1-Fox Fanfare (Alfred Newman
1953 version) 0.14
2-Prelude 1.51
3-Explosions/The Message 1.33
4-The Faithful Heart/
My Love Is Like a Red,
Red Rose 3.45++
5-The Mountain/The Crater 1.43
6-Abduction/The Count
and Groom 2.03
7-Mountain Top/Sunrise/Rope/
Torch/March 3.11+
8-Sign/Sleep/False Arrows/
Fall/Grotto 5.09
9-Twice as Tall 2.33*/++ 2.33
10-Lost/Bridge/Gas
Caves/Vines 4.42
11-Saltslides/Pool/Dead
Groom/The Gun 5.08
12-The Canyon/Cave Glow/
The Mushroom Forest 4.10
13-Underground Ocean/
The Dimetroden's Attack 5.23
14-The Faithful Heart */++ 4.31
15-Magnetic Storm/Whirlpool/
The Beach 2.55
16-The Duck/
The Count's Death 3.42
17-The Lost City/Atlantis 3.47
18-Giant Chameleon/
The Fight 1.47
19-Earthquake/The Shaft 2.16
20-Finale 0.30*

*Non utilisé dans le film.
+Musique de James Van Heusen
++Musique de James Van Heusen,
Paroles de Sammy Cahn,
Interprété par Pat Boone

Musique  composée par:

Bernard Herrmann

Editeur:

Varèse Sarabande VSD-5849

Album produit par:
Nick Redman
Producteur exécutif pour
Varèse Sarabande:
Bruce Kimmel
Coordinateur du projet pour
Twentieth Century Fox:
Tom Cavanaugh
VP, Marketing et
Media Relations pour
Varèse Sarabande:
Michael Caprio

Artwork and pictures (c) 1959 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: *****
JOURNEY TO THE CENTER OF THE EARTH
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bernard Herrmann
'Journey To The Center of The Earth' est la première adaptation cinématographique du célèbre roman de Jules Verne ('Voyage au centre de la terre'). Le film d'Henry Levin met en scène James Mason dans le rôle du professeur Oliver Lidenbrook, un prof de géologie d'Edinburgh qui, après s'être intéressé à une mystérieuse roche d'origine volcanique, découvre que cette dernière contient une inscription faite par le célèbre explorateur Arne Saknussem. L'inscription indique en fait le chemin à suivre pour se rendre jusqu'au centre de la terre. Lindenbrook décide de se lancer dans l'aventure et de suivre l'expédition que mena Saknussem lui-même il y a de nombreuses années, bien avant qu'il ne disparaisse mystérieusement. Son voyage le conduira à déjouer une tentative de sabotage de la part d'un collègue malhonnête et sans scrupules, avant de se rendre au volcan Snaffels Yokul, en Islande. C'est là qu'il devra emprunter toute une série de caves avec ses compagnons pour tenter de rejoindre le centre de la terre. Le film d'Henry Levin utilise des décors impressionnants (bien que l'on soit parfois très proche de l'esthétique carton-pâte un peu kitsch et vieillotte) et des effets spéciaux digne d'un Ray Harryhausen (la séquence des iguanes géantes est très impressionnante pour l'époque!). Seule ombre au tableau: rien de tout ce que le film raconte n'est crédible. On sait que le coeur de la terre est constitué de magma, ce qui rend impossible toute expédition au centre de la terre. On a donc du mal à croire que ces personnes sont au coeur de la terre lorsque l'on voit toutes ces caves (mystérieusement éclairées, même à plus de 5000 mètres sous la terre. Etrange, non?) avec des cristaux, des champignons géants, des créatures préhistoriques surdimensionnées, un océan sous-terrain, etc. Qui peut croire un seul instant à la crédibilité de ce que le réalisateur s'évertue à nous montrer durant plus deux heures (le film est assez longuet)? Evidemment, on est ici plus proche de la science-fiction (on croirait voir un épisode de 'Star Trek') que du film d'aventure à proprement parler. On notera l'excellente interprétation de James Mason dans le rôle de ce professeur avec un sale caractère. Au final, un film d'aventure sympathique, avec de beaux décors et des effets spéciaux satisfaisants, mais totalement dénué de crédibilité : on n'y croit pas un seul instant! Dommage!

