1-To Be By Your Side
(Nick Cave) 4.04*
2-Masters of The Field
(Robert Wyatt) 3.23**
3-Vers le Nord 2.24
4-La Traversée 2.04
5-The Highest Gander
(Robert Wyatt) 3.14***
6-Tambour Battant 3.32
7-Le Retour des Grues 2.35
8-Le Fil Bleu 1.18
9-La Forêt Rouge
(Robert Wyatt) 2.25
10-Comme un Souffle
(A Filetta) 2.04+
11-L'Envol 1.23
12-Dans la Fumée
des Usines 1.31
13-Le Planeur 2.01
14-Après la Chasse 2.57
15-Les Haras en Papier 1.04
16-Le Vol des Cygnes 1.21
17-A Tête Barrée 2.47
18-La Colombe Poignardée
(Gabriel Yacoub) 3.06++
19-Hors Champ 2.02

*Ecrit par Nick Cave
et Bruno Coulais.
**Ecrit par Gabriel Yacoub
et Bruno Coulais.
***Ecrit par Gabriel Yacoub
et Bruno Coulais.
+Ecrit par Marcel Acquaviva
et Bruno Coulais.
++Ecrit par Gabriel Yacoub
et Bruno Coulais.

Musique  composée par:

Bruno Coulais

Editeur:

Virgin Records
7243 8 11455 2 4

Réalisation:
Didier Lizé, Slim Pezin,
Jean de Trégomain,
Bruno Coulais

Production exécutive:
Paul Lavergne
pour Madoro Music
Editions Musicales:
Galatée Films

Artwork and pictures (c) 2001 Galatée Films. All rights reserved.

Note: ***1/2
LE PEUPLE MIGRATEUR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bruno Coulais
"Comme cloués au sol, regardant les oiseaux passer dans le ciel, nous avons entrepris le tournage du film. Il nous fallait aller plus loin, plus haut, plus près des oiseaux, à proximité des étoiles. Comment pouvions-nous faire? L'homme rêve à l'oiseau depuis la nuit des temps. Comment imaginer être parmi les tout premiers à pouvoir transformer ce rêve universel en réalité? Toujours je garde le souvenir de la première fois où nous y sommes parvenus...". Tel sont les mots de Jacques Perrin, réalisateur de ce véritable exploit technique que représente son nouveau documentaire, 'Le Peuple Migrateur'. Après l'exploit de 'Microcosmos' qui décrivait le peuple de l'herbe, nous voilà reparti pour une nouvelle aventure en compagnie du peuple migrateur. Il aura fallu en tout trois ans de tournage pour aboutir à un tel chef d'oeuvre, un véritable hymne grandiose à ce monde des oiseaux migrateurs. Afin de repousser l'exploit de mener le spectateur au sein du vol des oiseaux en plein ciel, la production du film a crée un important équipement technique innovant appuyé par l'aide financière du CNC (Centre National de Cinématographie). C'est la première fois qu'un film se déroule ainsi en continue au milieu des oiseaux en plein vol, comme si la caméra (posé à bord d'un ULM) devenait elle aussi un oiseau à part entière fondu dans la masse. En repoussant les limites, Perrin et son équipe nous livre leur dernier exploit incontournable, pour rêver, pour s'évader. "Et si nous nous rendions compte que nos frontières n'existent pas, que la terre n'est qu'un seul et même espace. Et si nous apprenions à être libres comme l'oiseau?"

