Disc 1

1-Opening Title 0.42
2-Montana/Crash/Flood 2.01
3-Marker Buoy/They're Coming 1.17
4-Let Me Drown Your Rat/
Search the Montana 10.09
5-Jammer Freaks 3.30
6-He's Convulsing 1.14
7-MIRV Recovery/SEALs Return 2.03
8-Crashing Crane 2.08
9-What A Drag 2.01
10-The Draggiest Man 1.22
11-Lindsey's Close Encounter 6.23
12-Here's MIRV/Some Huevos 2.27
13-Have To Take Steps/
Jarhead Is Watching 1.13
14-The Pseudopod 5.35
15-Coffey Break 1.56
16-Freeze 3.40
17-Bud and Cat Dive/Click 0.59
18-The Fight 1.52
19-What A Drag (Original) 6.05

Disc 2

1-Coffey Implodes 1.09
2-The Only Way 7.49
3-Resurrection 2.00
4-Bud's Big Dive 6.40
5-Defusing The Bomb 2.17
6-Bud On The Ledge 3.12
7-Bud Reborn/Blinky Bows 3.22
8-Back On The Air 1.47
9-Finale And End Credits 4.47

Bonus Tracks:

10-Opening Title (Demo) 0.43
11-Flood and Sinking (Alternate)/
Unused Synth Cue 1.01
12-Crashing Crane (Alternate) 2.08
13-What A Drag (Alternate) 4.33
14-Some Huevos (Alternate) 1.19
15-The Pseudopod (Alternate) 5.33
16-The Fight (Alternate) 1.51
17-The Only Way (Alternate) 4.54
18-Lindsey Dies (Alternate) 1.05
19-Vocal Insert 0.56

Musique  composée par:

Alan Silvestri

Editeur:

Varèse Sarabande VCL 1213 1144

Produit par:
Alan Silvestri
Producteur exécutif Edition Deluxe:
Nick Redman
Producteur exécutif:
Robert Townson
Ingénieur audio:
Dennis S. Sands
Orchestrations:
James B. Campbell
Assistant du producteur:
David Bifano
Orchestre:
The Hollywood Studio Symphony
Direction de la musique
pour la 20th Century Fox:
Tom Cavanaugh
Mastering:
Daniel Hersch, D2 Mastering

Edition limitée à 3000 exemplaires.

Artwork and pictures (c) 1989, 2013 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: *****
THE ABYSS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alan Silvestri
Grande production hollywoodienne emblématique de la fin des années 80, « The Abyss » reste un chef-d’oeuvre du genre de la science-fiction et du cinéma d’action à effets spéciaux. Peu de temps après « Aliens » (1986), James Cameron envisageait sérieusement d’évoquer l’un de ses sujets de prédilection : les profondeurs sous-marines. Epaulé par sa productrice Gale Anne Hurd, Cameron élabora rapidement le script à partir d’une vieille histoire qu’il avait imaginé lorsqu’il était encore un étudiant féru de récits de science-fiction – la nouvelle « In The Abyss » d’H.G. Wells publiée en 1897 lui aurait servi de source d’inspiration – Le film débute lorsque le sous-marin nucléaire américain, le USS Montana, coule au large de la fosse des Caïmans après une rencontre inattendue avec un objet immergé inconnu. L’épave du sous-marin repose désormais à plus de 274 mètres de fond. Au même moment, des navires et sous-marins soviétiques se dirigent vers la zone où repose l’épave pour tenter de sauver d’éventuels survivants, mais un ouragan fait rage à la surface. La marine américaine décide alors d’opter pour un plan B : faire appel à une équipe de commandos SEAL envoyés directement dans Deepcore, une plate-forme pétrolière sous-marine expérimentale qui se trouve non loin de la zone où l’USS Montana a fait naufrage. Le docteur Lindsey Brigman (Mary Elizabeth Mastrantonio) fait alors partie de l’expédition, et retrouve son ex-mari à bord de Deepcore, Virgil « Bud » Brigman (Ed Harris), qui dirige l’équipe d’ouvriers à bord de la plate-forme réquisitionnée par la marine américaine. Les SEAL sont dirigés par le lieutenant Hiram Coffey (Michael Biehn), qui souffre malheureusement du syndrome nerveux des hautes pressions mais décide de passer son mal sous silence.

