un genre auquel on l'a souvent associé de manière réductrice alors qu'il a passé une bonne partie de sa carrière à mettre en musique des drames et des comédies en tout genre. Pourtant, lorsque Zimmer se vit confier la musique du film de Tony Scott en 1995, il n'imaginait certainement pas remporter un tel succès auprès des béophiles et des artisans hollywoodiens qui, avec le succès de cette bande originale, s'arracheront le compositeur allemand pour de futures productions d'action, que ce soit 'The Rock' de Michael Bay, 'The Peacemaker' de Mimi Leder, 'Broken Arrow' de John Woo, etc. Si le compositeur avait déjà montré avec un certain entrain son talent pour les musiques d'action dans 'Backdraft' et le sous-estimé 'Drop Zone', ce talent se révèle dans toute sa splendeur avec 'Crimson Tide'. Pourtant, il serait réducteur de s'arrêter ici au côté action de la partition, étant donné que la partition s'articule aussi beaucoup sur un grand crescendo de tension et des moments dramatiques plus poignants.

Avec 'Mutiny', Zimmer nous plonge dans une atmosphère plutôt sombre qui annonce déjà la tonalité plutôt oppressante et tendue de sa partition. Le but n'était évidemment pas ici de nous donner à entendre une musique épique ou guerrière mais une musique plus dramatique, plus nuancée, plus tourmentée, dans laquelle rayonnerait quelques moments d'émotion pure. 'Mutiny' débute ainsi au son de tenues de synthé, de cordes et d'un choeur d'hommes discret. Chacun se prépare pour le grand départ à bord de l'USS Alabama, tout en sachant ce qui risque de se passer si la crise devait dégénérer en conflit mondial. Zimmer installe donc ici une certaine ambiance de tension résignée, une atmosphère d'appréhension qui ne tarde pas à être mise en relief par l'arrivée de la trompette soliste de Malcolm McNab qui énonce les premières notes du célèbre thème principal. Puis, le rythme change, le compositeur dévoile quelques percussions et rythmiques électroniques pour marquer l'arrivée sur le port. Il nous permet même d'entendre son second thème, une mélodie plus mélancolique jouée ici par une guitare solitaire lorsque Hunter dit au revoir à sa famille avant de partir. On appréciera d'ailleurs la façon dont Zimmer amène progressivement son thème principal qu'il expose de manière mémorable pour la scène du speech de départ de Ramsey sur le port, avant que l'équipage embarque. Percussions électroniques, synthé, cordes, cuivres et choeur d'hommes s'unissent pour dévoiler véritablement le thème principal dans toute sa splendeur: un thème majestueux et particulièrement inspirant qui possède une grandeur d'âme rare et somptueusement épique. Difficile de ne pas se sentir ici faire partie d'une très grande aventure, la musique nous invitant à prendre place à bord de ce prestigieux sous-marin. Il ne fait nul doute que le compositeur a trouvé ici l'un des plus grands thèmes de toute sa filmographie, pour ne pas dire LE thème qui correspondrait le mieux au compositeur allemand.

'Alabama' assombrit considérablement l'ambiance, mettant l'accent sur les percussions électroniques, les cuivres samplés, les cordes, les effets électroniques et les nappes de synthétiseur en tout genre. 'Alabama' est l'un des premiers morceaux qui va progressivement faire monter la tension tout au long, oscillant entre action et suspense oppressant, jouant constamment sur des effets de rupture, des changements d'allure rythmique, des sursauts de percussions, des sonorités électroniques chaotiques et dissonantes, un choeur d'hommes qui installe un malaise, etc. Le morceau accompagne ainsi la longue séquence de la descente du sous-marin dans les profondeurs. Le morceau, démesurément long (23 minutes 50!) accompagne avec une intensité sans cesse renouvelée les déboires de l'équipage de l'USS Alabama, Zimmer nous faisant ressentir ici le chaos qui règne à bord du sous-marin lorsqu'une fuite menace de faire couler le submersible et tout son équipage. On appréciera l'utilisation du célèbre hymne de la marine américaine à 5.28 'Eternal Father Strong To Save' (cf. 'Little Ducks'), un hymne traditionnel que le compositeur détourne ici pour l'associer au drame humain qui se joue à bord du submersible (l'hymne apparaît ici lors de la scène où des hommes se retrouvent prisonniers et condamnés à se noyer dans la coursive inondée). On appréciera ici la façon dont le compositeur dénature l'hymne en le confiant ici à un choeur samplé dont la froideur résume bien l'état critique et dramatique de la situation (on s'imagine sans mal à cette profondeur la température extrême de l'eau). Si cet hymne est suivi d'une nouvelle reprise plus salvatrice du thème principal, c'est pour laisser de nouveau la place à une nouvelle atmosphère de suspense et de tension, personnifiant le danger, le conflit et la mutinerie qui se met progressivement en place à bord du submersible. Percussions omniprésentes, rythmiques électroniques techno speedées, synthé, cuivres, choeur, rien n'y manque.

