1-Main Title 3.01
2-Beata Viscera 2.19*
3-First Recognition 2.28
4-The Lesson 4.18
5-Kyrie 2.22*
6-The Scriptorium 3.52
7-Veni Sancte Spiritus 3.13*
8-The Confession 3.10
9-Flashbacks 2.05
10-The Discovery 2.28
11-Betrayed 2.56
12-Epilogue 6.06
13-End Titles 3.12

*Domaine public

Musique  composée par:

James Horner

Editeur:

Virgin France 880852

Produit par:
James Horner
Monteurs de la musique:
Bob Hathaway, Rainer Standke

Artwork and pictures (c) 1986 Virgin France. All rights reserved.

Note: ***1/2
LE NOM DE LA ROSE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Horner
Après ses trois premiers films, 'Noirs et blancs en couleur' (1976), 'Coup de tête' (1979) et 'La Guerre du Feu' (1981), Jean-Jacques Annaud signait l'un de ses meilleurs films avec 'Le Nom de la rose', film se déroulant dans une abbaye Bénédictine du Sud de la France en 1327. Le moine Franciscain Guillaume de Baskerville (Sean Connery, excellent et noble, comme d'habitude), ex-inquisiteur intellectuel accompagné de son fidèle disciple et assistant Adso de Melk (Christian Slater, qui débutait ici dans son premier grand rôle pour le cinéma après quelques rôles mineurs dans des séries télé) est chargé d'élucider l'énigme entourant une série de morts mystérieuses et violentes survenues à l'intérieur de l'abbaye. Guillaume et Adso mènent ainsi tous deux leur enquête, les indices s’accumulant progressivement tout en les rapprochant de la mystérieuse bibliothèque de l'abbaye dont l’accès leur a été mystérieusement interdit. Pendant ce temps, Adso rencontre une jeune femme énigmatique qui lui fera découvrir l'amour (aussi bien physique que sentimental) et qu'il ne reverra plus jamais par la suite. Plus l'enquête avance, plus les faits deviennent véritablement troublants. Quelqu'un assassine des gens dans cette abbaye en suivant toujours la même logique : du poison est systématiquement découvert sur un de leurs doigts et parfois même sur leur langue. Guillaume découvrira finalement que des pages de certains livres de la bibliothèque ont été empoisonnées afin d'empêcher les gens de le lire. C'est alors que se dévoile l'inquiétant Jorge de Burgos (Feodor Chaliapin Jr.), personnalité majeure et puissante de l’abbaye qui gêne très clairement Guillaume et Adso dans leur enquête.

Plus qu'un simple thriller d'enquête policière dans un univers religieux, 'Le Nom de la rose' est l'illustration parfaite des temps obscurs où la religion chrétienne versait le sang grâce aux tous puissants et tristement célèbres tribunaux de l'inquisition. Adapté du célèbre palimpseste d'Umberto Eco publié en 1980, 'Le Nom de la rose' évoque la toute-puissance d'une église dominée par un pape tyrannique et une inquisition qui condamnait à mort ceux qui n'obéissaient pas aux saintes lois de l'église. Ce fut une longue et terrible période de crise pour la chrétienté du 14ème siècle - période marquée par le schisme de l'église avec la papauté avignonnaise - sans oublier de mentionner les rivalités opposant les franciscains aux hommes du Pape : les moines franciscains pensaient qu’étant donné que le Christ était très pauvre et que les vêtements qu'il portait ne lui appartenaient même pas, l'Eglise devait se détacher à son tour de toutes ses richesses pour les distribuer aux pauvres. C’est en plein coeur de cette période de crise religieuse que notre Sherlock Holmes du moyen âge enquête dans cette sinistre abbaye qui recèle bon nombre de sombres secrets (le nom de 'Baskerville' serait-il d'ailleurs un clin d'oeil déguisé au fameux 'Chien des Baskerville' du célèbre Sherlock Holmes ?). 'Le Nom de la rose' nous propose ainsi une vision sombre et sauvage de cette période où régnaient l’intolérance et la bêtise humaine à travers la dictature religieuse d’une église puissante qui utilisait l’image de Dieu pour asseoir ses dogmes immuables et imposer ses lois par le biais de l'inquisition, n’hésitant pas à massacrer et torturer les 'infidèles' ou personnes jugées telles quelles. Heureusement, Jean-Jacques Annaud ne prend aucun parti pris dans son film mais préfère nous livrer une illustration sèche, dure et pourtant réaliste de cette sinistre période de l’histoire. Le film dénonce ouvertement la barbarie de l’inquisition chrétienne durant les années 1300 à travers une intrigue policière complexe, immersive et passionnante, qui nous maintient en haleine du début jusqu'à la fin, Jean-Jacques Annaud restituant à merveille l'atmosphère des écrits d'Umberto Eco tout en s’en éloignant davantage pour proposer quelque chose de plus personnel. La mise en scène est absolument captivante, le réalisateur réussissant à mener son intrigue avec brio sans aucun artifice particulier mais avec une passion et un savoir-faire indiscutable, nous dévoilant petit bout par petit bout chacun des rouages de cette sinistre conspiration religieuse. Le casting est excellent et les acteurs remarquables : mention spéciale à Ron Perlman, l’un des acteurs fétiches de Jean-Jacques Annaud, qui s’est très vite spécialisé à l’époque et même encore aujourd’hui dans les rôles de grosse brute ou d’armoire à glace, et qui interprète ici le Salvatore, un bossu difforme qui vit dans les coins obscurs de l'abbaye. 'Le Nom de la rose' reste au final une véritable réussite dans son genre et un grand classique du cinéma des années 80, dignement récompensé par le César du meilleur film étranger en 1987, le réalisateur ayant réussi l'exploit de mélanger une intrigue historique et religieuse sur fond d’enquête policière captivante, digne d’un Agatha Christie : sans aucun doute l’un des meilleurs films de Jean-Jacques Annaud !

