1-Minority Report 6.29
2-"Can You See?" 2.12
3-Pre-Crime To The Rescue 5.48
4-Sean and Lara 4.46
5-Spyders 4.33
6-The Greenhouse Effect 5.09
7-Eye-Dentiscan 4.48
8-Everybody Runs! 3.10
9-Sean's Theme 1.57
10-Anderton's Great Escape 6.47
11-Dr.Eddie and Miss
Van Eych 3.08
12-Visions Of Anne Lively 3.27
13-Leo Crow...
The Confrontation 5.55
14-"Sean" By Agatha 5.59
15-Psychic Truth and Finale 7.10
16-A New Beginning 3.29

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Dreamworks Records
0044-50385-2

Album produit par:
John Williams
Supervision montage:
Ken Wannberg
Album compilé par:
Ramiro Belgardt

Artwork and pictures (c) 2002 Twentieth Century Fox Film Corporation & Dreamworks LLC. All rights reserved.

Note: ***1/2
MINORITY REPORT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Cela faisait pas mal d'année que le projet était annoncé mais la situation semblait stagner depuis quelques temps jusqu'à ce que l'on apprenne que Steven Spielberg venait de terminer son nouveau film tant attendu par ses fans, 'Minority Report'. Grosse production se déroulant dans le futur en 2054, 'Minority Report' nous décrit une humanité froide isolée dans une technologie qui semble complètement la dépasser. L'intrigue est simple: Pré-Crime, la division spéciale de la police de Washington possède le pouvoir d'arrêter les crimes avant qu'ils soient commis, et ce grâce à l'aide des visions des Précogs, trois humains aux pouvoirs psychiques très spéciaux (ils prédisent les crimes qui vont arriver dans l'avenir) que Pré-Crime 'exploite' afin de stopper tous les crimes et de ramener la paix dans la région. C'est le chef John Anderton (Tom Cruise) qui dirige et supervise les opérations, et tout fonctionne bien jusqu'au jour où une des visions des Précogs annonce que Anderton lui même va commettre un crime. Convaincu de son innocence, Anderton va fuir afin de faire la lumière sur cette histoire pour comprendre qui l'a piégé et pourquoi. On pourra évidemment reprocher à Spielberg d'en avoir fait un peu trop, d'abord au niveau des effets spéciaux qui sont souvent assez gros ou de certains éléments d'incohérence au niveau de la mise en scène (les gens vivent dans des appartements pourris comme au 20ème siècle en se faisant cuire des oeufs sur le plat...bizarre!). Mais 'Minority Report' permet néanmoins à Spielberg de changer de registre et d'abandonner son style 'magique/poétique' (que l'on trouvait aussi dans 'A.I.') pour créer ici un film policier/thriller très noir, un univers glauque et sombre surprenant de la part du réalisateur qui se permet certaines choses auxquelles il ne nous avait pas forcément habitué.

Mais c'est justement ce brusque changement de registre qui gêne un peu ici: habitué aux grosses productions d'aventure possédant toujours un côté magique et parfois enfantin, Steven Spielberg nous livre ici un film très sombre et excessivement noir, un thriller futuriste qui rappelle un peu l'univers froid de 'A.I.' mais avec la touche poétique en moins. Adapté d'une nouvelle de Philip K.Dick (à qui l'on doit déjà 'Blade Runner' et 'Total Recall'), 'Minority Report' pose certaines questions morales importantes: a t'on vraiment le droit d'arrêter un individu pour un crime qu'il n'a pas commis mais qu'il va commettre dans le futur? Comment peut-on vraiment être certain que les prédictions sont toutes justes à 100%? Ne risque t'on pas alors d'emprisonner injustement des innocents? Quelque part, Spielberg nous invite à nous interroger sur ce système judiciaire expéditif qui renvoie clairement à la justice américaine qui ne se trompe soi-disant jamais (pourtant, on sait que beaucoup d'innocents passent tous les jours sur la chaise électrique aux Etats-Unis). Spielberg nous montre ici cet univers technologique froid (malgré les incohérences du film au niveau du mode de vie des gens qui paraît très primaire pour l'année 2054) en utilisant des filtres qui accentuent les couleurs grises pour restituer cette ambiance à la fois glauque et froide. Il est vrai que le film n'a pas vraiment beaucoup de couleurs et reste très souvent grisâtre au niveau de teintes, de même qu'il y'a assez peu de lumière dans la plupart des scènes et que la majorité du film se passe dans l'obscurité. Le réalisateur a crée une esthétique futuriste intéressante dans le film, montrant une société totalement artificielle noyée sous des tonnes de publicités en tout genre diffusées sur des écrans géants, sans oublier la scène chez le dealer qui fournit des 'trips' psychédéliques à tous ses clients afin qu'ils réalisent tous leurs fantasmes. A noter aussi l'utilisation accentuée de musique classique et notamment du célèbre premier mouvement de la Symphonie N°8 dite 'Inachevée' de Schubert lors des scènes où Anderton prépare les opérations à la suite des visions des Précogs, la musique de Schubert étant diffusée en arrière-fond (on a ainsi quelque part une espèce de réminiscence ironique du passé, ironique car la scène est pleine d'effets spéciaux et la musique n'appartient évidemment pas à cette période futuriste, bien au contraire, d'où une certaine forme d'ironie dans l'utilisation parfois un peu exagérée de cette musique.). Enfin, on ne peut éviter d'évoquer les nombreux clins d'oeils du film à certains films et notamment à 'Blade Runner' et à quelques films de Kubrick (le coup des yeux soulevés par des pinces comme dans 'A Clockwork Orange'). Au final, le film risque fort de décevoir les inconditionnels de Spielberg et plaira à ceux qui veulent passer deux bonnes heures sur ce thriller futuriste captivant servi par un scénario redoutable (même si l'on devine très facilement qui est le vrai coupable dans l'histoire) et des effets spéciaux assez ahurissants (à noter que Cruise a fait lui même ses propres cascades), et ce malgré les nombreux défauts du film.

