1-Logos/Main Title 1.21
2-The Trainman Cometh 2.43*
3-Tetsujin 3.21*
4-In My Head 3.46**
5-The Road To Sourceville 1.25
6-Men In Metal 2.18
7-Niobe's Run 2.48
8-Woman Can Drive 2.41
9-Moribund Mifune 3.47
10-Kidfried 4.49
11-Saw Bitch Workhorse 3.59
12-Trinity Definitely 4.15
13-Neodämmerung 5.59
14-"Why, Mr Anderson?" 6.10
15-Spirit of The Universe 4.51
16-Navras 9.08*

*Composé par Ben Watkins
et Don Davis
Produit par Juno Reactor
Co-produit par Don Davis
Interprété par Juno Reactor
et Don Davis.
**Ecrit par Tom Twyker,
Johnny Klimek, Reinhold Heil
Produit et interprété par Pale 3.

Musique  composée par:

Don Davis

Editeur:

Warner Sunset/
Maverick Records
48412-2

Produit par:
Don Davis
Musique montée par:
Joe E.Rand,
Barbara McDermott,
Steve Galloway

Musique additionnelle de:
Ben Watkins

Artwork and pictures (c) 2003 Warner Bros Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE MATRIX REVOLUTIONS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Don Davis
---Attention spoiler: si vous n'avez pas encore vu le film, ne lisez pas la suite de cette revue. Certains éléments importants de l'histoire du film vont y être révélés!-------

'Tout ce qui a commencé doit finir'. Voici le grand final tant attendu de la désormais célèbre trilogie des frères Wachowski. Cette fois, c'est la guerre ultime contre les machines. Après ses aventures agitées de 'Matrix Reloaded', Neo s'est retrouvé bloqué dans un univers entre la matrice et le monde réel. Cet univers prend l'apparence d'une station de train dans laquelle un passeur amène les âmes errantes d'un univers à l'autre. Il se trouve d'ailleurs que cet individu mystérieux travaille pour le compte du fameux Mérovingien (Lambert Wilson), toujours aussi arrogant et sûr de lui (belle caricature du français tel qu'on le voit, outre-manche). Trinity et ses amis tentent par tous les moyens de ramener Neo dans le monde réel. Pendant ce temps, les machines s'organisent et préparent l'attaque finale sur Zion. De son côté, l'Oracle, qui épaule nos héros depuis le début de leur aventure, revient sous les traits d'une nouvelle femme (Mary Alice), après avoir été effacée du programme de la matrice. De retour dans le monde réel, Neo va consulter l'Oracle une dernière fois. Il apprend que la fin est proche, que la mort est inéluctable, et qu'il est le seul obstacle sur son chemin. Elle fait bien évidemment allusion à l'agent Smith, programme tueur qui s'est mis en tête de s'émanciper de la matrice en se multipliant à l'infini et en devenant maître de la totalité du programme crée par le mystérieux architecte (Helmut Bakaitis). Neo est alors constamment hanté par des visions du monde des machines. Il sait qu'il doit s'y rendre s'il veut mettre fin à cette guerre. Il sait aussi qu'il n'en reviendra pas. Trinity l'accompagnera jusqu'au bout, prête à mourir pour celui qu'elle aime. Pendant ce temps, les machines s'introduisent dans Zion. La guerre fait rage entre les humains et les machines, que rien ne semble pouvoir arrêter. L'avenir de l'humanité repose désormais sur Neo. S'il réussit à convaincre l'architecte de le laisser en vie pour défaire Smith une bonne fois pour toute, Zion sera sauvé.

