1-Main Title Sound
Effects Suite 1.41
2-The Proteus 5.56
3-The Chart 5.30
4-Pulmonary Artery 5.35
5-Group Leaves 2.49
6-Pleural Cavity 0.17
7-Proteus Moving
Through Sac 4.52
8-Channel To Ear 2.40
9-Cora Trapped 4.12
10-Proteus In Inner Ear 0.44
11-The Human Brain 1.52
12-Get The Laser 7.20
13-Optic Nerve/End Cast 3.36

Musique  composée par:

Leonard Rosenman

Editeur:

Film Score Monthly
FSM Vol 1 No 3

Album produit par:
Jeff Bond
Musique produite par:
Leonard Rosenman

Artwork and pictures (c) 1966 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***
FANTASTIC VOYAGE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Leonard Rosenman
Voilà un film au concept fort intéressant. 'Fantastic Voyage' se déroule presque entièrement à l'intérieur d'un corps humain. Une équipe de scientifiques (Stephen Boyd, Donald Pleasence, Arthur Kennedy, Raquel Welch, etc.) se retrouve miniaturisée à l'état microscopique puis injectée à l'intérieur du corps d'un patient qui se trouve être un important chercheur. La mission est simple: ils ont 60 minutes pour trouver et détruire un caillot de sang qui se trouve près du cerveau. Pour mener à bien leur objectif, les scientifiques devront utiliser un mini-submersible expérimental nommé 'Proteus'. Ils devront détruire le caillot à l'aide d'un puissant canon laser. Evidemment, leur mission sera particulièrement difficile, et ils devront faire face à de nombreux obstacles tout en déjouant une sinistre tentative de sabotage, à l'intérieur même de l'équipage. A noter que la pulpeuse Raquel Welch jouait à ce moment là dans son quatrième long-métrage pour le cinéma (elle débuta dans 'A House Is Not a Home' en 1964). Elle n'était alors âgée que de 26 ans.

Pour réaliser ce film d'aventure aux décors époustouflants pour l'époque (1966), Richard Fleischer a dû faire appel à une grande équipe de techniciens et de médecins en tout genre, afin de reproduire l'intérieur du corps humain. Evidemment, les effets spéciaux sont un peu datés mais fonctionnent toujours aussi bien. Une séquence comme celle des alvéoles pulmonaires reste toujours aussi impressionnante aujourd'hui. Peut-être est-ce dû à la mise en scène captivante du film, dont l'un des plus gros défauts reste la durée. Effectivement, on s'ennuie quelque peu durant les 30 premières minutes du film. La mission met beaucoup trop de temps à se mettre en place. Certes, pour le réalisme de l'histoire, on voit l'équipe préparer son équipement. Mais cette première partie traîne un peu trop en longueur. Or, le film ne dure que 100 minutes, et comme l'histoire est censée se dérouler sur 60 minutes, il ne reste qu'à peine une heure pour voir tout le reste de cette aventure. Etant donné l'immensité du corps humain, on aurait pu s'attendre à quelque chose d'un peu plus recherché et d'un peu plus long. Le scénario aligne une succession de péripéties qui, finalement, ne sont pas si nombreuses que cela (4 ou 5 séquences majeures, et c'est tout), sans oublier le fait que le film finit de manière assez brusque. Malgré tout, 'Fantastic Voyage' reste un film de référence dans l'univers des grands films d'aventure hollywoodien des années 60, un film qui a eu le courage de montrer un univers organique jamais encore vu auparavant au cinéma. A voir, dans le même ordre d'idée, l'excellent 'Innerspace' (L'aventure intérieure) de Joe Dante, censé être un remake de 'Fantastic Voyage'.

L'extravagant Leonard Rosenman signe avec 'Fantastic Voyage' une sinistre partition atonale étouffante à souhait. Rosenman fut l'élève d'Arnold Schoenberg durant sa jeunesse, à New-York. Le musicien semble avoir été très inspiré par le style atonal/sériel de Schoenberg, puisqu'en 1955, Rosenman composa l'une des premières partitions dodécaphoniques (musique utilisant une série de 12 sons différents, théorisée par Schoenberg au début du 20ème siècle) pour le cinéma: 'The Cobweb'. Très sous-estimé, Rosenman a quand même eu une certaine influence dans la musique hollywoodienne du 'silver age' des années 60, dans le sens où il a été l'un des premiers à vouloir rompre avec la tradition postromantique des Rozsa, Steiner, Korngold, Newman, Waxman, etc. et ce même si un musicien comme Bernard Herrmann commençait déjà à s'éloigner très largement de ce style (cf. 'Psycho' ou 'Vertigo'). Jerry Goldsmith fut l'un de ses musiciens adepte des expérimentations atonales, ce qui lui permit de mettre au point l'une de ses plus célèbres partitions atonales des années 60: 'Planet of The Apes'. 'Fantastic Voyage' est considérée comme l'une des plus fameuses partitions du compositeur, et aussi l'une de ses plus difficiles d'accès. Rosenman a eu recours à des orchestrations à la fois étranges et massives. Pour une histoire se déroulant dans un univers jamais vu par l'homme, il fallait une musique différente, plus radicale et étrange, d'où le choix d'un style atonal très avant-gardiste pour l'époque. Etant donné l'immensité du corps humain, la musique devait aussi faire appel à un grand orchestre, et afin de captiver l'attention de l'auditeur/spectateur, Rosenman a eu recours à un unique thème principal, le thème du Proteus, basé sur un motif de 4 notes très mystérieux.

