1-Main Title 3.04
2-The Chancellery 1.02
3-Little Hope 1.51
4-Predictions 2.41
5-Disagreement 2.00
6-Imperial Palace 2.26
7-Mt.Niitaka 1.13
8-The Waiting Game 5.45
9-Sunday Morning 2.53
10-The 14th Part 2.38
11-Entr'acte 1.43
12-Pre-Flight Countdown 2.05
13-On The Way 1.38
14-The Final Message 4.50

Bonus Materiel

15-Japanese Military 4.36
16-American Military 1.36
17-Big Band Source 2.21
18-Hawaiian Radio 1.43
19-The Waiting Game
(with overlay) 5.45
20-Tora Theme (piano) 1.17
21-Tora Theme (orchestra) 1.38

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

FSM Silver Age Classics
Vol.3 No.4

Album produit par:
Lukas Kendall
Producteur exécutif:
Nick Redman
Producteurs associés:
Jeff Bond, Jonathan Z.Kaplan
Coordinateur de projet pour
20th Century Fox:
Tom Cavanaugh

Artwork and pictures (c) 1970 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
TORA! TORA! TORA!
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Oubliez le récent 'Pearl Harbor' de Michael Bay. Avec 'Tora! Tora! Tora!', vous avez là la seule version cinématographique valable de l'histoire de l'attaque japonaise sur Pearl Harbor le 7 Décembre 1941. Pour mettre au point cette gigantesque reconstitution minutieuse de l'un des événements majeur du début de la seconde guerre mondiale, la 20th Century Fox s'est associé avec la compagnie japonaise Toei pour produire une gigantesque production bilatérale, menée tambour battant par pas moins de trois réalisateurs différents: Richard Fleischer pour la partie américaine du film et le regretté Kinji Fukasaku (qui nous a quitté il y a quelques mois après avoir triomphé sur le fameux 'Battle Royale') et Toshi Masuda pour la partie japonaise. Le but du film est donc de nous montrer l'attaque de Pearl Harbor vu à la fois du côté des japonais (attaquants) et des américains (attaqués), tout en restant le plus neutre possible et sans aucune prise de position pour l'un ou pour l'autre. Ici, pas de romance superflue ni d'artifice commerciaux chers à Bay/Bruckheimer: 'Tora! Tora! Tora!' reste très rigoureux dans sa réalisation, allant même jusqu'à multiplier les détails stratégiques et militaires pendant plus d'une heure, ce qui fait que l'attaque du film n'intervient finalement que dans la dernière demie heure du film. Certes, on pourra reprocher la lenteur du rythme au début du film, mais c'est pour mieux nous dévoiler tous les détails de l'histoire avec un souci de minutie proche de l'esthétique d'un documentaire. Aucun studio US n'avait eu jusqu'alors l'audace de s'attaquer à l'adaptation cinématographique de l'un des événements majeurs de l'histoire des Etats-Unis au 20ème siècle, mais grâce aux progrès techniques de l'époque et à la ténacité de quelques producteurs, le projet démentiel de 'Tora! Tora! Tora!' aura finalement vu le jour. A l'inverse d'autres films de guerre du genre, les japonais ne sont pas montrés ici comme des ennemis sans scrupules mais comme des personnes tout à fait respectables avec un but précis et des intérêts précis. Leur attaque surprise sur Pearl Harbor sera très mal vécu par les américains et provoquera l'entrée en guerre des Etats-Unis. L'hypothèse soutenue par le film est la suivante: selon les scénaristes du film, les japonais auraient envoyés un télégramme aux présidents des Etats-Unis pour lancer un dernier ultimatum avant l'attaque, mais ce dernier ne l'aurait finalement reçu qu'une demie heure après l'attaque, provoquant alors l'incompréhension et la colère des américains (d'autres personnes soutiennent la thèse que le président Roosevelt aurait délibérément ignoré l'ultimatum japonais afin de permettre aux Etats-Unis de rentrer en guerre et défendre les intérêts des alliés contre l'axe germano-italo-japonais) On nous montre ainsi comment toute l'histoire a commencé et comment on a pu en arriver là. Le scénario, plutôt dense et complexe, a tenté de privilégier l'aspect historique avec une grande rigueur et un grand respect pour les événements. Ainsi, on nous montre l'insouciance des stratèges américains qui firent l'erreur de sous-estimer les faits et de ne pas anticiper l'attaque japonaise malgré la mise en garde de certains hauts responsables de l'armée américaine. On nous montre aussi l'avancée de l'armée japonaise prête à tout pour atteindre son but et la détermination courageuse de ces soldats.

