1-Lone Cowboy 0.53
2-Main Title 2.55
3-3M81 2.27
4-Burns Returns 2.31
5-3M52 1.19
6-3M53 2.40
7-Going To Town 0.30
8-Barroom Brawl 3.41
9-That Dog 0.41
10-No Surprise/Escape 6.33
11-Worlds Apart 5.28
12-3M96 1.47
13-On The Run 1.02
14-3M40 1.49
15-Resting Up 0.58
16-Sudden Intrusion 2.03
17-Closing In 2.56
18-Anxious Moment 1.30
19-Surprised Sadist 2.51
20-Minus Whisky/
Hard-Gained Ground 5.59
21-Run For It 3.08
22-Wounded 2.58
23-Catastrophe 3.39
24-End Title 1.17

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Varèse Sarabande CD Club
VCL-0609-1094

Album produit par:
Robert Townson
Musique supervisée et conduite par:
Joseph Gershenson
Direction musicale pour
Universal Pictures:
Kathy Nelson

Edition limitée à 3000 exemplaires.

Artwork and pictures (c) 1962/2009 Universal Studios. All righs reserved.

Note: ****
LONELY ARE THE BRAVE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Les années 60 ont été propices au genre du western, un genre qui aura connu sa période de gloire chez les italiens et plus particulièrement avec les westerns spaghettis de Sergio Leone. Chez les américains, si l'on retient souvent les grands classiques comme « The Wild Bunch » de Sam Peckinpah (1969), « High Noon » de Fred Zinnemann (1952) ou « The Man Who Shot Liberty Valance » de John Ford (1962), il est regrettable de constater que l'on oublie bien trop souvent un petit western à part au milieu de cet amas de productions souvent réussies mais très stéréotypées : « Lonely Are The Brave » (Seuls sont les indomptés) de David Miller, sorti en 1962. « Lonely Are The Brave » est un western particulièrement atypique puisque le film met en scène un cow-boy authentique dans le monde moderne de la société américaine du 20ème siècle. Kirk Douglas interprète Jack Burns, l'un des derniers cow-boys solitaire de cette nouvelle époque, un individu marginal et isolé dont la seule apparition au milieu des routes goudronnées et des automobiles provoque un sentiment d'anachronisme assez étrange et rarement abordé au cinéma. Le film laisse donc la place à quelques développements d'idées intéressantes : comment ce solitaire 'indompté' peut il prétendre survivre dans cette nouvelle société qui s’est totalement métamorphosée depuis le 19ème siècle - avec un système législatif/pénal devenu beaucoup plus strict ? Comment cet authentique cow-boy d’une époque révolue va-t-il réussir à convaincre son ami Paul Bondi de s'échapper ensemble de prison pour le rejoindre et vivre en toute liberté dans une époque où le concept de 'liberté' n'est plus du tout le même qu'à l'époque du grand Ouest américain ?

