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Tess
1-Tess 3.15 2-La Visite chez les D'Uberville 1.18 3-La Fraise 1.45 4-Tess et l'Enfance 1.33 5-La Naissance de l'Amour 3.18 6-Le Viol 2.31 7-Le Cimetière 1.42 8-Tess Retrouve Angel 3.59 9-Procession 3.36 10-La Séparation 2.58 11-Après le Meurtre 2.10 12-Le Retour d'Angel 1.16 13-Final (Suite) 7.53 Le Locataire 14-Cour d'Immeuble (générique début) 2.22 15-Apparitions 3.53 16-Solitude 1.23 17-Trelkovsky 2.14 18-L'Appel du Verre 2.31 19-En Souvenir de Madame Choule 1.32 20-Métempsycose 1.11 21-Conspiration 3.40 22-Le Locataire 2.28 Musique composée par: Philippe Sarde Editeur: Universal Music Jazz France 159 898-2 Album conçu et réalisé par: Stéphane Lerouge Coordination: Daniel Richard, Pascal Bod, Laurent Bizot (pour Universal Music Jazz France). Artwork and pictures (c) 1976 DR Col. Christophe L./Renn-Pathé/2000 Universal Music Jazz France. All rights reserved. Note: **** |
LE LOCATAIRE
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ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
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Music composed by Philippe Sarde
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Voici sans aucun doute l'un des meilleurs films de Roman Polanski (avec 'Rosemary's Baby'). 'Le Locataire' raconte l'histoire de Trelkovsky (Polanski lui-même), un archiviste d'origine polonaise plutôt timide, qui décide un jour de s'installer dans un appartement d'un quartier de Paris. En visitant l'appartement, Trelkovsky fait la connaissance de la concierge (Shelley Winters) qui l'informe que la précédente locataire de sa chambre, une certaine madame Simone Choule, s'est suicidée en se jetant de la fenêtre de son appartement. Trelkovsky fait alors la connaissance de Mr.Zy (Melvyn Douglas), le propriétaire de l'appartement qui accepte de lui louer une chambre dans le cas où Simone Choule ne reviendrait pas. Le jeune archiviste se rend alors à l'hôpital où il découvre la pauvre femme collée sur son lit d'hôpital. C'est là qu'il fait la connaissance d'une mystérieuse jeune femme du nom de Stella (Isabelle Adjani) venue rendre visite à madame Choule. La pauvre femme, devenue démente, pousse alors un cri de terreur horrifiant en voyant Trelkovsky et son amie Stella. A la sortie de l'hôpital, le héros va se lier progressivement à cette mystérieuse Stella dont il ignore encore tout. Il va aussi en profiter pour découvrir son nouveau voisinage et sa concierge peu aimable. Très vite, les choses commencent à prendre une tournure inquiétante. Tout commence lorsque des voisins se plaignent du bruit occasionné par Trelkovsky et ses amis lors d'une soirée un peu trop bruyante. Vient ensuite l'épisode de la vieille femme et de sa fille handicapée qui viennent le voir alors que les voisins ont signés une pétition contre elle, sans oublier les commérages de la concierge et, pire encore, les réactions étranges du patron du bar et de son serveur de la brasserie, là où Trelkovsky se rend régulièrement. Le héros finit par découvrir l'horrible vérité: ses voisins complotent contre lui afin qu'il devienne à son tour madame Simone Choule pour finir par se suicider en se jetant par la fenêtre - ou du moins, est-ce ce qu'il croit. En effet, l'atout majeur du 'Locataire', c'est cette façon dont a Polanski de raconter son histoire: comme dans un roman, le réalisateur accumule les indices, les détails et les pistes pour créer une intrigue pouvant s'analyser sous deux points de vue différents: celui de Trelkovsky, ou celui du spectateur objectif possédant un peu plus de recul.
