1-Progeny 2.13*
2-The Wheat 1.03**
3-The Battle 10.02*
4-Earth 3.01*
5-Sorrow 1.26***
6-To Zucchabar 3.16+
7-Patricide 4.08*
8-The Emperor is Dead 1.21***
9-The Might of Rome 5.18*
10-Strength and Honor 2.08*
11-Reunion 1.14***
12-Slaves To Rome 1.00*
13-Barbarian Horde 10.33*
14-Am I Not Merciful ? 6.33*
15-Elysium 2.41***
16-Honor Him 1.19*
17-Now We Are Free 4.14++

*Ecrit par Hans Zimmer
**Ecrit par Lisa Gerrard
***Ecrit par Lisa Gerrard
et Klaus Badelt
+Ecrit par Hans Zimmer et
Jivan Gasparyan
++Ecrit par Hans Zimmer,
Lisa Gerrard et Klaus Badelt.

Musique  composée par:

Hans Zimmer/
Lisa Gerrard

Editeur:

Decca Records 289 467 094-2

Producteur exécutif:
Ridley Scott, Pietro Scalia
Score produit par:
Hans Zimmer, Klaus Badelt
Musique additionelle et arrangement:
Klaus Badelt
Superviseur de la musique:
Adam Smalley
Monteur de la musique temporaire:
Dashiell Rae
Directeur en charge de la musique pour DreamWorks Pictures:
Todd Homme
Services de production musicale:
Media Ventures, Santa Monica
Assistants de Hans Zimmer:
Moanike'ala Nakamoto,
James Dooley, Michael Alexander

Artwork and pictures (c) 2000 DreamWorks L.L.C. and Universal Studios. All rights reserved.

Note: ****
GLADIATOR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Hans Zimmer/
Lisa Gerrard
Véritable film événement de l’année 2000, « Gladiator » aura décidément beaucoup fait parler de lui. Ridley Scott releva le défi insensé à l’époque de ressusciter un genre disparu du cinéma depuis près de 40 ans : il est vrai que créer un nouveau péplum après « Spartacus » ou « Ben-Hur » était assez risqué, d’autant que rien ne prévoyait à l’époque que le film connaîtrait un succès aussi retentissant. Dans la Rome Antique, le général Maximus (Russel Crowe) est le sujet le plus fidèle de l’empereur Marc-Aurèle (Richard Harris), qui mène ses batailles avec bravoure et ténacité et entretient un dévouement exemplaire à son empereur. Mais le fils de Marc-Aurèle, Commode (Joaquin Phoenix), commence à ressentir une vive jalousie envers Maximus : jaloux de son prestige bien sûr, mais aussi de l’amour quasi paternel que porte son père envers son plus fidèle général. C’est alors que Commode ordonne l’arrestation de Maximus et assassine son propre père, prenant ainsi brutalement le pouvoir à Rome. Le général réussit à échapper à ses assassins mais ne peut empêcher le massacre de sa famille. Capturé par un marchand d’esclaves, Maximus deviendra un gladiateur reconnu de tous et prépara sa vengeance, pour le jour où il pourra à nouveau faire face à Commode. Ridley Scott expérimenta avec ce film des nouvelles techniques pour filmer les combats (sans parler de l’apport incroyable des effets numériques innovants pour l’époque), apportant une puissance impressionnante aux images : le spectateur ressent enfin la sensation de se trouver en plein milieu de l’arène parmi les gladiateurs, en combattant avec eux. Russel Crowe, qui s’était déjà fait remarquer auparavant sur des films tels que « The Quick & The Dead » ou « L.A. Confidential », apporte un charisme incroyable au personnage de Maximus. Quand à Joaquin Phoenix, le rôle du tyrannique empereur Commode lui sied à merveille. Le visage toujours sombre, le regard ténébreux souvent accentué par l'éclairage particulier de certaines scènes, Phoenix nous dévoile à l’écran les astuces pour pouvoir rendre un personnage de méchant extrêmement crédible et détestable, son personnage de l'empereur Commode atteignant ainsi des sommets rarement atteints. Film tragique, film violent et guerrier, fresque historique filmée de façon assez réaliste, film de virtuoses… « Gladiator » est tout cela à la fois. Les historiens ont beaucoup parlé du film, la plupart étant relativement d'accord sur la vision que proposait le réalisateur de cette période de l'ère romaine. Cependant, les nombreuses discussions liées aux paris risqués pris par Ridley Scott sur « Gladiator » ont été aussi accentué par le simple fait que le réalisateur était depuis quelques années enfermé dans une spirale d’échecs financiers de plus en plus dégradant, après « 1492 », « White Squall » et « G.I. Jane ». Il était donc évident qu’avec « Gladiator », le réalisateur britannique n’avait absolument pas le droit à l’erreur ! Pari réussi donc pour ce nouveau chef-d’oeuvre du cinéma américain du 21ème siècle, qui inaugure ainsi une nouvelle façon d’envisager le spectacle cinématographique dans toute sa totalité : un film monumental, tout simplement !

