1-Ours Is The Power 1.07
2-Bitches Of Eastwick 3.18
3-A Natural Witch 1.27
4-Calling The Corners 1.31
5-The Magic Store 2.19
6-Bonnie 2.23
7-Invocation 4.24
8-The Glamour 1.58
9-The Nightmare 1.47
10-Behind The Curtain 2.16
11-By The Power Of 3x3 4.27
12-Sarah's Revenge 1.37
13-Trouble With Snakes
and Insects 1.53
14-I Bind You, Nancy 2.30
15-Lightning Strikes 2.04

Musique  composée par:

Graeme Revell

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5732

Musique produite par:
Graeme Revell
Producteur exécutif de l'album:
Robert Townson
Monteur de la musique:
Josh Winget
Sampling de la musique:
Brian Williams
Hurdy Gurdy:
Curtis Berak

Artwork and pictures (c) 1996 Columbia Pictures Industries, Inc. All rights reserved.

Note: ***
THE CRAFT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Graeme Revell
Bien avant la fameuse série télé 'Charmed' qui mettait en scène un trio de sorcières de charme, le réalisateur Andrew Fleming nous livrait un film racontant l'histoire de quatre jeunes sorcières en quête de nouveaux pouvoirs (la même année sortait 'Little Witches' de Jane Simpson sur un sujet plus ou moins similaire). 'The Craft' (Dangereuse Alliance) raconte l'histoire de Sarah Bailey (interprété par une Robin Tunney absolument ravissante), une jeune étudiante qui vient s'installer à Los Angeles avec ses parents. Sarah fréquente alors l'école Catholique de Los Angeles où elle fait la connaissance de trois jeunes filles plutôt étranges et d'un garçon (Skeet Ulrich) qui semble être attiré par elle. Intrigué par Sarah, Bonnie (Neve Campbell), l'une des trois filles du groupe entre alors en contact avec elle et lui demande de venir rejoindre son groupe en lui expliquant qu'elles pratiquent la sorcellerie depuis pas mal de temps déjà. D'abord hésitante, Sarah se laissera convaincre après que la vendeuse du magasin de sorcellerie du coin lui ait expliqué qu'elle aussi était une sorcière mais qu'elle ne le savait pas encore. Et voilà que le trio devient un quatuor, Sarah apprenant alors à maîtriser ses nouveaux pouvoirs. Ensemble, les quatre filles pourront invoquer les quatre points cardinaux et satisfaire leurs souhaits par la magie, mais l'une d'elle, Nancy (Fairuza Balk) ira trop loin et provoquera la mort de Chris et du mari de sa mère. Commence alors une longue descente aux enfers pour Sarah qui décidera de quitter le 'cercle' à tout jamais, abandonnant ses soeurs sorcières. Mais Nancy, Bonnie et Rochelle (Rachel True) ne l'entendront pas de cette façon et lui feront payer cette 'trahison'. Si vous aimez les films sur la sorcellerie et la magie noire (avec des sorcières néanmoins très charmantes), 'The Craft' ne pourra que vous plaire. Pour la petite anecdote, il paraît que 'The Craft' est le film fétiche des fans de l'actrice Fairuza Balk. A noter pour finir quelques effets spéciaux assez impressionnants surtout dans l'affrontement final et la séquence terrifiante du cauchemar halluciné avec des milliers de serpents, de cafards et d'autres insectes grouillants en tout genre.

Graeme Revell nous livre sur 'The Craft' un score atmosphérique plutôt impressionnant, sombre, glauque et terrifiant. 'Ours Is The Power' nous plonge d'entrée dans l'univers glauque et suffoquant de la musique. Revell utilise ici un formidable mélange entre sonorités électroniques troublantes et orchestre plus restreint mais néanmoins présent. Parmi les sonorités sinistres qui se dégagent du morceau, on retrouve des sons distordus plutôt étranges et la présence importante de voix féminines, un élément majeur qui reviendra tout au long de la partition sous différentes variantes (les voix caractérisent les quatre héroïnes sorcières du film). Ne vous attendez pas ici à des grands thèmes mémorables. 'The Craft' est un score atmosphérique assez banal dans son genre mais suffisamment prenant pour qu'il mérite toute notre attention. Si la musique de Revell met un peu de temps à se mettre en place dans le film (il y'a beaucoup de chansons qui viennent envahir 'l'espace' alloué à la musique originale de Revell), c'est pour mieux nous préparer à une formidable montée de tension et une atmosphère noire, pesante, étouffante et frissonnante. Un score sinistre sans concession donc! 'Bitches Of Eastwick' (le titre fait - à l'instar du film - un gros clin d'oeil ironique au 'The Witches of Eastwick' de George Miller, film qui a apparemment servi de modèle d'inspiration pour 'The Craft') nous permet d'entendre un côté plus moderne dans la partition de Revell qui utilise ici des rythmiques plus de style pop/techno avec des sonorités électroniques modernes retranscrivant le côté jeune et délurée de ces trois sorcières de charme. 'Bitches Of Eastwick' nous fait ressentir quelque part la perversité de ces trois filles qui sont prêtes à tout pour arriver à leurs fins. (le morceau reste néanmoins suffisamment mystérieux pour évoquer le côté plus sombre de ces trois personnages) 'A Natural Witch' nous fait très vite revenir dans l'atmosphère mystérieuse et sombre du score avec un travail très intéressant autour des différentes textures électroniques et la présence de ces voix féminines envoûtantes, voix qui évoquent ici le personnage de Sarah et de ses nouveaux pouvoirs (scène de l'étrange lévitation). 'Calling The Corners' souligne quand à lui la séquence où les quatre sorcières invoquent les quatre points cardinaux au bord d'une plage. Revell fait monter la tension avec ses différentes nappes de synthé et ses textures électroniques impressionnantes, le tout soutenu par cette voix féminine toujours présente, une voix qui renforce beaucoup le côté envoûtant et troublant de ce sombre score.

