1-Main Titles 4.13
2-Joe and Emily Flashback 3.43
3-Donor Body Awakens 4.48
4-Meeting Sister Madeline 5.35
5-The Plane Ride 2.32
6-Emily's Grave 3.14
7-Emily's Message Revealed 7.11

Musique  composée par:

John Debney

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-6338

Score produit par:
John Debney, Michael Mason
Producteur exécutif:
Robert Townson
Producteur exécutif du soundtrack:
Tom Shadyac
Directeurs chargé de la musique
pour Universal Pictures:
Kathy Nelson, Harry Garfield
Superviseur de la musique:
Jeff Carson
Monteur de la musique:
Jim Harrison
Music Business Affairs
pour Universal Pictures:
Philip Cohen

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2002 Universal Studios. All rights reserved.

Note: ***1/2
DRAGONFLY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Debney
Voilà un film bien inattendu de la part de Tom Shadyac, réalisateur de comédies américaines bien lourdingue telles que 'Liar Liar', 'Ace Ventura: Pet Detective' ou 'Bruce Almighty'. Avec 'Dragonfly' (Apparitions), Shadyac revient à un sujet plus sérieux et plus tragique en évoquant l'aventure surnaturelle d'un médecin, traumatisé par la mort de sa femme et qui n'arrive pas à faire son deuil, harcelé continuellement de signes et d'apparitions en tout genre le poussant à croire que sa femme n'est pas morte. Kevin Costner, qui essaie avec ce film de faire oublier ses précédents mauvais choix de carrière ('The Postman', 'Waterworld', etc.), interprète avec justesse le docteur Joe Darrow, hanté par la mort de sa femme Emily (Susanna Thompson), décédée dans un accident de bus, lors d'une mission humanitaire pour la Croix-Rouge en Amérique du sud. Malgré le soutien de ses collègues et de sa meilleure amie, Mrs. Belmont (Kathy Bates), Joe reste inconsolable et noie son chagrin dans son travail, à l'hôpital. Joe avait promit à Emily qu'il s'occuperait des enfants du service de cancérologie s'il devait lui arriver quelque chose. Fidèle à ses promesses, Joe rend visite aux enfants malades. Un soir, l'un d'entre eux, Jeffrey Reardon (Robert Bailey, Jr.) l'appelle par son nom alors qu'il est dans le coma. A son réveil, Jeffrey lui explique qu'il a vu Emily et qu'elle cherche à rentrer en contact avec elle. Il est alors question d'une mystérieuse arche lumineuse, que l'enfant dessine obstinément sur des feuilles de papier. Un autre enfant malade dessine cette fameuse arche lumineuse et explique à Joe qu'il a lui aussi vu Emily. Choqué, Joe ne sait plus quoi penser, intrigué par ce mystérieux dessin représentant une sorte de croix tordue. Les signes ne vont cesser de se multiplier, jusqu'à ce que Joe comprenne enfin ce qu'il doit faire: revenir sur les lieux de l'accident et découvrir enfin toute la vérité.

'Dragonfly' est un habile mélange entre drame et fantastique, puisque l'histoire fait intervenir une bonne dose de surnaturel. On nous ballade ainsi entre la vie et l'univers de la mort et de l'au-delà. Joe Darrow communique avec l'esprit d'un mort (ici, sa femme Emily), qui essaie de rentrer en contact avec lui par n'importe quel moyen. Angoissé, Joe n'arrive pas à surmonter tout ce qu'il est en train de vivre. Il ne comprend pas non plus quel est le message que veut lui délivrer Emily. Derrière cette intrigue très inspirée de 'The Sixth Sense' et de 'Ghost' (deux classiques du genre) se cache une fable plus humaine sur l'immortalité de l'amour entre deux êtres, amour que même la mort ne peut atteindre. A cause de sa trop grande ressemblance avec les deux films précédemment cités, 'Dragonfly' s'est fait incendier par la plupart des critiques, qui ont tôt eu vite fait d'enterrer ce nouveau Kevin Costner (dont la côte de popularité a bien chutée depuis 'Wyatt Earp' en 1994). Pourtant, 'Dragonfly' est loin d'être un navet et représente ce que Costner a fait de mieux dernièrement, avec le magnifique et très sous-estimé 'Message in a Bottle' de Luis Mandoki. 'Dragonfly' est une très belle fable sur la puissance de l'amour et la nécessité de garder toujours la foi. Shadyac fait monter la tension tout au long du film en multipliant des éléments surnaturels de plus en plus inquiétants, une sorte de puzzle angoissant que Joe Darrow tente désespérément de reconstituer, mais en vain (les libellules, les nombreux dessins de l'arche lumineuse, etc.). On est littéralement captivé jusqu'à la dernière minute par ce récit envoûtant, avec un final quelque peu inattendu. Voilà donc un très beau film passé injustement inaperçu à sa sortie en salle, et qui mérite d'être réellement apprécié à sa juste valeur!