Le film n'a finalement rencontré qu'un succès mitigé et ce malgré les énormes moyens déployés par la double production US/japonaise du film. Le côté très rigoureux du scénario et le manque de star à l'affiche n'a probablement pas aidé le film à trouver son public. Malgré cela, il faut reconnaître que la séquence de l'attaque de Pearl Harbor est absolument impressionnante pour l'époque. On aura rarement vu au cinéma une séquence de guerre aussi intense et violente. Si vous avez maintenant un petit trou de mémoire, je vous propose, pour conclure cette revue, un bref récapitulatif des faits historiques sur l'attaque de Pearl Harbor le 7 Décembre 1941: l'attaque a été programmée par l'amiral de la flotte impériale japonaise, Isoroku Yamamoto. Cette attaque faisant partie d'un vaste projet de la conquête de la Chine et de l'Asie du Sud-Est, et pour cela, il était nécessaire de neutraliser la flotte américaine. Les pilotes japonais suivent alors un entraînement intensif, leurs avions étant équipés de torpille spéciales capables de plonger dans des eaux très peu profondes. Leur code de déclenchement de l'attaque est 'Tora! Tora! Tora!' ce qui signifie en japonais 'Tigre'. Le 2 Décembre 1941, les radios de l'Akagi captèrent le message suivant: 'Niitaka Yama Noborre' ('Gravissez le mont Niitaka'). Cette phrase codée signifiait que les pourparlers en cours à Washington avaient échoué. Nous sommes alors à l'aube du 7 Décembre 1941. Les forces aéronavales japonaise sont à moins de 700 km de Pearl Harbor. A 6 heures précise, l'amiral Chuichi Nagumo fait décoller une première escadrille de 183 appareils (bombardiers, chasseurs zéros, avions torpilleurs, etc.). Les avions sont alors repérés par le radar américain Opana, mais l'alerte donné par les deux opérateurs Lockard et Elliot n'eut pas de réponse, l'officier navigateur d'Honolulu croyant à une défectuosité du radar. Dirigés par le commandant Fuchida, ce premier assaut s'attaque dès 7 heures 40 du matin aux aérodromes du port américain et à la rade remplie de navires de guerre. Un deuxième raid aérien de 137 avions intervient alors à 8 heures 40 et bombarde l'ensemble de la base. L'attaque prendra fin à 9 heures 45. Une troisième vague d'assaut était prévu, mais Nagumo refusa de la lancer. Il savait que leur attaque surprise déclencherait la 'colère d'un géant'. En l'espace de deux heures, les japonais auront détruit et endommagé près de 8 cuirassés ainsi que 3 destroyers, 3 croiseurs et 4 navires auxiliaires, sans compter les 188 avions éliminés et la mort de plus de 3000 américains. Il ne faut pas oublier de rajouter le fait que les 3 grands porte-avions américains affectés à la flotte du Pacifique n'étaient pas à Pearl Harbor le jour de l'attaque. Il s'agissait de l'Enterprise (il livrait des avions à l'île de Wake), le Lexington (qui était en route vers Midway pour une raison similaire) et du Sarafoga (il était à San Diego pour cause de réparations). Voilà pour l'essentiel de l'histoire, bien qu'il y ait encore beaucoup de choses à en dire (comme par exemple le fait que certains responsables du gouvernement savaient que cette attaque allait se produire). Alors si vous voulez suivre mon conseil : laissez tomber le 'Pearl Harbor' de Michael Bay et regardez 'Tora! Tora! Tora!': vous serez déjà beaucoup plus proche de la vérité et vous n'aurez même pas à subir tous les stéréotypes patriotiques superficiels du film de Bay. Un grand moment de cinéma, tout simplement!

