Musique  composée par:

Davis

Editeur:


Réalisateur:
Peter Howitt
Genre:
Thriller
Avec:
Ryan Philippe,
Rachael Leigh Cook,
Claire Forlani, Tim Robbins

(c) 2001 Metro-Goldwyn-Mayer.

Note: ***
ANTITRUST
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Davis
'AntiTrust' aborde le sujet des grandes compagnies informatiques et du monde des start-ups. Peter Howitt nous propose ainsi de suivre la sombre histoire de Milo Hoffmann (Ryan Philippe), jeune génie de l'informatique qui réussit un jour à monter dans son garage sa propre start-up, avec son ami Teddy Chin (Yee Jee Tso). Très rapidement, le P.D.G. de la N.U.R.V. Corp., une très grande entreprise d'informatique, s'intéresse au petit génie et lui propose de rejoindre la compagnie. Après avoir hésité quelques temps, Milo décide de partir à la Silicon Valley pour rejoindre Gary Winston (Tim Robbins), le richissime patron de la N.U.R.V. ('Never Underestimate Radical Vision'). Très vite, Milo va devenir le nouveau chouchou de Gary, menant une existence de rêve avec sa petite amie, Alice Poulson (Claire Forlani), mais derrière ce fait trop beau pour être vrai, se cache une vérité plus ambiguë et angoissante: tout d'abord, Milo déçoit énormément son grand ami Teddy en allant rejoindre celui qui est aujourd'hui son principal concurrent. Les deux amis ne se parlent presque plus après cela, bien que Milo tienne à garder régulièrement le contact avec son ami. Mais un événement tragique va tout faire basculer: un soir, Teddy est assassiné par deux mystérieux agresseurs qui signent leur crime d'un tag raciste contre un mur. Pour Milo, la mort brutale de Teddy l'afflige d'une grande douleur, mais il est loin de se douter de ce qu'il ne va pas tarder à découvrir. A force de récolter des indices, le jeune génie finit par découvrir que Gary Winston est impliqué dans ce meurtre, et que la N.U.R.V. cacherait en fait de bien sinistres secrets. Seulement voilà, tout le monde semble être impliqué dans cette sinistre affaire, même l'agent du F.B.I. Lyle Barton (Richard Roundtree) qui le contacta quelques temps avant qu'il commence à travailler pour la N.U.R.V. Ne sachant plus à qui se fier, Milo va devoir entamer une périlleuse course contre la montre pour découvrir toute la vérité et renverser le puissant Gary Winston et son gigantesque empire de l'informatique.

Le script d'Howard Franklin aborde les dérives de l'informatique et de ceux qui contrôlent les informations. Accusé d'avoir le monopole sur le marché et la concurrence, la N.U.R.V. semble être devenu une gigantesque compagnie tellement impuissante que personne ne peut rivaliser avec elle. Pourtant, il suffira d'une idée de génie sur une modeste start-up naissante pour que tout bascule dans le cauchemar, avec, à l'origine, un meurtre crapuleux. Peter Howitt et Howard Franklin se sont ainsi attachés à retranscrire leurs propres craintes, celle de voir un jour quelqu'un contrôler toutes ces technologies de demain en devenant tellement puissant que toutes les dérives imaginables deviendraient réalité. Il s'agit en fait ici de la technologie de la 'convergence digitale', ou la capacité des appareils numériques à communiquer entre eux par le biais d'un gigantesque réseau de satellites et de machines en tout genre. Cette technologie n'en est encore qu'à se premiers balbutiements aujourd'hui, mais la plupart des experts industriels considèrent qu'il s'agit là d'un enjeu majeur pour l'avenir de la société du futur, de son industrie et son économie, etc. Le film s'interroge simplement à montrer ce qui pourrait arriver si cette technologie tombait entre les mains d'individus sans scrupules et prêt à tout pour bâtir un gigantesque empire financier. Evidemment, la NURV n'est rien d'autre qu'une simple pastiche de 'Microsoft', la célèbre compagnie informatique du milliardaire Bill Gates. Les points communs entre les deux compagnies sont ainsi très nombreux et parfois même très troublants. Le personnage interprété par Tim Robbins est d'ailleurs une sorte de sosie imaginaire de Bill Gates. Le film se permet même une petite touche d'ironie en faisant brièvement référence à Bill Gates sous la forme d'un petit clin d'oeil. Lorsque, au début du film, on voit le patron de la NURV, accusé par un tribunal de détenir le monopole sur le marché économique et financier, on comprend très clairement qu'il s'agit là d'une satire du monde du business informatique, qui nous renvoie tout droit aux propres accusations lancés il y a quelques années contre Microsoft. 'AntiTrust' s'apparente finalement à une sorte de cyber-thriller comme on en voit de plus en plus aujourd'hui, Howitt maintenant le suspense du début jusqu'à la fin du film, sans avoir recours à l'habituel déluge de violence que l'on trouve régulièrement dans ce genre de film. Malgré quelques défauts (on ne comprend pas très bien la scène où Alice tente d'empoisonner Milo - pourquoi faire cela, maintenant, à ce moment là dans le film?), 'AntiTrust' est un honnête thriller doublé d'une interrogation (parfois satirique) sur le pouvoir des grandes compagnies informatiques et des dérives liées au contrôle des nouvelles technologies.

