1-Musica Ricercata No.2
(G.Ligeti)-Dominic Harlan 4.17
2-Jazz Suite 2 Waltz 2
(Shostakovitch)- Concertgeboux Amsterdam (Reprise) 3.41
3-Baby Did A Bad Bad Thing-
performed, produced and written by: Chris Isaak 2.54
4-When I Fall In Love-
The Victor Silvester Orchestra
(Written by: Victor Young et Edward Heyman) 3.00
5-I Got It Bad & That Ain't Good
Oscar Peterson Trio-
(Written by: Duke Ellington, P.F Webster) 3.11
6-Naval Officer-Jocelyn Pook 4.51
7-The Dream-Jocelyn Pook 4.57
8-Masked Ball-Jocelyn Pook 3.42
9-Migrations-Jocelyn Pook/
Harvey Brough 3.44
10-If I Had You-
Roy Gerson (Written by:
Ted Chapiro, J.Campbell,
R.Connely) 7.01
11-Strangers In The Night
Peter Hughes Orchestra
(Written by: Eddie Snider,
C.Singleton, B.Kaemepfer) 2.31
12-Blame It On My Youth
Brad Mehldau
(Written by: Oscar Leveant,
E.Heyman) 6.17
13-Grey Clouds
-Dominic Harlan
(Written by: F.Liszt) 3.19
14-Musica Ricercata No. 2 (reprise)
(G.Ligeti)-Dominic Harlan 4.17

Musique  composée par:

Jocelyn Pook/
Harvey Brough

Editeur:

Reprise Records
9362-47450-2

Producteur exécutif de l'album:
Danny Bramson
Directeur en charge de la musqiue
pour Warner Bros:
Terry Le Mel, D.Frank

Artwork and pictures (c) 1999 Warner Bros. All rights reserved.

Note: ***
EYES WIDE SHUT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jocelyn Pook/
Harvey Brough
« Eyes Wide Shut, les yeux grand fermés, à voir les yeux grand ouverts ». Le maître Stanley Kubrick nous a offert avant de quitter son enveloppe charnelle une oeuvre sublime, inspirée de la nouvelle « Dream Story » d’Arthur Schnitzler publiée en 1926. Extrêmement éloigné du film pornographique annoncé, c'est avant tout un thriller haletant que représente ce nouveau chef-d'oeuvre du cinéma américain, un thriller psychologique où l'érotisme dénoue le récit avec brio. Stanley Kubrick nous avait habitués à la perfection. Il nous montre par son film posthume que sa carrière n'a pas eu une tache. Il fut pourtant naturel que les critiques soient toujours dures envers les oeuvres de l’un des génies du septième art, car Stanley Kubrick dévoilait à l'humanité son vrai visage, et, apeurés d'être si parfaitement dépeints, ils préfèrent dénigrer les messages du plus grand réalisateur de tous les temps pour refuser la vérité, comme c’est par exemple le cas pour certains films comme « A Clockwork Orange », « Lolita », « Full Metal Jacket » ou bien encore « Eyes Wide Shut », qui n'a pourtant pas tellement subi de mauvaises critiques - en dehors peut être des critiques italiennes qui ont descendu le film en flèche. Suivant l’objectif que s’était fixé Stanley Kubrick, « Eyes Wide Shut » est une vraie perfection audiovisuelle. Histoire d'un couple sublimement interprété par les géniaux Tom Cruise et Nicole Kidman, c'est une série de péripéties morales, physiques, psychologiques, hallucinatoires, érotiques, délicieuses et terrifiantes que traverse le magnifique couple dans le film. Notant une allusion à « Clockwork Orange » dans le film que l’on devinera aisément, on ressent tout au long de l’oeuvre de ce génie « la patte Kubrick », qui de ses longues griffes d'argent nous lacère les viscères d’un plaisir coupable et nous fait vivre son ultime orgasme cinématographique. « L'image réelle ne pénètre ni ne transcende. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est de prendre une histoire fantastique et invraisemblable et de tenter d'aller jusqu'au fond, en faisant en sorte qu'elle paraisse non seulement vraie, mais encore inévitable » (Stanley Kubrick, Film Comment, vol N°3, n°3).