On a aussi beaucoup parlé de la musique de « Gladiator » à l’époque, car le film marquait ainsi le retour de Hans Zimmer sur un nouveau film de Ridley Scott (le succès du film les amènera à collaborer régulièrement ensemble par la suite !). Le score a été énormément critiqué par les détracteurs du compositeur, et encensé par les aficionados du musicien allemand. Certains apprécièrent d’entendre un Hans Zimmer revenir à un style plus grandiose et épique, alors que d’autres ont considéré qu’il s’agissait d’une régression artistique de la part du compositeur après l’exceptionnel et bouleversant « The Thin Red Line » (1998). Pourtant, la partition de « Gladiator » possède toutes les caractéristiques essentielles des chefs-d’oeuvre de la musique de film, fruit d'une collaboration assez unique entre Hans Zimmer, la chanteuse Lisa Gerrard (ex-membre de « Dead Can Dance » qui a signé dernièrement la musique du film « The Insider » de Michael Mann aux côtés de Pieter Bourke et de Graeme Revell) et les compositeurs Klaus Badelt et Jivan Gasparyan. Avec une telle réunion de talents, Hans Zimmer a su apporter un souffle épique/dramatique capital au film de Ridley Scott, tandis que Lisa Gerrard et ses acolytes se sont essentiellement concentré sur une approche plus ethnique et quasi orientale de la musique. Le compositeur lui même a avoué ne rien connaître de la musique des romains, n'ayant pas fait de recherches suffisamment approfondies sur le sujet - de toute façon, ce n’est pas ce que Ridley Scott cherchait sur son film, lui qui voulait au contraire quelque chose de moderne et d’innovant pour un péplum d’une telle envergure. Voilà déjà un premier point qui semble en avoir agacé plus d’un (on rentre ensuite dans des débats de puriste sans fin !).

On retrouve plusieurs thèmes tout au long de cette partition colossale, à commencer par le thème de l'ex-général Maximus devenu un gladiateur, qui s'est juré de venger la mort de ses proches en défiant l'empereur Commode. Le thème est résolument mélancolique dans l'âme, rappelant par moment la tristesse contemplative et bouleversante de « The Thin Red Line », entendu dans le très beau « Earth » mais surtout dans le magnifique « Honor Him », lors du final poignant du film. Ce thème représente la souffrance d'un être qui n'a plus qu'une idée en tête : venger la mort de ses proches avant de rejoindre l’au-delà, le thème évoquant aussi la nostalgie de son pays, de sa famille. C’est ce qu’exprime un morceau comme « Earth », scène durant laquelle Maximus parle de sa terre natale avec l’empereur Marc-Aurèle, Zimmer soulignant cette très belle scène par une approche toute en finesse, d’une grande beauté. Un deuxième thème apparaît aussi dans le score du film de Ridley Scott, un thème associé aux victoires de Maximus et à sa popularité grandissante à Rome, entendu dès le début du monumental « The Battle » mais surtout à la fin de l'excellent « Barbarian Horde » (séquence hallucinante du combat dans l’arène, d’une virtuosité exceptionnelle et qui semble avoir inspiré bon nombre de productions épiques par la suite !). Ce thème héroïque et très prenant nous renvoie clairement à l’époque des partitions hymniques/ « anthemics » de « The Lion King », « Crimson Tide » ou « The Rock ». Quand à l’empereur Commode, il possède lui aussi son propre thème, une phrase mélodique plus sombre représentant la haine et le mal qui se cache dans ce véritable coeur de pierre, thème plutôt calme en apparence mais très inquiétant et extrêmement sournois, suggérant une ombre de danger qui plane constamment sur Rome et Maximus avec la présence de ce tyran au pouvoir, entendu dès le morceau « Progeny ». A noter que le morceau « Strength and Honor » est entendu à plusieurs reprises dans le film mais n'apparaît uniquement que sur cette piste de l’album : il s'agit d'une pièce touchante qui rappelle fortement « The Thin Red Line », musique représentant la camaraderie naissante entre les gladiateurs et Maximus, et de son idée du combat pour la liberté.

