1-L.627 3.34
2-Retour à la D.P.J. 1.04
3-Lulu, la Nuit et Cécile 2.35
4-Lulu et Katy 7.24
5-Deal dans le Métro 2.21
6-Filature Nocturne 2.13
7-Ca va si mal que ça, Lulu? 1.57
8-Lulu et Cécile 6.24
9-Cantique 1.07
10-La Filature des Zaïrois 2.52
11-J'ai oublié son adresse! 3.08

Musique  composée par:

Philippe Sarde

Editeur:

Milan Records
873 131

Orchestrateur:
Hubert Bougis
Direction musicale:
Philippe Sarde
Chef d'orchestre:
Harry Rabinowitz
Album produit par:
Bertrand Tavernier,
Philippe Sarde

Artwork and pictures (c) 1991 Little Bear/Les Films Alain Sarde. All rights reserved.

Note: ***
L-627
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Sarde
Voilà enfin un film qui aborde le problème de la drogue et du métier difficile de flics en banlieue. En réalisant 'L-627' (article du Code de la Santé publique qui condamne toutes les infractions liées à la détention, à la circulation et à la consommation de stupéfiants), le réalisateur Bertrand Tavernier voulait sensibiliser le public à ce véritable fléau qui touche même les plus jeunes aujourd'hui. Pour l'anecdote, le réalisateur aurait rencontré en 1985 Laurent Fabius qui était à ce moment là le Premier Ministre sous le gouvernement de François Mitterand. Tavernier aurait alors exprimé au Premier Ministre son inquiétude devant la trafic de drogue grandissant que l'on retrouve même devant l'entrée des Lycées Parisiens et du métro de la ville, mais devant le peu d'attention que le ministre porta à ses propos, Tavernier, choqué par la réaction négative du ministre, décida de réaliser quelques années plus tard un film où il montrerait enfin la face cachée du monde de la police française dans les banlieues 'chaudes' de Paris: réalisé avec Michel Alexandre, un ancien enquêteur de la brigade des 'stups', 'L-627' met le feu aux poudres en abordant un sujet sensible, le film ayant d'ailleurs suscité une vive polémique dès sa sortie en Septembre 1992. A l'époque, le Ministre de l'intérieur Paul Quilès critiqua vivement la démarche de Tavernier, démarche qu'il jugea de 'fausse' et 'injuste' - le film critiquant ouvertement l'attitude du gouvernement et du ministre de l'intérieur concernant le budget alloué à la police et aux moyens mis en oeuvre. A cette polémique s'ajouta soulevé par certains journalistes ayant qualifié le film de 'raciste' puisqu'on y voit quelques scènes où les policiers arrêtent et maltraitent des noirs ou des arabes. Evidemment, un film avec un sujet aussi difficile demande un certain recul afin d'éviter les quelques réactions hostiles parfois irréfléchies auxquels on a pu assister dès sa sortie en 1992.

Tout d'abord, 'L-627' est bien loin d'être un film raciste. Il faut d'abord remettre les choses dans leur contexte afin de comprendre quels sont les enjeux et le but que Tavernier s'est fixé: le réalisateur s'est dit préoccupé par la situation de la police en 1992 et de la montée grandissante des dealers et de la drogue dans les rues de Paris, hors, il ne faut pas se leurrer, dans les banlieues de la ville, les dealers sont toujours les mêmes et lorsqu'on est flic en banlieue (l'un des personnages du film déclare non sans ironie 'flic en banlieue, c'est vraiment la punition'), on en voit de toutes les couleurs à longueur de journée. Il est dès lors humainement normal qu'au bout d'un moment, on finisse par craquer et taper sur le premier individu attrapé à la volée, qu'il soit blanc ou noir. Il est aussi totalement faux d'affirmer que les scènes d'arrestation de ce film visent gratuitement les noirs et les gens d'origine arabe, comme si le réalisateur l'avait fait exprès. Ne nous leurrons pas, Tavernier a passé beaucoup de temps en compagnie de Michel Alexandre, ancien enquêteur des stups qui lui a confié tous les souvenirs de son métier difficile. Il a aussi passé quelques jours en compagnie de la 1ère DPJ de Paris et est allé lui même sur le terrain, alors on peut être sur que Tavernier sait de quoi il parle! En ayant défini un style de mise en scène réaliste refusant de se conformer au style des polars français habituels, Tavernier voulait être le plus réaliste possible en filmant 'L-627' et il n'y a absolument rien de gratuit dans tout ce que le réalisateur montre tout au long de son film. Seules les personnes qui adoptent encore la politique de "l'autruche" refuseront de voir la réalité en face en prétextant que ce que montre Tavernier dans ce film est faux, injuste et raciste. Et comme le dit Lucien Marguet lui même (excellent Didier Bezace), peu importe la couleur de peau de ces personnes: pour eux, ce ne sont que des 'putains' de dealers, ceci étant la phrase clé qui éclaire tout le propos du film.