John Debney a écrit la musique de 'Liar Liar' en 1997. Pour 'Dragonfly', Tom Shadyac fait de nouveau appel à lui pour écrire un score plus dramatique et sombre, la partition baignant dans une mélancolie poignante, une certaine tristesse latente et émouvante. A travers sa musique, Debney a cherché à magnifier les deux axes majeurs du film de Shadyac: le drame humain, tout d'abord, puis l'intrigue fantastique et surnaturelle. Son score s'articule autour d'un superbe thème principal constitué d'une succession de quelques notes descendants sur un ton plutôt triste et mélancolique. Le ton est donné avec le 'Main Titles' introduisant le Hollywood Studio Orchestra (placé sous la direction de John Debney). L'orchestre se fait grave, dominé par des cordes amples, des vents et des cuivres résignés. Des percussions frénétiques font alors leur apparition pour le début du film évoquant l'accident d'Emily. A noter l'introduction d'une chorale qui évoquera, tout au long du film, l'élément surnaturel et fantastique lié à l'esprit d'Emily et à l'intrigue de l'arche lumineuse. Le thème principal fait son apparition dès le début et restera très présent tout au long du film, une sorte de balise musicale évoquant avec brio le chagrin de Joe. De mélancolie, il est question dans le très beau 'Joe and Emily Flashback', lorsque le héros se souvient de sa compagne. C'est l'occasion pour Debney de ressortir son matériel habituel des drames, alliant ici cordes tendres et piano mélancolique, un autre axe majeur de la partition pour son côté plus intimiste.

On entre dans une phase plus inquiétante dans le sombre 'Donor Body Awakens', lors de la scène où le corps du donneur d'organe rentre mystérieusement en contact avec Joe. La musique change ici radicalement d'ambiance. Debney nous plonge dans une atmosphère plus angoissante, un suspense largement entretenue par des cordes graves tendues, quelques dissonances et une certaine noirceur dans la masse sonore. Le compositeur arrive ainsi à créer un sentiment d'inquiétude, de doute angoissé. La musique est alors toute à l'image de Joe Darrow: elle semble perdre ses repères (d'où l'utilisation -certes, facile- de l'atonalité) et errer de manière angoissée. Ces moments de suspense plus macabres permettent au compositeur de souligner la partie plus sombre du film, liée à la trame surnaturelle du scénario. Seule ombre au tableau: on sent très clairement ici l'influence du 'The Sixth Sense' de James Newton Howard, bien qu'il ne soit pas non plus exclu de mentionner le nom de 'Unbreakable', autre partie d'Howard pour un film de M.Night Shyamalan. Le problème provient certainement des temp-tracks, encore et toujours eux. N'oublions pas non plus que John Debney n'a jamais été connu comme un compositeur possédant un style musical fort et original. Ceci étant dit, la partition recèle ses propres qualités, suffisantes par rapport au film de Shadyac.

La rencontre avec la religieuse dans 'Meeting Sister Madeline' nous permet de retrouver le style plus dramatique et intrigant du début de 'Main Titles'. Debney fait ici la part belle aux cordes et au piano (On notera aussi l'utilisation d'un violoncelle). Sa musique prolonge l'ambiance intrigante liée à la lente progression de la quête de Joe pour découvrir toute la vérité sur cette histoire de message de l'au-delà et de la tant convoitée arche lumineuse. Même si 'Meeting Sister Madeline' est bien moins intéressant, on pourra apprécier les reprises constantes du très beau thème principal, mélancolique à souhait. Dans 'The Plane Ride', la partition semble prendre une tournure plus déterminée, plus dense. On entre alors dans la dernière partie du film. Joe se rend en Amérique du sud, sur les lieux de l'accident du bus. L'orchestre se fait plus dense, tandis que le compositeur utilise les choeurs pour évoquer la quête de vérité qu'entreprend Joe au cours de ce voyage final. La chorale est aussi le seul lien qui unit musicalement Emily et Joe, comme si ces voix semblaient venir de l'au-delà, comme une sorte d'appel à l'aide ou de message d'espoir - suivant les circonstances. On notera ce passage plus action dans la lignée du 'The Fugitive' de James Newton Howard lors de la scène où Joe rentre dans le bus en train de couler. Debney rompt avec l'ambiance intime/dramatique du reste de la partition et met ici en avant des percussions survoltées (comme dans le 'Main Titles'), des cuivres agressifs et des cordes frénétiques. Finalement, après le triste 'Emily's Grave', le film trouve sa conclusion sur 'Emily's Message Revealed', longue pièce de plus de 7 minutes qui débute sur un certain climat d'inquiétude et de doute et qui s'achève sur une véritable apothéose musicale où Debney réutilise la chorale et l'orchestre dans un final quasi triomphant - la fin de la quête de Joe. C'est la puissance de l'amour qui est évoqué dans ce superbe final grandiose, puissance de l'amour qui a poussé Joe Darrow a accomplir ce très long voyage difficile pour découvrir le message de l'être aimé.

Celui que les mauvaises langues considèrent comme un vulgaire 'tâcheron' fait pourtant preuve d'une grande sincérité et d'un certain professionnalisme dans ses compositions, et ce même si l'originalité n'est pas son point fort. 'Dragonfly' témoigne néanmoins de ce professionnalisme fort convaincant, du moins pour celui qui prêtera une oreille honnête à cette sympathique partition orchestrale. Les avis sont très partagés au sujet de ce score. Pour certains béophiles, 'Dragonfly' est encore la preuve flagrante du manque de personnalité des compositions de John Debney, tandis que pour d'autre, il est la preuve que le compositeur possède un savoir-faire indéniable dont il fait ici usage avec une grande sincérité. Comme d'habitude, le CD de Varèse Sarabande omet de nombreux moments du score (notamment pour la partie suspense, à peine représentée sur la piste 3), mais l'on pourra néanmoins apprécier ces quelques 30 minutes de score, représentant la plupart des grands moments du score de 'Dragonfly'. Une excellente partition orchestrale, qui oscille entre drame, lyrisme et peur. Du bon boulot!


---Quentin Billard