Après avoir connu quelques déboires sur 'Aliens' (1986) de James Cameron, James Horner signait la même année son score pour 'Le Nom de la rose'. Alors qu'on s'attendait à ce que Jean-Jaques Annaud fasse de nouveau appel à Philippe Sarde (qui mit en musique 'La Guerre du Feu' et plus tard 'L'Ours' en 1988), c'est Horner qui arriva finalement sur ce projet où on l'attendait le moins (il n'était pas encore très connu à cette époque). Annaud explique ce choix en précisant qu'il voulait un compositeur 'Hollywoodien' qui saurait maîtriser en même temps des éléments musicaux Européens. Avec à peine un mois pour composer sa partition (à Hollywood, certains compositeurs n'ont que 2 ou 3 semaines pour livrer leur partition), Horner dut mettre de côté l'idée de reconstituer une musique moyenâgeuse de l'époque pour se concentrer finalement autour d'une écriture électronique surprenante mélangeant des synthés atmosphériques avec des instruments d'époque: une viole de gambe, un luth, un carillon, des cloches, une harpe ou bien encore une cithare proche du psaltérion du moyen âge, sans oublier l'utilisation de quelques voix mystérieuses et fort troublantes. Le 'Main Titles' nous plonge d'entrée dans le climat sombre de la musique avec une ouverture créant un certain sentiment de malaise. La première chose qui frappe l'auditeur à la première écoute, c'est la présence de ce petit ostinato rythmique entendu de manière continue dans l'arrière-plan du morceau avec un bruit assez sourd. Cette sonorité sinistre du synthé pourrait presque faire penser au son de battements de coeur mais de manière accélérée et saccadée. La partie électronique du score se tasse quand à elle essentiellement dans les sonorités graves et profondes avec une utilisation remarquable du bourdon moyenâgeux de violes et des nappes de synthé profondes et sinistres (une caractéristique sonore majeure du score de 'Le Nom de la rose'). Notons aussi cette utilisation remarquable du son du carillon alors que Guillaume et Adso arrivent à l'abbaye au début du film (la musique évoquant d'entrée les choses sinistres et inquiétantes qu'ils vont découvrir dans cette sombre abbaye). Incontestablement, Horner s'éloigne ici de son style orchestral habituel pour nous livrer une composition atmosphérique de qualité, épousant à merveille la mise en scène captivante du réalisateur. Avec ce sinistre 'Main Titles' du quel semble se dégager quelques sonorités vocales plutôt sinistres (le synthé imite par dessus les nappes profondes des sons de cordes froides et distantes). Le choix de l'électronique pour mettre en musique de filme se passant au 14ème siècle peut paraître choquant à première vue. Pourtant, Horner s'arrange pour ne pas faire apparaître sa musique comme anachronique à l'écran, le synthé étant ici présent comme pour évoquer l'intemporalité de cette histoire (un peu comme le fera Horner dans 'Titanic' en 1997 mais sur un registre totalement différent) tout en donnant un côté à la fois froid et sec au film. Sa musique retranscrit à merveille le côté étouffant de cette abbaye et contribue à renforcer le malaise que l'on ressent à merveille tout au long du film et au fur et à mesure que l'enquête de nos deux héros avance.