Bernard Herrmann signe sur 'Journey To The Center of The Earth' une de ses meilleures partitions orchestrales de la fin des années 50. Comme d'habitude, le compositeur fait preuve d'une grande inventivité dans ses choix orchestraux, privilégiant des alliages instrumentaux toujours aussi étonnants, voire déséquilibrés par moment. C'est le fameux 'Prelude' qui nous introduit à l'univers magique et mystérieux de cette superbe partition orchestrale, Herrmann utilisant pour l'occasion un orgue avec des cuivres pesants et profonds, qui atteignent un registre grave rarement entendu chez les trombones et les cors. L'idée du compositeur est ici d'illustrer musicalement cette plongée dans les abîmes de la terre, plongée qu'il représente métaphoriquement avec cette descente inquiétante de cuivres massifs dans l'extrême grave des instruments. A noter que, pour les besoins de sa partition, Herrmann a décidé de ne pas utiliser les cordes (comme dans 'Jason & The Argonauts'), préférant privilégier les vents, les cuivres, 5 orgues (un orgue d'église et quatre orgues électroniques!), les harpes, etc. Ce 'Prelude' est la preuve flagrante du talent du compositeur a élaborer des partitions symphoniques originales pour le cinéma, avec un sens très prononcé pour des orchestrations toujours très étonnantes et inventives.

Dans 'Explosions/The Message', Herrmann réutilise le climat mystérieux du début avec un superbe balancement autour de deux accords mineurs, évoquant le mystère lié à l'exploration du coeur de la terre. Le morceau est entendu au début du film, représentant le côté intrigant de l'aventure à venir, avec une bonne dose d'appréhension et de mystère. A ce sujet, l'idée de mystère n'a jamais été aussi forte chez Bernard Herrmann que dans cette partition. On se sent vraiment captivé par cette atmosphère à la fois pesante et ténébreuse, teintée d'appréhension et de découverte angoissée de l'inconnu. Après un passage romantique plutôt futile dans 'Faithful Heart/My Love Is Like a Red Red...' adaptant à l'orchestre la chanson de Jimmy Van Heusen (scène romantique au début du film), le superbe 'The Mountain/The Crater' nous permet de retrouver le motif de balancement autour de deux accords, rendu quasiment envoûtant par le biais de l'étonnante utilisation d'un orgue électrique hypnotisant, dont la sonorité semble surgir de l'au-delà dans la manière dont sa sonorité résonne dans une sorte d'écho - comme pour évoquer l'immensité des cavernes souterraines que vont explorer les héros dans la dernière partie du film. On ressent dans 'The Mountain/The Crater' une certaine forme d'inquiétude et de mystère lié à l'exploration d'un monde inconnu. Si le film n'a pas beaucoup de crédibilité, Bernard Herrmann a prit son sujet très au sérieux (peut-être même un peu trop).

On retrouve ces orchestrations originales et disproportionnées dans 'Abduction/The Count and Groom', tandis que 'Mountain Top/Sunrise/Rope/Torch/March' nous permet d'entendre un nouveau thème apparaissant lors de la séquence du lever de soleil qui indique aux explorateurs le chemin à suivre pour descendre dans les cavernes souterraines (il semblerait que cette pièce soit de James Van Heusen, et non de Herrmann - et ce même si cela sonne pourtant comme du Herrmann!). A noter que ce motif de 5 notes a souvent fait parler de lui puisqu'on le compare très souvent à un thème similaire, celui de 'Batman' de Danny Elfman. Il est clair que la similitude entre les deux thèmes est absolument flagrante, Elfman ayant lui-même déjà reconnu que Bernard Herrmann était pour lui une source d'inspiration. Ce nouveau thème cuivré, entouré de harpes cristallines, d'un orgue et des vents, renforce l'ambiance mystérieuse de la séquence de la descente dans le cratère de la montagne, et c'est le début de l'aventure souterraine dans le sombre 'Sign/Sleep/False Arrows/Fall/Grotto', où l'on retrouve le mystérieux motif qui tournoie autour de deux accords mineurs, qui sert de balise musicale à la partition d'Herrmann afin d'évoquer les mystères et la magie inquiétante des mondes souterrains. 'Lost/Bridge/Gas Caves/Vines' accentue l'ambiance pesante de mystère avec des couleurs instrumentales sombres privilégiant les clarinettes graves ou les trompettes en sourdine et les trombones dans le grave. Herrmann décrit ici l'impressionnante séquence de la traversée du pont, la musique semblant alors errer, comme ce personnage qui se perd dans les cavernes souterraines.

