1-Birth Of The Legend 6.16
2-Resurrection 2.10
3-The Crow Descends 2.30
4-Remembrance 2.54
5-Rain Forever 2.52
6-"Her Eyes...So Innocent" 2.45
7-Tracking The Prey 3.35
8-Pain & Retribution 2.34
9-Believe In Angels 3.31
10-Captive Child 2.52
11-Devil's Night 2.30
12-On Halloween Ground 2.42
13-Inferno 5.02
14-Return To The Grave 3.45
15-Last Rites 3.55

Musique  composée par:

Graeme Revell

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5499

Album produit par:
Graeme Revell
Producteur exécutif de l'album:
Robert Townson

Artwork and pictures (c) 1994 Edward R. Pressman Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE CROW
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Graeme Revell
Pour beaucoup, 'The Crow' est sans aucun doute l'une des meilleures adaptations cinématographiques d'un comics américain, signé ici James O'Barr. Réalisé par Alex Proyas qui livre là l'un de ses meilleurs films (devenu aujourd'hui culte), 'The Crow' nous plonge dans une atmosphère gothique brumeuse dans laquelle le spectateur évolue dans une ville plongée sans cesse dans l'obscurité et la pénombre (Proyas reprendra ce principe dans 'Dark City'), le jour de la tant redoutée 'nuit du diable', celle où les forces de l'ombre se déchaînent et fond régner le chaos sur la ville. Eric Draven (Brandon Lee) et Shelly Webyster (Sofia Shinas) sont sur le point de se marier la veille du 31 octobre, le jour d'Halloween. Un soir, des bandits font brutalement irruption chez eux et les assassinent sauvagement après avoir violé la jeune femme. Un an plus tard, un mystérieux corbeau qui semble surgir de l'au-delà vient ressusciter Eric Draven afin que ce dernier puisse accomplir sa vengeance et délivrer son âme de la souffrance et des tourments qui l'ont envahi. Selon la croyance, il est dit que lorsqu'une personne qui vient de décéder à vécu des choses trop épouvantables, un corbeau ramène l'âme du royaume des morts sur terre pour que l'individu puisse retrouver le repos éternel en accomplissant une dernière mission purificatrice. Revenu du royaume des morts avec des pouvoirs qui le rendent invincible et immortel, Eric Draven est prêt à retrouver et à éliminer les uns après les autres les criminels responsables de sa mort et de celle de Shelly.

'The Crow' vaut donc par la qualité de sa mise en scène, qui nous plonge dans une atmosphère lugubre où tout espoir semble avoir littéralement quitté un monde chaotique semblable aux enfers. Eric Draven, brillamment interprété par Brandon Lee (fils du célèbre Bruce Lee), est l'archétype même du héros qui se lance dans une croisade revancharde et violente pour que triomphe sa vengeance et le repos éternel de son âme. Malheureusement, la fiction semble avoir rattrapé la réalité car Brandon Lee est malheureusement mort durant le tournage du film, lors d'une scène où l'acteur Michael Masse (Funboy dans le film) devait lui tirer dessus à balle à blanc alors que l'arme avait été accidentellement chargée. Etrangement, il se trouve que Bruce Lee, le père de l'acteur, était mort dans des conditions relativement similaires lors du tournage de son dernier film, 'Game of Death' (1978). C'est sans aucun doute la mort accidentelle de Brandon Lee (à qui le film d'Alex Proyas est dédié) qui a suscité un tel engouement de la part du public pour ce film devenu culte auprès de nombreux cinéphiles. A cela s'ajoute une mise en scène originale pour l'époque, la noirceur et le côté tout en demi-teinte du héros (ni bon ni mauvais) ayant nécessité une esthétique plus gothique et un traitement visuel inédit pour l'époque. On peut dire que le réalisateur a réussi au-delà de toute espérance, avec un Brandon Lee magistral dans le dernier rôle de sa vie, entre douleur et colère quasi divine. Proyas a aussi réussi à insuffler une certaine poésie noire dans son film, un élément que les autres réalisateurs des deux autres suites ont essayé d'imiter mais en vain. 'The Crow' reste aujourd'hui un film de référence dans l'univers des adaptations cinématographiques de BD, un film à la tonalité profondément noire et poétique, un film gothique qui ravira tous les amateurs du genre!