'The Matrix Revolutions' conclut la trilogie en beauté - ou en laideur diront certaines mauvaises langues - en plus d'être un final particulièrement grandiose et tonitruant, ce 'Revolutions' représente un gros coup de pub de la part des frères Wachowski, qui ont décidé de sortir le film la même année que le 'Reloaded'. A ma connaissance, c'est la première fois qu'une suite sort à un intervalle aussi réduit du film précédent. Ceci possède le double avantage de mettre fin plus tôt au suspense et de jouer sur l'effet de mémoire du spectateur, qui se souvient encore de tous les points philosophiques divers abordés dans le 'Reloaded', et de la mémoire, le spectateur a tout intérêt à en avoir s'il veut parfaitement saisir toutes les allusions faites dans ce film aux deux épisodes précédents. On retrouve une fois encore la réflexion philosophique sur le déterminisme, ou le fait que les choix que nous faisons dans notre vie détermine notre existence. Ainsi, l'affrontement final contre Smith est une véritable allégorie philosophique à part entière: elle représente l'essence même de l'existence humaine, car, comme le dit Neo, s'il est ici, ce soir, c'est parce qu'il en a fait le choix. C'est là où l'on voit la limite du programme informatique, incapable de comprendre cette notion basique de choix, qui fait de nous des êtres à part entière dans ce monde. A noter que le titre 'Revolutions' pourrait s'expliquer de deux façons: il s'agirait tout d'abord de la révolution des humains contre les machines, même si le final débouche malgré tout sur un compromis (à l'inverse des révolutions, qui finissent bien souvent par une nouvelle prise de pouvoir). Mais l'autre sens, plus subtil, serait s'apparenter à celui de la fin d'un cycle. N'oublions pas qu'à l'origine, 'révolution' signifie 'mouvement circulaire par lequel un mobile revient à sa position d'origine' (comme pour les planètes par exemple, et leur rotation autour d'un axe). Ceci expliquerait alors les allusions plus tardives aux textes religieux indiens sur la fin des cycles des renaissances, idée qui apparaît dans le fameux 'Neodämmerung' de Don Davis (utilisation des Upanisads). La fin du film conclut ce cycle, à l'instar de la fin d'un cercle de vie. N'oublions pas, d'ailleus, que la tagline du film est 'tout ce qui a commencé doit finir'. On peut ainsi envisager que, par la suite, la matrice mettra au monde un futur élu qui succédera à Neo, prolongeant ainsi cette idée orientale du cycle des renaissances.

Le film continue de jouer, comme les deux précédents opus, sur les symboles et les allégories mythologiques/religieuses en tout genre. Ainsi, la séquence du train peut s'apparenter à une allégorie modernisée du Styx, le passeur étant quant à lui une allégorie de Caron, celui qui, selon la mythologie grecque, faisait traverser le Styx (fleuve des enfers) à l'aide de sa barque. La station de train, univers perdu entre le monde réel et la matrice, est une allégorie évidente du Purgatoire voire des Limbes, lieu biblique dans lesquelles errent les âmes, entre le Paradis et les Enfers. (on pourrait aussi faire le rapprochement avec la 'Géhenne' de la Bible, ou 'Vallée de Hinnom') L'architecte est quant à lui la figure évidente de Dieu. La fin du film nous donne un ultime éclaircissement à ce sujet en nous faisant clairement comprendre - comme à la fin du 'Reloaded' - que ce vieil homme n'est pas humain. Il est le créateur de la matrice. C'est lui qui a donné naissance à tout cet univers informatique et technologique. Mais si l'architecte est Dieu, Neo est de toute évidence l'allégorie de Jésus Christ, l'élu naît dans la matrice pour délivrer les hommes et leur montrer le chemin de la Paix. Cette allégorie était déjà évidente dès le premier épisode, mais dans 'Revolutions', elle prend une tournure encore plus biblique puisque Neo va même jusqu'à se sacrifier pour offrir la paix à l'humanité, à l'instar du Christ crucifié, qui laisse sa paix aux hommes. A noter qu'il devient aveugle, tout comme le fut le personnage de Lazare dans la Bible, l'aveugle à qui le Christ fit miraculeusement voir la lumière du jour. Ici, c'est Neo qui devient Lazare, possédant la faculté de voir le monde intérieur, sans l'aide de ses yeux brûlés. A l'inverse, l'agent Smith, considéré par l'Oracle comme le contraire négatif de Neo, pourrait être comparé à la figure emblématique de l'Antéchrist. L'immense bataille finale contre les machines (du jamais vu sur le plan visuel) est digne des meilleurs passages du livre de l'Apocalypse, dans tous les sens du terme. Rappelons ainsi que le terme 'Apocalypse' signifie 'révélation' en grec. C'est à l'issu de cette bataille sanglante que Neo se révèlera être l'élu venu sauver la race humaine ('Neo' est un anagramme de 'One', 'The One' étant la traduction anglaise de 'l'élu'). Mais si Neo est le Christ, le Mérovingien pourrait être assimilé à l'allégorie de Satan (est-ce un hasard si sa boîte de nuit s'appelle le 'Hell Club'? 'Hell' en anglais signifie 'enfer') voire le Dieu des enfers (Pluton?), le 'Hell Club' s'apparentant ainsi à un lieu de débauche et de luxure semblable à l'image que l'on se fait traditionnellement des enfers.