L'histoire fait froid dans le dos. Polanski nous plonge progressivement dans l'univers dérangeant de la folie humaine, lorsqu'un homme perd tout ses moyens et finit par se prendre pour quelqu'un qu'il n'est même pas. Les voisins complotent t'ils réellement contre lui, ou n'est ce que le fruit de son esprit dérangé? Polanski jette le trouble et malmène son spectateur jusqu'à un final absolument génial. L'histoire se répèterait t'elle donc? La boucle serait alors bouclée? Le suicide de madame Choule serait-il donc un événement en répétition perpétuelle? Trelkovsky serait-il en fait madame Choule (on toucherait alors au domaine de la métempsycose)? Plongé dans l'angoisse de cet univers de folie et de paranoïa, le spectateur ne sait plus quoi penser. Où est la vérité dans le récit? Qui sont les amis de Trelkovsky, qui sont ses ennemis? Comme vous pouvez le constater, cela fait beaucoup d'interrogations pour un même film, preuve du talent du metteur en scène qui, avec une réalisation très lente et pourtant très prenante, arrive à capter pleinement notre attention en nous amenant à nous questionner continuellement sur ce que nous regardons. Plus qu'un metteur en scène accompli, Roman Polanski est aussi un acteur brillant, et il nous le prouve avec maestria dans le rôle de Trelkovsky, héros malmené par son esprit dérangé et ses crises de delirium tremens à répétition. Le film est aussi particulièrement prenant de par son atmosphère angoissante et suffocante. L'appartement de Trelkovsky devient une sorte de métaphore de l'esprit dérangé du héros dans lequel il se retrouve enfermé, le film étant parsemé de plans inoubliables (séquences de la fenêtre des toilettes). A noter que le réalisateur a fait appel ici à un casting international particulièrement impressionnant, puisqu'on y trouve des stars US/européennes telles que Isabelle Adjani, Melvyn Douglas, Bernard Fresson, Claude Piéplu, Rufus, Josiane Balasko, Michel Blanc, Gérard Jugnot ou bien encore Shelley Winters. Difficile de faire un casting encore plus spectaculaire! 'Le Locataire', ou la chute inoubliable d'un homme simple dans la folie paranoïaque la plus obscure! Avec 'Le Locataire', Philippe Sarde débutait sa collaboration avec Roman Polanski pour qui il écrira par la suite la musique de 'Tess' (1979) et 'Pirates' (1986). Sa partition orchestrale pour 'Le Locataire' reste un grand moment de musique de film dans la carrière assez riche du fameux compositeur français. Sarde n'en était pas à ses débuts, ayant déjà à son actif quelques grandes partitions telles que 'Les choses de la vie' (sa toute première partition écrite pour le cinéma), 'Max et les ferrailleurs', 'Le chat', 'César et Rosalie', 'Le train', 'L'horloger de Saint-Paul', 'Les seins de glace', 'Sept morts sur ordonnance' ou bien encore 'Le juge et l'assassin'. 'Le Locataire' est de loin la partition la plus sombre que le compositeur ait pu écrire au cours des années 70 (son époque la plus riche, musicalement parlant). Basée sur une écriture orchestrale atonale héritée de la musique polonaise avant-gardiste des années 60, la musique du 'Locataire' contribue à créer cette ambiance macabre et extrêmement pesante tout au long du film. 'Hantant' pourrait être le meilleur qualificatif pour définir le climat de cette superbe partition. A son orchestre reposant principalement autour de quelques cordes et de deux ou trois vents solistes, Sarde a fait appel au Glass-Harmonica (ou 'harmonica de verre') de Bruno Hoffmann. Avant de continuer plus loin, donnons quelques petites précisions sur cet instrument rare. Le Glass-Harmonica est une sorte de petit orgue en verre qui possède la particularité d'avoir un son particulièrement cristallin et liquide. L'instrument a été crée en 1743 par un irlandais du nom de Richard Puckeridge, qui eut l'idée d'associer ainsi la résonance acoustique des vibrations d'objet en verre sur un clavier similaire à celui d'un orgue ou d'un piano (l'instrument sera par la suite nettement amélioré par Benjamin Franklin en 1761). Dans l'histoire de la musique, le Glass-Harmonica été utilisé dans certaines grandes oeuvres de Gluck (grand interprète de cet instrument), Mozart, Beethoven ou bien encore Donizetti (dans un passage de l'opéra 'Lucia di Lamermoor'). Ici, Sarde utilise les sonorités cristallines du Glass-Harmonica afin de renforcer le climat troublant et mystérieux du film. A l'écran, le résultat est immédiat. Les sonorités si particulières de l'instrument installent très rapidement le trouble dans le film. Mieux encore, on pourrait presque voir l'utilisation de cet instrument comme une astuce géniale du compositeur qui consisterait à évoquer la fenêtre (le verre) par où s'est jetée Simone Choule. Ceci justifierait alors l'emploi d'un harmonica de verre, métaphore musicale de cette sinistre 'malédiction de la fenêtre'. 