La mission de recherche de l’USS Montana permet alors à l’équipage de retrouver l’épave. Ils réalisent ainsi qu’il n’y a aucun survivant, mais les militaires réussissent à récupérer les codes d’activation des missiles nucléaires du sous-marin et ramènent secrètement à bord de Deepcore une ogive nucléaire de l’appareil. Au cours de l’expédition, un des membres de l’équipe de Bud fait une rencontre inattendue avec une étrange créature translucide. Hélas, les choses s’aggravent lorsqu’un cyclone provoque des dégâts à l’extérieur et détruit la grue du Benthic Explorer, qui est chargée de relier Deepcore à la surface. L’équipage doit tout faire pour empêcher la plate-forme de couler dans les profondeurs et de se noyer. Dès lors, impossible de communiquer avec la surface. Bud, Lindsey et leurs collègues se retrouvent alors coincés à des centaines de mètres de profondeur. C’est alors que Lindsey rencontre à son tour une nouvelle créature translucide étrange et merveilleuse, mais Coffey, qui est devenu paranoïaque, ne l’entend pas de cette façon. Convaincu que des appareils soviétiques se trouvent dans les profondeurs prêts à les attaquer, le lieutenant décide d’armer secrètement l’ogive nucléaire ramenée de l’USS Montana.


PLONGEE IMMERSIVE DANS LES ABYSSES...


Avec un scénario captivant et des effets spéciaux conséquents, « The Abyss » est de loin l’un des plus beaux films de James Cameron et peut être l’un des plus ambitieux. Réalisé dans des conditions extrêmes, le film fut long et complexe à mettre en œuvre. Plusieurs problèmes se sont accumulés au cours du tournage, à commencer par le divorce entre James Cameron et Gale Anne Hurd – le personnage de Lindsey Brigman est inspiré de son ex-épouse – Les conditions de tournage furent particulièrement éprouvantes pour les acteurs comme les techniciens, à tel point que le film fut rebaptisé « The Abuse » avec ses tee-shirts imprimés durant la production. Le métrage a été en grande partie tourné dans une cuve d’une centrale nucléaire en construction, remplie de milliers de litres d’eau chlorée qui entraîna de nombreux désagréments chez certains comédiens du film. Et pourtant, de cette entreprise chaotique s’échappe une grâce, une magie absolument incroyable. Jamais encore un cinéaste n’avait filmé les profondeurs sous-marines avec une telle audace et une telle maîtrise. James Cameron filme les abîmes avec une sincérité et une passion évidente.

Le film est aussi un huis-clos oppressant qui narre les aventures extraordinaires d’un groupe d’individus coincés dans les fonds marins et qui vont faire une rencontre inattendue avec une race extra-terrestre qui vit tout au fond des océans. Le film est construit comme une véritable montagne russe d’émotions : on passe ainsi du suspense à l’émerveillement avec une virtuosité extraordinaire, dû en grande partie à une réalisation solide, un script très malin et un casting impeccable – Ed Harris intense comme d’habitude, et surtout Michael Bieh, inoubliable dans le rôle de ce militaire paranoïaque qui devient fou tout au long du film – On sent par ailleurs que les conditions difficiles de tournage ont affecté certains acteurs qui jouent ici avec une rare intensité. Enfin, « The Abyss », c’est aussi un pur tour de force visuel : la photographie extraordinaire de Mikael Salomon et les effets spéciaux de l’équipe à John Bruno, Dennis Muren, Hoyt Yeatman et Dennis Skotak repoussent tout ce que l’on avait pu voir à l’époque au cinéma : la séquence de la rencontre avec le ver de terre liquide est une pure séquence d’anthologie inoubliable. La plongée de Bud dans le vaisseau des créatures à la fin du film est un pur moment de bonheur pour les fans de cinéma fantastique. Certes, le film a quelque peu vieilli au niveau visuel mais les effets spéciaux restent encore extraordinaires pour un film tourné en 1989.