Evidemment, la plupart de ces éléments ne sont pas nouveaux par rapport aux deux épisodes précédents, mais le 'Revolutions' les transcende d'une manière bien captivante. Le final ambigu du film évoque évidemment la victoire de l'homme sur les machines, mais une victoire jugée passagère. Effectivement, toute l'ambiguïté du récit est là: le sacrifice de Neo a permit de mettre fin aux agissements de Smith en le détruisant de l'intérieur, mais les machines sont toujours là, et l'architecte conserve le contrôle de la matrice. La guerre s'est donc achevée sur un compromis entre l'homme et les machines pour maintenir une paix durable, bien que les derniers mots ambigus de l'architecte nous fassent clairement comprendre que la guerre pourrait repartir à un moment ou un autre. Neo s'avère être depuis le début le parfait anti-virus capable de stopper la prolifération incontrôlable de Smith, allégorie du virus destructeur qui empoisonne un système informatique semblable à un disque dur (ce serait donc la matrice). Mais comme tout virus, lorsque le système entier est détruit, le virus disparaît avec lui (de même qu'un cancer meurt si l'organisme vivant meurt). C'est ce qui arrive à Smith, à la fin de ce film. Le final est de toute beauté. On y assiste à la renaissance du monde, à un nouveau départ pour l'humanité. Plus encore, le message final est un hymne à l'espoir, à la foi en des jours meilleurs pour l'homme. L'Oracle ne savait pas comment tout cela allait finir, mais une chose l'a toujours motivée à agir ainsi: la foi. Elle a toujours cru en Neo, et elle savait qu'il allait un jour ou l'autre atteindre son objectif malgré tout. Cette idée rejoint alors l'une des phrases-clé du Christ dans l'Evangile selon St-Marc, chapitre 9 - verset 23: 'tout est possible à celui qui croit' (cf. pièce de Don Davis pour le final de 'The Matrix': 'Anything Is Possible'). Le message final s'adresse ainsi à toute l'humanité. C'est la foi qui a triomphé de la dictature des machines (et non le fanatisme, qui est l'opposé négatif de la foi), et c'est encore elle qui a motivé Morpheus à faire tout ce qu'il a fait pour Neo depuis le début.