Eternel complice des films de Steven Spielberg a qui il est resté 'fidèle' durant plus de 30 ans, John Williams nous livre avec 'Minority Report' une oeuvre symphonique tout aussi sombre que le film, dans un registre action/thriller du plus bel effet. Pour cerner le contexte futuriste du film, Williams a fait évidemment appel aux synthétiseurs, éléments qu'il utilise rarement mais qui sont devenus un peu plus fréquents dans ses scores des années 90 (on pense à 'JFK' ou 'Jurassic Park'). Dans le cas de 'Minority Report', les synthés se font discrets tout en étant assez présent, sans oublier le fait que les sonorités électroniques du score sont typiques des sons de synthé du Williams des années 90. On nage donc en territoire connu avec cette partition fortement énergique et très sombre. Après le Williams de l'aventure dans les récents 'Harry Potter' ou 'Star Wars II', voici le Williams du thriller d'action avec le dernier film de Spielberg. Ceux qui s'attendent à retrouver ici les habituels grands thèmes mémorables du compositeur seront déçus -Spielberg le mentionne lui même dans le livret du CD-. Certes, il y'a un thème dans le score de 'Minority Report' (celui de Sean, le fils de Anderton, mort depuis plus de 6 ans), mais rien que l'on pourra vraiment mémoriser facilement à la première écoute. Evidemment, la partition donne en apparence un léger goût d'athématisme, mais il n'en est rien. Il est donc bien évident que le compositeur a voulu mettre un peu de côté l'aspect thématique de son score pour se concentrer sur une ambiance sombre et dramatique, à la fois prenante et pesante, et ce tout au long du film, du début jusqu'à la fin. Après une ouverture très mystérieuse sur des sons lointains, les cordes rentrent et se retrouvent vite soutenues par des synthés atmosphériques. Williams pose une ambiance sombre et tendue dans le 'prologue' du film: Pré-Crime réuni des informations pour pouvoir arrêter un 'futur' criminel qui allait commettre un meurtre passionnel. Williams nous plonge d'entrée au coeur de l'action avec un petit motif de synthé (on pense par moment au style mystérieux de 'JFK', d'où l'on retrouve d'ailleurs l'utilisation de ces petits rythmes de claves comme dans le célèbre 'The Conspirators' du score de JFK) avant que le morceau ne fasse monter la tension au fur et à mesure que le compte à rebours avance et nous rapproche de l'issue fatale de la scène. Anderton et ses hommes interviennent alors, Williams partant dans un style action assez agressif tout en restant toujours maître de son écriture orchestrale qui donne une fois encore du fil à retordre à l'orchestre.

Pour capter le style action/suspense/thriller du film, Williams a rapproché son écriture du style de Bernard Herrmann, un compositeur que l'on a beaucoup mentionné en parlant du style de la BO de 'Minority Report'. Il est vrai que l'on retrouve par moment le style d'écriture thriller du célèbre compositeur du Golden Age Hollywoodien, surtout au niveau de l'écriture des cordes et de certaines parties de cuivres. Le compositeur maintient dans la première partie du film un climat pesant et sombre tout en utilisant son matériau action qu'il va largement intensifier dans la seconde partie du film. La traque commence déjà avec l'excitant 'Everybody Runs!' lorsque Anderton s'échappe, poursuivi par les hommes de Pré-Crime. Avec un ostinato de cordes créant un climat d'urgence, Williams intensifie ces scènes de poursuite avec une puissance orchestrale typique du compositeur. La traque s'intensifie dans l'excellent 'Anderton's Great Escape' qui renvoie tout à fait aux grandes parties d'action de 'Star Wars', 'Star Wars II' ou bien encore 'Harry Potter' ou 'Jurassic Park' (pour ne citer que des exemples évidents). A noter ici l'écriture particulièrement virtuose des trompettes, les traits rapides des cordes et la rythmique excitante et prenante, amplifiant ces scènes avec une force orchestrale dont seul Williams possède le secret. Evidemment, rien de bien original dans ces parties d'action qui rappellent tout ce que le compositeur a déjà fait dans ce registre, mais une certaine "efficacité" digne des grands jours du compositeur.