Et surtout, le film est une déferlante d’émotions rares au cinéma : outre la tension liée à la folie paranoïaque de Coffey, Cameron ne lésine pas sur les scènes choc et palpitantes : impossible d’oublier ici la scène du sacrifice de Lindsey qui décide de se noyer pour sauver Bud – et cette séquence terrible où Bud, désespéré, tente de ramener son ex-épouse à la vie – impossible de ne pas se souvenir de la très longue plongée angoissante et solitaire de Bud le long de la fosse où a échoué l’ogive nucléaire, impossible de passer sous silence cette fameuse séquence de la vague géante créée par les créatures aquatiques vers la fin du film, inclus dans la version longue que Cameron montera en 1993 après avoir enfin obtenu une rallonge financière supplémentaire de la 20th Century Fox pour rajouter les éléments qui manquaient cruellement à la version cinéma de 1989. Et malgré sa durée conséquente – la version longue dure 171 minutes ! – « The Abyss » ne déçoit jamais et parvient miraculeusement à garder un rythme parfait grâce à une histoire passionnante, des rebondissements et des péripéties multiples, des effets visuels monumentaux et une direction d’acteur ahurissante. Le film est aussi une critique évidente du militarisme américain et dénonce les dangers des armements nucléaires et de la folie des hommes, même si l’on est quelque peu en droit de trouver le message un peu simpliste ou naïf. Mais qu’importe, « The Abyss » reste un pur chef-d’oeuvre du cinéma américain, certainement l’un des plus grands films de James Cameron et une réussite incontestée du cinéma de divertissement hollywoodien des années 80 – le film remporta l’Oscar des meilleurs effets visuels en 1989 -


ALAN SILVESTRI, L'HOMME DES PROFONDEURS...


Remarqué au milieu des années 80 grâce à « Back to the Future » ou « Predator », Alan Silvestri est devenu un compositeur de référence à Hollywood à la fin des eighties. « The Abyss » représenta l’un de ses plus grands challenges en terme de composition musicale pour le cinéma. Le film nécessitait une musique à la fois ample, sombre, mystérieuse, féerique, merveilleuse et agressive, un mélange d’émotions intenses à l’instar du récit lui-même. Alan Silvestri accepta donc le challenge et élabora une partition incroyable pour « The Abyss », que l’on peut enfin redécouvrir dans son intégralité grâce au double album complet édité par Varèse Sarabande en 2014, et qui révèle une multitude de détails inédits totalement absents du film et de la précédente édition CD sortie à l’époque du film. Enregistrée avec une très grande formation orchestrale – le Hollywood Studio Symphony – et quelques choeurs, le score de « The Abyss » fait aussi appel à une large part de musique électronique qui permet à Silvestri d’expérimenter comme il avait déjà pu le faire sur certains scores du milieu des années 80 avec son traditionnel Synclavier.

La bande originale de « The Abyss » est structurée autour de quelques thèmes dont celui de Bud et Lindsey, présent dans « Resurrection » et repris de manière puissante et passionnée dans « Finale and End Credits ». Les aliens ont une identité musicale forte, un thème harmonique interprété par des choeurs féeriques et angéliques dans « Bud on the Ledge », « Bud Reborn » ou « Back On The Air » et « Finale and End Credits ». Silvestri évoque les créatures extra-terrestres comme s’il s’agissait d’anges venus sauver les hommes : le message est très clair dans « Bud on the Ledge » pour cette scène où Bud, privé d’oxygène, agonise au bord de la fosse marine et rencontre la superbe créature ailée qui l’emmène vers sa station, un pur moment de magie où les choeurs a cappella se drapent d’une aura spirituelle et quasi religieuse – notamment dans l’emploi caractéristique d’harmonies modales évoquant la culture de ces aliens – Dans la continuité de cette thématique mémorable, Silvestri utilise aussi un thème ascendant aux choeurs durant les séquences finales du film, un thème plus visuel censé accompagner la découverte émerveillée du monde des aliens ou la longue séquence de la remontée à la surface : de grands moments musicaux en perspective, d’une rare beauté ! Par ailleurs, la toute première incursion de la thématique des aliens a lieu dès l’ouverture du film dans « Opening Title », alors que les chœurs semblent surgir progressivement des profondeurs avec l’apparition majestueuse du titre à l’écran : 42 secondes déjà quasi anthologiques, que l’on a souvent comparé à l’ouverture du « Brainstorm » de James Horner (1983). A noter par ailleurs que dans le film, Silvestri a décide de remplacer la plupart des parties chorales par des imitations synthétiques cheap our une raison assez étrange – probablement pour accentuer davantage le monde irréel des extra-terrestres ? -


