Musique  composée par:

James Newton Howard

Editeur:


Réalisateur:
Joel Schumacher
Genre:
Drame/Thriller
Avec:
Michael Douglas,
Robert Duvall,
Barbara Hershey.

(c) 1993 Warner Bros.

Note: ***
FALLING DOWN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Newton Howard
Après avoir réalisé l'intéressant 'Flatliners' et le plus intime 'Dying Young', Joel Schumacher s'attaque cette fois-ci au monde urbain oppressant de la société américaine dans 'Falling Down' (Chute Libre). C'est Michael Douglas qui campe ici le rôle de William Foster, surnommé 'D-Fens', à cause de l'étrange plaque d'immatriculation de sa voiture. Foster est employé dans une entreprise de la défense et part tous les jours au travail en traversant Los Angeles à bord de sa voiture. Mais le film commence en plein dans un embouteillage où la chaleur écrasante et l'odeur suffocante des pots d'échappement et du brouhaha général deviennent de plus en plus insupportables. Tout à coup, tout bascule : Foster sort subitement de sa voiture et décide de rentrer à pieds chez lui. C'est le début d'une longue descente aux enfers pour l'homme devenu fou. 'Falling Down' va donc s'attacher à décrire le parcours chaotique de cet homme enragé qui ne se contrôle plus et va faire des ravages sur son chemin. La 'chute libre' de William Foster donne alors l'occasion au réalisateur de critiquer violemment les dysfonctionnements et les excès de la société américaine (les prix exagérément haussés, le vieil homme riche qui se fait construire un gigantesque terrain de golf privé alors que d'autres meurent de faim à côté de chez lui, le vendeur nazi fasciste qui vend sa camelote en toute impunité, avec violence et intolérance, les immigrés portoricains rebelles, enclins à la violence et au racket, etc.).

L'intérêt du film de Joel Schumacher ne se limite pas finalement qu’à une simple étude psychologique d'un homme dont les nerfs lâchent sous le coup de la pression (on apprend un peu plus tard qu'il avait été licencié de son travail et que son ex-femme ne voulait plus qu'il approche de leur maison et de ses enfants), c'est aussi une peinture crue et acerbe du mal-être de la société américaine et de la violence d’une monde urbain décadent (cf. la fameuse scène du type 'non économiquement viable', un homme qui vit la même situation que William Foster, d'où l'autre phrase clé du personnage au moment où il se fait embarquer par la police : 'ne m'oubliez pas !'). Impossible de ne pas ressentir ce malaise tout au long du film, impossible de ne pas être touché par l'histoire de cet homme au bout du rouleau qui craque et s'autodétruit progressivement en sombrant dans la violence et la folie. En fin de compte, 'Falling Down' est un film profondément triste et amer, car, le personnage principal a beau être un fou dangereux, sa situation recèle un hurlement plaintif, résigné et enragé envers une vie détruite et un équilibre perdu à tout jamais (tout ce qu'il voulait, c'était retourner chez lui et retrouver sa famille, mais tous les obstacles imaginables vont se mettre en travers de son chemin, y compris son ex-femme qui le fuit comme la peste). Michael Douglas incarne avec brio cet homme au bout du rouleau ayant franchi le point de non retour. Quand à Robert Duvall, il semble avoir une importance moindre dans le rôle du vieux policier qui traque ce mystérieux agresseur, jusqu'à une scène finale un peu trop hollywoodienne d'esprit. On a souvent comparé le film de Joel Schumacher au 'Taxi Driver' de Martin Scorsese qui décrivait d'une façon plutôt similaire la décadence du monde urbain et de la société américaine en 1976, mais sans atteindre l'intensité de la mise en scène du chef-d’oeuvre de Scorsese. 'Falling Down' se défend finalement plutôt bien avec une réalisation impeccable et un malaise omniprésent du début jusqu'à la fin du film. Une peinture sombre, brutale et tragique des travers de la société américaine.