Jerry Goldsmith s'attaquait pour la deuxième fois à un film de guerre durant l'année 1970. Effectivement, il ne faut pas oublier que la même année, Goldsmith composait sa partition inoubliable pour le 'Patton' de Franklin J.Schaffner, formidable reconstitution d'un moment majeur de la vie du général George S.Patton durant la seconde guerre mondiale. Pour 'Tora! Tora! Tora!', Goldsmith va prendre un parti pris musical plutôt délicat: évoquer les japonais à travers une partition aux accents délibérément asiatiques. Certes, un tel parti pris peut apparaître totalement étonnant puisque le film reste le plus neutre possible sans prendre le parti d'un clan ou d'un autre. Néanmoins, c'est ainsi que Goldsmith a conçu sa partition en se plaçant du côté des japonais. Sombre, sa partition pour 'Tora! Tora! Tora!' est finalement assez peu présente tout au long du film (à peine une demie heure de musique sur les 144 minutes du film) comme c'était déjà le cas dans 'Patton'. Le but de Goldsmith n'est évidemment pas de montrer les japonais comme des guerriers courageux. Il a plutôt chercher à évoquer l'avancée inexorable de la guerre et la menace imminente d'une attaque sur Pearl Harbor. Son unique thème principal nous est introduit dès le début du film alors que l'on voit un premier plan d'un porte-avion japonais. Goldsmith a eu recours à des instruments japonais divers tels que le koto (sorte de xylophone japonais), le serpent (instrument que le compositeur réutilisera avec brio dans 'Alien' en 1979) et quelques percussions asiatiques traditionnelles, le tout couplé avec l'orchestre et, de temps en temps, quelques effets électroniques discrets (on retrouve notamment l'utilisation de l'échoplex déjà bien mis en avant dans 'Planet of The Apes' et, plus tard dans 'Alien'). Le thème associé au japonais est une sorte de marche menaçante lente et sombre, teinté de couleurs asiatiques avec des cordes graves (contrebasses/violoncelles menaçants) et des cuivres pesants. On assiste déjà ici à la montée en puissance d'un thème qui s'amplifie de plus en plus jusqu'à prendre une tournure quasiment terrifiante, tout à l'image de cette menace sous-jacente et de cette attaque inévitable. A travers l'aspect sombre et l'écriture orientale du thème, on retrouve par moment quelques réminiscences évidentes d'un autre grand score de Goldsmith pour un autre film de guerre: 'The Sand Pebbles' (1966). Ce sombre 'Main Title' pose dès le début le ton du score: loin des sempiternels clichés patriotiques/guerriers, la musique de Goldsmith va s'attacher à développer cette ambiance de menace et de conflit imminent, le tout mené par un thème principal menaçant, symbole d'une marche inexorable vers la guerre.

La signature du traité de l'Axe unissant le Japon à l'Allemagne et à l'Italie se fait dans 'The Chancellery' au son d'un motif de cuivres de 3 notes ascendantes et d'un rythme martial agressif et soutenu, utilisant la percussion martiale (caisse/timbales) avec des cordes, des cuivres et un piano sur une série de rythmiques syncopées très 'action', chères au compositeur et dans la lignée de Stravinsky. Une fois encore, Goldsmith veut nous montrer que le conflit est inévitable, et que, progressivement, la machine se met en place. Goldsmith va progressivement faire monter la tension tout au long du film, parfaitement ménagée à travers les 30 minutes de musique originale qu'il a écrit pour le film. Le thème des japonais revient sous quelques variantes orchestrales, toujours accompagné d'instruments japonais comme c'est le cas avec les percussions exotiques dans 'Entracte' où le thème se veut encore plus menaçant. (les japonais sont prêts à attaquer) Les américains ne sont pas vraiment évoqués à travers la composition de Goldsmith, si ce n'est dans les rares moments où il utilise l'échoplex pour amplifier cette sensation de menace qui pèse sur le pays. Il est assez amusant de constater à quel point le compositeur a tenu à associer ces effets d'échoplex lors des séquences américaines où chacun cours dans tous les sens pour tenter de trouver une solution et d'éviter une catastrophe, mais sans aucun résultat concret.

