1-Fog Bound 2.16
2-The Medallion Calls 1.52
3-The Black Pearl 2.16
4-Will and Elizabeth 2.08
5-Swords Crossed 3.15
6-Walk The Plank 1.58
7-Barbosa Is Hungry 4.06
8-Blood Ritual 3.32
9-Moonlight Serenade 2.08
10-To The Pirates' Cave! 3.30
11-Skull and Crossbones 3.23
12-Bootstraps' Bootstraps 2.38
13-Underwater March 4.12
14-One Last Shot 4.46
15-He's A Pirate 1.30

Musique  composée par:

Klaus Badelt

Editeur:

Walt Disney Records
60089-7

Musique additionnelle de:
Ramin Djawadi, James Dooley,
Nick Glennie-Smith,
Steve Jablonsky, Blake Neely,
James McKee Smith,
Geoff Zanelli

Design de l'ambiance musicale:
Mel Wesson
Score overproduit par:
Hans "Long John" Zimmer

Artwork and pictures (c) 2003 Walt Disney Records. All rights reserved.

Note: **1/2
PIRATES OF THE CARIBBEAN:
THE CURSE OF THE BLACK PEARL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Klaus Badelt
Avec l'annonce de la nouvelle production de Jerry Bruckheimer mettant en scène une nouvelle aventure de pirates adaptée d'un parc d'attraction de Disneyland, on craignait déjà le pire: nos soupçons se sont confirmés après la vision de ce gros bluckbuster estival qui ne traînera pas très longtemps dans nos mémoires. Premièrement, le film de pirate semble porter malheur à la plupart des réalisateurs qui osent s'aventurer dans ce domaine, puisque le 'Pirates' de Polanski (1986) et le 'Cutthroat Island' de Renny Harlin (1995) ont été des bides retentissants à leur sortie en salle. Pour ce nouveau film de pirates, c'est Gore Verbinsky qui s'est attelé à la réalisation, après avoir crée le remake de 'The Ring' en 2002. Dans cette banale histoire de navires fantômes et de pirates héroïques se déroulant au 18ème siècle, Johnny Depp incarne l'étrange capitaine Jack Sparrow qui, après avoir été dépossédé de son navire et abandonné par son second sur une île déserte, revient à la civilisation, complètement excentrique et légèrement désaxé. Jeté en prison par les soldats anglais, Sparrow est condamné à mort après avoir tenté de s'échapper avec Elizabeth Swann (Keira Knightley), la fille du gouverneur anglais Weatherby Swann (Jonathan Pryce). C'est alors que les sinistres pirates menés par le capitaine Barbossa (Geoffrey Rush) attaquent la ville en pleine nuit et kidnappent Elizabeth, qui possède un mystérieux médaillon en or que les pirates convoitent. Will Turner (Orlando Bloom), modeste forgeron amoureux d'Elizabeth, décide de partir à sa recherche en faisant équipe avec Jack Sparrow, le seul pirate capable de naviguer dans les eaux des Caraïbes. Après l'avoir fait évader, les deux hommes partent pour un voyage périlleux dans les mers des Caraïbes, là où ils vont retrouver le Black Pearl, le bateau de Barbossa qui appartenait autrefois à Sparrow. Arrivé à la sinistre Isla de Muerta, ils découvriront la malédiction qui pèse sur Barbossa et ses hommes depuis le jour où ces pirates ont découvert un trésor aztèque maudit. Le médaillon en or d'Elizabeth est la dernière pièce qui manquait au trésor; pour conjurer le sort, il ne leur manque plus que le sang d'Elizabeth qui devra être versé afin que les pirates retrouvent enfin leur état normal.

'Pirates of The Carribean' est le type même de la production d'aventure boursouflé de clichés, avec un humour extrêmement pénible pour ne pas dire carrément chiant, principal point faible du film. Verbinsky et Bruckheimer tentent de nous faire sourire, sans succès: la séquence où le pirate cherche son oeil en verre, les deux gagmen stupides de Barbossa (genre Laurel et Hardy version pirates hideux), le coup de la main squelette qui bouge dans le tiroir, le coup du chien avec les clés dans la bouche, le bla-bla inutile entre les deux soldats anglais crétins au début du film, etc. tout ceci est parfaitement ridicule et gâche un film qui mise tous sur les artifices des nanars du genre. (seul le personnage de Jack Sparrow semble tirer son épingle du jeu, avec son côté excentrique efféminé surprenant pour un personnage de pirate) Et que dire de ces phrases ultra cliché et parfaitement téléphonées, comme par exemple le moment où Elizabeth s'exclame à la fin du film à propos de Will Turner: "ce n'est pas un forgeron...c'est un pirate!", sans oublier le coup où un méchant pirate balance à Turner: "dis au revoir !" et où le héros, qui vient de s'en tirer miraculeusement, répond: "au revoir!", histoire de jouer au gros dur de service...parfaitement ridicule, d'autant que c'est le genre de chose qu'on a l'impression d'avoir déjà vu ou entendu des milliers de fois auparavant! Les images de synthèse d'ILM sont quant à elles parfaitement réussies, apportant néanmoins un petit plus au film qui, sans cela, sombrerait totalement dans les abîmes des productions hollywoodiennes ratées (les séquences avec les pirates fantômes sont très impressionnantes). On a quand même du mal à rentrer dans cette histoire de pirates fantômes et de malédiction, surtout lorsqu'on nous fait le coup de nous faire croire que Jack Sparrow est lui aussi devenu un pirate fantôme afin de ne pas mourir lorsqu'il se bat en duel contre Barbossa (petit rebondissement maladroit). Certes, le film est spectaculaire et techniquement très réussi, mais sa longueur (143 minutes) et son humour de pacotille en font un spectacle grotesque qui traîne affreusement en longueur (le début met du temps à décoller et Jack Sparrow nous saoule très vite; quand à l'affrontement final, il ne cesse de s'éterniser.) et qui finit par imposer le film comme l'un des plus gros navets hollywoodiens de cet été.

