1-City 13 5.03
2-Log Off 2.31
3-Voyage To Avalon 4.03
4-Murphy's Ghost 2.43
5-Bishop 0.39
6-Nine Sisters 3.51
7-Ruin C66 2.59
8-Gray Lady (Ash) 4.47
9-Flak Tower 22 1.26
10-Ruin D99 3.09
11-The Ghost Hunting 3.18
12-Voyage To Avalon
(Orchestra Version) 10.15
13-Tir Na Mban 2.25
14-Log In 6.22

Musique  composée par:

Kenji Kawai

Editeur:

Media Factory ZMCZ-1171

Producteur sonore:
Kenji Kawai
Coordinateurs de la musique:
Otake Shigeru,
Yamada Masaaki

Producteurs:
Nagata Masaharu,
Miki Yasuki
(Media Factory)
A&R:
Yamori Atsuki (Media Factory)
Directeur création:
Morinaga Shinji (Media Factory)
Managers du projet:
Yasuda Reiko, Nakano Tomoko,
Okubo Emi, Okusawa Mayumi

Artwork and pictures (c) 2001 Mamoru Oshii and Avalon Project/Media Factory. All rights reserved.

Note: ****
AVALON
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Kenji Kawai
'Avalon' est sans aucun doute l'un des plus passionnants films de Mamoru Oshii, réalisateur du fameux 'Ghost In The Shell'. L'histoire se déroule dans un futur proche, en Pologne. Une partie de la jeunesse désabusée du pays s'est réfugiée dans un jeu de guerre virtuel totalement illégal nommé 'Avalon', en référence à l'île mythologique dans laquelle reposent les âmes des héros. Ash (Malgorzata Foremniak) est l'une de ces joueuses, totalement 'accro' au jeu. La jeune femme, qui joue toujours seule, ne cesse de démontrer sa rapidité et sa force tout au long des parties, jusqu'au jour où elle entend parler d'un mystérieux prêtre qui se trouve être un rival redoutable et bien plus puissant qu'elle. Intriguée, la jeune femme solitaire décide d'enquêter sur ce mystérieux personnage et finit par retrouver la trace de Murphy, un joueur exceptionnel qui fit autrefois partie de son équipe, les 'Wizards'. Effectivement, 'Avalon' est à l'image même d'une drogue: le jeu peut détruire le cerveau de ceux qui oseraient s'aventurer trop loin. Murphy fait partie des victimes du jeu, ceux que l'on appelle les 'non-revenus', qui finissent leurs jours dans un hôpital, complètement décérébrés. Ash ignore comment Murphy a put en arriver là. En enquêtant, elle va découvrir le secret des mystérieuses '9 soeurs', personnages qui règnent sur l'univers virtuel d'Avalon, dirigé par le mystérieux maître du jeu. Elle décide finalement de rencontrer ce dernier et découvre l'existence d'un niveau secret dans le jeu, appelé 'niveau réel'.

Très souvent comparé à 'The Matrix', 'Avalon' (pourtant tourné avant le film culte des frères Wachowski) est un autre film traitant de l'opposition entre la réalité et le monde virtuel, vu à travers l'intrigue d'un jeu virtuel illégal plein de secrets et de dangers. Mamoru Oshii réussit l'exploit d'intégrer tout un univers informatique surréaliste au sein d'une histoire quasi philosophique, une sorte de quête de l'esprit humain pour une autre réalité (meilleure? Pire ?). Pour les besoins du film, Oshii a retravaillé plus de 80% des plans du film par ordinateur, en ayant recours à un somptueux mélange entre couleurs sépia délavées, glauques, avec une lumière quasi irréelle et des contours flous. Ici, difficile de faire la différence entre la réalité et l'univers virtuel d'Avalon puisque les deux sont illustrés de la même façon, avec ces couleurs délavées, si bien que l'on finit par se demander si la réalité est belle et bien celle que l'on croit. La mise en scène inventive du réalisateur lui permet ainsi de donner une dimension quasi onirique à cette fable cynique et grinçante sur l'humanité du futur asservie par un jeu vidéo dangereux, presque sans limites.