ANALYSE DE LA MUSIQUE DU FILM...


Mais le score de « The Abyss » est bien loin de se limiter à ces quelques motifs et thèmes, car la partition est essentiellement dominée par des ambiances contrastées de suspense, de montées de tension et d’action tonitruante, avec quelques superbes passages mystérieux et envoûtants. A ce sujet, il faut d’ailleurs mentionner que la musique a été entièrement remontée dans le film – une habitude chez James Cameron ! – C’est pourquoi l’album complet de Varèse est indispensable puisqu’il nous permet enfin de découvrir pour la première fois l’intégralité des compositions d’Alan Silvestri dans l’ordre chronologique et dans leur version initiale avant le remontage sur les images. Les plus grands changements proviennent surtout des morceaux d’action vers le milieu du film, séquencés différemment à l’écran et largement charcutés au montage. Parmi les changements, on notera que Cameron a décidé de supprimer plusieurs passages qui incluaient des variations intéressantes autour du thème romantique de Bud et Lindsey. A ce sujet, « What A Drag » est assez symptomatique de ce bouleversement de la musique au montage : ce long morceau d’action de 6 minutes, censé accompagner la bataille entre Bud, Lindsey et Coffey vers le milieu du film, a évolué constamment, Silvestri nous proposant ainsi trois versions : une de 2 minutes – pour la séquence où la plate-forme glisse dangereusement vers les profondeurs – une de 6 minutes (en grande partie abandonnée) et une, avec un tempo plus rapide, baptisée « Wild Original ».

Dans le film, la musique pour la bataille des engins sous-marins est un mix de ces différentes versions, tandis que l’original de « What A Drag » n’a quasiment pas été retenu au montage final. Au sujet de « Crashing Crane », la version alternée proposée sur le CD 2 révèle l’inclusion intéressante de variations autour du thème de Bud et Lindsey, là aussi non retenu pour le film. On réalise alors à quel point l’approche initiale voulue par Silvestri était parfaitement cohérente d’un bout à l’autre du film, mais que le montage imposé par James Cameron a quelque peu modifié cette perspective et atténué radicalement la progression thématique du score – ce qui explique pourquoi le thème de Bud et Lindsey n’est quasiment entendu que vers le milieu du film ! – Il ne faut pas non plus oublier les nombreux passages qui ont été purement abandonnés, comme « Montana/Crash/Flood » qui débute par un morceau d’action cuivré comme seul Silvestri sait en faire. Dans le film, ce morceau devait accompagner le naufrage de l’USS Montana au début du récit, mais Cameron a décide de ne conserver que quelques secondes de ce morceau lors du crash du sous-marin sur une paroi rocheuse. Détail intéressant : « Flood » dévoile les premiers éléments électroniques de la partition, des nappes sonores brumeuses et mystérieuses associées aux profondeurs sous-marines et aux abîmes dans le film.