Le succès du film a aussi largement été entretenu par la fameuse musique de Graeme Revell, qui signe là son score le plus connu par tous les béophiles du monde entier, qui se demandent encore aujourd'hui pourquoi le compositeur n'a jamais réussi à renouer avec le souffle gothique et l'inspiration qui alimentèrent ce score de référence. Le score de 'The Crow' épouse à merveille l'univers gothique et sombre du film d'Alex Proyas. Pour se faire, le compositeur de 'Dead Calm' utilise l'orchestre traditionnel couplé avec une bonne dose de synthétiseurs, une shakuhachi (flûte japonaise), un duduk (sorte de hautbois arménien très utilisé à outrance au cinéma depuis le 'Gladiator' de Hans Zimmer), quelques guitares (dont une électrique) et une trompette en sourdine. Pour beaucoup, 'The Crow' est la meilleure partition que Graeme Revell ait jamais écrit pour un film, et il est vrai qu'il y a un peu de cela ici, même si la musique de 'The Crow' (qui doit beaucoup au 'The Last Temptation of The Christ' de Peter Gabriel, ce qui semble ne pas avoir échappé à l'attention de certains béophiles) n'est pas forcément un chef-d'oeuvre impérissable. Mais il se dégage néanmoins de cette musique une ambiance particulièrement qui est tellement imprégnée des images du film d'Alex Proyas que l'on ne peut que difficilement rester insensible aux charmes sombres de cette musique. 'Birth of the Legend' (certains ont vu une allusion dans ce titre à la mort de Brandon Lee, sous forme d'hommage - la mort de l'acteur, et la naissance de la " légende ") résume parfaitement tout l'esprit du film, avec son introduction sombre dévoilant la partie plus atmosphérique de la musique incluant quelques percussions électroniques avec les synthés ambiants, le duduk solitaire et la trompette en sourdine, le tout évoquant sur un ton plutôt mystérieux et envoûtant le vol du corbeau qui ressuscite les morts. La seconde partie de 'Birth of the Legend', plus mélancolique et douce, utilise les cordes avec quelques synthés et quelques notes de piano qui nous amènent au très beau thème principal de cordes lié à Eric Draven et à sa souffrance. Le thème apporte à Draven un côté doucement mélancolique et quasi élégiaque - on aurait d'ailleurs difficilement trouvé meilleur thème pour ce personnage, car Graeme Revell a su trouver la mélodie qui ne soit ni trop élégiaque, ni trop sombre (à noter que ce thème a été largement popularisée par son utilisation dans les trailers du 'Pearl Harbor' de Michael Bay).

Après une introduction aussi pertinente, 'Resurrection' vient illustrer la scène de la résurrection du héros au début du film sur un ton toujours aussi sombre et atmosphérique, dominé par d'inquiétantes nappes de synthétiseur, quelques notes plus sombres de shakuhachi et un duduk auquel s'ajoute la couleur plus distante d'une guitare électrique lointaine, ce qui s'explique simplement par le fait qu'à l'origine, le personnage d'Eric Draven est un rockeur. On notera ici l'importance accordée par le compositeur sur le travail des différentes sonorités (instrumentales ou électroniques), un travail qui a largement contribué à créer l'atmosphère si forte qui se dégage de cette musique dans le film. Dès lors, le reste de la partition va s'axer principalement autour de cet impressionnant travail de sonorité, avec des moments plus atmosphériques alternant avec quelques passages plus poétiques et émouvants. 'The Crow Descends' est ainsi un bel exemple de musique atmosphérique pour la scène de la descente du corbeau qui suit Draven dans ses agissements, le morceau utilisant efficacement les percussions (tambours, percussions électroniques, tambourin, etc.) et les synthétiseurs sombres, les percussions apportant d'ailleurs ici un côté plus primaire à la musique et participant à son tour à l'élaboration de cette atmosphère si particulière qui colle à merveille à l'esprit du film. La partie plus humaine est alors suggérée dans l'incontournable 'Pain and Retribution', sans aucun doute l'un des meilleurs morceaux du score pour la scène où Eric Draven se souvient de sa mort et de celle de Shelly. La musique utilise ici les synthés auxquels viennent s'ajouter une chorale féminine quasi angélique, qui baignent dans une atmosphère quasi religieuse et intemporelle (Draven ayant d'ailleurs souvent été comparé au Christ dans ce film). 'Pain and Retribution' évoque à merveille la souffrance et la haine que ressent alors Draven au cours de cette scène-clé du film, quasiment entièrement portée par la musique de Graeme Revell et ses voix féminines qui évoquent le souvenir lointain et tourmentée de Shelly. Voilà en tout cas la preuve que le très critiqué Graeme Revell est capable d'avoir des idées originales qu'il assume jusqu'au bout à condition que le film et son histoire l'inspirent à juste titre.