A l'heure où le 'Revolutions' conclut cette grande trilogie sur un ultime souffle épique quasi biblique, il est temps pour nous de faire un bilan de cette grande saga désormais mythique. Qu'on aime ou que l'on n'aime pas, cette trilogie ne peut nous laisser indifférent, à moins de faire partie de ce style de spectateur incapable de comprendre tous les enjeux philosophiques de cette trilogie, ne voyant ici que les effets spéciaux massifs et des scènes d'action spectaculaires à souhait, car, la trilogie 'Matrix' est bien plus que cela - le 'Reloaded' étant certainement le moins bon de tous. 'Revolutions' retombe malheureusement dans certains défauts du deuxième opus, à savoir une longueur excessive dans certaines séquences d'action massive - ici, l'immense bataille finale contre les machines. Ceci étant dit, 'Revolutions' est bien plus équilibré que le 'Reloaded' dans le déroulement de son récit, et les passages plus philosophiques sont bien plus mis en valeur, surtout dans la première partie du film. Reste que la gigantesque séquence de bataille aurait largement put être amputée de 5 bonnes minutes, car le résultat à l'écran est extrêmement long et semble s'éterniser pendant plus d'une demie heure. On finit par décrocher devant tant de longueurs, d'autant que la pluie excessive d'effets spéciaux en non-stop tendent à saturer l'écran et à provoquer quelques maux de têtes si l'on a les yeux rivés sur l'écran. En dehors de cela, 'Revolutions' est bien plus captivant que le 'Reloaded', la surenchère d'effets spéciaux ayant cette fois-ci un rôle plus fonctionnel, loin de la gratuité de certaines scènes du second opus (cf. la séquence du 'Reloaded' avec le camion s'écrasant contre un autre camion - plus gratuit que cette scène, tu meurs!). Malgré ce délire visuel assez hallucinant, 'Revolutions' possède une intrigue plus complexe, faisant de multiples références incessantes avec les deux précédents épisodes - si vous n'avez pas vu les deux films précédents, vous ne pourrez pas comprendre ce film. On pourra regretter le fait que plusieurs éléments soient littéralement mis de côté, comme c'est le cas par exemple du personnage de Morpheus, pourtant très présent dans le premier opus, et devenu quasiment inexistant dans ce troisième épisode. Et que dire du personnage de Persephone (Monica Bellucci), pourtant introduite dans le second opus, qui n'a qu'un seul rôle dans ce troisième film: montrer un décolleté tout à fait charmant, mais sans aucun intérêt avec l'histoire du film. Pourquoi avoir délaissé ici tout ces personnages? Reste que, pour la suite, c'est au spectateur de fournir un réel effort pour construire sa propre vision de l'histoire, même si, on est quand même loin ici de l'immense qualité du scénario du premier épisode (le final montre à la fois les qualités et les faiblesses de cette trilogie pourtant passionnante).

A noter que le film semble faire plus d'une fois référence à la culture spirituelle indienne, puisque, les trois protagonistes de la station du train sont d'origine indienne (la petite fille nommée Siri), l'un d'eux faisant d'ailleurs référence à l'idée du Karman (religion hindouiste). A noter que les paroles du désormais célèbre 'Neodämmerung' de Don Davis sont écrites en 'Upanisads', groupe de textes religieux prêchant la délivrance des cycles de renaissance et montrant la voie vers l'Absolu, selon la pensée hindoue. Alors pourquoi faire ainsi allusion à la pensée spirituelle hindoue? Tout simplement parce que les 'Upanisad' évoquent la fin du cycle des renaissances dans la culture indoue, et qu'ils pourraient ainsi s'assimiler à la 'libération' de Neo et Smith à la fin du film (ne dit-il pas à un moment: 'j'ai déjà vu cela?') voire de celle du monde à la fin de l'histoire (la renaissance, la fin d'un cycle), bien que l'on ne sache pas vraiment si nous sommes à ce moment là dans la réalité ou dans le monde virtuel (l'architecte aurait-il reprogrammé la matrice, comme annoncé à la fin du 'Reloaded'?). Bilan positif donc pour ce troisième opus qui conclut avec fracas cette trilogie désormais mythique, un film qui ne surmonte malheureusement pas ses défauts et qui n'a pas la force du premier opus (resté inégalable), mais qui demeure quand même une belle réussite en soi.

