1-Lost In The Wild 3.01
2-The Ravine 4.38
3-Birds 2.24
4-Mighty Hunter 1.34
5-Bitter Coffee 3.03
6-Stalking 5.47
7-Deadfall 6.16
8-The River 2.21
9-Rescued 6.04
10-The Edge* 2.57

*Solistes:
Michael Lang (Piano)
Chuck Domanico (Basse)
Steve Schaeffer (Percussions)

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

RCA Victor
09026-68950-2

Album produit par:
Jerry Goldsmith
Monteur de la musique:
Ken Hall
Assistant de Mr. Goldsmith:
Lois Carruth
Musique supervisée pour la
20th Century Fox:
Robert Kraft
A&R Direction
pour RCA Victor:
Bill Rosenfield

Artwork and pictures (c) 1997 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE EDGE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Superbe thriller dramatique réalisé par Lee Tamahori, 'The Edge' (A couteaux tirés) narre l'histoire du milliardaire Charles Morse (Anthony Hopkins), un homme érudit qui a accepté d'accompagner sa jeune épouse Mickey (Elle Macpherson), une très belle mannequin, pour une séance de photos en Alaska, avec le photographe Robert Green (Alec Baldwin). Charles se doute depuis quelques temps que sa femme le trompe avec Robert. Un jour, il accepte d'accompagner ce dernier en hydravion pour aller chercher un figurant indien vivant à quelques kilomètres de là, dans les montagnes de l'Alaska. Mais pendant le trajet, l'appareil heurte de plein fouet un vol d'oiseaux migrateurs et s'échoue dans un lac. Seul Charles, Robert et son collègue Stephen (Harold Perrineau) sortent indemnes de l'accident. Bloqués en plein milieu de la nature sauvage, ils vont devoir apprendre à s'entraider à user de mille stratagèmes pour survivre à l'hostilité de mère nature, traqués par un gigantesque grizzli qui traîne dans les environs, et qui s'est mit en tête de les dévorer. Cette aventure donnera l'occasion à Charles et Robert de se rapprocher et d'apprendre à s'apprécier malgré leurs différences. Quand à Charles, ce sera pour lui l'occasion de changer sa vision des choses, prenant du recul avec amertume par rapport à l'existence dorée qu'il a mené tout au long de sa vie tout en ayant négligé les vraies valeurs, celle de l'amitié, de la fraternité. Plus qu'un simple film d'aventure, 'The Edge' explore avec habileté le thème de l'homme moderne qui retrouve ses racines au milieu de la nature sauvage, obligé d'abandonner tout le confort matériel dont jouit la société occidentale d'aujourd'hui pour réapprendre à vivre comme les hommes primitifs d'autrefois, sur l'éternel thème de la lutte entre l'homme et la nature (formidable Anthony Hopkins, qui use de sa science et de son immense culture pour apprendre à survivre). Enfin, 'The Edge', c'est aussi une quête initiatique, une aventure humaine poignante filmée avec maestria par un Lee Tamahori alors inspiré à cette époque, bien avant que le réalisateur ne sombre dans des films commerciaux sans intérêt ('Along Came a Spider', 'Die Another Day', 'XXX: State of The Union', etc.).

La partition de Jerry Goldsmith pour le film de Lee Tamahori est sans aucun doute l'atout majeur de 'The Edge', une partition orchestrale sans surprise, mais mené de bout en bout avec une maestria et un savoir-faire exemplaire. Le score de Goldsmith est dominé par un superbe thème principal, entendu dans 'Lost in The Wild' (générique de début du film), thème représentant la grandeur de la nature et la beauté de ses paysages. Le thème possède aussi un côté dramatique, comme s'il voulait suggérer l'aspect tragique de l'histoire, celui d'un homme qui réajuste sa vision de la vie au cours d'une aventure initiatique et qui découvre qui jette un regard amer et mélancolique sur son passé, en compagnie d'un homme qu'il va apprendre à apprécier comme un ami. Ce superbe thème très touchant est exposé aux cuivres et aux cordes dans 'Lost in The Wild', une mélodie gracieuse et inspirée qui semble avoir décidément marqué bon nombre de béophiles si l'on considère les bonnes critiques qui reviennent régulièrement au sujet de ce thème. Goldsmith a d'ailleurs eu la bonne idée de reprendre son thème principal pour nous en proposer une variation jazzy dans 'The Edge' pour piano (interprété par Mike Lang), basse et batterie, idée intéressante utilisée pour le générique de fin à l'instar de celui de 'The Russia House' ou de 'The Vanishing'. On sent clairement ici à quel point le compositeur apprécie son thème, étant donné la place majeure qu'il occupe au sein de sa partition.