La bande originale de « Eyes Wide Shut » nous fait parfaitement comprendre le ton du film : oppressant pour l’utilisation d’oeuvres savantes non originales comme « Musica Ricercata » de György Ligeti et « Migrations » de la compositrice britannique Jocelyn Pook, qui a écrit le score original du film, puis plus tendre et intime pour la fameuse « Valse n°2 » de la « Suite for Variety Orchestra » de Chostakovitch (un tube de la musique classique, devenu très populaire en France dans les années 90 grâce à une publicité pour une banque), intrigante pour « Stranger in the Night » et la pièce pour piano classique « Nuages Gris » de Franz Liszt - entendue durant la scène de la morgue - érotique pour la chanson « Baby Did a Bad Thing » de Chris Isaak, terrifiant pour « Masked Ball » de Jocelyn Pook, ironique pour « When I Fall in Love » et « If I Had You » de Roy Gerson, sans oublier « Naval Officer » de Jocelyn Pook, autre morceau du score du film.

Avec le score original de Jocelyn Pook, Kubrick a voulu crée une ambiance psychologique torturée, et plus particulièrement avec la pièce hypnotisante pour cordes « The Dream » ou le très sombre « Naval Officer », apparaissant dans les flashbacks du Dr. Bill Harford (Tom Cruise) pensant à l'adultère de sa femme Alice (Nicole Kidman) avec un marin. La tendresse est présente avec la célèbre « Valse n°2 » de Chostakovitch (1956), magnifique oeuvre du répertoire classique qui est devenue très populaire en France dans les années 90 grâce à une publicité pour une banque, et qui est devenue très vite un must musical outre-Atlantique grâce au film de Kubrick. La valse ouvre avec brio le générique de début et de fin du film de façon cyclique, le docteur Hafford l’écoute d’ailleurs sur sa chaîne-HIFI. La chanson « Baby Did a Bad Bad Thing » est celle que le monde entier a pu entendre dans l’intrigante bande-annonce du film, et illustre avec brio la scène d'amour du couple Tom Cruise/Nicole Kidman au début du film.

Mais l’atout principal de la musique du film reste sans aucun doute l’utilisation du deuxième mouvement « Mesto, rigido e cerimoniale » des « Musica Ricercata » de Ligeti, grand maître de la musique savante du 20ème siècle dont les oeuvres ont souvent été utilisées par Kubrick dans plusieurs de ses films (« The Shining » et « 2001 A Space Odyssey »). La pièce du « Music Ricercata » répète constamment ici les deux mêmes notes de piano sur un demi ton en octave, d'abord dans l'aigu puis dans le grave, et qui, dans le film, symbolise tout ce qui se rattache à l’étrange secte dans laquelle se trouve Bill Hafford vers le milieu du film. Ce motif terrifiant instaure un malaise saisissant dans le film et pour le spectateur qui assiste impuissant à la descente aux enfers de Bill, un motif musical constamment répété de façon obsédante durant toute la dernière partie du film, frôlant quasiment l’overdose. Ce motif finit par devenir assez stressant dans le film, non seulement parce qu’il est très présent tout au long de l’histoire, et aussi parce que le réalisateur a tenu à ce qu'il soit constamment répété jusqu'à la scène où Bill craque et avoue tous ses secrets à sa femme Alice. On notera aussi le ténébreux « Masked Ball » emprunté à l’album « Flood » (1997) de Jocelyn Pook, chant entendu durant la séquence du bal masqué, qui répète inlassablement la même mélodie interprétée par des voix d'hommes sur fond d'orgue. Ce sinistre morceau apporte une atmosphère fort inquiétante à la scène en question et semble vouloir hypnotiser le spectateur et le personnage de Tom Cruise. Ici aussi, l’idée que tente de véhiculer la musique à l’écran est celle de l’obsession dévorante et tenace, une obsession de l’interdit, des pulsions les plus basiques de l’homme.

Comme le film mélange différents genres entre eux, la bande originale de « Eyes Wide Shut » se devait donc de faire de même, et celle-ci reste une des meilleures bandes originales d’un film de Stanley Kubrick, même si l’on regrettera - comme souvent chez Kubrick - le manque de musique originale et le côté très effacé du score de Jocelyn Pook. Les amateurs du cinéma de Stanely Kubrick devraient néanmoins apprécier cette BO éclectique et très prenante.



---Lilian Ginet & Quentin Billard