'Rain Forever', 'Tracking The Prey' ou l'envoûtant 'Believe in Angels' sont autant de parties atmosphériques qui concourent à un même but: créer une ambiance sombre et gothique qui plongent le spectateur dans un univers brumeux, quasi irréel et inquiétant. La reprise du très beau thème principal dans 'Believe in Angels' apporte même un peu d'espoir au sein de cet univers sonore peu lumineux et relativement suffocant (après tout, il est question d'une résurrection pour accomplir une vengeance sur terre). Une bonne idée de Graeme Revell vient du fait qu'il associe un motif de 6 notes au personnage d'Eric Draven et que ce dernier interprète sur sa guitare électrique au début de l'excellent 'Inferno' (avec un superbe solo virtuose très rock) et 'Captive Child' (et que l'on retrouve dans une des chansons entendues durant le film), une sorte de rappel du statut de musicien de cet anti-héros par excellence. Le travail autour des percussions accentue ici le côté plus inquiétant de la musique avec une atmosphère de suspense plus intense pour la scène où Top Dollar et sa complice kidnappent la jeune Sarah (Rochelle Davis) pour tendre un piège à Draven et son corbeau, une atmosphère de suspense glauque que l'on retrouve aussi dans le sombre 'Tracking The Prey' et son excellent travail autour des percussions qui évoquent ici le caractère inéluctable de la vengeance d'Eric Draven lorsque ce dernier traque les criminels dont il compte se venger. Cette atmosphère lugubre s'accentue dans 'Devil's Night' évoquant le chaos qui s'installe dans la ville lors de la 'nuit du diable' (même travail des percussions et des sonorités électroniques) tandis que 'On Hallowed Ground' se veut plus mélancolique et chaleureux avec les cordes, le piano et une voix féminine évoquant une fois encore le souvenir de Shelly dans la scène du cimetière. Même chose pour 'Return To The Grave' qui évoque la paix retrouvée de Draven avec un retour du thème principal lorsque ce dernier se rend sur son tombeau, près à quitter définitivement ce monde.

Si vous aimez les atmosphères sombres avec un grand travail autour de sonorités instrumentales et électroniques, il ne fait nul doute que vous serez très certainement parfaitement réceptif au travail effectué par Graeme Revell sur 'The Crow', qui signe là l'une de ses meilleures partitions sans être pour autant SON chef-d'oeuvre (loin de là). Dans un registre similaire, 'The Crow: City of Angels' du même Revell paraît nettement plus abouti et mémorable, surtout dans son utilisation de choeurs religieux, un aspect un peu trop survolé par le compositeur dans ce premier opus. On regrettera aussi le caractère trop souvent atmosphérique de la musique, ce qui rend cette dernière assez difficile d'accès et pas toujours très intéressante hors contexte du film. Malgré tout, il semblerait bien que le public, emballé par le film d'Alex Proyas, a décidé de considérer le score de 'The Crow' comme l'oeuvre la plus mémorable de Graeme Revell, ce qui n'est pas faux mais qui peut aussi être très largement discuté. Quoiqu'on en pense, on ne peut néanmoins rester indifférent à ce sombre score qui accompagne à merveille le film d'Alex Proyas et que l'on ne peut évidemment que recommander à tous les béophiles qui ne connaîtraient pas encore ce grand classique signé Graeme Revell!


---Quentin Billard