'Imperial Palace' réutilise quand à lui le koto et le serpent avec un orchestre particulièrement tendu. Les sonorités dissonantes du serpent renforcent le malaise qui se crée dans le film alors que les pourparlers ont échoués et que les japonais sont décidés à attaquer Pearl Harbor selon le plan de l'amiral Yamamoto. Goldsmith n'hésite pas à utiliser à de nombreux moments des passages d'atonalité proche de ce qu'il avait déjà pu faire sur 'Planet of The Apes' par exemple. Comme je l'ai déjà évoqué précédemment, Goldsmith a même recours à quelques effets électroniques ('Little Hope') afin de renforcer la noirceur de sa partition dans les moments les plus menaçants.

C'est finalement le sombre 'Pre-Flight Countdown' qui annonce le comte-à-rebours final avant l'attaque. Particulièrement sombre, agressif et tendu, 'Pre-Flight Countdown' permet à Goldsmith d'utiliser un ostinato de percussion métallique particulièrement inquiétant avec un orchestre tendu et une série de jeux instrumentaux particulièrement ingénieux. 'Pre-Flight Countdown' est sans aucun doute le morceau le plus marquant de tout l'album de par le jeu des sonorités que le compositeur nous propose (cithare japonaise, flûte exotique, percussions, koto, serpent, carillon, etc.) et la rythmique martelé et syncopé que le compositeur nous propose tout au long du morceau pour cette séquence des préparatifs de l'attaque. On ressent ici toute l'urgence de la situation et l'idée qu'il est désormais impossible de faire marche arrière: les pilotes sont prêts à décoller, en route vers Pearl Harbor. Superbe pièce orchestrale saisissante, 'Pre-Flight Countdown' témoigne avec brio de l'inventivité que le compositeur déployait souvent à cette époque dans son écriture instrumentale et ses rythmiques syncopées spectaculaires. En l'espace de deux minutes, Goldsmith fait monter la tension et crée une certaine intensité propre à la séquence en elle même. Son côté expérimental ressort ici dans la manière dont il agence les différentes sonorités instrumentales, surtout dans l'utilisation des instruments japonais utilisés ici de manière assez chaotique.

'On The Way' développe alors le côté rythmique de la partition de Goldsmith lors de la séquence où les avions approchent de Pearl Harbor. Une fois encore, le compositeur a recours à un ostinato évoquant l'avancée japonaise, tandis que les différentes sonorités instrumentales créent un climat de danger et de tension de plus en plus pesant. Finalement, 'The Final Message' conclura le film sur une touche plutôt sombre, une dernière reprise de l'inexorable thème japonais (les timbales créent une sensation quasi funèbre/tragique dans ce morceau, comme dans le 'Main Title'). Si vous aimez le Goldsmith sombre, expérimental et inventif des années 70, vous apprécierez sans aucun doute 'Tora! Tora! Tora!' qui, loin d'égaler la qualité du génial 'Patton', n'en demeure pas moins une partition solide de la part d'un compositeur maître de son art et de son écriture, toujours près de l'émotion des films qu'il met brillamment en musique. A une époque où les partitions Hollywoodiennes ont tendances à s'uniformiser, la score de 'Tora! Tora! Tora!' nous apparaît comme une véritable bénédiction, un grand score à (re)découvrir grâce à l'excellente réédition de FSM!


---Quentin Billard