On trouve sur l'album quelques chants traditionnels Grégoriens pour restituer l'ambiance musicale religieuse du 14ème siècle comme ce 'Beata Viscera', le 'Kyrie' (chanté ici par un choeur a capella polyphonique typique de la musique religieuse de cette époque, surtout avec des musiciens tels que Guillaume de Machaut ou Philippe de Vitry) et le 'Veni Sancte Spiritus' (plus dans l'esprit de la monodie Grégorienne). Mais le score de Horner domine néanmoins tout au long de l'album (et du film) et c'est le sombre 'First Recognition' (la première partie très étrange étant absente du film, avec un bourdon de viole et un biniou nasillard qui sera même étrangement 'désaccordé' au cours de l'interprétation) qui évoque les premières découvertes de Guillaume de Baskerville et de son assistant Adso alors que ces deux là se trouvent en bas de l'abbaye où les moins rejettent les déchets qui atterrissent au milieu des pauvres affamés qui se nourrissent des détritus. Dans cette scène, Adso découvre la mystérieuse femme comme envoûté par son regard. Des sonorités proche de la harpe se font entendre sur des nappes de synthé et un style toujours assez sombre et intriguant. Le morceau fait aussi entendre un motif assez mystérieux qui rappelle beaucoup le motif que composera Horner au début de 'Al Bathra' de son score pour 'Courage Under Fire' (1996).

Horner fait parfois intervenir les voix comme pour donner un côté faussement humain à sa musique synthétique. Ceci est parfaitement représentatif de l'ambiance qui règne dans cette abbaye ténébreuse qui, malgré son apparence pieuse, révèle de sombres secrets. Etude minutieuse des diverses sonorités qui parcourent la musique, le score du 'Nom de la rose' contribue à renforcer l'atmosphère pesante et oppressante qui se crée tout au long du film, d'autant que les nappes synthétiques profondes et sinistres interviennent dans les moments les plus sombres du film. Dans 'The Lesson', Guillaume enquête sur la mystérieuse mort du frère Adelme d'Otrante qui semble s'être suicidé en se jetant du haut de la tour. Notre enquêteur intellectuel et rusé observe les traces de pas laissés dans la neige et tente de reconstituer le déroulement du crime. Le morceau s'ouvre sur des cordes de synthé grave imitant à la fois les contrebasses et les violoncelles d'un orchestre à cordes pour créer ce climat à la fois froid et chaud, tout à fait représentatif de l'atmosphère de l'abbaye. Les imitations de voix humaines interviennent aussi pour renforcer le climat de malaise du score et évoquer en même temps le côté religieux de cette abbaye (l'astuce étant d'exposer ses voix humaines au synthé, comme pour évoquer le côté faussement religieux de ce sombre édifice). Quand à 'The Scriptorium' (Guillaume et Adso vont dans le scriptorium pour chercher à élucider le mystère de la fameuse bibliothèque auquel on leur a étrangement interdit l'accès), le morceau reprend l'atmosphère pesante et angoissante du 'Main Titles' avec ces sinistres nappes du synthé et ces sons de carillons troublants, sans oublier la présence de quelques voix graves, le morceau commençant à s'amplifier alors que les deux héros poursuivent un individu qui a volé un livre de la bibliothèque et qui s'enfuit dans la nuit noire.