Dès le début de la post-production du film, Alan Silvestri avait été annoncé pour écrire le score de 'Pirates of The Carribean'. Apparemment, c'est Gore Verbinsky qui avait choisi de se tourner vers Silvestri après avoir collaboré avec lui sur 'Mouse Hunt' et 'The Mexican'. Le score de Silvestri s'annonçait prometteur, dans la lignée de 'The Mummy Returns' et 'Back To The Future'. Néanmoins, la production a décidé de rejeter sa musique et de faire appel à Hans Zimmer et son équipe de Media-Ventures, Zimmer ayant l'habitude de travailler sur les productions Bruckheimer, et ce depuis une dizaine d'années déjà. C'est donc à cause de Bruckheimer que Silvestri n'a pas pu mener à bien ce nouveau projet excitant, et malheureusement, au grand dam de ses fans, la musique de Klaus Badelt et de ses compagnons de chez Media-Ventures n'atteint pas le niveau de ce qu'aurait pu produire Silvestri sur ce film. Ceci s'explique surtout par le fait que Badelt a eu très peu de temps pour écrire la musique, et que l'écurie de Zimmer a du faire appel à pas moins de 8 compositeurs (et carrément 9 orchestrateurs!) pour écrire la musique additionnelle du score. Certes, Badelt a accompli l'exploit d'écrire sa musique en l'espace de quelques semaines, mais le compositeur n'a aucun mérite puisque les autres compositeurs (Ramin Djawadi, James Michael Dooley, Nick Glennie-Smith, Steve Jablonsky, James McKee Smith, Blake Neely, Geoff Zanelli et Mel Wesson pour le design de l'ambiance musicale) ont presque écrit plus de la moitié de la musique du film. N'oublions pas qu'en 1974, Jerry Goldmsith avait quand même écrit la musique de 'Chinatown' en seulement 10 jours, et pour se faire, il était tout seul!

Le score de 'Pirates of The Carribean' témoigne donc d'un cruel manque d'imagination de la part du jeune protégé de Zimmer qui signe là un score recyclant toutes les anciennes partitions d'action de Zimmer et Media-Ventures: à l'écoute du thème principal lié à Jack Sparrow, on pensera aisément à certains passages d'Armageddon, tandis que le thème d'action entendu lors de la découverte de l'équipage fantôme de Barbossa est honteusement repris du thème d'action de 'Black Hawk Down' de Zimmer. Quand au reste du score, il oscille de manière extrêmement flagrante entre 'The Rock', 'The Peacemaker', 'Drop Zone', 'The Man In The Iron Mask', 'Gladiator', 'Crimson Tide', etc. le score s'axe donc autour du thème principal héroïque lié à Jack Sparrow, suivi du sombre thème associé à Barbossa et ses hommes, très clairement inspiré du thème de Commode dans 'Gladiator', sans oublier le thème d'action repiqué de 'Black Hawk Down'. Confié à l'orchestre avec le flot habituel de synthé, percussions électriques et choeur d'hommes, la musique de 'Pirates of The Carribean' s'attache à créer une ambiance d'aventure survitaminée dans le film, après avoir débuté de manière plus sombre et mystérieuse pour le début du film ('Fog Bound').

