1-Coming Attraction 2.09
2-Hold On 3.08
3-Brother To Brother 2.27
4-Real People 2.13
5-The Scam 4.08
6-Halfway Home 3.45
7-Showtime 4.33
8-The Wrong Business 3.39
9-This Is It 3.51
10-The Next Attraction 7.56

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5408

Album produit par:
Jerry Goldsmith
Producteur exécutif de l'album:
Robert Townson
Monteur:
Ken Hall
Assistant de Mr.Goldsmith:
Lois Carruth
Film Music Representation:
Richard Kraft
Directeur en charge de la
musique pour Universal Pictures:
Burt Berman

Artwork and pictures (c) 1993 Universal City Studios, Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
MATINEE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Plantage injuste au box-office 93 pour 'Matinee' (Panic sur Florida Beach), probablement l'un des films les plus intéressants de Joe Dante! 'Matinee' est encore une autre grande réussite du réalisateur qui signe ici une petite critique du cinéma commercial américain qui essaie toujours d'en faire plus pour attirer les foules et empocher des millions de dollars, mais au lieu de casser volontairement ce genre de cinéma, Dante nous propose de plonger en plein dedans à travers un très bel hommage nostalgique aux vieilles productions de série-B d'horreur d'antan. Effectivement, le film se passe dans une petite ville de Floride durant les années 60 et plus particulièrement au moment de la fameuse crise des missiles de Cuba (1962), là où le monde a frôlé de très près la catastrophe. Dante nous peint avec justesse ce climat de psychose et de tension incessante, les gens n'ayant en tête qu'une seule chose: la menace des missiles et la destruction du monde. A partir de cette intrigue historique, Dante nous greffe un personnage majeur pour son histoire: le producteur de cinéma Lawrence Woolsey (excellent John Goodman, parfait dans son rôle inspiré du fameux William Castle, spécialiste des séries-B durant le 'Golden Age' Hollywoodien jusqu'à la fin des années 60), sorte de rival d'Alfred Hitchcock spécialisé dans les séries-B d'horreur ultra kitsch (d'ailleurs, un personnage du film fait un amusant clin d'oeil à Hitchcock). Pour son prochain, Woolsey prépare 'Mant', film d'horreur décrivant l'attaque d'une gigantesque fourmi géante qui va tout détruire sur son passage. En réalité, Woolsey joue sur la psychose de la crise des missiles de Cuba pour terroriser ses spectateurs et espérer ainsi gagner l'adhésion de la foule, toujours avide de sensations fortes. Evidemment, c'est là l'aspect majeur du film qui critique ce cinéma commercial qui n'hésite pas à 'détourner' des moments historiques majeurs pour jouer la carte du spectaculaire en sachant pertinemment que c'est ce que le spectateur américain lambda recherche avant tout: des émotions fortes. C'est donc ici la critique ironique d'un cinéma opportuniste qui ne se soucie guère de l'environnement social mais plus des recettes que le film va rapporter. Mais afin d'éviter un parti-pris trop prétentieux, Dante ne dénonce pas ce cinéma mais s'amuse au contraire à nous décortiquer les mécanismes de ces films typiquement Hollywoodiens. On sent même que le réalisateur a de la sympathie pour ce style de cinéma puisqu'il reste très souvent sur le film 'Mant' (on retrouve ici le principe du film dans le film) et nous montre parfois quelques assez longues séquences du film d'horreur de Woolsey qui apparaît dans le film comme un individu sympathique et une figure paternelle pour le jeune héros du film, Gene Loomis (Simon Fenton), le fils d'un militaire qui se trouve justement sur un bateau participant au blocus de l'île de Cuba.

