1-Cyrano 1.27
2-Les Lustres 2.43
3-La Lanterne Magique 1.30
4-Le Duel 3.23
5-La Porte de Nesle 2.08
6-Roxane 2.50
7-Non Merci 1.57
8-Les Lettres 1.48
9-La Visite du Compte 2.04
10-Le Mariage 1.16
11-Le Luth 1.35
12-Les Précieuses 1.33
13-La Déclaration de Cyrano 2.45
14-Le Dément 1.17
15-Le Fifre 1.24
16-L'arrivée de Roxane 3.29
17-La Messe des Espagnols 1.50
18-La Mort de Christian 3.04
19-Le Chant des Nonnes 1.30
20-L'aveu 2.37
21-La Mort de Cyrano 2.40
22-Générique de Fin 3.57

Musique  composée par:

Jean-Claude Petit

Editeur:

Trema 710323

Album produit par:
Jean-Claude Petit

(c) 1990 Caméra One/CNC/DD Productions/Films A2/Hachette Première/Investors Club/La Sofica Sofinergie/UGC Images.

Note: *****
CYRANO DE BERGERAC
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jean-Claude Petit
Adaptation de la pièce en vers d’Edmond Rostand, « Cyrano de Bergerac » permet au réalisateur français Jean-Paul Rappeneau de triompher dans un film au classicisme élégant qui fut justement récompensé par plusieurs prix au Festival de Cannes 1990 et, l’année suivante, pas moins de 10 Césars et 1 Oscar, sans aucun doute l’un des plus grands succès critique et populaire du cinéma français du début des années 90, et qui marqua à l’époque l’apogée du grand spectacle d’aventure à la française, entre le film de cape et d’épée et le film d’amour. Le roman d’Edmond Rostand a été adapté à de nombreuses reprises au cinéma, mais la version de Jean-Paul Rappeneau reste encore à ce jour l’une des plus populaires, et ce même si le film s’autorise pas mal de libertés par rapport au roman d’origine - à noter que pour les besoins de l’histoire, le scénariste Jean-Claude Carrière a lui-même réécrit une centaine d’alexandrins à la manière d’Edmond Rostand. On y retrouve ainsi l’histoire de trois hommes qui cherchent à charmer la belle Roxane (Anne Brochet) chacun à leur façon. Il y a tout d’abord le puissant et richissime comte de Guiche (Jacques Weber), puis le poète et artiste littéraire Cyrano (Gérard Depardieu), et enfin pour finir le séduisant jeune cadet Christian de Neuvillette (Vincent Perez). Cyrano est amoureux fou de Roxane, qui se trouve être sa cousine. Mais cette dernière n’a d’yeux que pour le jeune Christian. Elle demande alors à Cyrano de protéger son bien-aimé. Christian, de son côté, demande à Cyrano de l’aider à écrire ses lettres d’amour à Roxane. Cyrano, affublé d’un vilain nez, décide finalement de ne pas avouer sa flamme à Roxane.

Pendant ces quelques 135 minutes, le film de Jean-Paul Rappeneau nous offre un mélange assez fort entre la romance, l’aventure et la poésie, sans oublier l’humour et les envolées héroïques de l’œuvre d’origine. Evitant habilement de tomber dans la théâtralité artificielle, Rappeneau a fait de son « Cyrano » un spectacle riche, populaire et émouvant, servi par l’interprétation inoubliable de Gérard Depardieu dans l’un de ses plus grands rôles au cinéma : un héros romantique au courage exemplaire, entouré de quelques grands acteurs comme Jacques Weber, Vincent Perez et Anne Brochet. Fidèle à la forme théâtrale du roman d’origine (un fait rare dans un film français de cette époque), « Cyrano de Bergerac » contient aussi de magnifiques décors, une mise en scène élégante, et bien entendu, une musique inoubliable signée Jean-Claude Petit, qui reçut d’ailleurs à son tour un César pour cette partition remarquable, qui contribua largement au succès du film.