Avec 'Sean and Lara', le compositeur développe le côté plus intime du score avec le très nostalgique thème de Sean soutenu par des cordes/vents avec harpe touchant et quelques synthés atmosphériques, le thème rappelant les souvenirs d'Anderton qui regrette les jours heureux qu'il passa auprès de son fils bien-aimé, le 'Sean's Theme' étant la seule et unique touche de poésie du score (et du film?), le reste du score étant finalement assez 'bourrin' dans le genre. (à noter la belle reprise du thème dans la piste 9 'Sean's Theme') Williams nous réserve quelques grands moments de suspense/action comme dans l'excellent 'Spyders' où les hommes de Pré-Crimes envoient des araignées mécaniques pour scanner les yeux des gens et retrouver ainsi Anderton qui se cache dans l'immeuble. En installant toujours un certain climat d'urgence grâce au travail des cordes, Williams développe un petit motif rythmique ici qui fait monter la tension soutenue par une accentuation des dissonances aux cordes/vents, 'Minority Report' possédant justement plusieurs passages de dissonance nous renvoyant à l'époque des scores plus sombres du compositeur comme 'Close Encounters of The 3th Kind' (1977). A noter l'utilisation des tambours dans ce morceau (scène où Anderton se cache sous l'eau pour ne pas se faire repérer par les araignées) qui nous rappelle tout à fait 'Zam The Assassin/The Chase Through Coruscant' de 'Star Wars II' dans un registre action fortement similaire. Notons au passage l'étrange 'Eye-Dentiscan' qui apporte une certaine touche de légèreté dans la scène où Anderton fait tomber ses yeux, scène censé apporter une touche d'humour (mais qui ne fait même pas sourire). Le travail staccato des cordes renvoie ici au style de certaines partitions d'Herrmann et surtout, chose plus étrange, au style humour noir du score de 'Death Becomes Her' d'Alan Silvestri (une connexion inattendue. Est-ce involontaire?).

La seconde partie du film intensifie non seulement les parties d'action, mais aussi le style plus mystérieux et intriguant du score. Effectivement, Williams a parfaitement réussi à retranscrire tout le climat à la fois intriguant et inquiétant de cette sombre histoire et sa musique se veut tout aussi captivante dans le film que l'est l'intrigue du film. A noter le sombre 'Visions of Anne Lively' où Williams développe le motif de cordes sombre et tendu déjà présent dans la piste 1 'Minority Report', motif d'action qui semble évoquer ici le climat d'urgence de la situation, Anderton cherchant à résoudre le mystère entourant la mort d'Anne Lively tout en essayant de chercher le vrai coupable pour pouvoir prouver son innocence. A noter aussi l'utilisation étonnante d'une voix féminine qui ressort parfois de la masse orchestrale pour apporter une certaine touche de mystère et d'inquiétude à cette partition noire et sombre. La mystérieuse voix de femme (qui possède un côté un peu oriental) semble évoquer le mystère qui entoure la mort d'Anne Lively et le secret lié au personnage d'Agatha (d'où le choix d'une voix de femme). C'est finalement 'Psychic Truth And Finale' qui apporte toutes les réponses à nos questions et conclut l'intrigue de manière tout aussi sombre, Williams atteignant l'apogée de sa partition dans cet avant-dernier morceau qui accentue les dissonances de l'orchestre et la tension de la musique. Le final apparaît alors dans 'A New Beginning' pour la scène de fin, Williams utilisant alors le thème de Sean sous une forme plus romantique et paisible avec des cordes douces et délicates qui nous renvoient un peu au style plus intime de 'A.I.' Evidemment, ce final pourra paraître légèrement un peu trop 'paisible' par rapport à tout ce que l'on a pu entendre auparavant, la majeure partie de la musique de 'Minority Report' développant un climat à la fois sombre et étouffant. Pour le générique de fin, Williams nous propose une très belle reprise du thème de Sean pour piano (soliste) et cordes, morceau entendu en fait dans la première piste de l'album.

Bilan satisfaisant donc pour John Williams qui a parfaitement accomplit sa tâche sur le nouveau film de Spielberg et a crée l'oeuvre musicale parfaite pour illustrer cette sombre histoire futuriste. Suspense, action, frisson et quelques rares touches d'émotion, 'Minority Report' est un score nettement plus sombre que tout ce qu'a fait Williams durant ces 5 dernières années. Agé de plus de 70 ans aujourd'hui, le compositeur fétiche de Steven Spielberg se montre toujours autant en forme même si son inspiration semble diminuer de plus en plus. Effectivement, on pourra regretter le fait que le compositeur n'ait pas choisi un thème un peu plus marquant pour le film, un thème qui aurait du être plus développé dans le film. Malgré tout cela, on ne pourra qu'apprécier la qualité des grands morceaux d'action du compositeur et la puissance orchestrale qui se dégage de cette partition sombre et mouvementée, à l'image même du film.


---Quentin Billard