'The Magic Store' est quand à lui plus tourné vers une ambiance moderne pop/techno à l'instar de 'Bitches Of Eastwick' pour la séquence où les quatre sorcières rentrent dans le magasin de sorcellerie. Evidemment, les rythmiques modernes de batterie et synthé sont là pour évoquer le côté jeune et branché de ces filles, mais c'est l'utilisation de quelques tambours plus orientaux d'esprit et qui évoquent ici un côté plus mystique et magique. Revell poursuit alors son ambiance glauque à travers un morceau comme 'Bonnie' qui nous permet d'entendre quelques cordes stridentes nettement plus flippantes, et c'est 'Invocation' qui affirme à merveille l'écriture atonale du compositeur (et ce pour une autre scène d'invocation et de magie noire). Revell met de plus en plus en avant une écriture atonale et extrêmement dissonante du pupitre des cordes plus proche de partitions contemporaines dans l'esprit d'un Ligeti ou d'un Penderecki. On retrouve ici divers effets de cordes dans le terrifiant 'Invocation': glissendi lents avec effets d'harmonique, 'nuages' de son, nappes stridentes, etc...sans oublier les bases électroniques du morceau qui servent à créer une ambiance particulièrement sombre et de plus en plus pesante. Effectivement, plus l'histoire avance, et plus l'on sent la musique de Revell évoluer vers une atmosphère cauchemardesque et étouffante. D'une simple fable sur la magie noire, on se retrouve au sein d'un cauchemar intense et pesant, comme c'est le cas dans 'The Nightmare' et son atmosphère étouffante et ces dissonances rampantes et menaçantes. Les voix se font de plus en plus inquiétantes au sein de morceaux tels que 'The Glamour' et surtout 'Behind The Curtain' où la chanteuse adopte un ton et une manière de chanter plus proche des sonorités vocales orientales (toujours cette idée de l'orient attaché à une certaine forme de mysticisme et de magie).

'By The Power Of 3X3' fait une utilisation remarquable d'une espèce de cithare désaccordée (on pense tout de suite au 'Boucher' de Pierre Jansen) jouant sur des quarts de ton et quelques tenues orchestrales/électroniques renforçant le sentiment de menace qui pèse sur Sarah après avoir prise sa décision de quitter le 'cercle'. Ce petit motif menaçant et dissonant de cithare désaccordée est lié ici à la menace représentée par Nancy et ses deux acolytes. (on trouve ce motif dans la scène où Nancy va tuer son père par la magie noire ou dans la scène finale où elle retrouve Sarah dans sa maison la nuit) La partition de Revell atteint un climax particulièrement intense dans 'Trouble With Snakes & Insects' pour la séquence de la terrifiante hallucination finale avec les serpents et les insectes. Revell retranscrit à merveille l'horreur de la scène par le biais de sonorités électroniques glauques à souhait et d'effets de cordes extrêmement dissonants et tortueux. Bref, on est ici en plein cauchemar pour ce qui semble être le morceau le plus impressionnant du score (et aussi . 'I Bind You, Nancy' évoque quand à lui la confrontation finale entre Nancy et Sarah avec quelques cuivres/cordes chaotiques et des percussions plus agressives et menaçantes, et comme le veut la tradition, on respire enfin dans 'Lightning Strikes' où le compositeur nous propose une petite pièce dans le style du folklore indien proche d'un raga indien avec les tablas, le bourdon de sitar, une guitare orientale et une flûte exotique (n'oublions pas que le compositeur a toujours été particulièrement attiré par la musique éthnique), le morceau concluant le score sur une touche ethnique plutôt intéressante et somme toute assez surprenante.

Score sous-estimé et souvent très critiqué par les béophiles, 'The Craft' est l'exemple même du score atmosphérique difficile d'accès et que l'on ne pourra pas forcément apprécier à sa juste valeur dès la première écoute. Ce n'est certainement pas le chef d'oeuvre de Graeme Revell, mais cela reste néanmoins un bien bel effort malheureusement passé inaperçu, une petite partition sombre et noire qui mérite toute votre attention car, en plus de créer l'ambiance musicale parfaite pour le film, la musique de 'The Craft' nous prouve une fois de plus le talent d'un compositeur décidément très sous-estimé et assez éclectique dans ses différents choix musicaux. Un score atmosphérique recommandé essentiellement aux fans du compositeur et à tout ceux qui apprécient ce genre de travaux sombres et sans concession. En tout cas, c'est la description musicale parfaite de cette lente descente aux enfers dans un univers fait de sorcellerie et de magie noire.


---Quentin Billard