1-Jailbreak! 2.00
2-Moving On 3.43
3-Destination Unknown 2.20
4-Clear The Tracks! 4.05
5-Reflections 2.59
6-Runaway Train 4.43
7-The Yellow Rose
Of Texas (Prison
Memories) 3.03*
8-Collision Course 2.18
9-Past, Present-Future? 2.23
10-Red For Danger 3.07
11-Gloria (2d Movement) 6.48**
12-End Of The Line 3.57

*Ecrit par Alex Masters
Interprété par
The Jamborees
**Ecrit par Antonio Vivaldi
Arrangé par Alfredo Casella
Interprété par
The USSR Academic Russian
Choir & The Moscow
Conservatorie
Students' Orchestra,
Conduit par Alexander Sveshnikov
Courtesy of
Melodiya Records, Moscow

Musique  composée par:

Trevor Jones

Editeur:

Milan Records
CDCH 267

Album supervisé par:
Trevor Jones, Jack Fishman
Album conçu et réalisé par:
Emmanuel Chamboredon

1985 Editions Cannon Music Ltd (U.K.)

Note: ***
RUNAWAY TRAIN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Trevor Jones
En partant de l'histoire d'un film d'Akira Kurosawa, le réalisateur russe Andreï Konchalovsky signe un film d'aventure dramatique très réussi (et très surprenant). 'Runaway Train' décrit le calvaire de deux évadés d'une prison d'Alaska qui se retrouvent prisonnier à bord d'un train fou fonçant à toute allure sans aucun chauffeur à bord. Impossible à arrêter, la monstrueuse machine en folie se révèle être un piège sans issue pour les deux prisonniers évadés, Manny (excellent Jon Voight qui signe là une performance remarquable) et Buck (Eric Roberts). Mais les choses changent à bord avec l'apparition de Sara (Rebecca De Mornay), une employée du chemin de fer qui s'était assoupie depuis le début et se réveille en plein cauchemar, partageant alors le destin des deux fugitifs qui, ironiquement, se sont échappés d'une prison pour atterrir dans une autre, encore plus terrifiante. D'abord admiratif du courage et de la détermination de Manny, Buck va très vite comprendre que l'homme qu'il porte en 'héros' n'est qu'un traître qui va profiter de lui pour s'échapper hors d'ici. Le véritable intérêt du film, c'est d'avoir réussi à utiliser l'intrigue spectaculaire d'un train impossible à arrêter pour en arriver à une brillante métaphore sur la bestialité de l'homme et l'inexorabilité du destin. Effectivement, le train est ici le symbole du destin, un destin que l'on ne peut ni maîtriser ni contrôler, un destin que subissent impuissants les hommes, certains avec plus de témérité que d'autres.

Avec ses trois personnages principaux, le réalisateur nous montre deux manières d'aborder la vie: l'un avec espoir, croyant qu'un miracle est toujours possible même dans les moments les plus difficiles de l'existence (Sara, qui sera vite épaulée par un Buck pas si mauvais que cela en fin de compte), l'autre abordant son destin avec pessimisme et résignation, rejetant l'hypothèse des miracles, ne croyant plus en rien si ce n'est à la liberté, mais une liberté dans la mort, cette mort qu'il sait être proche, ce destin tragique qui l'attend à la fin de cette voie sans issue dans laquelle s'engage le train à la fin du film (métaphore de la fin tragique d'un homme qui n'a pas cru à la 'rémission', à la possibilité d'un avenir meilleur?). Plus qu'une simple métaphore du destin, le train de 'Runaway Train' est tout simplement un symbole de la mort, certaines critiques ayant surnommés ce train le 'cercueil roulant' ce qui semble le mieux définir le train qui, en plus d'annoncer un avenir sombre pour les trois héros du film, permet aussi de faire ressortir les différentes personnalités des trois protagonistes principaux. Poursuivis par le directeur de la prison, Renken (John P.Ryan), les trois héros vont devoir user de leur force et de leur détermination pour tenter de trouver une solution à ce terrible problème auquel ils se retrouvent confrontés. Finalement, la fin de cette sombre histoire permettra de montrer Renken et Manny (les deux ennemis jurés) comme deux êtres finalement très semblables l'un de l'autre, les deux hommes partageant ce même orgueil, cette même colère, cette même obstination aveuglée, cette même bestialité (à noter l'excellente citation à Richard III de Shakespeare à la fin du film). Film d'aventure/action métaphorique et dramatique, 'Runaway Train' est une excellente surprise, un film inattendu qui ne paye pas de mine et qui, pourtant, révèle quelques subtilités scénaristiques qui en font un film un peu à part dans le paysage Hollywoodien du milieu des années 80 (le film a été nominé aux Oscars en 1986).