Au moment où Don Davis compose la musique de 'AntiTrust', il est déjà en train de savourer le succès de sa première partition pour 'The Matrix' des frères Wachowski. Soucieux d'éviter la répétition, Davis change de style sur 'AntiTrust', et ce bien que l'on reconnaisse la 'patte' orchestrale du compositeur. Si le film de Peter Howitt peut se résumer à un simple cyber-thriller, la musique de Don Davis peut se décrire sous la forme d'une longue montée de tension aux ambiances électroniques très modernes et parfois étonnantes. Effectivement, le score de 'AntiTrust' permet au compositeur d'aborder un style plus moderne, sorte de mélange entre rock/électro/techno sur fond d'ambiances orchestrales plus sombres et tendues. A la différence de 'The Matrix', 'AntiTrust' délaisse totalement les déchaînements orchestraux atonaux pour se concentrer sur un véritable travail de suspense et de tension. On est quand même surpris à l'écouter du générique de début du score, qui est loin d'annoncer le style sombre et tendu de la partition de Don Davis. On commence d'emblée sur une musique plutôt sereine et optimiste, tout en restant assez rythmée. Des petites percussions légères entament avec des guitares un rythme sympa et paisible. Davis nous dévoile alors son étonnant thème principal (associé au personnage de Milo), confié à une flûte ethnique aux accents irlandais, entourée de quelques sympathiques parties de guitares acoustiques (avec un peu d'électronique). A vrai dire, l'introduction du score est à deux doigts de nous faire voyager vers l'Irlande ou les pays celtiques. On était loin de s'attendre à une introduction aussi étonnante pour un film de ce genre, preuve que Don Davis possède plus d'un tour dans son sac.

La tranquillité du début du film donne alors l'occasion au compositeur d'avoir recours à quelques passages de style plus pop/rock. C'est le cas pour la séquence où Milo se rend chez Gary Winston au début du film. Davis utilise alors une batterie avec basse et une sympathique partie de guitare électrique très mélodique. On sent ici tout l'enthousiasme et la fougue du jeune Milo, Don Davis ayant particulièrement misé dans ce début sur ce style de musique plus à la mode, plus 'jeune' (le compositeur nous dévoile au passage une facette plus méconnue de sa personnalité musicale). La musique se veut alors rassurante, détendue, dans cette première partie du score et du film. Davis développe à quelques reprises son thème (notamment aux guitares) et nous propose une nouvelle pièce rock très cool pour l'arrivée de Milo dans ses nouveaux bureaux. Le compositeur utilise alors guitares électriques diverses, batterie, basse sur un ton cool et relax. Don Davis nous plonge ainsi dans une ambiance faussement rassurante, sa musique reflétant alors la vivacité et l'accomplissement du rêve du jeune génie, sur fond de musique très 'in'.

Mais derrière ce bonheur apparent se cache une façade plus sombre, plus véridique. Tout ceci est très beau pour être vrai, et c'est ce que Don Davis va très clairement nous faire comprendre, et ce, avec une maestria chère au compositeur. Après la mort brutale de Teddy, Davis nous fait entendre un thème plus mélancolique lié à la disparition tragique du meilleur ami de Milo. On s'oriente ici vers un style plus mélancolique, dominé par des cordes lyriques et nostalgiques (on pense au score de 'The Unsaid'). Ce thème de Teddy reviendra surtout vers la fin du film, mais il évoque l'aspect plus dramatique de cette sombre histoire de meurtre sur fond de business informatique. La musique ne cesse alors de monter en intensité, jusqu'à ce que le compositeur se décide enfin à développer le suspense par le biais de pièces dominées par des cordes tendues et par palier de dissonances (une marque de fabrique du compositeur - cf. 'Matrix', 'House on Haunted Hill', 'Bound', etc.). On notera l'importance attribué aux synthétiseurs de ces moments de suspense, l'électronique ayant ici une place majeure dans le score de Davis, ce qui est loin d'être étonnant, étant donné que le film se déroule dans le milieu des technologies informatiques de pointe. Les parties électroniques d'ambiance moderne plus techno/électro (genre Media-Ventures) soutiennent le suspense essentiellement dominé par les nombreuses dissonances de la partie orchestrale. L'un des meilleurs passages de suspense de 'AntiTrust' apparaît ainsi lors de la séquence où Milo se glisse discrètement dans les studios de la NURV pour y découvrir de bien sombres secrets. L'apport inestimable de la musique de Davis dans ces grands moments de suspense contribue à accentuer cette longue montée de tension qui explosera au cours d'un final plus héroïque (brillant retour du thème de Teddy sous une forme plus triomphante), nous ramenant au thème principal irlandais, essentiellement entendu au cours de l'ouverture du film.

Avec 'AntiTrust', ne vous attendez pas à de grands déchaînements orchestraux ou à de solides passages d'action! Le score de Don Davis est une longue montée de tension traversée par deux thèmes sympa et quelques ambiances irlandaises/pop/rock/électro plus surprenantes au cours de la première partie du film. Sans être une oeuvre incontournable dans la filmographie de Don Davis, 'AntiTrust' se révèle pourtant être une composition de qualité pour un compositeur toujours aussi inspiré, une partition dans laquelle le musicien nous rappelle au passage son goût pour l'électronique et les mélanges orchestre/synthé. Voilà donc un score sympa et sans prétention, qui mériterait de trouver la voie de l'édition (peut-être dans un futur album promotionnel?), aux côtés d'autres scores du compositeur encore inédits à ce jour, tels que 'Behind Enemy Lines', 'Valentine' ou 'Long Time Dead'.


---Quentin Billard