'The Medallion Calls' nous plonge dans le côté héroïque de la partition de Badelt au début du film, avec son rythme martial de caisse et ces choeurs à la 'The Rock'. 'The Medallion Calls' évoque le début de l'aventure avec son flot d'héroïsme personnifiant Sparrow et Turner, sauf que cette fois-ci, à l'inverse de 'The Rock', la recette est déjà bien éculée. L'action épique pointe le bout de son nez avec le synthétique 'The Black Pearl' très clairement inspiré de certains passages épiques de 'Gladiator'. Quand à 'Will & Elizabeth', il s'agit d'un nouveau dérivé du thème principal sous la forme d'un motif d'action héroïque lorsque Turner se lance à la poursuite des pirates de Barbossa. Le compositeur nous ressort tous les clichés habituels des musiques d'action de Media-Ventures, le Hollywood Studio Orchestra étant noyé sous des tonnes de synthétiseurs parfois inutiles et qui ne visent qu'à reproduire le son Media-Ventures afin d'appliquer les recettes traditionnelles du genre et satisfaire un Bruckheimer toujours en manque d'action. Avec l'excitant 'Swords Crossed', Badelt évoque une séquence d'affrontement à l'épée avec son motif d'action très clairement repiqué de 'Black Hawk Down', le morceau étant accompagné des percussions électroniques habituelles, des rythmes entendus des centaines de fois et de sons de guitare électriques un brin hardos qui ne font que renforcer le volume sonore généralement élevé dans ces morceaux d'action bien bruyants. Ici, pas d'idée épique dans les séquences de combat: seul l'action domine, avec tout le côté bruyant typique des grosses musiques d'action de chez Media-Ventures, sauf qu'ici, le côté épique de certains passages de 'The Rock' est délaissé au profit d'une atmosphère plus brutale voire 'fun'. En gros, c'est lourd, c'est bruyant, et ça ne pourra que satisfaire les irréductibles fans de Media-Ventures qui ne se lassent jamais d'écouter toujours la même chose!

Le reste du score est du même acabit: après un léger 'Walk The Plank' et son violon celtique (seule véritable signature musicale de cette musique de pirates), 'Barbossa Is Hungry' développe à nouveau l'ambiance héroïque de 'The Medallion Calls' avec ces rythmes action repris de 'Swords Crossed' tandis que 'Blood Ritual' évoque de manière tout à fait quelconque la séquence du rituel censé mettre fin à la malédiction (à noter le côté plus dramatique que prend la musique lorsque les pirates retrouvent leur forme humaine). 'Moonlight Serenade' apporte un peu de douceur dans cette musique d'action brutale avec quelques cordes plus lyriques inspirées de 'The Man In The Iron Mask' de Nick Glennie-Smith (auteur d'une partie de la musique additionnelle du film). Le thème d'action est repris dans 'To The Pirates'Cave' lorsque Sparrow et Turner accompagné des soldats anglais, foncent en direction de la caverne des pirates de Barbossa pour un affrontement final épique. Le thème héroïque fait un retour fracassant dans 'Skull and Crossbones', exprimant les exploits de Turner et Sparrow contre les pirates fantômes de leur ennemi commun, tandis que 'Bootstrap's Bootstraps' s'inspire quant à lui de 'The Peacemaker', mélangé à quelques ostinatos rythmiques repiqués une fois encore du célèbre 'Mars' des 'Planètes' de Gustav Holst, un cliché usé jusqu'à la moelle pour évoquer des scènes de batailles épiques, preuve du manque flagrant d'inspiration dans cette musique très 'fonctionnelle' en fin de compte. Après l'assez bon 'Underwater March' (Barbossa et ses hommes marchent sous l'eau), 'He's A Pirate' conclut le score sur une ultime touche d'héroïsme banale et sans prétention particulière.

Badelt et ses compagnons s'éloignent très clairement ici du style des partitions symphoniques traditionnelles pour les films de 'Swashbucklers' du genre à Korngold, Broughton ou Debney. Si vous avez aimé le 'Cutthroat Island' de Debney ou le 'Sea Hawk' de Korngold, il ne fait nul doute que ce 'Pirates of The Carribean' bien médiocre vous laissera sur votre faim. Ce score 'super-produit' par Hans Zimmer (une petite touche d'humour dans le livret du CD) n'est rien d'autre qu'une compilation des anciennes partitions d'action de Zimmer et Media-Ventures, chaque compositeur apportant sa pierre à l'édifice sans faire preuve d'une quelconque imagination ou d'une originalité particulière. La musique d'action de 'Pirates Of The Carribean' plaira une fois encore aux éternels amoureux des musiques de Media-Ventures et provoquera le mécontentement des autres béophiles lassés par ce style de musique totalement banalisé par le cinéma, les séries TV et autres téléfilms en tout genre d'aujourd'hui (tous les compositeurs de téléfilms ou de séries d'action modernes copient massivement le style de Media-Ventures). La musique de 'Pirates Of The Carribean' possède un côté industriel assez exécrable: certains sont même allés jusqu'à comparer cette musique avec du 'fast-food' façon MacDonald, et il est vrai qu'il y a un peu de cela ici: ce score est similaire à de la nourriture réchauffée et cuisinée à la va-vite, fade et sans âme, juste pour satisfaire "l'appétit" des irréductibles fans de Media-Ventures qui commencent finalement à se faire de moins en moins nombreux aujourd'hui. On est très loin ici de l'esprit d'une grande musique épique pour un film de pirates! Une gigantesque déception, toute à l'image du film de Verbinsky, surtout après le renvoi injuste d'Alan Silvestri. Quand à Klaus Badelt, gageons que ce musicien pourtant autrefois plus inspiré ('Invincible', 'The Time Machine' ou le superbe 'K-19') saura trouver dans le futur de bien meilleurs projets pour réussir à épanouir sa propre personnalité musicale, loin du fracas et du bruit des partitions d'action ultra stéréotypées de Media-Ventures.


---Quentin Billard