Entièrement tourné en Pologne avec des acteurs polonais (ici, pas de stars U.S.!), 'Avalon' est un pur exploit technique qui nécessita plus de dix ans à Mamoru Oshii pour mettre au point ce chef-d'oeuvre déjà culte. Les séquences à l'intérieur du jeu virtuel sont hallucinantes, de même que la séquence finale avec le concert de l'orchestre polonais est déjà un grand moment d'anthologie cinématographique, rappelant au passage le final du célèbre 'The Man Who Know Too Much' d'Alfred Hitchcock. Pour une fois, un réalisateur tient le pari d'utiliser un univers complexe d'images de synthèse tout en conservant un côté artistique, loin des canons hollywoodiens du genre (dans la même catégorie, 'The Matrix Reloaded' et le récent 'The Matrix Revolutions' se sont embourbés dans une surenchère visuelle bien grasse, là où le premier 'Matrix' avait pourtant gagné son pari). Le recours à l'informatique n'a donc rien à voir ici avec le cinéma commercial hollywoodien. Bien sûr, 'Avalon' est un film spectaculaire où la dimension visuelle est plus que jamais omniprésente, mais pas seulement...la musique de Kenji Kawai (fidèle collaborateur de Mamoru Oshii) possède elle aussi son importance tout au long du film, et ce jusqu'à l'anthologique séquence finale. Le film touche nos sens, et sans l'incroyable musique de Kawai, 'Avalon' perdrait une bonne partie de sa puissance émotionnelle. Certes, le film est assez froid, jouant sur la lenteur, une lenteur qui n'est pas sans rappeler le cinéma japonais de Takeshi Kitano. La couleur sépia et le rythme langoureux du film renforcent l'impression de trouble, de malaise, omniprésent du début jusqu'à la conclusion du film, même lorsqu'on retrouve les couleurs normales dans le 'niveau réel' à la fin du film. L'héroïne fait preuve elle-même d'une certaine apathie, le regard vide, vitreux. Elle reflète cette jeunesse du futur déshumanisée et désabusée, qui préfère se cacher dans un univers virtuel et dans une vie programmée pour fuir la réalité, comme une sorte de drogue. L'histoire se complexifie avec les nombreuses références mythologiques à l'île d'Avalon et à la légende du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde. Selon la légende, le célèbre roi aurait finit ses jours sur l'île mythique d'Avalon, lieu où repose les âmes des héros morts en brave. La religion semble avoir elle aussi une petite place dans l'univers brillamment conçu par Mamoru Oshii, puisque le maître du jeu se trouve être un prêtre, sans oublier le fait que l'on parle beaucoup d'âme et d'esprit ici. Par la suite, Oshii brouille les pistes et fait se mêler les différentes intrigues entre elles, aboutissant à un scénario finalement très passionnant, où la réflexion philosophique se poursuit bien au-delà du film.

'Avalon' pourrait presque être vu comme une sorte de métaphore cynique sur la déshumanisation de la société moderne qui se perd dans une fausse réalité créée de toute pièce par des individus sans scrupules, mais c'est pourtant bien plus que cela. Dans sa quête du niveau 'réel', Ash cherche une réponse à sa soif de vérité, à l'instar de Néo dans 'Matrix', sauf qu'ici, l'héroïne connaît l'univers dans lequel elle vit. Elle avance sûrement, insouciante, prête à tout pour découvrir ce qui est arrivé à Murphy. Son regard vide fait froid dans le dos. On la sent déterminée, se moquant complètement des autres. On ne pourra d'ailleurs qu'applaudir ici l'excellente performance de l'actrice polonaise Malgorzata Foremniak. Avec la beauté esthétique du film et une fin ouverte qui nous laisse croire ce que l'on veut (Est-ce la réalité? Est-ce le monde virtuel?), Mamoru Oshii signe sans aucun doute avec 'Avalon' l'un de ses plus beaux films, une véritable expérience cinématographique quasi unique en son genre, un conte philosophique moderne, cynique et envoûtant, sur la complexité de la réalité virtuelle et ses conséquences sur l'existence humaine.

