'Species' (La mutante) est encore un de ces films qui surfent sur la vague des thrillers horrifiques mettant en scène un extra-terrestre belliqueux en prise avec les humains. Cette fois-ci, la créature se présente sous les traits de Natasha Henstridge alias 'Sil', produit expérimental d'un croisement entre de l'ADN humain et des molécules extra terrestres. C'est en 1993, alors que le SETI (Search for Extra Terrestrial Intelligence) reçoit une transmission détaillant une structure d'ADN extra terrestre, que le projet 'Sil' se met en place. L'agent du gouvernement chargé de diriger cette expérience top-secrète est Xavier Fitch (Ben Kingsley). C'est Fitch qui décide alors de détruire Sil, l'expérience étant devenue trop dangereuse. Mais la jeune fille (interprétée par une Michelle Williams encore inconnue à l'époque - cf. 'Dawson's Creek') est bien décidée à ne pas se laisser faire et réussi à s'échapper du laboratoire secret de Fitch. Ce dernier n'a plus qu'une seule solution: former une équipe de spécialistes pour partir à la poursuite de Sil et l'arrêter avant qu'elle ne commette d'autres méfaits. Le groupe se constitue alors du mercenaire Preston Lennox (Michael Madsen), du docteur anthropologue Stephen Arden (Alfred Molina), du docteur spécialiste en biologie Laura Baker (Marg Helgenberger) et de Dan Smithson (Forest Whitaker), qui possède des dons de clairvoyance. Ces quatre individus auront fort à faire pour retrouver une Sil devenue adulte (Natasha Henstridge, dans son tout premier rôle au cinéma), prête à s'accoupler avec un homme pour mettre au monde de nouvelles créatures encore plus dangereuses. Fitch et ses quatre compagnons devront donc mettre fin aux agissements sanguinaires de Sil avant que cette dernière ne réussisse à s'accoupler.

Scénario minime donc, pour un film qui n'a guère d'autres intérêts à part celui de montrer Natasha Henstridge nue sur une ambiance de poursuite et de gore banal et sans histoire. Le rythme du film est mou, les acteurs ont un jeu tout à fait quelconque et l'ensemble rappelle un peu trop tout ce qui a déjà été fait sur ce sujet. D'autre part, en dehors de la mise en valeur de Natasha Henstridge dans des ébats sexuels bestiaux (certes, elle est jolie et très sexy, et ensuite?), le film n'a guère plus d'intérêt que n'importe quelle série-B d'horreur/action. A noter que c'est le peintre suisse H.R. Giger qui a conçu le design de Sil, dont on reconnaît quelques résurgences d'Alien. Hélas, la créature finale animée en image de synthèse est une véritable catastrophe, faisant sombrer la dernière partie du film dans le ridicule, en plus de la sempiternelle phrase assassine à l'américaine avant que le héros tue le méchant, du genre: " c'est sympa d'être venu nous voir! ". Voilà donc un film sans grand intérêt et que l'on oubliera très rapidement.

Christopher Young poursuit dans la voie des musiques d'horreur/suspense sur 'Species', considéré à juste titre comme l'un de ses titres les plus recherchés. 'Species' est absolument typique du style orchestral du compositeur, faisant appel à toutes ses techniques déjà utilisées dans 'The Fly II', 'A Nightmare on Elm Street II', 'Hellraiser', 'Jennifer 8' et surtout 'The Dark Half', la partition la plus proche du style de 'Species'. Le score du film de Roger Donaldson s'axe autour d'un thème principal emprunté à un ancien score de Young, 'The Power' (petite série-B d'horreur datant de 1984), et que l'on appelle traditionnellement le 'water music theme'. Le film s'ouvre donc sur un 'Main Title' qui pose le ton du score : quelques traits orchestraux sombres et des cuivres dissonants et rampants ouvrent le film dans un style que le compositeur semble avoir repris du célèbre 'Aliens' de James Horner. En réalité, le score de 'Species' est assez proche du style d'Aliens de Horner, un score qui a probablement été utilisé en temp-track du film. On retrouve ces effets de flûte en écho typique de 'Alien' de Goldsmith et de 'Aliens' de Horner, avec ces cuivres rampants synonymes de danger, déjà très présents dans 'Aliens' et repris du fameux 'Songe de Jacob' de Penderecki.