Hommage nostalgique aux bonnes vieilles série-B d'antan, 'Matinee' semble avoir déçu la majorité du public qui ne semble pas avoir compris toutes les subtilités d'un film plein de nostalgie qui a plutôt ravi ceux qui ont connu et vécu cette crise des missiles de Cuba en 1962, là où le cinéma était plus que jamais une source de divertissement privilégié pour individus soucieux de s'évader quelques temps de la dure réalité. On appréciera les moments ironiques du film comme lorsque Woolsey fait intervenir une fausse explosion nucléaire à la fin de son film (et du film de Dante) ou pour une scène pleine d'ironie où un personnage demande si le coup de la fausse explosion nucléaire était de mauvais goût, Woolsey semblant alors plus se préoccuper du côté coûteux de cet effet de mise en scène (Dante nous rappelle une fois encore avec ironie que Woolsey est avant tout un business man). On sent très bien que Dante est un véritable fan de ce style de cinéma: n'oublions pas que le réalisateur a débuté sa carrière avec un petit film d'horreur: 'Piranha' et que Dante est un protégé du fameux Roger Corman, spécialiste des série-B fantastique d'horreur des années 70/80 au même titre que William Castle dans les années 40/50/60. Quelque part, le réalisateur semble se rapprocher du jeune Gene Loomis, un adolescent fan des films d'horreur et de science-fiction, Dante adoptant une fois encore le point de vue des enfants pour cet excellent film (comme dans 'Explorers'). On trouve un peu de tout dans 'Matinee', que ce soit un hommage nostalgie aux séries-B d'horreur faite à l'ancienne en passant par une petite critique du cinéma commercial opportuniste en passant par l'aventure d'un petit groupe d'adolescents qui connaissent leurs premiers émois sentimentaux (Dante filme ces séquences avec beaucoup de tact, adoptant toujours le point de vue de l'enfance) dans cette période de crise et de tension, sans oublier un côté spectaculaire toujours présent dans la plupart des films de Dante et qui se matérialise ici sous la forme de la séquence finale du balcon qui s'effondre. John Goodman est très bon dans le rôle de Woolsey qui donne de très bons conseils à son jeune protégé avide de film de science-fiction/horreur avec une certaine philosophie pleine de sagesse (ce qui rend le personnage de Woolsey plus humain qu'il ne semble l'être derrière sa carapace de business man un peu artificiel). Mention spéciale aux deux acteurs fétiches de Joe Dante qui apparaissent dans la plupart de ses grands films (Gremlins, Explorers, The 'burbs', Innerspace, etc.), Dick Miller (en personnage qui milite contre le film pour défendre soi-disant les bonnes valeurs des américains bien-pensants - encore un côté ironique du film ici) et Robert Picardo dans le rôle d'Howard, le propriétaire de la salle de cinéma que Woolsey a transformé en véritable attraction spectaculaire amplifié par l'Atomo-vision, un nouveau procédé cinématographique spectaculaire. D'après moi, 'Matinee' est le film le plus personnel de Joe Dante et étrangement, il s'agit probablement de l'un des plus grands échec commercial. Film nostalgique à la fois drôle, intime et juste, 'Matinee' est une véritable surprise qui mérite grandement d'être redécouvert!

Septième collaboration entre Jerry Goldsmith et Joe Dante, 'Matinee' est un score différent de ce que le compositeur a pu faire sur 'Gremlins' ou 'The 'Burbs'. Ne vous attendez pas ici à des délires sonores comme 'The 'burbs' ou des déchaînements orchestre/synthé comme dans 'Innerspace'. 'Matinee' c'est avant tout un score léger et intime restituant tout le côté nostalgique et innocent du film avec une certaine fraîcheur et un certain humour loin de celui de 'The 'burbs'. Le score est orchestral avec les habituels touches de synthétiseur utilisé ici avec parcimonie sans oublier quelques pièces jazzy pour le personnage de Harvey, le jeune garçon voyou ex de la ravissante Sherry et qui revient en ville après être sorti d'une maison de correction. On a deux grands thèmes ici, deux axes thématiques qui à eux tout seul résume tout l'esprit du film: le premier thème est exposé dès 'Coming Attraction' au début du film lorsque Gene et son frère Dennis se rendent tout les deux au cinéma pour voir un nouveau film d'horreur bien avant que 'Mant' n'arrive à l'affiche. Avec quelques vents et quelques cordes avec un piano, ce petit thème fortement sympathique et très mélodique évoque le climat innocent et nostalgique du film, un thème sautillant et plein de tendresse qui évoque non seulement la famille de Gene mais aussi ses premiers émois amoureux avec Sandra. A l'écoute de 'Coming Attraction', on ressent une fois encore tout le côté enfantin et nostalgique que l'on trouve parfois dans les musiques de certains films de Dante comme dans l'excellent 'Explorers' qui restituait lui aussi parfaitement l'univers magique et fantaisiste de l'enfance. Ce thème principal restera alors très présent tout au long du film. Dans 'Hold On', on entend le deuxième grand thème du score, thème lent un peu espiègle d'esprit et qui est attaché au personnage de Lawrence Woolsey, lui donnant ce petit côté malicieux et sympathique (ici, le thème est suivi par les flûtes soutenues par un basson espiègle et quelques cordes) lors de ses premières apparitions dans le film, un petit leitmotiv qui le suivra jusqu'à la fin du film. Le très beau 'Real People' reprend le très nostalgique thème principal soutenu ici par un piano et une clarinette intime qui devient de plus en plus poignant au fur et à mesure de ses apparitions dans le film alors que Gene va nouer de nouveaux contacts amicaux dans cette petite ville où ses parents viennent à peine de s'installer, de même qu'il va rencontrer Sandra de qui il va vraiment tomber amoureux.

