Musique  composée par:

Trevor Jones

Editeur:

Hollywood Records
HR-62109-2

Réalisateur:
Ridley Scott
Genre:
Action
Avec:
Demi Moore,
Viggo Mortensen,
Anne Bancroft.

(c) 1997 Hollywood Pictures/Caravan Pictures/Scott Free Productions/Largo Entertainment.

Note: ***
G.I. JANE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Trevor Jones
Deux ans après l’échec commercial de « White Squall », Ridley Scott réalisa « G.I. Jane » (A armes égales), drame de guerre se déroulant dans le milieu de l’U.S. Navy américaine. Tout commence lorsque la sénatrice texane Lillian DeHaven (Anne Bancroft) accuse publiquement l’armée américaine de pratiquer le sexisme à grande échelle en refusant que des femmes puissent rejoindre les corps de l’U.S. Navy américaine. C’est alors que le responsable de la marine américaine propose un deal à la sénatrice : si une seule femme réussit toute la série de tests, l’armée sera obligée d’intégrer des femmes dans toutes les branches de l’U.S. Navy. C’est alors que la sénatrice DeHaven choisit le lieutenant Jordan O’Neil, considérant que cette dernière est une candidate sérieuse pour les tests de la Navy. Seulement voilà, sa mission ne sera pas de tout repos, car l’entraînement des recrues sera particulièrement difficile et physiquement/mentalement éprouvant. Mais Jordan tient bon et refuse tout traitement de faveur sous prétexte qu’elle est une femme. Le commandant en chef John Urgayle (Viggo Mortensen) ne voit pas d’un très bon oeil la présence de Jordan O’Neil parmi les recrues et va tout faire pour tenter de la décourager et de l’inciter à abandonner. Jordan continue d’encaisser, quitte à accepter les coups tordus du commandant, jusqu’au jour où ce dernier, toujours dans le cadre de l’entraînement, la roue de coup afin de prouver aux autres que la présence d’une femme dans leur rang les rendrait beaucoup plus vulnérable sur le terrain. Mais Jordan réplique et réussit à mettre le commandant hors d’état de nuire, gagnant ainsi le respect de ses camarades masculins (avec la fameuse réplique caricaturale du film, « Suck my Dick ! »). De plus en plus médiatisée, Jordan O’Neil est désormais connue sous le sobriquet de « G.I. Jane », un surnom qu’elle aura bien méritée après avoir subie les insultes, les coups, les humiliations et les marches forcées. Mais lorsque la jeune femme découvre qu’elle est manipulée depuis le début par la sénatrice DeHaven, elle décide de se rebeller et de porter l’affaire devant les médias, une affaire aux enjeux politiques majeurs. « G.I. Jane » permet donc au réalisateur Ridley Scott d’évoquer un thème rarement abordé au cinéma, la présence de femmes dans les corps de l’armée américaine. Le sujet s’avère être tout à fait passionnant et original, même si la mise en scène du réalisateur reste tout à fait passable et sans idée (étonnant de la part du réalisateur visionnaire de « Blade Runner » et « Alien »). Demi Moore apporte une certaine solidité à son personnage qui livre un combat symbolique tout au long du film. Hélas, « G.I. Jane » fut ainsi un nouvel échec critique et financier pour Ridley Scott, qui se rattrapera finalement deux ans plus tard sur le monumental « Gladiator ».

La musique de « G.I. Jane » a été confiée à Trevor Jones, et ce alors que l’on s’attendait à retrouver Hans Zimmer, qui collabora avec Ridley Scott sur des films tels que « Black Rain » et « Thelma & Louise », ce fut finalement Trevor Jones que le réalisateur choisit pour écrire la musique de son nouveau film. Signalons pour commencer que la nouvelle partition de Trevor Jones pour « G.I. Jane » s’inscrit clairement dans un style plutôt moderne orientée vers les musiques d’action de Media-Ventures, le studio de Hans Zimmer. Pourtant d’habitude très éloigné de ce style de musique, Trevor Jones a dû se plier sur ce film à une série de temp-tracks qui incluaient des musiques d’action de Hans Zimmer, obligeant ainsi le compositeur d’origine sud-africaine à imiter le style du musicien allemand tout en conservant sa propre personnalité musicale. On retrouve donc dans le score de « G.I. Jane » ce genre de rythmes caractéristiques des scores d’action contemporains, le tout enveloppé dans des chansons agréables de The Pretenders : plutôt agréable dans le film, mais sans grande originalité particulière de la part du compositeur.