Pas de super flic à l'américaine ici, pas d'effets de mise en scène quelconque, on est très proche dans 'L-627' de l'esthétique d'un véritable documentaire traitant du problème des flics en banlieue face au fléau de la drogue. Les acteurs sont tous extrêmement convaincants et attachants, chacun possédant une personnalité forte et parfaitement ancrée dans le film (le jeune stagiaire idéaliste très à cheval sur les règles, le vieux flic alcoolique qui tape des rapports dans l'algéco pourri où lui et ses collègues travaillent, le chef qui est resté un véritable gamin impulsif et peut enclin à la réflexion, etc.). Tavernier s'attache à multiplier les diverses scènes de filature et de planques en tout genre, l'équipe de Lucien Marguet travaillant dans des conditions misérables avec un budget tout aussi misérable. C'est là que l'on comprend mieux pourquoi le film a autant dérangé le ministre de l'intérieur de l'époque qui y voyait là une mauvaise pub pour son image de marque et ses soi-disant 'efforts'. Pas d'adoucissements ni de compromis dans les propos de Tavernier, le réalisateur nous livre là un film fort, dur et réaliste qui aborde le problème de face et ose enfin nous montrer (non sans culot) le problème dans toute son ampleur. A noter que 'L-627' marque la première collaboration entre Bertrand Tavernier et l'acteur Phillippe Torreton qui participera par la suite à d'autres films du réalisateur tels 'L'appât' (1995), 'Capitaine Conan' (1996) ou bien encore 'ça commence aujourd'hui' (1999). Malgré le côté très réaliste et sérieux du film, Tavernier évite de tomber dans le style un peu 'prétentieux' du genre 'réalisme à la française' en évitant non seulement de se prendre la tête comme le font certains réalisateurs français aux objectifs similaires et en laissant place à quelques touches d'humour qui permettent de rendre le film un peu plus humain, surtout au niveau de certaines répliques particulièrement hilarantes. (Tavernier aurait même demandé à ses acteurs de surprendre l'équipe du tournage en improvisant une petite partie de leur texte sous une forme chantée proche d'une comédie musicale) Incontestablement, 'L-627' est une grande réussite du genre à voir avec un certain recul. De toute évidence, c'est un film qui laisse place à une réflexion majeure sur un grave problème de notre société. Quoiqu'on puisse en penser, 'L-627' a au moins le mérite de nous faire réagir!

Philippe Sarde a écrit un score sympathique et assez fantaisiste pour 'L-627', même si on est loin ici du statut de 'chef d'oeuvre'. Son score se base autour d'une petite formation instrumentale assez originale incluant batterie/percussions (dont un xylophone), saxophones, quelques vents, quelques cordes, une section de cuivres, un piano et même un orgue. Le générique de début du score nous introduit à l'excellent thème principal plutôt sombre et vaguement mélancolique dans le style du thème que l'on a pu entendre dans le générique de début de 'L'Horloger de Saint-Pauil' (autre grand film de Bertrand Tavernier - 1974), morceau qui contenait déjà une formation instrumentale plus ou moins similaire. Le thème de saxophone de 'L-627' est la représentation parfaite de l'intrigue du film, la musique étant utilisé avec parcimonie tout au long du film afin de conserver le ton réaliste de la mise en scène de Tavernier. L'utilisation de l'orgue est assez fantaisiste et offre une couleur assez spéciale au sein d'un morceau à la rythmique franche reposant sur une batterie accompagné de quelques cuivres plus sautillants et plus rythmés (cette dualité entre ces passages sombres et ces passages rythmiques sont très intriguants ici - cela offre une couleur assez 'spéciale' au sein même du film). On retrouve ensuite ce thème de saxophone lorsque Lulu filme un dealer avec son caméscope vers le début du film.

On pourra trouver un passage plus rythmé dans 'Lulu, la nuit et Cécile' avec un petit ostinato rythmique de batterie et un petit motif de saxophone plus sautillant et assez étonnant, un morceau dans lequel on retrouve la dualité entre le côté sombre et le côté rythmé surprenant et plus vif de la composition de Sarde. A noter quelques brefs élans de dissonances dans la section de cuivres, éléments qui semblent de surgir de manière aléatoire et quasi improvisé dans un morceau qui allie comme dans le générique de début quelques éléments rock (rythmique de batterie) et quelques éléments jazz (saxophone et section de cuivres), le tout mélange dans un style proche du jazz progressif/fusion très libre. Ce passage plus vif laisse vite la place au thème principal exposé ici avec quelques cordes plus sombres. 'Lulu et Katy' nous introduit à un nouveau thème de cordes plus intime et aussi plus sombre, renforçant la difficulté de la vie de flic et de la vie sentimentale que Lulu tente de 'sauver' avec sa femme Katy qui lui demande à ce moment de quitter Paris, une ville qu'elle commence à ne plus pouvoir supporter. Le reste du score prolongera cette ambiance sombre par le biais du motif de cordes plus intime lié à la mélancolie de Lulu, motif qui reviendra jusqu'à la fin du film ('J'ai oublié son adresse') à tel point qu'il prendra la place du thème principal qui sera peu exploité dans la dernière partie du score (et du film). Ce qui frappe à la première écoute de ce score, c'est la façon dont Sarde arrive à combiner différents éléments complètement disparates enchaînés les uns à la suite des autres. A ce sujet, Tavernier avait réclammé une musique à l'écriture "heurtée, changeant constamment de tempo et de tonalité", probablement en vue de retranscrire la difficulté de la vie de policier dans la banlieue Parisienne. (un jeu de mot facile serait de dire que le héros du film, Lulu, en voit de toutes les couleurs au cours de son aventure à la DPJ Parisienne: on pourrait en dire autant au sujet de l'astucieuse musique de Sarde)

Si 'L-627' est un film majeur dans la carrière de Bertrand Tavernier, on ne peut pas en dire autant pour la musique de Philippe Sarde. 'L-627' est donc loin d'être un chef d'oeuvre. Malgré tout, cela reste une petite BO sympathique et assez intéressante, preuve du talent du compositeur lorsqu'il s'agit d'aborder des registres et des styles toujours différents (symphonique dans 'Pirates', atonal sinistre dans 'Le Locataire', jazz dans 'Flic ou Voyou', etc.).


---Quentin Billard