Ces éléments reviennent dans « Marker Buoy » et sont largement développés dans les 10 minutes incroyablement immersives de « Let Me Drown Your Rat/Search the Montana », pour la séquence de l’exploration du Montana. Ici aussi, une partie de la musique n’a pas été utilisée mais le morceau est quand même bien présent sur les images. Silvestri évoque la désolation de l’épave et suggère les profondeurs de l’océan avec une maîtrise ahurissante, et une certaine sobriété dans le choix des sons synthétiques. On a clairement l’impression de nager ici à des centaines de mètres de profondeur, dans un monde totalement inconnu, à la fois beau et menaçant – sans oublier quelques éléments rythmiques militaires - Il règne dans « Search the Montana » une véritable ambiance de mystère immersif tout bonnement géniale. « Jammer Freaks » prolonge cette approche avec le retour des choeurs lorsque Jammer rencontre la créature translucide. Ici aussi, on nage en pleine ambiance aquatique brumeuse. La musique devient quasi surréaliste, onirique et planante. L’ambiguïté règne en maître : Silvestri renforce la tonalité sombre de la scène à l’aide de bruitages discrets mais les étranges harmonies tonales des choeurs qui se dégagent du morceau semblent en dire bien plus que de simples bruitages (là aussi, le morceau n’a été que partiellement utilisé dans le film !).

« He’s Convlusing » est le premier morceau d’action important du score après « Montana/Crash/Flood ». On retrouve les orchestrations habituelles de Silvestri (épaulé ici par son orchestrateur habituel, James B. Campbell). Impossible d’ailleurs de ne pas remarquer les liens de parenté entre certains morceaux d’action de « The Abyss » et ceux de « Back to the Future » ou « Predator » : on y retrouve une utilisation similaire des cuivres, des rythmes martelés et belliqueux chers à Silvestri et des harmonies à base d’accords mineurs, l’un des tics d’écriture du compositeur, surtout flagrant dans les années 80. Les SEAL n’ont pas de thème à proprement parler mais sont plutôt suggérés par des roulements martiaux de caisse claire – avec cymbales - assez bourrins, dévoilés pour leur arrivée dans « They’re Coming » et largement développés dans « MIRV Recovery/SEALs Return ». Amateurs de musique d’action martiale, vous allez adorer « Crashing Crane », « What A Drag » et « The Draggiest Man » (partiellement non utilisé lui aussi) ! Impossible ici de résister à la force excitante de ces déchaînements orchestraux complexes si caractéristiques de la personnalité musicale d’Alan Silvestri. « The Fight » est quand à lui un peu à part puisque le compositeur opte ici pour une approchement résolument synthétique à base de percussions pour le violent combat entre Bud et Coffey dans l’aire de plongée de Deepcore.

Dans « Lindsey’s Close Encounter », Silvestri ramène le mystère et la magie dans sa partition. En l’espace de 6 minutes, le compositeur parvient à nous replonger dans une atmosphère de huis-clos aquatique froide et solitaire (partagé entre l’orchestre et les synthétiseurs), dans lequel une étrange lueur d’espoir semble immerger (grand moment de magie à 3:47 !) pour la très belle séquence où Lindsey rencontre la créature aquatique. Silvestri dévoile ici un nouveau thème mélodique aux choeurs féminins (à 5:19) qu’il réemploiera aussi dans « The Pseudopod » pour la fameuse séquence surréaliste avec le ver aquatique. Le morceau semble construit sous la forme d’un étrange ballet aquatique à la fois sombre et poétique, un autre grand moment de musique dans la partition de « The Abyss » ! « Here’s MIRV/Some Huevos », « Have to Take Steps » ou « Coffey Break » sont en revanche moins intéressants, accompagnant essentiellement les scènes paranoïaques avec Coffey de manière plus menaçante et atmosphérique. « Freeze » est en revanche le passage le plus mémorable du film, dans lequel Silvestri suggère la prise de pouvoir de Coffey à travers une brève marche militaire typique du compositeur et utilisé à quelques reprises dans le film (à 2:29), et qui rappelle très clairement les rythmes plus guerriers de « Predator ».

