1-Hearing The Time 3.08
2-By The Sea 1.47
3-Eternity Theme 2.18
4-Parting A 1.31
5-Depart & Eternity Theme 4.02
6-Borders 2.41
7-Wedding Dance 1.28
8-Parting B 1.30
9-To a Dead Friend 4.34
10-Eternity & a Day 1.48
11-Depart & Eternity
Theme Variation I 3.02
12-Bus Part I 1.08
13-Depart & Eternity
Theme Variation II 6.50
14-Bus Part II 0.56
15-Trio & Eternity Theme 2.12
16-The Poet 3.04
17-Depart & Eternity
Theme Variation III 2.34
18-Depart 1.57

Musique  composée par:

Eleni Karaindrou

Editeur:

ECM New Series 1692
465 125-2

Produit pour ECM par:
Manfred Eicher

Artwork and pictures (c) 1998 ECM. All rights reserved.

Note: ***1/2
MIA AIWNIOTHTA KAI MIA MERA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Eleni Karaindrou
Drame bouleversant et Palme d'or méritée à Cannes en 1998, 'l'éternité et un jour' du fameux réalisateur grec Théo Angelopoulos nous raconte l'histoire poignante d'Alexandre (superbe interprétation de Bruno Ganz), un vieil écrivain proche de la mort et qui vit son dernier jour (avant de partir à l'hôpital où il sait très bien qu'il n'en ressortira pas) en s'interrogeant sur les erreurs qu'il a commis au cours de sa vie et sur le sens de l'avenir, de 'demain', de l'éternité qui l'attend. Hanté par les souvenirs de sa femme morte depuis quelques années, Alexandre a compris trop tard qu'il n'avait pas réussi à rendre à sa femme l'amour qu'elle lui portait, un amour sincère et profond, mais un amour tragique à cause de la 'barrière' qui les séparait, à cause de 'l'absence' de son mari qui vivait dans ses oeuvres et ses écrits sans même prendre le temps d'aimer sa femme. Lors de son dernier jour avant de partir à l'hôpital, Alexandre croise en ville un petit garçon de 10 ans, un clandestin albanais qui est pourchassé par la police. Après l'avoir recueilli et protégé, Alexandre va s'attacher petit à petit à ce petit garçon et va décider de se 'racheter' et d'accomplir quelque chose de bien avant de faire ses adieux à la vie: cette ultime rencontre sera pour lui l'occasion de méditer sur le temps qui passe, sur 'demain' et sur l'amour. Au contact de ce jeune garçon, Alexandre se sent à nouveau attaché à la vie avec une certaine douceur de vivre, une sorte de brève lueur d'espoir (cf. scène finale), une dernière journée où l'écrivain va apprendre la signification de la vie. Avec un ton juste et jamais mélodramatique, Angelopoulos nous retrace cette histoire bouleversante dont on ne pourra pas ressortir indifférent, une histoire pleine d'humanité et de pudeur (quelque chose qui fait cruellement défaut aujourd'hui à beaucoup de films Européens, surtout chez les français...). La réalisation est très intéressante et malgré la longueur du film (plus de deux heures) et la lenteur de la mise en scène, on est captivé par ce récit dramatique où les métaphores ne manquent pas. Alexandre se souvient de sa femme Anna (Isabelle Renaud) d'où les nombreux 'flash-back' incorporés dans le récit comme si l'écrivain voyait à nouveau sa femme, flash-back qui commencent d'ailleurs avec la lecture d'une de ses lettres au début du film (scène où il vient rendre visite une dernière fois à sa fille). On notera aussi l'importance accordé ici par le réalisateur à la mer, cette mer qui semble s'étendre sur tout l'horizon à l'infini, cette mer paisible et captivante, symbole de l'éternité (l'aspect infini de la mer) et de la vie (l'eau n'est il pas l'élément indispensable à la vie?). A ce propos, le plan final où l'on voit Alexandre de dos face à la mer est lourd de sens. (quelque part, il tourne le dos à la vie pour aller vers l'infini, vers la mer, vers l'éternité, mais on entend sa mère l'appeler une dernière fois au loin, comme pour rappeler quelque part qu'il a vécu mais qu'il est temps pour lui de partir) Fable humaine vraiment bouleversante, 'l'éternité et un jour' est l'exemple même du film poétique par excellence (l'écrivain du film est aussi un poète qui 'cherche' constamment ses mots), un film modeste et sincère qui ne se veut en aucun cas prétentieux comme c'est souvent malheureusement le cas sur certains films intimes de ce genre. Un véritable chef d'oeuvre!