Le thème mystérieux est développé dans 'Salt Slides/The Pool/Dead Groom/The Gun' aux trompettes, la musique d'Herrmann semblant devenir de plus en plus glauque (à noter ici l'excellente utilisation d'un effet sonore imitant le bruit du vent). Plus les héros s'enfoncent dans les souterrains de la terre, plus la musique se veut mystérieuse et inquiétante, parfois même très pesante (les orchestrations inventives du compositeur jouent beaucoup dans cette atmosphère musicale quasi-surréaliste), et c'est la séquence de la caverne des champignons géants dans 'The Canyon/Cave Glow/Mushroom Forest', dans un style presque plus planant, avec des vents graves (toujours cette sonorité de clarinettes graves, sans flûte ni hautbois) couplés avec une harpe mystérieuse. La musique prend une tournure plus massive dans 'Underworld Ocean/The Dimetroden's Attack', où l'orgue refait son apparition dans un univers sonore surréaliste, sombre et planant, évoquant l'océan souterrain. L'attaque de la créature géante est illustrée quant à elle dans un style plus massif et agressif, comme dans le terrifiant 'Magnetic Storm/Whirlpool/The Beach', où l'orgue est utilisé de manière très frappante avec des cuivres graves lourds, menaçants et dissonants. L'orgue confère une dimension quasi gothique à ce morceau de terreur décrivant la scène de l'attaque des créatures géantes sur le bord de la plage.

Après le sombre et mélancolique 'The Duck/The Count's Death' (cf. ces étonnantes parties de trompettes en sourdine au début de la pièce), c'est la séquence de la découverte des ruines de l'Atlantide dans 'The Lost City/Atlantis', où l'on retrouve le thème du mystère avec un orgue d'église gothique à souhait et des orgues électroniques en écho. Il y a dans cette pièce une atmosphère beaucoup plus recueillie, quasi spirituelle. En fait, Herrmann n'a de cesse de nous faire voyager dans un autre univers, au-delà de nos repères temporels, vers une autre civilisation, un autre monde. 'The Lost City/Atlantis' et son ambiance planante semble tout droit sortie d'un rêve. C'est dire l'impact que produit la musique d'Herrmann sur les images du film d'Henry Levin. L'un des morceaux les plus étonnants du score apparaît avec le superbe 'Giant Chameleon/The Fight', dans lequel Herrmann utilise les étranges sonorités du serpent, un instrument médiéval qui n'avait pas été utilisé depuis de nombreux siècles depuis la fin du moyen-âge. A noter que Jerry Goldsmith réutilisera lui aussi cet étrange instrument dans son inoubliable partition d'Alien (1979). Pour l'occasion, Herrmann utilise le serpent afin de souligner l'apparition du caméléon géant vers la fin du film. Le serpent a ici un rôle quasi-soliste, soutenu par des cuivres menaçants tellement graves qu'ils frôlent les infrasons (On est très proche ici de l'expérimentation des grands compositeurs du milieu du 20ème siècle). La musique atteint ici une dimension plus chaotique, évoquant la destruction des ruines, débouchant sur 'Earthquake/The Shaft', superbe morceau massif faisant intervenir des cuivres ultra graves avec d'impressionnantes tenues d'orgue dissonant pour la scène du tremblement de terre et des coulées de lave, la partition s'achevant finalement sur une grande apothéose musicale avec 'Finale' (orgue d'église, cuivres massifs, percussions brutales, etc.), non utilisé dans le film.

Le score de 'Journey To The Center of The Earth' est conçu comme le film d'Henry Levin: un voyage étrange et claustrophobique vers un monde souterrain inconnu, où règne le mystère, la magie et le chaos. C'est tout cela qui est représenté à travers la formidable partition de Bernard Herrmann. Comme d'habitude, le compositeur nous prouve ici son talent à manier des formations instrumentales inattendues, comme ces mélanges entre orgue, clarinettes graves et cuivres profonds. L'utilisation d'orgues électroniques et du serpent est un autre élément fort qui renforce l'ambiance musicale unique pour ce film. Herrmann confère au film d'Henry Levin une identité musicale forte, en expérimentant des alliages instrumentaux étonnants et parfois volontairement disproportionnés (une marque de fabrique du compositeur!). Loin d'un style hollywoodien plus conventionnel, la musique de 'Journey To The Center of The Earth' est une véritable expérience musicale en soi, une partition étonnante et passionnante, qui reste néanmoins complexe et pas très facile d'accès aux premiers abords. La richesse des trouvailles du compositeur nous fait cruellement regretter la mort de celui qui fut l'un des plus grands musiciens que le 'Golden Age' hollywoodien ait connu durant cette première moitié du 20ème siècle, un artiste qui n'avait décidément pas peur d'aller jusqu'au bout de ses idées musicales parfois très radicales pour l'époque. Certains musiciens (ou producteurs) d'aujourd'hui feraient bien de prendre exemple sur lui!



---Quentin Billard