1-The Arrival 2.56
2-To My Good Friend Brian 5.29
3-Needful Things 2.37
4-Brian's Deed 1.38
5-More Deeds 2.23
6-Art & The Minister 1.43
7-Gaunt's Web 2.51
8-Racing Towards
Apple Throwing Time 4.43
9-Nettie Finds Her Dog 1.49
10-Ave Maria (Schubert) 3.51*
11-Peer Gynt: Hall Of
The Mountain King (Grieg) 2.14
12-Go Upstairs 2.58
13-The Turning Point 12.08
14-They Broke The Law 1.36
15-The Devil's Here 4.31
16-Just Blow Them Away 2.46
17-End Titles 3.53

*Soprano Solo:
Nicole Tibbels

Musique  composée par:

Patrick Doyle

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5438

Album produit par:
Patrick Doyle, Maggie Rodford
Producteur exécutif:
Robert Townson
Monteur de la musique:
Roy Prendergast
Montage album:
Geoff Foster
Superviseur de la musique pour
Needful Productions:
John Stronach

Artwork and pictures (c) 1993 Castle Rock Entertainment. All rights reserved.

Note: ***1/2
NEEDFUL THINGS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Patrick Doyle
Pour cette adaptation d'un roman de Stephen King, le réalisateur Fraser Clarke Heston (fils de l'acteur Charlton Heston) nous livre une production horrifique décrivant les méfaits diaboliques de Leland Gaunt (Max Von Sydow), un petit commerçant venu installer un bazar dans la ville de Castle Rock (allusion ironique à la production du film) pour faire quelques affaires. Les habitants de la petite bourgade vont commencer à s'intéresser au magasin de Gaunt sans savoir qu'ils se sont fait ensorceler par ce mystérieux personnage. Qui est réellement Gaunt? Quels secrets cache t il derrière tout ca? Serait-il le diable en personne? Petit à petit, Gaunt va manipuler chaque personne de la ville ayant signé une sorte de 'pacte avec le diable' tel le personnage de Faust. Gaunt fournit ainsi tout ce dont souhaite les gens en échange d'un petit accord: commettre un petit méfait contre une autre personne de la ville, et de méfaits en méfaits, les habitants de Castle Rock vont commencer à s'entre-tuer les uns après les autres. Gaunt a réussi son coup: faire régner l'enfer dans la ville. Mais le shérif Alan Pangborn (Ed Harris) veille au grain et commence à soupçonner Gaunt. Il va tout faire pour tenter de le démasquer et mettre fin à son petit jeu satanique. Voilà une excellence histoire que le réalisateur nous sert avec un humour noir non déplaisant et des acteurs en pleine forme. Ed Harris est très convaincant face à un Max Von Sydow mémorable dans la peau du diable en personne. A noter aussi la performance de J.T. Walsh dans le rôle de Danforth 'Buste' Keaton, un fonctionnaire de la municipalité en proie à des crises de paranoïa violente. Le film joue plutôt sur une ambiance de descente aux enfers inexorable, lorsque le monde plonge soudainement dans la folie et le chaos. La mise en scène est suffisamment captivante pour nous permettre d'adhérer pleinement à cette sinistre histoire non dénué d'un certain humour noir cinglant. Ce n'est certainement pas la meilleure adaptation de Stephen King, mais le film n'en demeure pas moins de très bonne facture. A découvrir!

Patrick Doyle signait avec 'Needful Things' une de ses premières grandes oeuvres symphoniques/chorale après sa participation ) quelques productions européennes comme 'Henry V' (1989) (production anglaise dirigé par l'un des grands amis du compositeur, Kenneth Branagh), 'Shipwrecked' (1990) ou 'Indochine' (1992) du français Régis Wargnier. Changement de cap avec 'Needful Things' pour lequel le compositeur dévoile son étonnant classicisme d'écriture et son goût pour la musique orchestrale raffinée et savamment orchestrée. Des choeurs en latin viennent rejoindre l'orchestre pour évoquer les méfaits diaboliques de Leland Gaunt alias Satan. Certes, l'effet n'est pas nouveau puisque Jerry Goldsmith est déjà passé par là avec sa trilogie de 'The Omen'. Mais loin de vouloir singer la légendaire composition du maestro californien, Patrick Doyle nous propose une écriture vocale/orchestrale plus personnelle, avec un soin très particulier apporté à des orchestrations de qualité. La partition oscille entre ténèbres et humour noir, tout à l'image du film lui même. Le film s'ouvre sur un 'Main Title' très imposant dévoilant les qualités d'écriture du compositeur: traits de cordes énergiques, cuivres imposants, choeurs latin puissants et inquiétants, 'The Arrival' nous plonge d'entrée dans l'ambiance satanique du film. Les choeurs chantent sur les paroles du 'Dies Irae' (le jour de la colère), un texte latin qui a souvent été adapté par les musiciens et notamment à travers les 'Requiem' comme celui de Mozart ou de Verdi. A ce sujet, 'The Arrival' n'est pas sans rappeler la grandeur et la puissance ténébreuse du 'Requiem' de Verdi, Doyle faisant preuve une fois encore d'un certain classicisme d'écriture épatant, à une époque où les compromis faciles et les synthétiseurs dominent une bonne partie de la production musicale pour le cinéma Hollywoodien. 'The Arrival' nous permet aussi d'entendre le thème principal du score exposé aux cordes, thème légèrement plus mélancolique et mystérieux à la fois.