Angelopoulos collabore depuis plus d'une vingtaine d'année avec une compositrice grecque talentueuse, Eleni Karaindrou. (leur première collaboration remonte à 'Taxidi sta Kithira' en 1984 - 'Voyage à Cythera') Karaindrou a écrit quelques partitions dramatiques pour les films d'Angelopoulos et 'l'éternité et un jour' reste probablement son oeuvre la plus connue et la plus appréciée. Score minimaliste jouant comme on pourrait s'y attendre sur une certaine retenue et une grande pudeur (à l'image même du film), la musique de Karaindrou s'axe autour d'un thème principal symbolisant l'éternité, thème sous la forme d'une petite valse nostalgique autour de laquelle la compositrice va broder en nous proposant quelques variations instrumentales intéressantes. Le reste de sa partition donne un ton à la fois mélancolique et nostalgique au film avec quelques moments plus graves. (à noter aussi que Karaindrou a écrit la musique de danse - dans le style du folklore grec - que l'on entend joué à l'accordéon et au violon dans la séquence du mariage) Entendu dès l'ouverture du film au piano, cette petite valse dégage une certaine sensation de nostalgie qui deviendra particulièrement poignante dans la dernière partie du film, là où Alexandre se rapproche de la fin de sa vie. Cette petite valse revient fréquemment sous la forme de variations instrumentales comme pour évoquer l'issue inexorable de la vie: la mort et le départ vers l'éternité. Mais au lieu de choisir un thème grave ou profond, la compositrice a choisi cette forme de danse souvent joyeuse mais qui ici possède par moment une certaine légèreté mélodique étonnante malgré une certaine nostalgie lié ici aux regrets d'Alexandre. A noter à quel point ce thème quasiment obsédant fait vraiment partie intégrante du film puisque dans la scène du début, l'écrivain passe cette musique sur sa platine et son mystérieux voisin lui répond avec la même musique (à noter aussi la scène vers la fin où le héros danse avec sa femme au son de cette valse joué par les musiciens au bord de la plage - à noter aussi la scène du bus où un petit trio de musiciens interprètent une oeuvre qui se transforme très vite en thème de la valse de l'éternité, d'où le côté finalement répétitif et obsédant de cette valse qui revient régulièrement comme un leitmotiv quasiment fascinant). Karaindrou nous propose tout d'abord une version piano de ce thème qui sera ensuite repris à l'orchestre (principalement aux cordes et bois) dans la scène du début ('Eternity Theme').

Avec 'Hearing The Time', on trouve un thème associé au personnage d'Alexandre, un thème d'accordéon basé en fait sur une version beaucoup plus lente et grave du thème de la valse (à noter ce petit motif de 3 notes qui sonnent de manière quasiment obstiné comme pour rappeler le fait qu'Alexandre est condamné à partir vers l'au-delà). Le thème évoque la solitude du personnage mais aussi cette idée du temps qui passe, un thème qui semble flotter dans l'espace soutenu par un bourdon pesant qui dégage une forte sensation de gravité. Ce thème revient dans 'Parting A' toujours à l'accordéon avec ce côté grave et ce bourdon de cordes qui crée cette sensation dramatique et pesante (et qui exprime aussi le côté résigné du personnage). Avec 'Depart and Eternity Theme', Karaindrou fait intervenir le côté plus dramatique de sa partition avec des cordes mélancoliques (ici les violoncelles) lié à l'idée du 'départ', de l'adieu à la vie, et c'est avec 'Borders' que la compositrice fait intervenir une clarinette elle aussi très mélancolique soutenu par un autre bourdon de cordes créant une fois de plus cette sensation de gravité (un élément important dans la partition). Le morceau est entendu dans la scène où Alexandre et le jeune garçon sont au bord de la frontière vers l'Albanie mais il est plutôt étrange que la clarinette ait été supprimée de la scène où l'on n'entend juste que le bourdon des cordes. (le réalisateur a sûrement du penser que cette clarinette était de trop dans cette scène) On retrouve cette clarinette mélancolique dans 'To A Dead Friend', scène où le jeune garçon et ses amis clandestins font une petite cérémonie funèbre en la mémoire de l'ami du jeune garçon écrasé sur une route. Ici, la clarinette sonne de manière résignée quasi funèbre et résonne comme une sorte de voix solitaire suspendue dans l'espace (toujours soutenu par ce bourdon de cordes toujours très sombre) et crée une 'lumière' assez particulière dans cette scène. Tout le reste du score est ainsi structuré autour des variations sur le thème de l'éternité dont on retiendra surtout les variations dans 'Bus - Part I' avec l'accordéon et 'Bus - Part II' avec une mandoline solitaire dans l'excellente séquence du bus où Alexandre et son jeune ami rencontrent plusieurs personnages différents au cours de la traversée de la ville en bus - un jeune couple qui semble avoir des problèmes, un mystérieux poète symbolisant l'âme d'Alexandre et un trio de musiciens - sans oublier les trois mystérieux cyclistes qui traversent la route avec un imperméable jaune. C'est 'Depart' qui conclu la partition avec le thème mélancolique du départ de la clarinette repris ici avec un basson soutenu par des cordes.

Partition modeste et vraiment touchante, 'l'éternité et un jour' est probablement l'une des BO les plus connues d'Eleni Karaindrou, utilisant les instruments grecs (l'accordéon ou la mandoline) avec l'orchestre (importance des bourdons de cordes) pour créer une partition à la fois plaintive et émouvante. On retrouve le style typique de la compositrice ici, un aspect méditatif lié à un thème très marquant que l'on aura du mal à oublier même après la première écoute (c'est à cela que l'on reconnaît les 'grands' thèmes musicaux). Certes, il y'a peu de musique dans ce film et l'ensemble est assez répétitif, mais l'idée voulue est parfaitement respectée et colle très bien au film et à son récit poignant. Evidemment, je ne peux que vous conseille de découvrir cette petite partition modeste et sans prétention si vous ne connaissez pas bien Eleni Karaindrou.


---Quentin Billard