Young adopte donc un ton résolument sombre dans son 'Main Title', la suite du morceau prenant une tournure nettement plus mystérieuse et envoûtante. On retrouve les cordes froides et mystérieuses de 'The Power' avec un style parfois proche de 'Jennifer 8'. Le thème se met très vite en place, soutenu par de mystérieuses voix de femmes rappelant 'The Dark Half'. Avec ce 'Main Title' envoûtant, Young a réussi à évoquer le côté à la fois sensuel (les voix féminines) et mystérieux de Sil, la créature qui se cache dans le film sous les traits de Natasha Henstridge. Très vite, le début du score prend une tournure plus violente lors de la première séquence d'évasion de Sil: Young fait alors appel à une rythmique de piano qui n'est pas sans rappeler le style thriller d'Horner, soutenu par des percussions à la 'Jennifer 8' et des cuivres agressifs. Excitant, ce premier grand morceau d'action évoque déjà le côté dangereux et déterminé de la créature extra terrestre. La terreur va très vite s'installer au fur et à mesure que Sil va évoluer et se transformer en une jeune femme sexy, mais dangereuse, une sorte de 'Basic Instinct' version extra terrestre. Ainsi, la séquence dans le train est un premier passage de terreur plutôt glauque, où Young use de ses techniques orchestrales habituelles: clusters, glissendi, gargouillis sonore de cordes, cuivres sombres, etc. la musique pour la séquence du laboratoire est elle aussi particulièrement impressionnante, Young réussissant à faire monter la tension en quelques minutes, jusqu'à ce que la terreur s'installe pour la séquence de l'amas cellulaire extra terreste se développant à une vitesse phénoménale.

Avec quelques reprises du thème, Young élabore une partition orchestrale sinistre et glauque à souhait, où terreur et suspense sont les maîtres mots du compositeur. Sil ne possède pas de thème particulier en dehors du thème principal: en revanche, on pourra entendre par moment un motif harmonique qui se glisse dans certains passages de suspense sinistre. La tension est très efficace à l'écran, car, si la mise en scène manque de nous convaincre, la sinistre musique de Young est là pour rehausser le niveau, preuve qu'un compositeur peut écrire une bonne musique sur un mauvais film. A noter que la séquence où Sil descend du train est accompagné d'une légère rythmique électronique évoquant le côté déterminé du personnage. Quant aux séquences de cauchemar du film, ils sont accompagnés avec quelques effets électroniques flippants, parfaitement intégrés au matériau orchestral. La terreur ne cesse de se développer au fur et à mesure que Sil commet ses méfaits, jusqu'à la séquence de traque finale dans le tunnel, là où la musique se fait encore plus étouffante, encore plus macabre. Young crée un malaise très fort à l'écran, sa musique plongeant les personnages dans un véritable cauchemar musical comme seul Christopher Young sait en faire. L'action pointe aussi le bout de son nez lors de la séquence de poursuite en voiture, reprenant la pièce d'action de l'évasion de Sil au début du film. L'affrontement final se fera lui aussi au son d'un dernier morceau d'action/terreur, mettant fin au cauchemar avec 'Star Bright', conclusion plus paisible reprenant le thème principal du 'Main Title', thème ô combien envoûtant et mystérieux à souhait.

'Species' est la preuve du talent du compositeur à manier les ambiances morbides et sinistres pour un film. Maître de son écriture orchestrale, Young use de certains clichés (rythme du 'clic' orchestral avec ces fameux sons de clave et de petites percussions que l'on retrouve dans la majorité de ses BO thriller/action style 'Copycat', 'Murder At 1600', 'Hard Rain', 'Urban Legend', etc.) pour mieux les transformer au profit d'une partition diablement efficace bien qu'assez peu original en fin de compte (surtout si l'on tient compte du fait que le thème est emprunté au score de 'The Power'). Dans la veine horrifique de 'The Dark Half', 'Species' est un score d'horreur/thriller dans la plus pure tradition du genre, une solide partition orchestrale à réserver à tous les fans de Christopher Young et de ses ambiances horrifiques.


---Quentin Billard