On notera la façon dont la partition est superbement construite autour du récit, puisque le score évolue de la même façon que l’histoire : on part des profondeurs pour remonter progressivement vers la surface. La descente vers les enfers commence dans « The Only Way », un autre passage mémorable de la partition de « The Abyss » pour cette terrible scène où Bud et Lindsey sont coincés dans l’appareil qui prend l’eau avec une seule bouteille d’oxygène, obligeant Lindsey à se sacrifier pour permettre à Bud de rejoindre Deepcore. Ici aussi, une écoute attentive de l’album (et notamment du CD 2) nous permet de découvrir la version originale du morceau, totalement différente de celle retenue pour le film. A l’origine, Silvestri avait écrit une pièce orchestrale constitué de variations dramatiques autour du thème de Bud et Lindsey (« The Only Way (Alternate) »), mais Cameron réclama quelque chose de moins émotionnel et de plus froid. C’est pourquoi Silvestri opta pour une approche résolument synthétique dans « The Only Way ». Le morceau se distingue donc par ses nappes électroniques froides et lugubres, et son atmosphère sombre et totalement désespérée. Idée majeure de « The Only Way » : l’emploi de percussions métalliques répétitives scandées de manière inhumaine et glaciale (dès 1:55), un autre grand moment de la partition de « The Abyss » qui vous collera des frissons dans la nuque ! Silvestri est parvenu à nous faire ressentir dans sa musique la température glaciale de l’eau dans laquelle se retrouvent immergés Bud et Lindsey durant cette séquence anthologique et bouleversante où la femme se sacrifie pour sauver la vie de son (ex) mari (à noter que les trois dernières minutes du morceau n’ont pas été utilisées dans le film). Le compositeur est parvenu à retranscrire toute cette émotion sans aucun mélodrame, sans aucune naïveté complaisante : un coup de génie en somme !



CONCLUSION EPIQUE POUR UN GRAND SCORE...


On reprend enfin notre respiration dans « Resurrection », qui nous propose une très belle variation épurée et intime autour du thème romantique, partagé ici entre les cordes, le cor, la harpe et les bois. Autre passage impressionnant : la descente de Bud le long de la fosse dans « Bud’s Big Dive », 6 minutes atmosphériques et électroniques intenses, durant lesquelles Silvestri expérimente autour des synthétiseurs pour concevoir une atmosphère lugubre évoquant une lente descente solitaire et glaciale dans les abîmes. Cette ambiance d’isolement déshumanisée se prolonge dans le sombre et très dissonant « Defusing the Bomb » alors que Bud a atteint l’ogive et désamorce la bombe. Hélas, l’album omet de manière étrange le morceau accompagnant la séquence où Lindsey réalise que Bud n’a plus assez d’oxygène pour pouvoir remonter à la surface et est condamné à mourir. Enfin, il est justement question de remontée à la surface à partir du merveilleux « Bud on the Ledge » et de toute la longue séquence finale avec les aliens. A noter que la séquence inédite de la version longue de 1993 (celle avec le raz-de-marée géant) a été mise en musique par Robert Garrett, compositeur auquel James Cameron avait déjà fait appel pour un court segment musical de « Aliens » en 1986.

On ressort donc époustouflé de l’écoute de « The Abyss » dans sa version intégrale. Alan Silvestri a composé l’une des plus grandes oeuvres de sa carrière pour le film de James Cameron, un score d’une richesse incroyable, parsemé d’émotions diverses et contrastées, qu’il faut impérativement redécouvrir dans l’édition Deluxe publiée par Varèse Sarabande en 2014, qui nous permet de mieux comprendre l’évolution de cette musique au montage et à la création du film. Très inspiré par son sujet, Silvestri signe un score exemplaire, généreux et sophistiqué, à la fois sombre, mystérieux, glacial et féerique. C’est dans cette richesse d’ambiances et la manière dont il évoque à la perfection les fonds marins qu’Alan Silvestri marque un point sur « The Abyss » et livre ce qui reste une oeuvre majeure dans sa filmographie, rarement égalée mais empreinte d’une magie unique qui permet aux scores exceptionnels de se distinguer de la masse et de la routine ambiante. « The Abyss » fait clairement partie de cette catégorie : un must !




---Quentin Billard