La partition de 'Revolutions', acclamée un peu partout par la plupart des béophiles, fait désormais partie des 'musts' de Don Davis. Le compositeur reprend ses matériaux du premier et du second opus et les porte ici à leur paroxysme pour une conclusion musicale grandiose à souhait. Le seul problème, c'est que le score n'a rien de vraiment 'révolutionnaire' en soi, par rapport à ce que laisse suggérer le titre du film. On aurait put s'attendre à quelque chose d'un peu plus original. Il faudra juste se contenter d'une simple extension puissante du score de 'Matrix Reloaded'...mais quelle extension! Un seul mot nous vient à l'esprit après l'écoute de ce puissant score orchestral/électronique: puissance! Davis reprend donc le motif en écho des cuivres, qui ouvre traditionnellement chaque opus de la trilogie à l'instar des 'Star Wars' de John Williams. Le compositeur nous propose aussi quelques reprises plus imposantes du très beau 'Love Theme' entre Neo et Trinity, déjà annoncé dans le premier opus. La nouveauté vient surtout ici de l'utilisation d'un choeur immense (près de 80 choristes) aux proportions opératiques, dont les paroles sont extraites des 'Upanisads' hindous. Davis ne fait pas dans la finesse ici et fonce dans le tas en élaborant une partition symphonique où la tonalité prendra progressivement le pas sur l'atonalité qui caractérisait si bien le score du premier 'Matrix' en 1999.

Le 'Main Title' nous propose une nouvelle reprise du fameux motif principal, suivi d'un passage plus agité annonçant déjà toute la dimension épique et guerrière de cette histoire. On retrouve une fois de plus ces cordes tendues et agitées, ces cuivres rythmés et dissonants, etc. 'The Train Man Cometh' nous propose d'entendre une brève reprise du 'Love Theme' confié à un hautbois discret, avec quelques cordes calmes et une harpe. Cette première amorce du thème de Trinity et Neo annonce déjà la dimension plus romantique de l'histoire, du sacrifice de Trinity, prête à donner sa vie pour l'homme qu'elle aime. Très vite, Davis rompt le tempo et évoque avec fureur la séquence de l'affrontement avec le passeur du train. Pour se faire, le compositeur renoue de nouveau avec Juno Reactor, groupe électro/techno qui avait déjà signé les rythmiques électroniques de 'Matrix Reloaded'. La puissance et la violence de ce morceau d'action excitant mais assez bref nous fait clairement comprendre que la partition de 'Matrix Revolutions' sera particulièrement agitée et pleine de fureur. A noter ici l'utilisation massive des percussions électroniques sur fond de cuivres tonitruants et de cordes toujours très agitées. 'Tetsujin' prolonge cette ambiance d'action pour la scène de l'affrontement dans le garage souterrain et dans l'entrepôt d'armes, vers le début du film. Juno Reactor installe une nouvelle rythmique électronique à partir de sons de tambours asiatiques qui rappellent les percussions du 'Teahouse' de Juno Reactor pour 'Matrix Reloaded'. La seconde partie, nettement plus excitante, permet à Davis de proposer un nouveau déchaînement orchestral virtuose sur fond d'une rythmique techno particulièrement 'hardos' pour l'affrontement dans l'entrepôt d'armes. La violence du morceau, accentuée par les effets orchestraux avant-gardistes de Don Davis, renforce l'idée que l'on se fait de la musique depuis le premier opus: une peinture sombre et noire de cette longue séries d'aventure dans l'univers de la matrice et des machines.

L'action se prolonge avec les massifs 'Niobe's Run' et 'Woman Can Drive', pour la scène où le vaisseau de Niobe (Jada Pinckett Smith) est poursuivi par les sentinelles dans les couloirs. On passe à l'évocation des préparatifs de la guerre contre les machines avec 'Men In Metal', imposant un ostinato quasi martial avec des cuivres très présents, lorsque les hommes préparent leurs robots de combats pour repousser les machines envahissant Zion (on retrouve ici le style martial de l'excellent 'Behind Enemy Lines' de Don Davis). La guerre fait alors rage avec le déchaîné 'Mordibund Mifune' pour l'une des nombreuses scènes d'attaque massive des sentinelles dans Zion. Le morceau accompagne avec fureur la séquence où Mifune (Nathaniel Lees) tire dans tous les sens. A noter ici l'importance accordée aux cuivres tonitruants, à la percussion martiale insistante (un élément tout à fait caractéristique du score de 'The Matrix Revolutions') et à des choeurs grandioses renforçant la puissance de la scène. Ceci étant dit, il sera particulièrement difficile d'apprécier ce morceau dans la scène étant donné qu'il est noyé sous des tonnes d'effets sonores, comme c'est hélas bien trop souvent le cas dans la plupart des grosses productions hollywoodiennes d'aujourd'hui. Le final plus funèbre évoque la mort de Mifune, un des nombreux soldats tombés au combat, pour défendre Zion. Cette ambiance d'action particulièrement massive et violente se prolonge avec 'Kidfried', pour la séquence où le gamin de 16 ans s'empare d'un robot pour ouvrir la porte au vaisseau de Niobe. Le morceau est dans la lignée de 'Moribund Mifune', avec ces cuivres tonitruants qui semblent partir dans tous les sens, Davis ayant recours à de nombreux clusters chaotiques évoquant la confusion et la barbarie de ces affrontements massifs contre les machines. Davis glisse au passage un bref choeur féminin apportant un peu d'espoir à ce morceau d'action particulièrement massif lui aussi. La puissance orchestrale atteint son point culminant dans le véritable défouloir orchestral qu'est 'Saw Bitch Workhorse', qui prouve au passage la virtuosité des musiciens du Hollywood Studio Orchestra, capable de tout jouer, en fin de compte.