La musique de Jean-Claude Petit est un pur bonheur pour tous les mélomanes et autres passionnés de la musique symphonique baroque du 17ème et début du 18ème siècle. Ecrite à la manière des grands maîtres de l’époque et afin de coller au plus près à l’époque à laquelle se déroule l’histoire du film, la musique de « Cyrano de Bergerac » repose avant tout sur un superbe thème principal associé dans le film à Cyrano, brillamment interprété par Gérard Depardieu. Le dit thème est exposé dès le générique de début du film (« Cyrano ») et s’apparente à une composition de style baroque proche d’Haendel ou de Telemann, s’inspirant des rythmes de sarabande - il s’agit d’une danse noble à trois temps très en vogue entre le 17ème et le 18ème siècle. Le thème s’articule sur une mélodie majestueuse et cérémoniale dominée par une trompette soliste. Cette pièce s'enchaîne d’ailleurs avec un autre morceau plus rythmé et triomphant, que l'on entend au début du film lorsque Cyrano se bat en duel à l'épée : un grand classique ! A noter que ce morceau est en réalité construit à la manière d'une ouverture à la française de mouvement lent-vif-lent, une forme musicale typique du 17ème siècle et très utilisée à l’époque du compositeur Jean-Baptiste Lully sous le règne de Louis XIV. Le classicisme de cette musique apporte donc un vrai plus aux images du film de Jean-Paul Rappeneau, un véritable exercice de style virtuose et totalement maîtrisé par Jean-Claude Petit !

Dès le début de sa partition, le compositeur développe le côté éminemment classico-baroque de sa partition, soutenue par des orchestrations extrêmement élaborées incluant le traditionnel clavecin baroque et même un luth pour quelques passages de type amour courtois. Une pièce comme « Les Lustres » retranscrit parfaitement l’élégance baroque de la musique de Jean-Claude Petit, alors qu’un morceau comme « La Lanterne Magique » utilise de façon plus inattendue un petit orgue de barbarie qui interprète ici une mélodie basée sur la figure rythmique initiale de « Cyrano » avec ses notes pointées facilement reconnaissables et que l’on entend très souvent dans les ouvertures à la française des oeuvres scéniques de Lully. C’est ensuite l’occasion pour Jean-Claude Petit d’illustrer dans le film une autre scène de duel avec Cyrano dans « Le Duel », morceau plus sombre où les harmonies résonnent ici de façon plus moderne, toujours servi par un classicisme d’écriture élégant et raffiné. Le morceau reprend d’ailleurs la section centrale de « Cyrano », teintée d’héroïsme et de reprises du thème de trompette de Cyrano, de percussions martiales et de grands élans de cordes. La musique de Petit se rapproche d’ailleurs davantage ici des partitions de film de cape et d’épée du Golden Age hollywoodien : on n’est guère loin par moment ici de l’exubérance symphonique d’un Korngold, d’un Rozsa ou d’un Newman - une sorte de mini-exploit pour un film français de cette époque !

Hélas, la partition de « Cyrano de Bergerac » est aussi connue pour sa fameuse ‘anecdote’ juridique ayant opposée le compositeur américain Danny Elfman à Jean-Claude Petit, et plus particulièrement à cause du morceau « La Porte de Nesle ». En effet, Elfman a intenté un procès en justice contre Jean-Claude Petit, accusant ainsi le compositeur français d’avoir plagié sur ce film son thème pour le « Batman » de Tim Burton. Petit a d’ailleurs gagné son procès à son tour, le compositeur ayant réussit à démontrer qu’il existait aussi des similitudes entre l’oeuvre d’Elfman et la sienne. Rappelons que l’insertion d’un passage à la « Batman » (pourtant extrêmement flagrant ici et fait sans l’accord d’Elfman !) dans le morceau « La Porte de Nesle » correspondait à la base à une demande expresse de Jean-Claude Rappeneau, qui voulait une musique extrêmement héroïque pour cette scène où Cyrano affronte à l’épée une centaine de mercenaires. Quoiqu’il en soit, « La Porte de Nesle » fait un peu tâche au milieu de la partition de Jean-Claude Petit, un morceau dispensable qui ne doit pas nous empêcher d’apprécier le reste de la partition de « Cyrano de Bergerac ».