Bruno Coulais conclut le 'triptyque' produit par Jacques Perrin après 'Microcosmos' et 'Himalaya, l'enfance d'un chef' (produit aussi par Perrin). Pour 'Le Peuple Migrateur', Coulais signe là l'une de ses partitions les plus lyrique et la plus contemplative même s'il est dommage que le compositeur ait tendance à tomber dans la facilité de certaines formules (l'utilisation du choeur A Filetta, certains tics d'orchestration déjà entendu maintes et maintes fois, etc.). Si 'Le Peuple Migrateur' est loin d'être d'une grande originalité par rapport à ce que Coulais a déjà fait auparavant, difficile de ne pas se laisser emporter par la musique de Coulais qui incite au rêve, à l'évasion. A ce sujet, Coulais est très clair: "J'ai tenté ici d'épouser le point de vue sonore de l'oiseau en évitant le plus possible l'illustration, la psychologie, car si nous pensons observer les oiseaux, ce sont eux qui nous contemplent, spectateurs privilégiés de la beauté des territoires survolés et de la folie des hommes." Avec cette phrase, Coulais résume toute la pensée de sa composition pour 'Le Peuple Migrateur'. Le compositeur axe sa partition autour de trois thèmes importants résumés à travers 3 chansons principales, le thème de la traversée ('To Be By Your Side' interprété par Nick Cave), le thème de 'Masters of The Field' (chanté dans le générique de début par Robert Wyatt) et le thème de 'The Highest Gander' entendu aussi dans 'Le vol des cygnes' et qui reviendra de temps en temps dans le film. Mais c'est surtout le thème rêveur de 'vers le Nord' qui reste l'élément thématique le plus important du score. A partir de cette petite base thématique, le compositeur poursuit son exploration habituelle de la musique vocale qui est, ne l'oublions pas, l'une de ses plus grandes passions ('Himalaya' nous l'a prouvé avec panache). A ce sujet, le compositeur a avoué récemment dans une interview qu'il était très intéressé par la composition d'un Opéra. Ici, le compositeur retravaille de nouveau avec le choeur corse A Filetta (dommage que cela devienne un peu trop systématique chez lui, ses compositions vocales finissant toute par se ressembler dangereusement) sans oublier la participation du chanteur Nick Cave, Robert Wyatt, Gabriel Yacoub, le Quartet Bulgarka, le choeur Lyliana Botcheva, le choeur de basses Orthodoxes de Sofia, les deux jeunes solistes Marie et Laura Giansily et les voix de Alain Maneval et de Joniece Jamison. 'Le Peuple Migrateur' est donc avant tout une musique à dominante vocale, l'une des grandes passions du compositeur qui a vu dans le film de Perrin la possibilité de prolonger son travail vocal sur Himalaya. Si vous n'aimez pas les polyphonies corses de A Filetta ou les longues plages vocales, la BO du 'Peuple Migrateur' n'est pas faite pour vous.

Le film s'ouvre donc sur la chanson de 'Masters of The Field' interprété par Robert Wyatt, une sorte d'hymne aux oiseaux migrateurs, maître des 'terres' sur lesquelles ils voyagent. Très vite, Coulais met en place le thème de 'Vers le Nord' interprété par le choeur A Filetta. Avec quelques cordes lyriques, un piano, une polyphonie vocale presque poétique et intime, le thème arrive à retranscrire la beauté du film et la majestuosité du vol de ces oiseaux qui incitent à l'évasion, à la réflexion, à la contemplation. Un violoncelle vient reprendre le thème pour amplifier le côté contemplatif du morceau. On retrouve ce thème dans la traversée vers les Terres Arctiques lorsque le narrateur nous explique que les oiseaux migrateurs sont sensibles aux repères astronomiques comme le soleil ou les étoiles et qu'ils sont aussi sensibles au champ magnétique terrestre comme les aiguilles d'une boussole. Ce thème véhicule une certaine poésie sur les séquences où les oiseaux survolent majestueusement les terres et les mers. Pour la séquence du voyage des grues cendrées, Coulais réutilise le thème de 'Masters of The Field' au basson avec les cordes. Avec la séquence des cygnes chanteurs, Coulais reprend le thème de 'The Highest Gander' dans un très bel arrangement pour cor anglais vec cordes et harpe avec le 'Le vol des cygnes' (autre passage à la fois poétique et mélancolique, mais une mélancolie rêveuse, contemplative). Le timbre quasi mélancolique du hautbois semble se fondre à merveille avec le timbre des cygnes chanteurs, Coulais essayant continuellement de fondre sa musique avec les sonorités naturelles des oiseaux ou de la nature. (à ce sujet, Coulais s'amuse même à mettre quelques chants d'oiseaux ou d'animaux dans certaines plages de son album) Pour la séquence des oies à tête barrée, Coulais utilise 'A tête barrée', une nouvelle reprise particulièrement belle du thème principal chanté par le choeur A Fileta (et quelques solistes) avec un violoncelle, quelques petites percussions avec cordes.