Si Hans Zimmer reste finalement assez conventionnel dans son approche musicale des séquences d'action ou d'émotions, Lisa Gerrard offre quand à elle un contraste assez saisissant, une sorte de contrepartie émotionnelle vibrante, interprétant la plupart de ses pièces - ou celles des autres compositeurs - d'une voix douce et forte souvent éthérée, notamment dans « The Wheat », « Sorrow », « Elysium » et bien sûr le magnifique « Now We Are Free », grand tube incontournable de la partition de « Gladiator » qui fut par la suite remixé à toutes les sauces par Hans Zimmer lui-même et ses acolytes sur le volume 2 de la musique de « Gladiator » (une chose plutôt rare pour une musique de film !). Utilisant un mélange de voix et de cithare avec pas mal de tenues imitant les bourdons médiévaux et/ou orientaux, Lisa Gerrard apporte une atmosphère plus douce et sensuelle à sa musique, plus aérienne et éthérée, représentant aussi le caractère spirituel du personnage de Russel Crowe (cf. les flashbacks où il se voit pousser une porte et rejoindre ses proches dans l'au-delà). « Elysium » illustre le final bouleversant du film, véritablement illuminé par cette musique extrêmement poignante dans laquelle Lisa Gerrard démontre tous ses talents de chanteuse, tandis que « Now We Are Free » reprend le thème de Maximus dans une version conclusive - osons le dire - tout bonnement inoubliable, dans cette magnifique pièce mi-instrumentale, mi-vocale (à noter que la langue utilisée ici a été inventée pour les besoins du morceau !). La musique de ce final apporte une émotion éblouissante à la fin de « Gladiator » (et pour le générique de fin du film), bien différente des happy-end conventionnels très en vogue à Hollywood.

La partie de Hans Zimmer est toute aussi intéressante, bien qu’assez différente sur le fond. « The Battle » et « Barbarian Horde » nous plongent à leur tour dans le coeur des batailles. Bien sûr, beaucoup ont critiqué ici la reprise très flagrante d'une phrase de « Mars » des « Planètes » de Gustav Holst : rappelons d’ailleurs que le compositeur a été poursuivi en 2006 pour plagiat par les ayant-droits de la famille Holst (les droits de sa musique ne sont pas encore tombés dans le domaine public !). Curieux, surtout lorsqu’on sait que Hans Zimmer est loin d’être le premier compositeur à s’inspirer de Holst dans sa musique. Musicalement parlant, il faut quand même préciser que ce choix d’utiliser Holst dans les scènes de bataille paraissait plus qu’évident : dans la mythologie romaine, Mars représentait le Dieu de la guerre (et aussi de la fertilité). Lorsque l'on regarde le contexte du film, on comprend mieux les raisons d’un tel choix. « The Battle » et « Barbarian Horde » sont les deux plus grands morceaux d'action du score de « Gladiator », composés tous deux dans un style parfois proche de « The Peacemaker ». Mais, loin de se contenter simplement de reprendre des rythmes ou des sonorités du « Mars » de Holst, Hans Zimmer conceptualise son approche musicale de ces séquences de bataille et accouche d’une idée assez géniale dans le contexte du film : une valse à 3 temps pour illustrer les deux grandes batailles du film. A une époque où la plupart des compositeurs écrivent leurs musiques à 2 ou 4 temps, l’utilisation d’une mesure à 3 temps pour une longue séquence de bataille est une idée assez originale qui fonctionne à merveille ici. « The Battle » illustre ainsi la fureur et la violence d'un combat impitoyable entre les romains et les barbares au début du film. La fin de ce morceau se conclut d’ailleurs de façon plus mélancolique et élégiaque alors que les troupes menées par Maximus sont en train de vaincre l'ennemi. Ce magnifique passage élégiaque est illustré par la voix grave et chaude de Lisa Gerrard dans un ralenti assez poignant rappelant ainsi la sensibilité du compositeur allemand, qui, plutôt que d’évoquer la victoire militaire de Maximus, a préféré rappeler les horreurs de la guerre en soulignant habilement à sa façon que, dans une guerre, il n’y a jamais réellement de vainqueurs. A noter que ce passage est en réalité calqué ici d’un morceau du score de « Sahara » d’Ennio Morricone, un compositeur de référence pour Hans Zimmer qui ne s’est donc pas gêné pour le citer ici (mais sans l’avoir crédité !).