'The Confession' sort un peu du lot en imposant un style plus dramatique et intime alors que Adso se confesse à son maître Guillaume en lui parlant d'amour, conscient qu'en tant que moine, il a commis une faute en se donnant à cette mystérieuse femme. Soutenu par quelques arpèges de luth, le morceau se construit autour d'une partie mélodique aiguë du synthé et un passage de cordes plus harmonique et plus dramatique en même temps (voire plus chaleureux, même s'il s'agit toujours ici du synthé...), comme pour marquer le rapprochement entre le maître et l'élève dans cette brève scène de confession. La vérité commence alors à se dévoiler dans 'Flashbacks' alors que Guillaume a enfin compris ce qui s'est passé et pourquoi les trois moines du début du film ont été assassinés. Il tente de reconstituer le puzzle et d'énoncer ses théories aux responsables de l'abbaye mais se heurte à la froideur quasi hostile du mystérieux Jorge qui de toute évidence cache lui aussi un secret. On retrouve une fois encore les sonorités de carillon du 'Main Titles' avec des nappes de synthé froides, le petit ostinato rythmique de l'ouverture du score, des cordes sombres reprises de 'The Lesson' et une sonorité électronique aiguë toute droit sortie de 'The Confession'. Bref, on retrouve ici les différents éléments qui constituent la plupart des grands morceaux du début du film (et du score) comme pour marquer un certain point d'aboutissement dans l'enquête de Guillaume, chacune des différentes pistes qu'a suivi le héros se croisant finalement toutes ici devant la bibliothèque qui renferme de toute évidence un sombre secret que Jorge et ses compères tentent de cacher à tout prix. Avec 'The Discovery', on découvre un passage légèrement plus enjoué sur un rythme quasi dansant et des cordes plus chaleureuses. Guillaume et Adso ont découverts un passage secret les menant à l'intérieur de la gigantesque bibliothèque de l'abbaye qui se révèle être en réalité un gigantesque labyrinthe obscur.

On atteint le paroxysme de la tension dans 'Betrayed' alors que Guillaume et Adso ont découverts la vérité à propos du secret que cache Jorge concernant un ouvrage d'Aristote qu'il prohibe totalement et qu'il préfère cacher afin que personne ne puisse jamais le lire (on se demande bien quand même pourquoi il ne le détruit pas directement?) puisque l'ouvrage parle du rire et de la vertu de cet aspect typique de l'homme, un aspect que Jorge rejette totalement avec ses dogmes tyranniques. La musique monte en intensité et devient de plus en plus sombre avec ces cordes de synthé sinistres allant crescendo pour évoquer la noirceur de ce final obscur (Jorge va brûler la bibliothèque tandis que l'odieux inquisiteur Bernardo Gui fait brûler vif trois personnes jugées 'hérétiques') et c'est 'Epilogue' qui conclut le film avec un côté d'abord sombre (notons ces quelques cordes de synthé dissonantes alors que l'abbaye est en flamme, la musique changeant finalement de ton pour revenir au style plus dramatique déjà entendu auparavant avec ce final qui n'a rien d'un véritable happy-end. Le 'End Titles' développe quand à lui les sonorités vocales de voix humaines avec des cordes plus dramatiques et mélancoliques rappelant l'ambiance dramatique du final du film, un passage plus mélodique qui nous permet finalement de respirer un peu après avoir traversé une ambiance aussi étouffante, pesante et oppressante.

BO originale dans la carrière globale de James Horner, 'Le Nom de la rose' montre que le compositeur sait construire et élaborer des ambiances à partir de peu de moyens (quelques solistes et du synthé) même si certains passages sonnent un peu trop 'séquenceur MIDI' (faute de temps et de moyen, Horner n'a pas pu faire appel à un orchestre. En réalité, il s'agit peut être plus d'un choix esthétique par rapport au film lui-même). Pas vraiment thématique malgré la présence de certains motifs, le score du 'Nom de la rose' est un peu une exception dans la carrière d'Horner, une oeuvre sombre qui crée une atmosphère de malaise et d'intrigue quasiment unique à ce film là (chacune des apparitions des ces sinistres nappes de synthé lorsque les héros assistent à des découvertes macabres sont vraiment remarquables et contribuent elles aussi à renforcer le côté captivant de la mise en scène du film). Alors si vous voulez tenter l'expérience et découvrir un Horner loin du style symphonique d'un 'Aliens' ou d'un 'Brainstorm' (pour ne citer que certaines de ses oeuvres les plus connues dans les années 80), foncez découvrir 'Le Nom de la rose', une BO qui n'est pas facile d'accès mais qui crée un impact majeur au sein du film. Difficile d'écoute, 'Le Nom de la rose' est ce genre de musique que l'on ne pourra apprécier qu'au bout de quelques écoutes prolongées et approfondies.


---Quentin Billard