Il faudra tout d'abord mentionner le fait que les premières 30 minutes du film ne sont pas accompagnées de musique. Le score de Rosenman intervient pile au moment où le Proteus est injecté à l'intérieur du corps humain. C'est la pièce 'The Proteus' qui annonce le ton du score, avec des orchestrations inventives utilisant toute la richesse du spectre orchestral: vents, cuivres pesants, jeux divers sur les cordes (tremolos, clusters stridents, etc.), piano sombre, etc. Le compositeur a aussi eu recours à quelques éléments impressionnistes, comme lorsqu'il utilise des vagues de vents, de célesta ou de xylophone pour décrire, au début du morceau, la séquence des globules rouges. L'absence de repère métrique permet aussi à la musique d'évoquer une sensation de flottement dans un univers irréel, là où l'homme n'est jamais allé. 'The Proteus' développe le thème principal, passant d'une combinaison instrumentale à une autre avec une très grande fluidité, le thème étant ainsi constamment développé tout au long du score. Enfin, on notera une dernière partie beaucoup plus intense et chaotique, Rosenman faisant se déchaîner l'orchestre pour la séquence où le Proteus est entraîné par le courant vers la veine jugulaire. Voici donc une évocation musicale parfaite dans ce qu'un personnage du film nomme un 'océan de vie'.

Avec cette première pièce atonale à la fois sombre, mystérieuse, dense et très tendue, Rosenman amorce le ton du score et développera cette ambiance atonale sinistre jusqu'à la fin du film. Pour se faire, il aura constamment recours au thème principal, omniprésent tout au long de ces 45 minutes bien intenses. A l'écoute de ce premier morceau, quelques modèles musicaux nous viennent immédiatement en tête. On pense bien entendu à Schoenberg et à ses fameuses '5 pièces pour orchestre opus 16', et plus particulièrement la 3ème pièce, plus connue sous le nom de 'Farben'. C'est dans cette pièce que Schoenberg utilisa pour la première fois la technique de la 'Klangfarben melodie' ou 'mélodie de timbres'. Le principe était d'écrire un thème qui passerait d'un instrument à l'autre avec une très grande fluidité. 'Farben' n'a pourtant rien d'une pièce mélodique hormis quelques intervalles organisés sous la forme de petits motifs. A une échelle moindre, on retrouve un principe similaire dans 'Fantastic Voyage', preuve que Rosenman a parfaitement retenu les enseignements de son maître. On pense aussi au 'Erwartung' de Schoenberg pour la richesse des orchestrations ou aux 'Variations pour orchestre opus 31' du même compositeur. D'une manière générale, Rosenman a appliqué avec succès les recettes du style atonal enseigné par son maître viennois et nous les transmet de manière extrêmement efficace dans le film de Richard Fleischer.

Le reste du score prolonge cette ambiance à la fois étouffante et toujours très tendue. 'Pulmonary Artery' est du même acabit: le thème reste omniprésent, souvent confié à une combinaison de vents (hautbois/flûtes par exemple) entouré d'un univers orchestral aux sonorités 'fluctuantes' et aléatoires. Rosenman garde toujours son approche impressionniste tout en conservant le côté très 'organique' de sa partition, afin d'évoquer l'intérieur du corps humain et ses mystères. 'Proteus Moving Through Sac' maintient lui aussi ce côté à la fois noir, mystérieux et toujours très tendu, Rosenman faisant de 'Fantastic Voyage' un véritable thriller, tout en délaissant le côté plus 'aventure' de l'histoire, un élément qui ne transparaît nullement dans cette sinistre partition étouffante.

'Cora Trapped' est l'un des meilleurs déchaînements orchestraux du score. Il s'agit de la séquence où la jeune Cora se fait attaquer par les anti-corps. Rosenman laisse ici la place à un déferlement de sonorités agressives allant des clarinettes stridentes, d'un piano brutal, des tremolos de cordes tendus aux trompettes en sourdines très agressives. La dissonance est ici le maître mot du compositeur: petit à petit, le caractère chaotique, froid et dissonant du morceau rend la scène particulièrement intense, à la limite du cauchemardesque. L'efficacité de ce morceau à l'écran est assez redoutable: on finit par craindre de voir Cora succomber à cette violente attaque des anti-corps. 'The Human Brain' est un autre passage marquant du score, dans lequel le compositeur utilise quelques sonorités cristallines (célesta principalement) pour évoquer le passage des ondes électriques dans le cerveau, vers la fin du film. On retrouve ici aussi l'approche plus impressionniste du compositeur, déjà présente dès le début du score avec 'The Proteus'. 'Get The Laser' nous permet de retrouver le style brutal, extrêmement dissonant et chaotique de 'Cora Trapped' lors de l'attaque finale des globules blancs et la mort du Dr.Michaels (Donald Pleasence), dernier grand déchaînement orchestral du score. Le score trouvera sa conclusion sur 'Optic Nerve/End Cast', seul passage tonal du score qui nous permet enfin de respirer après 40 minutes bien suffocantes.

Malgré l'excellente qualité d'écriture de cette partition, au bout de 40 minutes, on finit par se lasser de cette approche très monocorde et froide de la musique. Le score de 'Fantastic Voyage' manque ainsi cruellement de relief, et passé trois ou quatre morceaux, on s'ennuie quelque peu, faute d'un manque de renouvellement des idées et d'une certaine lourdeur orchestrale. Peut-être est-ce dû au côté trop répétitif du thème principal (largement omniprésent d'un morceau à l'autre)? Quoiqu'il en soit, 'Fantastic Voyage' est un score très monotone qui risque fort de dégoûter tout ceux qui ont une profonde aversion pour les partitions atonales avant-gardistes de ce genre. Pour les oreilles averties, 'Fantastic Voyage' pourrait s'avérer être une bonne découverte, du moins pour ceux qui ne connaissent pas encore l'une des partitions incontournables de Leonard Rosenman. Un bon score avant-gardiste, à consommer néanmoins avec modération!


---Quentin Billard