'The Scam' développe le thème jazzy bien rétro nous rappelant que Goldsmith aime parfois composer dans d'autres genres musicaux (ses quelques collaborations avec Fred Schepisi nous l'ont d'ailleurs déjà prouvé plus d'une fois - cf. 'Mr.Baseball' ou 'I.Q.'). Ce thème swing/jazz est en fait associé dans le film au personnage d'Harvey qui vient apporter une facette plus cool à ce score intime et plein de poésie. Dans 'Halfway Home', Goldsmith développe l'amusant petit thème de Woolsey alors qu'entre lui et Gene se lie une certaine amitié comme si le jeune adolescent voyait en lui un nouveau père (le sien étant actuellement absent, en mission quelque part près de Cuba), le morceau conservant toujours ce côté tendre et intime typique du score de 'Matinee'. Mention spéciale à 'Showtime' pour la séquence de l'avant-première du film, Gene et ses amis se rendant au cinéma pour voir le film de Woolsey. Goldsmith fait intervenir ici un court passage illustrant la musique entendu dans 'Mant', Goldsmith s'étant particulièrement bien amusé ici à pasticher les musiques symphoniques des vieux films d'horreur du 'Golden Age' Hollywoodien (la musique orchestrale bien rétro entendue dans le film 'Mant' provient en partie de Goldsmith même si dans le film, plusieurs thèmes proviennent de compositions originales des années 40/50/60 - cf. crédit en fin du générique de fin pour plus de détails).

Dans 'The Wrong Business', on trouvera le côté plus 'mickeymousing' du score pour la séquence où Gene et Sandra se retrouvent bloqués dans l'abris souterrain antiatomiques alors que c'est déjà la panique dans la salle de cinéma au dessus. A propos des deux jeunes tourtereaux, n'oublions pas de signaler que le compositeur va petit à petit développer un troisième thème proche de l'esprit du thème principal, un petit 'Love Theme' faisant intervenir le piano électrique et des sonorités d'une grande douceur pour apporter une fois encore la touche poétique, intime et innocente du score, le 'Love Theme' étant tout de même moins présent que le thème principal, mais si les deux thèmes similaires d'esprit se complètement mutuellement. 'This is It' est le seul morceau d'action du score faisant intervenir le thème jazzy d'Harvey (trompette + section rythmique) au côté du thème de Woolsey (Harvey est déguisé en fourmi géante comme dans 'Mant' et se balade dans la salle de cinéma pour faire peur au public). Evidemment, le morceau nous montre ici la concrétisation du film de Woolsey qui arrive à faire trembler ses spectateurs complètement plongés dans l'illusion du film. Il est vrai que l'absence des morceaux de Goldsmith pour le film 'Mant' sur l'album est fortement regrettable, de même qu'il manque beaucoup de morceau du score en lui même sur cet album de Varèse qui fait une fois encore à peine 38 minutes ce qui n'est pas beaucoup par rapport à tout le reste du score qui manque...on pense par exemple à quelques reprises synthé assez amusantes du thème de Woolsey, petits passages malheureusement absents du CD.

Finalement, 'The Next Attraction' conclue le film sur l'inévitable happy-end exprimant une sensation de libération: la crise des missiles de Cuba est terminée et Woolsey a connu un succès pour la sortie de son film en salle expérimentant le procédé révolutionnaire pour l'époque du Atomo-rama. 'The Next Attraction' récapitule les principaux thèmes du score, le thème principal, le 'Love Theme' et le thème de Woolsey qui quitte la ville à la fin du film avec sa femme Ruth (qui, comme par hasard, joue elle même dans le film - encore une petite touche d'ironie de la part de Dante). A propos de l'intrigue concernant la crise des missiles de Cuba, il est assez surprenant de noter à quel point cette intrigue de tension et de psychose n'apparaît pas dans la musique de Goldsmith qui a vraiment voulu privilégier le côté intime et léger de sa partition, bien loin des délires en tout genre de ses précédentes partitions pour Dante comme 'Gremlins 2' ou 'The 'burbs'.

Au final, 'Matinee' est à l'instar du film: une petite partition fraîche, légère, pleine de poésie et de nostalgie. Servi par d'excellents petits thèmes mémorables, le score de 'Matinee' n'a peut être pas le charme d'un 'Gremlins' ou la puissance d'un 'Innerspace', mais cela n'en reste pas moins la preuve irréfutable que Goldsmith est toujours aussi inspiré lorsqu'il compose pour un film de Dante. Score assez méconnu à cause de l'échec du film à sa sortie en salle en 1993, 'Matinee' mérite amplement d'être (re)découvert car le score fait partie de ses excellentes petites BO que Goldsmith a écrit dans les années 90 et qui sont vite tombés dans l'oubli face à des mastodontes comme 'L.A. Confidential', 'First Knight' ou 'Air Force One'. Une bien belle surprise!


---Quentin Billard