Après cette longue séquence de bataille, qui semble être interminable dans le film, 'Trinity Definitely' apporte une touche de poésie et d'intimité au sein d'un score violent et extrêmement massif. Il s'agit du morceau accompagnant la scène poignante de la mort de Trinity. Don Davis nous propose aussi une ultime reprise particulièrement poignante du 'Love Theme' de Trinity, cette dernière faisant ses adieux à Neo, l'homme qu'elle aime et pour qui elle sera allée jusqu'au bout. C'est finalement le puissant et désormais célèbre 'Neodämmerung' qui évoque l'incroyable affrontement contre Smith à la fin du film. C'est aussi là où Davis fait intervenir des choeurs dans une dimension plus opératique, épique à souhait. Ces choeurs épiques que l'on trouvaient déjà dans 'Matrix Reloaded' prennent ici une ampleur colossale jamais atteinte chez Davis (à noter que le musicien est en train de préparer un opéra, en parallèle de son travail pour le cinéma). Comme dit précédemment, les textes sont issus des Upanisads hindous. Ils évoquent cette idée de la libération, de la quête de l'Absolu que recherchent à la fois Neo et Smith. 'Neodämmerung' donne aussi une dimension presque universelle à cet affrontement évoquant une fois encore l'éternelle confrontation du bien et du mal, le yin et le yang. La partie orchestrale accompagnant les choeurs est d'une puissance quasi extrême, enrobant cette séquence d'une atmosphère épique grandiose à souhait. Les percussions métalliques sont mises en avant, aux côtés des cuivres tonitruants et des cordes qui semblent partir dans tous les sens. La chorale entament divers textes issus des 'Upanisads', dans une atmosphère épique qui rappellera évidemment le célèbre 'Duel of The Fates' du 'Star Wars Episode I' de John Williams ou du 'Carmina Burana' de Carl Orff (mais que l'on se rassure, 'Neodämmerung' est loin d'être un énième clone de l'oeuvre maîtresse de Carl Orff!). Avec ce morceau hautement spectaculaire, Davis prouve une fois encore la virtuosité de son écriture orchestrale, qui trouvera sa conclusion dans le non moins superbe 'Why, Mr.Anderson?', évoquant la défaite finale de Smith.