Comme dit précédemment, Kenji Kawai faite désormais partie de l'univers cinématographique de Mamoru Oshii, puisque les deux compères collaborent ensemble depuis plus d'une dizaine d'années déjà. Leur première collaboration remonte à 'Jigoku no banken: akai megane' (Lunettes rouges), réalisé en 1987, basé sur un manga qui inspirera par la suite le superbe 'Jin-Rô' d'Hiroyuki Okiura (1998). Leur collaboration prendra ensuite un grand envol avec la série des 'Patlabor', débutant en 1988. Avec 'Avalon', Kawai signe l'une de ses plus belles partitions musicales, le compositeur ayant recours ici à une chorale polonaise grandiose et un orchestre symphonique agrémenté de quelques sonorités électroniques plus discrètes. On est loin ici de l'esthétique étrange de la très particulière musique de 'Ghost In The Shell'. Le score de 'Avalon' est donc nettement plus conventionnel et, pourtant, nettement plus émouvant. Après une introduction électronique assez sombre dans 'City 13', 'Log Off' (générique de début du film) nous introduit à la partie chorale grandiose du score de 'Avalon'. Accompagné par un petit ostinato orchestral (avec synthé), la chorale de l'Orchestre National de Varsovie entame un chant plutôt épique que l'on aura tôt vite fait de rapprocher des 'Carmina Burana' de Carl Orff (Kawai s'éloigne pourtant très clairement des harmonies de Orff, même si l'esthétique grandiose de 'Log Off' rappelle celle des 'Carmina Burana'). Avec cette chorale impressionnante sur un texte de Kenji Kawai, 'Log Off' nous introduit à la dimension mythologique de la musique du film. L'idée principale du score est de faire constamment référence à 'Avalon' en tant que lieu mythologique des héros légendaires, mis en parallèle avec l'histoire de Ash. Cette pièce crée une atmosphère déjà très surprenante dans un générique de début efficace à souhait. On ne s'attend pas, après la première minute du film, à entendre une musique d'une telle ampleur dramatique, et pourtant, c'est bel et bien ce qu'il nous est donné à entendre.

Si déjà 'Log Off' s'impose agréablement à nos oreilles de par son côté épique inattendu, le poignant 'Voyage To Avalon' vient littéralement nous bouleverser par un flot d'émotions inattendues. On peut dire sans trop d'hésitation que 'Voyage To Avalon' est de loin l'une des plus belles pièces vocales/orchestrales qu'il nous a été donné d'entendre au cinéma au cours de ces dix dernières années. Construit sous la forme d'un air d'opéra avec orchestre (on pense ici au style de Puccini), soprano soliste et choeur, 'Voyage To Avalon' est un chant poignant évoquant le chemin vers l'île légendaire. Le morceau apparaît pour la première alors que l'on voit Ash vaquer à ses occupations, entre sa vie médiocre et l'univers virtuel de 'Avalon'. Quelque part, Kawai cherche à illustrer sa quête pour un univers meilleur, celui de 'Avalon'. Selon la légende, le roi Arthur aurait décidé d'y finir ses jours en oubliant sa vie vécue pour vivre cette nouvelle vie, à l'instar de Murphy à la fin du film. Il y a une dimension onirique et spirituelle dans 'Voyage To Avalon', rejoignant l'esthétique quasi 'rêveuse' du film. Lorsque le chant de la soprano monte dans un aigu difficilement atteignable pour une voix humaine (un grand bravo à la performance de la cantatrice Elzbieta Towamicka), on ne peut s'empêcher de sentir des frissons traverser notre corps, la larme à l'oeil, ébahit par la beauté d'une musique aussi poignante, presque en décalage avec l'univers sombre et glauque du film, car de décalage, il est justement question dans cette séquence du film. On voit un montage montrant la vie quotidienne de Ash, tandis que la musique poignante de Kenji Kawai semble s'élever vers les cieux, vers un lieu de repos assimilé au Paradis. Ce décalage subtil n'est là que pour annoncer, une fois encore, toute l'étendue mythologique et philosophique du film. Pour finir, on pourrait voir 'Voyage To Avalon' comme une évocation subtile de cette quête d'une réalité idéalisée, qui se met déjà en place dès le début du film, sans même que le spectateur s'en rende vraiment compte. A noter que les textes de la chanteuse sont affichés à l'écran, afin d'améliorer notre compréhension de ce que l'on entend avec le sujet du film.