'Cour d'immeuble (générique début)' ouvre le film en posant immédiatement le ton du score résumé à travers les deux thèmes principaux du score. Le premier thème, extrêmement mystérieux, est interprété par le Glass-Harmonica accompagné par deux flûtes contrebasses, une autre particularité du score du 'Locataire'. Les cordes inquiétantes viennent rejoindre ce superbe thème qui risque fort de marquer l'auditeur dès la première vision du film, tant ce thème hantant résume parfaitement l'ambiance du film, évoquant l'univers de l'étrange et de la conspiration. Le deuxième thème, plus tonal et paisible est une petite mélodie entonnée par une clarinette solitaire avec un petit coté blues mélancolique. Ce thème de clarinette est ici associé à la solitude de Trelkovsky. Dès la séquence du sermon du prêtre à l'église, soutenue par une musique hallucinante d'angoisse honteusement absente du CD (comment est-ce possible?), le ton est donné: un morceau de cordes à l'écriture atonale particulièrement angoissante et intense, fait d'un grand crescendo de tension suffoquant avec toute la série de jeux instrumentaux habituels: clusters, glissendi, etc. la musique atonale et torturée du 'Locataire' n'est pas sans rappeler les oeuvres avant-gardistes de Ligeti (on pense à ses fameux 'Atmosphères' ou 'Lontano'), de Xenakis (les glissendi et les clusters de certains passages nous renvoient à 'Metastasis' ou 'Pithoprakta') ou de Penderecki (on sent par moment l'influence de pièces comme 'Anaklasis' ou le célèbre 'Thrène aux victimes d'Hiroshima'). En utilisant ce vocabulaire musical 'contemporain', Sarde développe une ambiance psychologique particulièrement intense dans le film. Les cordes sinistres de la séquence de l'église jettent le trouble et annoncent dès le début l'esprit torturé de Trelkovsky. 'Apparitions' est LE morceau incontournable du score, preuve de l'immense talent du compositeur, décidément à l'aise dans tous les genres. Sarde installe une ambiance particulièrement suffocante avec une tenue de cordes dissonante, une basse de piano à la fois discrète et menaçante et quelques accords dissonants de harpe. Les cordes graves entament un motif menaçant évoquant le trouble de la séquence où Trelkovsky aperçoit un homme immobile devant la fenêtre des toilettes. La musique semble poser la même question lancinante: Trelkovsky est-il en train de vivre un cauchemar halluciné? Les tenues de l'harmonica de verre instaurent le malaise avec cette basse insistante et extrêmement pesante, tandis que les traits ondulants de cordes dissonantes contribuent à renforcer le malaise évident qui se crée à l'écoute de la musique dans le film. A noter ici une très brève apparition du thème principal dans la séquence où Trelkovsky aperçoit des mystérieux hiéroglyphes sur les murs des toilettes. 'Solitude' met l'accent sur la partie plus mélancolique attribuée à Trelkovsky et son thème de clarinette. Les cordes sonnent toujours de façon dissonante avec cette fois-ci un léger apport rythmique plus agité. A noter une excellente reprise de ce thème dans 'Trelkovsky' où le motif se retrouve partagé entre l'harmonica de verre et les cordes (le thème est toujours accompagné de ces deux flûtes contrebasses). Le thème de clarinette revient dans 'L'appel du verre', toujours de façon inchangée, comme souvent chez Sarde. La manière dont les thèmes restent intacts, dégagé de la contingence du développement musical, est une autre façon de renforcer le côté obsessionnel de la descente aux enfers de Trelkovsky. 'Métempsycose' évoque le trouble germant dans l'esprit du héros, déguisé en madame Choule, croyant dur comme pierre qu'il est cette femme. Le thème maléfique revient une fois encore, suivi par ces inquiétantes flûtes contrebasses, ces cordes sinistres et cet harmonica de verre envoûtant à souhait. A noter un autre moment fort du score, l'excellent 'Conspiration'. Les glissendi de cordes et les tenues dissonantes de cordes évoquent de nouveau l'ambiance angoissante proche de 'Apparitions', doublé cette fois-ci d'une certaine violence dans l'utilisation percussive des cordes. Sarde utilise de violents effets de 'col legno' et de martèlement des cordes des violons pour évoquer la séquence cauchemardesque où Trelkovsky est assis devant sa fenêtre, déguisé en femme, en train de regarder un ballon se transformer progressivement en tête de femme. A noter dans ce passage l'utilisation surprenante de pizzicati assez agressifs, une idée que Sarde reprendra dans sa BO pour 'Il faut tuer Birgit Haas' (1981) de Laurent Heynermann. Le compositeur nous plonge avec maestria dans une ambiance cauchemardesque avec ces effets de cordes étranges qui ne sont pas sans rappeler le célèbre 'Psycho' de Bernard Herrmann. On ne pourra que regretter, une fois encore, l'absence d'un autre moment fort du score, la séquence du suicide de Trelkovsky, accompagné d'un roulement de percussions qui font penser à la musique d'un numéro de cirque. Cette petite touche d'humour macabre aurait dû être inclue elle aussi sur le CD, d'autant qu'on ne comprend pas vraiment pourquoi le livret de l'album mentionne pourtant que la bande originale du 'Locataire' est incluse dans sa version intégrale (c'est faux!). 'Le Locataire' est une BO forte, cauchemardesque, angoissante, suffocante et intense. Après le sinistre 'Les seins de glace' (1966), Philippe Sarde continue de nous prouver avec 'Le Locataire' qu'il est un maître des partitions atonales saisissantes, s'imposant presque comme un continuateur des partitions psychologiques et tourmentées des musiques thriller de Bernard Herrmann. Avec 'Le Locataire', Sarde va encore plus loin et évoque l'univers de la paranoïa et de la folie sur un style complexe et simple à la fois. Deux thèmes mémorables suffisent au compositeur pour créer une identité thématique forte dans cette partition. Le travail effectué autour des différentes sonorités instrumentales est aussi particulièrement marquant, que ce soit par l'emploi de l'harmonica de verre, des flûtes contrebasses, de la clarinette ou des cordes dissonantes et torturées. Voici l'un des chef-d'oeuvres de Philippe Sarde, une partition à découvrir de toute urgence (couplé sur le CD avec le très romantique 'Tess'), comme le film, si ce n'est pas déjà fait! ---Quentin Billard |