Le second thème, totalement dénué de toute contingence mélodique, s'apparente à un motif sonore sinistre utilisé lors de l'apparition du grizzli, motif macabre en glissendo de trombones dissonants suggérant la menace de cet ours mangeur d'homme (un effet instrumental particulièrement impressionnant et stressant ici!), un motif tellement sombre qu'il semble tendre à personnifier l'ours comme une vraie métaphore de la mort. Ce motif terrifiant et sournois semble ramper dans l'obscurité, comme une créature qui serait prête à nous sauter dessus à la moindre occasion, imposant ici un climat de suspense et de tension permanent et pesant. Le motif apparaît dans le film soi pour suggérer la présence du grizzli dans les environs, soi pour évoquer le fait que Robert et Charles vont devoir l'affronter. Ses apparitions dans des morceaux tels que le superbe 'The Ravine' (première poursuite avec l'ours dans la forêt) permettent à Goldsmith de développer ce climat de danger avec son style action/thriller habituel, le maestro ayant ici recours à ses sempiternelles percussions action avec un orchestre déchaîné, utilisant les formules rythmiques habituelles du compositeur (changements de mesure, rythmes syncopés, superpositions rythmiques ternaire/binaire, etc.). 'The Ravine' apporte une intensité et une très grande tension à cette scène de poursuite durant laquelle Goldsmith nous rappelle une fois encore à quel point il est un maître des musiques d'action hollywoodiennes, avec une science d'écriture orchestrale particulièrement riche et brillante, mise ici au service des enjeux dramatiques de l'histoire du film. De la même façon, 'Birds' évoque la scène où l'hydravion percute les oiseaux avec un martèlement brutal des percussions et une masse orchestrale plus sombre et agressive, intensifiant la gravité de la scène.

Le reste de la partition de Jerry Goldsmith accentue à loisir l'aspect suspense du film, la tension (le motif de l'ours reste présent pour évoquer un danger toujours omniprésent dans cette nature rude et sauvage) et certaines parties d'action. Evidemment, Goldsmith n'oublie pas les moments plus intimistes évoquant la relation entre Charles et Robert, s'unissant pour survivre dans cette nature sauvage - on pourrait par exemple citer une excellente reprise du thème dans 'Mighty Hunter'. 'Bitter Coffee' reste quand à lui plus mystérieux et intrigant d'esprit, avec son petit ostinato mélodico-rythmique qui fait régner une certaine tension au sujet des agissements de Robert et de sa relation amicale ambiguë avec Charles. Mais c'est la tension et le danger qui priment avant tout ici, avec par exemple le superbe 'Stalking' qui nous permet de retrouver l'angoissant motif du grizzli amplifié par un puissant pupitre de cuivres amorçant un nouveau morceau d'action particulièrement excitant et frénétique, dans la lignée de l'incontournable 'The Ravine', et qui évoque ici les méfaits de l'ours lorsqu'il tue Stephen. La tension va crescendo dans le sombre et violent 'Deadfall', accompagnant avec fureur la scène où Robert et Charles affrontent le grizzli à l'aide de pieux qu'ils ont eux-même confectionnés, un nouveau morceau d'action/suspense absolument incontournable avec son lot de percussions sauvages et des effets de réponses rythmico-mélodiques contrapuntiques entre le pupitre des cuivres et des cordes, où l'orchestre et les percussions atteignent une sauvagerie rarement égalé chez Goldsmith. Le thème revient de façon plus dramatique et mélancolique dans 'The River', lorsque Robert a été blessé mortellement à la suite d'une chute, protégé par Charles, l'aventure touchant à sa fin dans 'Rescued', marqué par le retour du thème principal dans toute sa splendeur, qui laisse malgré tout ici une petite touche d'amertume poignante.

'The Edge' reste sur plus d'un point une partition intéressante à découvrir, autant pour les fans du maestro que pour ceux qui ne connaissent pas bien le style musical de Jerry Goldsmith, et qui, grâce au score de 'The Edge', pourront entendre un habile échantillon de son style plus dramatique et intimiste, mélangé à de très solides passages d'action et de suspense, d'une noirceur considérable, à l'image de cette implacable et sauvage lutte entre l'homme et la nature orchestrée par le réalisateur Lee Tamahori. A noter que, pour une fois, les orchestrations de la partition sont assurées en partie par Jerry Goldsmith lui-même, aux côtés d'Arthur Morton. Apportant son lot de tension, de suspense et d'émotion au très beau film de Lee Tamahori, la partition de 'The Edge' constitue l'exemple flagrant d'un compositeur qui maîtrise parfaitement son sujet et apporte une personnalité musicale forte au long-métrage qu'il explore ici en profondeur, traitant de l'homme et la nature, de la lutte pour la survie, de l'amitié dans l'adversité, etc. Une superbe BO à la fois poignante et sombre, qui, bien que ne faisant pas partie des incontournables du compositeur, n'en demeure pas moins un bien bel effort de la part d'un Jerry Goldsmith décidément plus que jamais au sommet de son art!


---Quentin Billard