Après avoir écrit quelques grandes partitions telles que 'Excalibur' (1981) et 'The Dark Crystal' (1982), le compositeur Trevor Jones composa une petite partition surprenante pour 'Runaway Train', un score exclusivement écrit pour synthétiseurs avec un ensemble instrumental rock (guitare électrique, batterie, basse) et même un peu de shakuhachi pour rythmer la course folle du train (à noter aussi l'utilisation d'une voix de femme soliste). Le score de 'Runaway Train' évoque à la fois le côté sombre de l'histoire en soulignant l'action et les dangers qui guettent les trois héros prisonniers de ce cauchemar sur roues. Après un 'Jailbreak!' plutôt sombre (les synthétiseurs sont utilisés de manière atmosphériques avec quelques nappes sombres et assez dissonantes pour évoquer la séquence de l'évasion au début du film), Jones va s'attacher à évoquer un climat plutôt 'action' tout en restituant le sentiment de danger lié à l'intrigue du train fou. C'est à partir de la scène où les deux compères arrivent dans la gare que le compositeur nous fait entendre le style rock de sa partition avec une rythmique de batterie soutenu par une basse assez cool et quelques synthés qui sonnent très années 80 mais qui collent parfaitement à l'ambiance du film (le côté 'froid' des synthés fait aussi bien ressortir les décors glacials et enneigés du film). C'est surtout la basse qui permet de faire ressortir l'impression de danger entourant cette terrible aventure, servie par une rythmique de batterie rock très 'musique de films d'action des années 80' (le 'Commando' ou '48 Hours' de James Horner n'est pas très loin. A noter d'ailleurs un point commun avec Horner: l'utilisation de la shakuhachi dans certains passages d'action vers le milieu du film).

Le reste du score continuera à décrire ce climat d'action en laissant de côté l'aspect dramatique du film même si la dernière partie nous permettra quand même de ressentir tout le côté tragique de l'histoire. Le style rythmique rock laisse parfois place à des passages de synthé assez sombres servi par un petit motif menaçant lié au train fou. (Jones utilisant des cuivres menaçants au synthé pour représenter le danger du train en folie) Ces passages atmosphériques sont nettement moins intéressants et n'accrochent pas autant que les parties rock qui risquent de rebuter tout ceux qui n'aiment pas trop ce style de musique d'action au synthé très années 80 (il est clair que cela ne vieillit pas toujours très bien - cf. certaines musiques des films de John Carpenter dans les années 80 qui paraissent très vieillottes aujourd'hui), néanmoins, le score convient parfaitement au film (même si la musique est utilisé avec parcimonie tout au long de l'histoire). Deux passages retiennent particulièrement l'attention: pour la séquence dramatique où Buck se bagarre avec Manny et découvre qu'il n'est qu'un traître (passage illustré de manière poignante avec une partie vocale) et la partie d'action finale lorsque Renken arrive en hélicoptère pour stopper Manny et Buck. Si une séquence de course folle du train était déjà illustré avec la batterie, la basse et quelques synthés sombres renforcés par une shakuhachi étonnante (on sent ici le côté quasi bestial du train fou, la shakuhachi amenant ici un côté plus rythmique que mélodique dans cette scène où l'instrument n'intervient que par 'blocs' sonores soutenu par une voix soliste elle aussi très sombre), cette séquence finale fait intervenir la guitare électrique avec la batterie/basse rock et des synthés dissonants et clairement menaçants, ce dernier morceau d'action restituant toute l'intensité de la traque/affrontement entre Renken et Manny.

Finalement, pour beaucoup de monde, la musique de 'Runaway Train' a réussi à capter l'attention dans le film grâce à un superbe arrangement du magnifique et inoubliable second mouvement du célèbre 'Gloria' d'Antonio Vivaldi, une des plus belles oeuvres religieuses du fameux compositeur italien arrangé ici par un certain Alfredo Casella, Trevor Jones s'étant simplement amusé à doubler l'orchestre et les choeurs par ses synthés pour donner un ton plus 'froid' et dramatique au morceau (cette astuce lui permet aussi de conserver l'unité stylistique et électronique de sa partition). L'utilisation de cet extrait du 'Gloria' de Vivaldi dans le final du film est absolument sublime car on ressent à merveille toute la tragédie de ce triste final, le morceau apportant une touche à la fois religieuse et funèbre à cette conclusion dramatique (une note de la jaquette arrière de l'album nous explique que le réalisateur a choisi ce morceau et plus particulièrement cette interprétation pour le côté anormalement lent du tempo choisi par les interprètes de l'oeuvre, ce qui permettait alors au réalisateur de restituer toute l'intensité dramatique du final de son film).

Le score de 'Runaway Train' n'a donc rien d'un grand chef d'oeuvre mais colle parfaitement au film (bien qu'on aurait aimé entendre une thématique plus franche et développée). Trevor Jones n'est pas encore très connu à l'époque même s'il venait alors de participer à deux de ses BO les plus populaires aujourd'hui au côté de 'The Last of The Mohicans': 'Excalibur' et 'The Dark Crystal'. Avec 'Runaway Train', le compositeur nous prouve qu'il sait maîtriser l'électronique avec quelques instruments acoustiques parfaitement choisi afin de créer une atmosphère action sombre dans ce film. Quand à l'utilisation du 'Gloria' de Vivaldi dans le final du film, il constitue en soi une belle surprise et nous prouve une fois encore que l'utilisation d'oeuvres du répertoire classique dans le cinéma peut aboutir à des choses parfois très spectaculaires et fort émouvantes (mais ce n'est pas toujours le cas), à condition de rester un tantinet respectueux de l'oeuvre d'origine (l'arrangement de ce second mouvement est ici très réussi et parfaitement adapté à cette superbe séquence finale lourde de sens). Score assez méconnu dans la carrière très éclectique de Trevor Jones, 'Runaway Train' est à découvrir, au moins pour connaître la facette plus électronique et moderne du compositeur.


---Quentin Billard