Ces trois premiers morceaux suffisent déjà à assurer l'intérêt d'un score inspiré et passionnant. Après le caractère opératique du début du score, 'Murphy's Ghost' fait intervenir des sonorités électroniques plus 'new-age' (la pièce étant interprétée par le compositeur lui-même), avec des voix samplées mystérieuses dans la scène où Ash retrouver un Murphy décérébré, cloué sur son lit d'hôpital. On sent ici tout le mystère que renferme le jeu de 'Avalon'. Ses conséquences néfastes sur les 'non-revenus' fait froid dans le dos. C'est ce que suggère discrètement 'Murphy's Ghost'. On retrouve une ambiance tout à fait similaire dans l'électronique 'Bishop' est c'est 'Nine Sisters' qui se dégage de l'écoute, de part son caractère répétitif et envoûtant (dans la lignée de Philip Glass), accompagnant la séquence où Ash essaie d'en savoir un peu plus sur les '9 soeurs' en accédant à des données secrètes sur son ordinateur. Le morceau nous permet d'entendre des choeurs samplés tournant en boucle, comme pour évoquer le côté 'informatique' de cette scène, agrémenté d'une touche de mystère et d'intrigue, chère au compositeur japonais.

'Ruins C66' prolonge l'univers électronique de la musique de Kawai et aboutit à l'un des plus beaux morceaux du score, le poignant 'Gray Lady (Ash)', confié à des cordes mélancoliques et lyriques à souhait. Le classicisme d'écriture de cette pièce quasi romantique d'esprit évoque la solitude du personnage face à sa quête obsédante dans le monde virtuel d'Avalon. 'Flak Tower 22' nous permet de retrouver une musique plus sombre, basée sur le bruit pour la scène où Ash se rend dans la tour où se trouve le maître du jeu. Kawai nous fait entendre ici des sonorités métalliques qui se mêlent avec l'ambiance sonore de la scène. Dans 'Ruins D99', le compositeur nous propose un sombre mélange entre percussions, ostinato électronique et nappes synthétiques en tout genre pour la séquence de l'affrontement contre l'immense tourelle à canons. 'The Ghost Hunting' conclut cette longue séquence sur une nouvelle atmosphère sonore glauque, avec tenues électroniques profondes et lointaines, dans une ambiance fantomatique menaçante, pour la scène où Ash poursuit le 'Ghost'.

Le score trouve un aboutissement grandiose avec 'Voyage To Avalon (Orchestra Version)', pour la superbe séquence du concert à la fin du film. On voit alors l'orchestre donner cette musique devant une foule ébahie, tandis qu'à l'extérieur, Ash et Murphy s'affrontent au cours d'un très bref duel final digne des meilleurs westerns de Sergio Leone. Ici, Kawai fait la part belle à un orchestre ample et puissant et une chorale grandiose accompagnant la soliste. Les cuivres et les percussions (timbales, principalement) sont de la partie et accentuent le côté dramatique et poignant de cette superbe pièce opératique d'une beauté rare. Le côté dramatique et intense de 'Voyage To Avalon' prend ici tout son sens. Le morceau devient évocateur du destin de Ash et de sa quête vers ce monde rêvé, jusqu'aux limites du jeu de 'Avalon'. La pièce évoque aussi la mort de Murphy tout en jouant une fois de plus sur l'ambiguïté fiction/réalité, d'où le côté dramatique et onirique du texte et de la partie vocale. Ce superbe climax est suivi de 'Tir Na Mban' à l'ambiance plus 'new-age', la boucle étant bouclée avec 'Log In', reprenant le choeur épique et spirituel de 'Log Off' pour conclure le film en beauté.

'Avalon' est une très grande BO, une partition inspirée et rare que Kenji Kawai nous offre pour l'excellent film de Mamoru Oshii. La froideur de l'électronique 'new-age' et la chaleur des voix et de l'orchestre nous offre ici un panorama d'émotions très larges, embrassant toute l'atmosphère cynique, spirituelle et mythologique du film d'Oshii. A l'image de 'Avalon', la partition de Kenji Kawai est une véritable expérience musicale, avec des choix musicaux inattendus et surprenants, un véritable parti pris esthétique qui nous prouve à quel point Kenji Kawai fait bel et bien partie de cette brillante génération de compositeurs japonais au style frais et inspiré, au même titre que Joe Hisaishi ou Masamichi Amano. 'Avalon' est sans aucun doute l'un des chef-d'oeuvres du compositeur, une oeuvre passionnante qui s'écoute et se reécoute, jour après jour!


---Quentin Billard