La première partie du film est intéressante, en revanche, il est dommage que la seconde partie ne se résume finalement qu'à une longue et périlleuse traque dans les montagnes, Jack devenant un fugitif traqué par la police locale, mené par le shérif Morey Johnson (Walter Matthau), un individu calme à la voix monotone mais qui cache pourtant une certaine mélancolie au fond de lui, comme si cet homme n'arrivait pas à être lui même en accord avec son propre métier. On sent très clairement l’ennui profond du personnage tout au long du film, comme lorsqu’on le voit observer par la fenêtre un chien en train de faire ses petits besoins, une petite distraction banale qui lui permet de tuer le temps. Le shérif représente ici une image contrastée de frustrations et de mélancolie, bien éloignée du cliché habituel du shérif impitoyable et dur à cuire propre aux westerns américains des années 50/60.
Le film de David Miller revisite donc les codes du western et nous offre un regard neuf sur une époque révolue, avec des personnages qui semblent errer sans but précis, perdu dans une époque qui n’est plus la leur - même le shérif Johnson semble ne pas être à l’aise avec son époque ! Dommage que le script n'exploite pas complètement le potentiel existentialiste de l'histoire même si l'essentiel est dit. Le film vaut surtout par la qualité de la mise en scène qui nous maintient brillement en haleine tout au long de la seconde partie du film pour cette longue séquence de traque dans les montagnes. Techniquement, le film est assez moderne pour l'époque - cf. les scènes filmées en hélicoptère ou en voiture, d'une crédibilité rare. Les acteurs sont tous excellents, menés par un Kirk Douglas parfait dans son rôle de héros solitaire au coeur sauvage et indomptable - on raconte pour l’histoire que Douglas a toujours considéré qu’il avait interprété son meilleur rôle dans ce film ! Plus qu'un western crépusculaire, « Lonely Are The Brave » est un drame, le drame d'un homme seul qui n'est plus dans son monde, perdu dans une civilisation qu'il ne reconnaît plus - et qui ne le reconnaît plus - un monde qu'il n'accepte pas tandis qu'il vit encore en se déplaçant avec un cheval qu'il ne quitte que très rarement, pour aller bien souvent se souler dans les bars/saloons comme 'au bon vieux temps'. Et puisque l'on parle de drame, la fin du film résume parfaitement cette idée puisque le dernier plan où l'on voit le chapeau de Jack sur la route pluvieuse est lourde de sens (la société moderne a éliminé ce 'dernier cow-boy'). Bref, si vous en avez assez de tous les westerns stéréotypés des années 50/60/, ruez vous sur « Lonely Are The Brave », une véritable surprise et un film un peu spécial dans son genre, un petit bijou cinématographique poignant et captivant, dont l’histoire inspirera d’ailleurs deux décennies plus tard le scénario du film « First Blood » de Ted Kotcheff !

Jerry Goldsmith composait avec « Lonely Are The Brave » une de ses premières grandes partitions pour le cinéma à une époque où il n’était pas très connu et qu'il venait à peine de rentrer dans le monde du cinéma après avoir écrit pour la radio et la télévision dans les années 50. Le score de « Lonely Are The Brave » nous montre déjà les grandes qualités d'écriture du compositeur qui manie à merveille les éléments musicaux traditionnels des musiques de western, puisque le maestro utilise entre autre une guitare, un harmonica et un tambourin avec l'orchestre symphonique traditionnel agrémenté de quelques percussions. Articulé autour d’un unique thème principal, le score se développe autour de deux axes musicaux très distincts: une partie de style western avec une série de variations autour du thème principal lié au héros du film, Jack Burns – interprété par Kirk Douglas - et une partie plus sombre qui évoque la traque entre Jack et les policiers (et dans laquelle Goldsmith se montre très inventif dans ses orchestrations et ses différents effets instrumentaux, typiques de sa musique symphonique des années 60). Pour être plus précis, un aspect étonnant du score de Goldsmith reste l'absence quasi totale d'éléments musicaux pouvant être rattachés à l'époque moderne dans laquelle se déroule l'histoire : la musique est vue uniquement du point de vue de Jack Burns. Après quelques notes de guitare dans l'introduction du film annonçant brièvement le thème principal, le « Main Title » intervient pour développer ce thème très mélodique et facilement mémorisable, entendu ici à la trompette - instrument illustrant à merveille l’idée du héros solitaire, tout comme le fera Goldsmith 20 ans plus tard dans son inoubliable « Main Title » pour « First Blood ». Il s’agit de l'un des premiers grands thèmes du compositeur qui prolongera son travail sur le genre du western avec des films tels que « Rio Conchos » (1964), « Stagecoach » (1966), « Hour of The Gun » (1967), « Bandolero! » (1968) et bien d’autres encore. Goldsmith fait intervenir l'orchestre avec des cordes mélodiques, un tambourin, un harmonica et une guitare omniprésente, le tout enveloppé dans un style mélodique qui illustre très clairement le caractère solitaire de ce dernier cow-boy issu d'une époque révolue. Goldsmith a sut parfaitement cerner l’âme solitaire du personnage en écrivant cette grande mélodie qui marque immédiatement l'esprit même après la première écoute - on sent d’ailleurs à quel point le compositeur a apprécié ce thème puisqu'il le développera très souvent tout au long du film et du score.