« Patricide » est une pièce pour cordes particulièrement sombre et tourmentée, évoquant le parricide de Commode de manière plus ténébreuse, tragique et torturée, alors que « The Might of Rome » illustre vers la fin de la pièce la grandeur de Rome - permettant au passage au compositeur de citer la « Marche Funèbre » extrait du « Siegfried » de la « Tétralogie » de Richard Wagner (autre compositeur de référence chez Hans Zimmer), chose que l'on retrouve d’ailleurs dans l'excellent « Slaves to Rome », lors de l'arrivée du char de l'empereur dans la cité, annoncé de manière plus solennelle. Zimmer utilise à plusieurs reprises des choeurs d'hommes, comme pour le final de « The Might of Rome » puis vers la fin de l'excellent « Barbarian Horde », lorsque Maximus et ses amis doivent affronter les barbares lancés à leurs trousses dans l'arène (pièce qui reprend en partie « The Battle »). La musique apporte donc une puissante incroyable aux images, une émotion très prenante tout à fait caractéristique du compositeur. N’oublions pas non plus de mentionner l’apport indispensable des solistes dans le score de Hans Zimmer, et plus particulièrement du duduk de Jivan Gasparyan : rappelons que le duduk est une sorte de hautbois arménien qui, depuis le succès de « Gladiator », n’a cessé d’être utilisé à toutes les sauces à Hollywood dans des partitions mettant bien souvent en valeur des sonorités ethniques et/ou orientales. Avant Zimmer, plusieurs compositeurs avaient déjà utilisé le duduk dans certaines musiques de film comme c’est le cas de Peter Gabriel dans « The Last Temptation of Christ », Graeme Revell dans « The Crow » ou bien encore Elia Cmiral dans « Ronin ».

Enfin, on pourra finalement s’interroger sur l’approche musicale originale du compositeur sur le film de Ridley Scott. Hans Zimmer ne s’est absolument pas basé sur une conception historique ou romaine de sa musique, et c'est ce qui en fait sa réussite et sa singularité. Effectivement, qu'attendions-nous réellement de « Gladiator », 40 ans après le mastodonte hollywoodien que représenta la partition de Miklos Rosza pour « Ben-Hur » ? Hans Zimmer n'a ni la formation ni le style de Rosza, certes...ce sont deux esthétiques musicales différentes, pas forcément opposées comme certains veulent bien le prétendre, mais très différentes l’une de l’autre. Si Ridley Scott a tenu à éviter certains clichés inhérents au genre du péplum dans son film, Hans Zimmer en a fait de même dans sa musique. Certains ont par conséquent critiqué le fait que le musicien n'ait pas voulu adopter une approche historique dans sa musique. Pourtant, si la musique s'était basée autour d'une conception historique et romaine, cela aurait été en contradiction totale avec le film qui se veut être un dépoussiérage en règle de l’ère romaine et une vision totalement novatrice d'un genre âgé de plus d’une quarantaine d'années déjà. Dernièrement, Ridley Scott a déclaré à la presse qu'il considérait la musique de Hans Zimmer comme possédant sa propre personnalité: « J'adore travailler avec Hans Zimmer car sa musique fait preuve d'idiosyncrasie. La musique que j'imagine alors que je suis en plein tournage se révèle souvent inappropriée, et Hans arrive toujours avec une approche qui donne au film sa propre identité ». Pour approfondir ces propos, on pourra ainsi rajouter que la plus grande force de Zimmer sur « Gladiator » a été de réussir à donner leur identité aux images tout en renforçant sa propre identité musicale. Dans « Gladiator », la partition trouve toujours le ton juste. Jamais elle n'écrase le film, jamais elle n'essaie d'en faire de trop, et ce même si certains passages s’avèrent être massifs, épiques et grandioses. Avec l’apport de tous ces talents et de tous ces compositeurs ayant oeuvré ensemble sur la musique du film, n’est-ce pas la raison pour laquelle certains ont été très vite décontenancé par une complexité plus riche qu'à l'accoutumée dans la musique de Hans Zimmer ? Ainsi donc, l'approche musicale du compositeur sur « Gladiator » s’avère être très juste et très appropriée au film, évitant les nombreux clichés habituels des musiques de ce type de film. Qu’il s’agisse d’une démarche créative personnelle ou d’un des nombreux desiderata du réalisateur, Hans Zimmer a tenu à affirmer sur « Gladiator » sa propre personnalité musicale tout en approfondissant les nombreuses facettes du film : c'est là où, en définitive, la musique puise toute sa richesse, en jouant finalement sur tous les tableaux à la fois.

La puissance vocale de Lisa Gerrard renforce clairement l’émotion si présente dans la musique de « Gladiator », avec notamment des pièces plus merveilleuses comme « Sorrow » ou l’indispensable « Now We Are Free », hymne poignant à la liberté et à la paix retrouvée. « Gladiator » est donc au final une partition assez monumentale et passionnante. Incomprise par une bonne partie des critiques à la sortie du film en 2000, « Gladiator » est devenue par la suite une partition très populaire dans le monde de la musique de film, à tel point qu’elle relancera le genre des musiques épiques/orientales au début du 21ème siècle. Véritable point culminant dans la carrière de Hans Zimmer, « Gladiator » apparaît aujourd’hui, avec le recul qui s’avérait nécessaire, comme une partition tout simplement indispensable, un grand classique dans le monde de la musique de film d’aujourd’hui. Incontournable, tout simplement !



---Quentin Billard