James Newton Howard retrouve pour la troisième Joel Schumacher après avoir mis en musique 'Flatliners' (1990) et 'Dying Young' (1991). Son score (malheureusement inédit) pour 'Falling Down' s’avère être une partition à la fois sombre, violente, noire et mélancolique. Avec son attirail habituel de synthétiseurs et d'orchestre, JNH a crée une partition lente et morose décrivant la longue descente aux enfers de cet homme éreinté par le système, en guerre contre la société qu’il rend responsable de sa destruction. Le film s'ouvre au son de sonorités électroniques plutôt étranges et inquiètes, des sonorités aiguës qui évoquent déjà la tension sous-jacente de l'histoire. Nous sommes alors en plein dans un embouteillage et la chaleur écrasante renforce cette impression d'étouffement. Voilà un aspect que James Newton Howard a parfaitement retranscrit dans son score : le caractère suffoquant (et psychologique) du récit. Cette première pièce électronique fait intervenir des cordes très sombres et quelques percussions pour faire monter la tension jusqu'à ce que Foster craque et quitte subitement sa voiture. A noter l'utilisation d'un son saturé de guitare électrique, une autre caractéristique sonore du score de 'Falling Down', utilisé dans le film pour suggérer la folie et la violence du personnage de Michael Douglas.

Le score de ‘Falling Down’ s'articule autour d'un thème assez court, un motif de 4 notes amer et profondément mélancolique, qui intervient surtout vers le milieu du film. Ce thème résigné évoque la 'chute libre' du personnage et sa situation dramatique, ce qui apparaît de façon encore plus flagrante lorsqu'il téléphone à son ex-femme ou lorsqu'il évoque sa famille au couple pris en otage dans la scène de la piscine. Les cordes amères sont ici mélangées avec quelques synthétiseurs atmosphériques qui apportent un peu plus de profondeur à ce thème structuré en deux parties, une première section de cordes plus harmoniques (avec des enchaînements d’accords plutôt torturés) et une seconde partie développant le motif mélancolique et résigné de 4 notes, assez poignant à l’écran. Il ne fait nul doute que nous avons bel et bien à faire ici à du grand James Newton Howard, maître de son matériau sonore, qui crée une ambiance noire et dramatique parfaite pour le film de Joel Schumacher.

Plus le récit avance, plus la musique devient oppressante. Cordes sombres, cuivres graves, percussions électroniques, sonorité de guitare électrique saturée, tout est fait pour nous faire ressentir ce malaise à travers la partition du compositeur. Le motif principal laisse par moment la place à un autre thème plus mélancolique confié à une trompette 'blues', un petit thème qui intervient au cours de la scène du type non 'économiquement viable' (critique du système capitaliste américain) et qui intervient pour évoquer encore une fois l’amertume et la résignation de Foster, et ce à travers la sonorité de la trompette mélancolique. La dernière partie du score s'oriente quand à elle davantage vers l'action, JNH renouant ici avec le style thriller de 'The Fugitive' (même utilisation des percussions, du synthé, des rythmiques orchestrales, etc.), et plus particulièrement lors de la traque finale où Foster poursuit sa femme jusqu'à Venice, alors que Prendergast (Robert Duvall) se met à la poursuite de Foster. On notera une nouvelle pointe de mélancolie et d'amertume dans la scène où Foster est revenu chez lui et regarde une vidéo qu'il a filmée autrefois avec sa femme et sa fille. JNH illustre cette scène avec un petit thème de piano/synthétiseur plutôt triste, intime et profondément nostalgique, nous faisant clairement comprendre toute l’intensité dramatique de cette scène : Foster voit ce qui reste de sa vie et sait qu'il ne peut plus faire marche arrière. Il sait que sa vie est définitivement fichue.

Amateurs de musique joyeuse, passez votre chemin ! 'Falling Down' est une musique plutôt noire, sombre, lente, dramatique et résignée, tout à l'image même du personnage de Michael Douglas. Tour à tour violente (utilisation d'une batterie dans la scène du bazooka pour accentuer la brutalité du personnage), tour à tour froide et déprimante, la musique de James Newton Howard colle parfaitement au propos du réalisateur qui nous dépeint une vision bien pessimiste de la société américaine. On regrettera simplement le fait que ce score n'ait jamais réussi à trouver la voie d'une édition discographique digne de ce nom. Evidemment, 'Falling Down' ne fait pas partie des grands chefs-d'oeuvre du compositeur mais reste malgré tout un bien bel effort de la part d'un des meilleurs musiciens du cinéma américain actuel, preuve incontestable du talent d’un compositeur qui sait faire ressortir toute l'émotion d'un film pour pouvoir la magnifier à travers sa musique.


---Quentin Billard