Un morceau attire tout de suite notre attention dans le film : celui de la bagarre dans le bar au début du film. Première pièce de style action du score, cette séquence de rixe violente permet à Goldsmith d'utiliser une écriture orchestrale brutale et sèche nous démontrant toute sa maîtrise de l'orchestre et ce même s'il est encore très jeune à l'époque (il n'a que 33 ans lorsqu'il compose le score de « Lonely Are The Brave » !). Le morceau apporte une certaine violence à cette scène superbement filmée que Goldsmith illustre comme une sorte de match de boxe en plusieurs rounds (notons l'utilisation remarquable des différentes percussions). Le reste du score s'attachera dans un premier temps à développer le thème de Jack agrémenté de quelques passages plus calmes ou des moments plus intimes (scène où Jack fait ses adieux à Paul en s'évadant de prison), soutenu par une écriture de cordes/vents plus minimaliste. Mais c'est au cours de la deuxième partie du film que la musique deviendra nettement plus sombre et tendue. On y découvrira même quelques petites touches d'humour avec en particulier ce petit passage mexicain/hispanisant enjoué lorsque Jack sort du bar avec les policiers ou lorsque Goldsmith utilise ce motif de vents avec trompettes en sourdine pour illustrer la flemmardise du shérif et de son conjoint qui ont l'air de s'ennuyer fermement dans leur commissariat où il ne se passe pas grand chose. Enfin, c'est la longue chasse à l’homme finale dans les montagnes qui apporte une touche nettement plus sombre au score de « Lonely Are The Brave ».

On pouvait déjà entendre une partie plus sombre durant la scène où Jack se fait démolir par Gutierrez (George Kennedy), l'un des sous-fifres du shérif. Mais cette longue séquence de traque dans les montagnes permet à Jerry Goldsmith de maintenir la tension en illustrant constamment le danger qui plane sur notre héros, toujours accompagné de son fidèle cheval qui ne le quitte jamais. On retrouve ici des orchestrations plus soutenues et inventives avec la présence du thème principal qui subira maintes variations (parfois à la guitare, aux cuivres, aux cordes ou à l'harmonica), illustrant la progression du personnage tout au long de l'histoire. La facette action sombre de ces grandes parties du score annonce déjà le style de futures partitions telles que « The Sand Pebbles » ou « Rio Lobo » (score qui rappelle beaucoup le style de « Lonely Are The Brave », surtout dans l'utilisation des instruments typiques des musiques de western). Finalement, le thème de Jack revient dans une forme plus héroïque alors que ce dernier arrive à semer ses poursuivants vers la fin du film sur son cheval, ultime reprise confiée ici à l'orchestre avec des cuivres plus majestueux, évocation finale de la chevauchée du héros en quête de liberté.

« Lonely Are The Brave » demeure au final une partition de référence dans la carrière de Jerry Goldsmith, car on sent déjà poindre ici une certaine maturité d'écriture étonnante pour son époque, avec un goût raffiné et sûr pour l'écriture orchestrale - sans omettre de mentionner l’utilisation remarquable des solistes. En se basant sur un unique thème fédérateur, Goldsmith arrive à capter dans sa musique l’essence même du western de David Miller, une musique à la fois héroïque et dramatique pour l'aventure crépusculaire d'un cow-boy en perdition, qui tente de survivre dans un monde qui n’est plus le sien et qui le rejette totalement. Première grande partition western du compositeur (après l’oublié « Black Patch » en 1957) et première grande oeuvre qui contribuera à la popularité de Jerry Goldsmith au cinéma en 1962 (avec le magnifique score pour « Freud » de John Huston), « Lonely Are The Brave » est une petite réussite que l’on pourra enfin apprécier dans son intégralité grâce à la récente édition salutaire de Varèse Sarabande, une oeuvre incontournable pour tous ceux qui s'intéressent aux débuts assez grandioses du compositeur dans le cinéma américain !


---Quentin Billard