'To My Good Frien Brian' repose sur des traits de cordes empruntés au Main Title pour évoquer le jeune Brian qui est le premier habitant de la ville à 'signer' un pacte avec le diable. Loin de vouloir s'enfoncer dans une masse orchestrale horrifique et chaotique, Doyle préfère prendre une certaine distance par rapport aux images en adoptant un ton plus énergique que réellement terrifiant. Sa composition se veut parfois distante et surtout parfois très ironique. A l'écoute de sa musique, on ressent toute la malice du personnage magnifiquement campé par Max Von Sydow. 'Needful Things' (qui se trouve être le nom du magasin de Gaunt) évoque le côté plus mystérieux du magasin de Gaunt où l'on retrouve le thème exposé sur un piano mélancolique plus intime. Le thème intervient vers le début du film pour évoquer la romance entre le shérif Pangborn et sa fiancée Polly Chalmers (Bonnie Bedelia) mais il intervient aussi dans d'autres moments plus paisibles du film, comme si le compositeur essayait de brouiller les pistes et de nous faire croire que Leland Gaunt est un type sympathique et sans histoire. 'Brian's Deed' nous dévoile le côté légèrement plus humoristique de la partition alors que Brian doit accomplir son premier méfait après avoir 'signé' son pacte avec Gaunt. On trouvera ici des vents plus sautillants teintées de quelques harmonies légèrement sombres annonçant néanmoins le côté machiavélique des desseins de Gaunt qui se sert de ces gens pour jouer à un petit jeu diabolique.

Les choeurs reviennent de manière plus discrète dans 'More Deed' tandis que 'Art & The Minister' reste de loin l'une des plus intéressantes pièce du score. Pour la séquence où les habitants de la ville viennent acheter quelques fripes chez Gaunt, Doyle a écrit un petit passage pour choeur mixte et orchestre sous la forme d'une pièce vocale pleine d'humour et d'élégance. Plus classique d'esprit, 'Art & The Minister' évoque plutôt les compositions religieuses d'un Mendelssohn ou d'un Verdi, le tout avec un humour particulier qui crée un certain décalage avec les images. On ressent de plus en plus ici le côté malicieux et espiègle de Gaunt et cette séquence clé - qui marque un tournant dans le film - est paradoxalement illustrée avec l'une des plus amusantes musique de tout l'album, où le côté faussement religieux de la composition jure avec le côté diabolique du personnage principal. Comme vous pouvez le constater, on est loin ici du style diabolique et horrifique des 'Omen' de Goldsmith. Mais plus l'histoire avance, et plus la musique se veut de plus en plus noire. Tel un Janus diabolique, Gaunt commence à nous révéler son aspect obscur ce qui permet au compositeur d'apporter une plus grande noirceur dans sa musique. 'Nettie Finds Her Dog' nous fait enfin entrer dans le domaine horrifique avec un premier sursaut de terreur lorsque la pauvre Nettie retrouve le cadavre écorché de son chien.

A noter une utilisation particulièrement ironique de l'Ave Maria de Schubert dans la séquence de la confrontation sanglante entre Nettie et Wilma ou de la fameuse danse des trolls du 'Peer Gynt' d'Edvard Grieg lors de la scène où Nettie court mettre des lettres d'intimidation dans la maison de Danforth. L'utilisation très décalée de ces deux compositions issues du répertoire classique nous permet de mieux saisir toute l'ironie du personnage de Max Von Sydow et du plaisir machiavélique qu'il prend à regarder ces gens s'entre-tuer entre eux et se livrer aux pires bassesses. Après avoir basculé dans l'horreur avec 'Nettie Finds Her Dog', 'The Turning Point' installe une ambiance orchestrale plus lente et pesante avec une montée de tension durant plus de 10 minutes et qui évoque maintenant le côté maléfique du personnage de Gaunt et de son jeu diabolique. 'They Broke The Law' repose sur une ambiance plus pesante et dissonante faisant monter la tension alors que la population de Castle Rock commence à plonger dans la folie et la violence. Le chaos s'installe dans l'excellent 'The Devil's Here' où les choeurs latin reviennent sous une forme plus diabolique et grandiose. A noter que pour la séquence de l'explosion de l'église, Doyle fait une brève allusion au célèbre 'Dies Irae' Grégorien, un thème choral maintes fois cité dans l'histoire de la musique (Hector Berlioz dans la 'Symphonie Fantastique', Wendy Carlos dans l'ouverture de 'The Shining', Bernard Herrmann dans 'Jason & The Argonauts', Jerry Goldsmith dans 'Poltergeist', etc.). Le message est clair: 'The Devil's Here' nous fait clairement comprendre que le diable est dans la ville et qu'il tient la population à sa merci. 'Just Blow Them Away' conclut cette histoire avec une brillante montée de tension pesante lors de l'affrontement final. Le 'End Titles' nous permet alors de retrouver l'ambiance chorale grandiose de 'The Arrival' avec les paroles latines du 'Sanctus Dominus' évoquant implicitement ici une idée de lutte entre le bien et le mal (Dieu contre Satan).

Nul doute que 'Needful Things' fait partie des scores inévitables du compositeur à découvrir d'urgence si ce n'est pas déjà fait. Ne vous attendez pas à une grande BO ténébreuse et chaotique dans la lignée des 'Omen' de Goldsmith ou du 'Deadly Blessing' de James Horner. 'Needful Things' nous réserve quelques touches d'humour noir étonnantes avec quelques moments plus sombres et horrifiques. Très soigné sur le plan des orchestrations, la musique de Doyle se distingue aussi de par ses qualités d'écriture orchestrale/vocale qui font tout le charme des partitions traditionnelles du compositeur écossais. Une petite réussite qui ménage son lot de surprises!


---Quentin Billard