Petit nous offre avec « Roxane » et « Les Lettres » de somptueux morceaux romantiques qui oscillent entre la musique baroque et le lyrisme flamboyant d’un Richard Wagner. Un morceau comme « Roxane » emprunte par exemple des couleurs harmoniques aux musiciens postromantiques allemands (Strauss, Wagner, Mahler, etc.), dominé ici par un hautbois gracieux et des cordes savoureuses, pour une scène où Cyrano tente de courtiser la belle Roxane. Même chose pour le somptueux et poignant « La Déclaration de Cyrano », qui, avec ses envolées de cordes lyriques et ses harmonies très sophistiquées, rappellent incontestablement Mahler ou Strauss. Jean-Claude Petit réussit encore une fois l’exploit de renouer avec un style savant du passé sans jamais trahir son propre point de vue musical, apportant une émotion et un lyrisme incroyable à ces scènes romantiques du film. Dans « Les Lettres », le compositeur met en avant les cordes avec le clavecin pour un autre morceau au lyrisme pur éminemment romantique, lorsque Cyrano aide Christian à rédiger ses lettres d’amour pour sa promise. Le compositeur utilise ensuite un luth dans « Le Luth » qui rappelle bon nombre de pièces italiennes écrites pour cet instrument entre la Renaissance et le Baroque, et qui évoque ici aussi le thème de l’amour courtois. Dans « Le Fifre », Jean-Claude Petit confie cette fois-ci une mélodie mélancolique et simple à un fifre pour une scène de folklore gascon du film. Petit nous offre ensuite un grand morceau de bravoure dans « L’arrivée de Roxane » débouchant sur le tragique « La Mort de Christian », lorsque Christian, ayant découvert le secret de Cyrano, exige que ce dernier aille dire toute la vérité à Roxane avant de partir se faire tuer par les soldats espagnols lors du siège d’Arras. Enfin, la partition atteint son climax d’émotion dans les très poignants « L’Aveu », « La Mort de Cyrano » et « Générique de Fin », où le thème de Cyrano résonne une dernière fois avec une mélancolie quasi funèbre, très éloignée de la fougue chevaleresque du début. Ici aussi, on se rapproche clairement de Richard Wagner et plus particulièrement du style du célèbre final de « Tristan & Isolde ».

Partition emblématique dans la musique de film française des années 90, « Cyrano de Bergerac » est une grande oeuvre classique d’une très grande beauté, à l’image même du film de Jean-Paul Rappeneau, un véritable festival d’émotions apportant un souffle épique et romantique incomparable au film, teintée d’élans orchestraux à la fois baroques et romantiques et de pièces lyriques rappelant les grands maîtres du postromantisme allemand du 19ème siècle. A mi-chemin entre le classicisme baroque d’un Haendel (« Cyrano ») et le lyrisme flamboyant d’un Wagner (« Générique de Fin »), « Cyrano de Bergerac » est bel et bien une oeuvre de maître, écrite par l’un des meilleurs compositeurs du cinéma français des années 90 - qui se fera hélas plus discret par la suite. Brassant ses influences musicales avec plus ou moins de succès (on préfèrera oublier l’emprunt douteux au « Batman » de Danny Elfman !), « Cyrano de Bergerac » est une pièce de choix pour tous les passionnés des grandes musiques de film françaises de l’époque : un classique totalement incontournable, un véritable chef-d'oeuvre, en somme !



---Quentin Billard