Le thème orchestral du score - lui aussi clairement orienté vers le style de Hans Zimmer - permet au compositeur de mettre l’accent sur les cuivres, les percussions martiales et quelques éléments synthétiques modernes (notamment dans l’utilisation de rythmiques électroniques). A noter que le thème en question, associé au courage et à la détermination de Jordan O’Neil dans le film, est entendu dans le superbe « Endurance », pour une scène où la jeune femme subit l’entraînant brutal de l’US Navy sous la direction d’un commandant sadique. Le thème se rapproche clairement ici des grandes mélodies héroïques habituelles du compositeur, avec son tic d’orchestration fétiche - les trompettes doublées par les violons - sur fond de cuivres et de percussions martiales enlevées. Trevor Jones apporte dans « Endurance » une sensation de dépassement de soi, de détermination, suggérant sans équivoque l'ascension de cette femme au sein de l'armée américaine, malgré tous les problèmes qu'elle va devoir affronter, avec un commandant sadique qui lui mène la vie dure. Ce thème sera donc très présent tout au long du film afin d’évoquer le parcours initiatique semé d’embuches de la jeune femme, un thème que Trevor Jones développera parfois sous des variantes orchestrales plus sombres ou plus « action » suivant le cas. Mais à l’inverse de certains scores d’action plus « anthemics » du Media-Ventures de l’époque, le thème de « G.I. Jane » évite toute forme de patriotisme pompeux et conserve à contrario un côté plus héroïque et déterminé. A noter enfin que le dit thème rappelle clairement les grandes mélodies majestueuses du Trevor Jones d’antan : « Cliffhanger », « The Last of the Mohicans » ou bien en encore « Merlin » pour ne citer que les exemples les plus évidents.

La musique de Trevor Jones apporte donc une dose de testostérone essentielle au film de Ridley Scott. Le score oscille tout au long du film entre passages martiaux rythmés, moments plus intimes associés aux doutes et aux émotions de Jordan, et passages plus sombres et tendus comme c’est le cas pour le morceau atmosphérique extrêmement sinistre et dissonant que Trevor Jones a écrit pour la scène du très violent entraînement dans les baraquements vers le milieu du film, morceau dans lequel le compositeur utilise des synthétiseurs extrêmement sombres aux sonorités quasiment macabres - digne des grandes musiques de thriller comme « Angel Heart » ou « Sea of Love ». A vrai dire, la musique de la scène des baraquements est le seul passage véritablement noir et dissonant du score, car le reste de la musique s’évertue essentiellement à apporter un rythme et une certaine émotion au film. A noter que, comme d’habitude chez le compositeur, Trevor Jones utilise à plusieurs reprises l’EWI (Electronic Wind Instrument), son instrument fétiche que l’on retrouve dans la plupart de ses grandes partitions des années 90 - « Dark City », « From Hell », « In The Name of the Father », « Loch Ness », « The Mighty », etc. - devenu un son indissociable des oeuvres du compositeur. Certains passages permettant à Trevor Jones de mettre en avant des rythmes plus rock avec guitares électriques et batterie comme c’est le cas dans le très long « Conspiracy », qui développe le thème principal sous une version mineure plus sombre et dramatique - un peu comme le fit le compositeur avec son thème majeur / mineur de « Cliffhanger ». Les guitares et les synthétiseurs apportent une certaine émotion au score du film, renforçant les doutes, les sentiments et la détermination de l’héroïne, même si cet emploi assez répété de l’électronique et de la guitare électronique rappelle incontestablement ici aussi Hans Zimmer (et plus particulièrement dans « Endurance » et « Time to Reflect »).

A noter pour finir que le compositeur nous offre quelques très bons morceaux d’action dans le film, et plus particulièrement pour la scène de l’intervention militaire en Lybie à la fin du film, Jones mettant alors en avant ici des percussions orientales/arabisantes du plus bel effet. Au final, Trevor Jones signe donc un score d’action plutôt réussi pour « G.I. Jane », malheureusement complètement sous-représenté par l’album officiel qui n’inclut qu’à peine vingt minutes du score de Trevor Jones. C’est très peu bien sûr pour se rendre compte réellement de toute l’étendue du travail du compositeur sur le film de Ridley Scott. Néanmoins, le résultat final s’avère être tout à fait convaincant même si l’on regrettera ici le côté très impersonnel d’une composition manifestement inspirée de Hans Zimmer et des musiques d’action made in Media-Ventures !



---Quentin Billard