Et c'est la délivrance dans le très joli 'Spirit of The Universe', un peu trop manichéen dans ce qu'il cherche à représenter (le mal est défait, la vie renaît). Il s'agit du premier morceau entièrement tonal du score, libéré pour la première fois de toute contingence atonale. Choeur et orchestre s'unissent pour exprimer l'idée de la victoire finale contre les machines, de la paix durement gagnée au prix de nombreux morts et de sacrifices en tout genre. Les choeurs prennent une tournure quasi religieuse ici, avant d'être rejoint par le chant d'un garçon soprano évoquant le sacrifice final de Neo, qui a donné sa vie pour sauver la race humaine (faut-il comprendre à la fin du film que Neo va aller au paradis, suggéré par la présence de l'architecte - Dieu?). La dernière partie du morceau nous permet de réentendre un motif descendant de 4 notes déjà entendu à la fin du 'Anything Is Possible' du premier 'Matrix'. Don Davis nous propose d'ailleurs ici une reprise modifiée et amplifiée du final de 'Anything Is Possible', nous renvoyant à l'idée de la foi qui peut surmonter tous les obstacles. Don Davis et Juno Reactor célèbrent à leur tour cette victoire finale en nous proposant le plus étonnant: une union captivante entre la culture occidentale et orientale dans 'Navras', terme indien qui signifie ''. Il s'agit en fait d'un remix techno/électro du 'Neodämmerung' de Don Davis, suivi d'une large partie de techno faisant intervenir différentes percussions orientales, avec flûte exotique, sitar, chanteurs/choeurs indiens, synthé en tout genre et orchestre. A noter un passage plus méditatif au milieu du morceau, libéré de toute rythmique techno, reposant sur une nappe de synthé assez sombre dans lequel le compositeur laisse la place à un chanteur indien dialoguant avec une flûte, suivi de quelques percussions exotiques. Cette fusion de cultures musicales diverses évoquent le côté universel du final, et souligne au passage l'allusion à la spiritualité hindoue soulevée par le film, et renforcée par l'utilisation des Upanisads dans 'Neodämmerung'. Un morceau à réserver en priorité à tous les amateurs de fusions musicales un peu spéciales.

Vous l'aurez compris, avec 'The Matrix Revolutions', Don Davis conclut la trilogie des frères Wachowski avec fureur en nous proposant une partition orchestrale saisissante de par la puissance qui s'en dégage et l'énergie orchestrale apportée aux images du film. A noter les nombreuses touches d'humour et autres clins d'oeil dans les titres des morceaux - une marque de fabrique du compositeur - comme c'est le cas avec 'Neodämmerung' qui se trouve être une allusion ironique à 'Gotterdämmerung' (Le crépuscule des dieux), célèbre Opéra de Richard Wagner qui fait partie de sa fameuse 'Tétralogie'. On retrouve une autre allusion à un Opéra de Wagner dans le titre 'Kidfried', dérivé de 'Ziegfried', sans oublier 'Saw Bitch Workhorse' qui se trouve être un anagramme de 'Wachowski Brothers' (Don Davis faisait déjà cela dans le premier opus - on se souvient notamment du titre 'Exit Mr Hat' qui n'était autre que l'anagramme de 'The Matrix'). C'est en ajoutant une dimension plus opératique à sa partition (j'éviterai d'employer à tort et à travers le terme 'wagnérien' - les choeurs étant loin d'être si nombreux que cela dans les Opéras de Wagner) que Don Davis atteint le point culminant de sa partition sur l'inoubliable 'Neodämmerung', d'une puissance orchestrale/chorale apocalyptique, rarement atteinte chez le compositeur. On pourra regretter le fait que la partition de 'Matrix Revolutions' n'apporte rien de bien nouveau par rapport à 'Matrix Revolutions'. Effectivement, comme dit précédemment, 'Revolutions' n'est rien d'autre qu'une simple extension du massif 'Reloaded' encore plus puissant. Amateurs de partitions intimes et modestes, passez votre chemin. Ce 'Revolutions' (pas si révolutionnaire que cela) va faire du bruit au cours cette fin d'année 2003, s'imposant désormais comme l'une des nouvelles partitions incontournables de Don Davis, l'un des meilleurs compositeurs hollywoodiens du moment. On regrettera tout de même l'originalité et la noirceur du premier score resté incontournable dans son genre. Ceci étant dit, 'Matrix Revolutions' est la conclusion grandiose à laquelle nous nous attendions tous. Certes, c'est nettement moins intéressant et beaucoup moins subtil que le premier score, mais l'objectif est parfaitement atteint dans le film. Une partition surpuissante, à découvrir sur un album privilégiant pour une fois une grande partie du score de Don Davis!


---Quentin Billard