Evidemment, on pourra regretter le côté souvent lourd et répétitif de cette longue piste qui semble interminable, mais, collée sur les images du film, la musique prend tout son sens et offre un plus dramatique et émotionnel indéniable au film de Tony Scott. Chaque événement, chaque situation, chaque péripétie se voit immédiatement renforcé par l'excellente musique de Hans Zimmer. A noter l'apparition à 14.32 d'un thème dramatique chanté par le choeur d'hommes, et qui se distingue par sa basse descendante chromatique d'un classicisme un brin scolaire mais qui évoque maint oeuvres chorales allemandes (on pense à Bach notamment). Ce thème dramatique apporte un 'plus' émotionnel à certaines scènes dramatiques comme cette scène où des gradés tentent désespérément de convaincre Weps (Viggo Mortensen), au poste de tir des missiles, qu'il ne doit absolument pas obéir à l'ordre de tir de Ramsey. Le thème accompagne ici la scène en renforçant la gravité et la tension psychologique de la scène, bien qu'il se dégage aussi de ce thème un aspect tragique et sombre impeccable dans le contexte du film (on le retrouve de manière toujours aussi poignante à 20.15). La dernière partie du morceau, plus axé sur l'action, accompagne la scène de mutinerie à bord du submersible, lorsque les deux clans Ramsey/Hunter se mettent progressivement en place. On notera ici l'utilisation d'un nouveau thème, plus rythmique, un motif d'action qui apparaît lors des scènes où Ramsey et Hunter tentent alternativement de reprendre le contrôle de l'appareil.

'1SQ' accentue la tension autour du tir de missile et de l'ordre incomplet. Comme dans le long et tumultueux 'Alabama', '1SQ' maintient le suspense durant près de 18 minutes, dans lesquelles on retrouve les percussions électroniques chères au compositeur, avec son lot de cuivres, de trompette soliste, de cordes et de synthé en tout genre. L'action est ici au rendez-vous, bien que le compositeur continue de privilégier une atmosphère oppressante où règne une certaine lourdeur (dans le bon-sens du terme) nécessaire afin d'accentuer le malaise constant du film. Après un long crescendo de tension non-stop, le morceau accompagne finalement la résolution de cette crise avant l'incontournable et magnifique 'Roll Tide' où, après une reprise du thème mélancolique de Hunter par une trompette lors de la scène du tribunal militaire à la fin du film, le thème principal éclate finalement dans toute sa splendeur, soutenue par des rythmiques électroniques, des cordes, des cuivres et un choeur d'hommes grandiose. Ce thème fédérateur devient particulièrement enlevant lorsque, à l'instar de 'Mutiny', la mélodie prend des proportions épiques pour le générique de fin, concluant le film de manière grandiose avant une suite reprenant le thème dramatique du choeur d'hommes et l'hymne 'Eternal Father Strong To Save', associé tout au long du film à l'équipage de l'USS Alabama.

Vous l'aurez compris, 'Crimson Tide' est un véritable monument dans la filmographie de Hans Zimmer, une partition remarquable et inspirée qui, s'il elle s'avère être inégale d'un bout à l'autre avec quelques longueurs, n'en demeure pas moins l'une des meilleures musiques que le compositeur ait livré à ce jour sur une production Bruckheimer. A l'instar du film de Tony Scott, la musique évoque ce climat de tension psychologique permanente, ce climat d'oppression, de crise, de conflit sur fond de drame humain. C'est évidemment l'inoubliable thème principal qui a fait toute la réputation de la partition de 'Crimson Tide', à tel point que les béophiles ne retiennent finalement plus que cela de ce score. Il s'agit en tout cas de ce type de thème grandiose et inspiré que l'on a pas toujours l'habitude d'entendre et qui rompt avec la monotonie des productions musicales du moment. Indissociable du film, le thème de 'Crimson Tide' a parfaitement sut capter toute la grandeur et l'intensité dramatique et émotionnelle du film de Tony Scott. 'Crimson Tide' fait aussi partie des dernières grandes partitions inspirées que le compositeur écrira pour les derniers jours du tandem Bruckheimer/Simpson, un an avant que Don Simpson décède en 1996, laissant Jerry Bruckheimer continuer seul son bonhomme de chemin tout en s'enfonçant progressivement dans la médiocrité continue indigne de la qualité de certaines de ses productions de la première moitié des années 90. On sent que 'Crimson Tide' a été composé à une époque où l'inspiration habitait encore Hans Zimmer, avant qu'il finisse par tourner en rond à la fin des années 90 dans le genre des musiques d'action et qu'il relègue à ses partisans de Media-Ventures l'objectif d'écrire ce genre de musique tonitruante pour des productions hollywoodiennes calibrées. Ainsi, s'il fallait conseiller à des néophytes quelques partitions pour débuter avec Hans Zimmer, il ne fait nul doute que le monumental 'Crimson Tide' ferait partie du lot. Un score incontournable en somme!


---Quentin Billard