A noter un effet sonore intéressant dans 'Tambour battant' où le compositeur s'amuse à imiter le son des battements d'ailes des oiseaux, un effet sonore qui revient de manière plus ou moins fréquente tout au long de sa partition. 'Tambour battant' (qui reprend une petite partie rythmique étrangement ressemblante à un passage des 'Rivières Pourpres') est un nouveau morceau plutôt rêveur et doux avec le choeur de basses de Sofia, le choeur A Filetta, les différentes voix étant unies une fois de plus pour évoquer la majestuosité et la noblesse de ces oiseaux en quête d'un but primaire et commun à toutes les espèces vivant sur terre: survivre (le morceau intervient pour la première fois dans la séquence des oies des neiges). Mais le film ne fait pas que parler des oiseaux et de la beauté de la nature qu'ils traversent, il évoque aussi la folie destructrice des hommes et la pollution. C'est ainsi que l'on trouvera un passage plus sombre et plus orchestral sur 'Dans la fumée des usines' qui intervient la première fois pour la séquence avec les tracteurs et lorsque les oiseaux survolent les usines d'une ville dans la fumée. Ici, le compositeur délaisse volontairement les voix pour construire un petit morceau orchestral avec une rythmique de cordes plus pressante et des trombones (qui font clairement penser aux 'Rivières Pourpres') plus menaçants. Coulais a voulu faire un passage un peu plus sombre tout en évitant tout aspect dissonant, simplement en éliminant une partie essentielle de son score: les voix (ce qui est très représentatif de ce que le morceau cherche ici à exprimer). D'un autre côté, on pourra trouver un morceau très léger et quasi enfantin, construit sous la forme d'une petite comptine enfantine dans 'Le fil bleu' confié à la voix d'un jeune soliste pour la séquence avec les poussins lorsque les oiseaux atteignent les Terres Arctiques et se dispersent. Doublé par une petite boîte à musique, le jeune chanteur prête sa voix aux poussins par une simple association d'idées jeune soliste = jeune poussins, Coulais faisant de nouveau allusion à son thème de la traversée dans ce petit morceau léger et calme.

Dans 'Le planeur' (qui commence sur le son des oiseaux), Coulais évoque la séquence où les fous de Bassan erre au dessus de l'Océan. On retrouve une nouvelle fois le très beau thème de la traversée (ou thème principal) entendu ici aux cordes avec une harpe avant que la voix d'une jeune soliste vienne rejoindre l'orchestre pour un nouveau passage paisible et rêveur. Coulais joue continuellement sur les effets de respiration ou de souffle pour imiter le battement (vital) des ailes des oiseaux (Coulais compare ce genre d'effets à la musique des Inuits). 'The Highest Gander' intervient dans la séquence après la traversée de l'Amérique du Nord lors de la tombée de la nuit. Pour la scène où une vieille femme donne à manger aux grues près de sa ferme, Coulais utilise 'Le retour des grues' où il utilise le choeur de femmes du Quartet Bulgarka soutenu par des pizzicati légers et calmes (Coulais s'amusant incorporer le son des grues dans son morceau). Finalement, le film trouvera sa conclusion sur la chanson 'To Be By Your Side' qui reprend une dernière fois le thème principal de la traversée alors que les oiseaux ont atteint leur but: 'la promesse du retour est tenue, un nouveau printemps commence'. Si l'aspect sonore domine dans cette BO permettant ainsi à Coulais d'évoquer à travers différentes sonorités l'idée que les oiseaux n'ont pas de frontières, qu'ils volent librement (d'où l'utilisation de différentes langues, français ou anglais notamment mais aussi l'utilisation de différentes choeurs, orthodoxes, bulgares, corses, etc.) tout en représentant le battement des ailes à travers les effets de souffle ou de respiration (la musique fait naître instantanément des images d'oiseaux en plein vol), c'est aussi l'aspect harmonique qui prédomine ici: 'Le Peuple Migrateur' est de loin l'une de ses musiques les plus harmonieuses et les plus lyriques, encore plus que 'Microcosmos' qui était un peu plus original et inventif. Collé sur le film, la musique nous convainct amplement de par sa beauté et son inspiration. Mais le manque d'originalité et le côté quelconque de certains thèmes nous empêchent de considérer pleinement ce score comme LE grand chef d'oeuvre d'un compositeur qui finit par tomber dans les 'recettes' à force d'utiliser systématiquement les mêmes éléments musicaux. Néanmoins, nul ne peut nier que 'Le Peuple Migrateur' est une BO émouvante de qualité, un hymne vibrant aux oiseaux et à la nature. Pour conclure cette revue, nous citerons les paroles du poète Vietnamien N'Guyen-Khac-Hieu inscrites dans le livret de l'album:

"Dans notre prochaine existence, nous nous garderons bien d'être humains. Nous serons deux oies sauvages, volant bien haut dans le ciel. Les neiges aveuglantes, les mers et les eaux, les monts et les nuages, les poussières rouges du monde, de loin nous les regarderons comme si nous n'étions jamais tombés."


---Quentin Billard