1-The Far Side of The World 9.19*
2-Into The Fog 2.12*
3-Violin Concerto N°3
"Straussburg" K.215,
3d Movement
W.A. Mozart 1.19
4-The Cuckold Comes
Out Of The Amery
- Traditional 3.27
5-Smoke N'Oakum 5.27*
6-Fantasia on a Theme
by Thomas Tallis
- Ralph Vaughan-Williams 5.14
7-Adagio from Concerto Grosso
Op.6 N°8 in G Minor,
"Christmas Concerto"
- Arcangelo Corelli 1.56
8-The Doldrums 2.46*
9-Prelude from the Unaccompanied
Cello Suite No.1 in G Major,
BWV 1007 - J.S. Bach 2.28**
10-The Galapagos 1.39*
11-Folk Medley:
O'Sullivan's March,
Cuckold Comes Out
Of The Amery, Mother Hen,
Mary Scott, Nancy Dawson
- Traditional 5.12
12-The Phasmid 2.34*
13-The Battle 5.07*
14-La Musica Notturna
Delle Strade di Madrid,
No.6, Op.30 (String Quintet in C)
- Luigi Boccherini 9.23
15-Full Circle
(with dialogue) 1.34*

*Score original composé par
Iva Davies, Christopher Gordon
et Richard Tognetti.
**Interprété par Yo-Yo-Ma, violoncelle.

Musique  composée par:

Iva Davies/
Christopher Gordon/
Richard Tognetti

Editeur:

Decca/Universal
475-398-2

Monteur de la musique:
Simon Leadley
Musique produite par:
Iva Davies, Christopher Gordon,
Richard Tognetti

Artwork and pictures (c) 2003 20th Century Fox/Miramax Films/Universal Pictures/Samuel Goldwyn Films/Decca Records. All rights reserved.

Note: ***
MASTER AND COMMANDER:
THE FAR SIDE OF THE WORLD
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Iva Davies/
Christopher Gordon/
Richard Tognetti
Décidément, Peter Weir n'a de cesse de nous surprendre! Auteur de grands classiques tels que 'The Year of Living Dangerously', 'Witness' ou l'inoubliable 'Dead Poets Society' (une belle leçon de cinéma!), le réalisateur australien s'attaque désormais à un tout autre sujet: la vie des marins anglais à bord des grands navires de guerre au début du 19ème siècle. 'Master and Commander' s'inspire en fait d'une série de deux romans écrits par Patrick O'Brian, que Peter Weir a adapté avec une maestria rare dans la production hollywoodienne de nos jours. A vrai dire, ceux qui s'attendent à voir un nouveau 'Pirates of The Carribean' avec 'Master and Commander' sont très loin du compte! 'Master and Commander' n'a rien à voir avec ce style de gros blockbuster idiot pour moviegoers en manque de sensations fortes. Certes, le film de Peter Weir est techniquement ahurissant (les effets spéciaux sont signés ILM! A noter que pour l'occasion, en plus de Samuel Goldwyn Films, trois grosses majors américaines se sont unies pour ce film - la 20th Century Fox, Miramax Films et Universal Pictures!) mais, à l'inverse de la tendance hollywoodienne actuelle, la technique ne prend jamais le pas sur l'âme des personnages et de l'histoire du film. On suit pendant plus de deux heures l'histoire du capitaine anglais Jack Aubrey (formidable Russell Crowe, qui confirme une fois encore ses immenses talents d'acteur!) dirigeant d'une main de fer le navire HMS Surprise, aux prises avec un gigantesque navire français (le 'Acheron'), durant les guerres Napoléoniennes de 1805.

Le film pourrait donc se résumer à une sorte de grand huis-clos filmé de manière très réaliste, l'atout majeur du film. Effectivement, ici, le but n'est pas de montrer du spectaculaire (loin de là) mais d'évoquer la vie des marins telle qu'elle était en ces temps sur ces immenses navires de guerre, perdus en plein milieu des éléments déchaînés. Le film regorge ainsi de moments particulièrement difficiles comme ces séquences médicales parfois à la limite du soutenable (et filmée sans aucune forme de complaisance pour le macabre!) ou une séquence de bataille finale d'une violence rare pour ce type de production (on est très loin ici du style édulcorée des 'swashbucklers' à l'ancienne). A noter que les personnages possèdent des personnalités fortes et bien développées tout au long du film. Ainsi, Jack Aubrey et son fidèle ami le médecin Stephen Maturin (Paul Bettany) sont totalement opposés durant tout le film sur la façon de diriger le navire. A noter que l'équipage est aussi constitué de jeunes enfants très murs pour leur jeune âge, prêts à se battre jusqu'à la mort (une réalité de l'époque assez méconnue sur les navires de guerre!). Peter Weir a tenu à respecter l'aspect réaliste de son histoire sans forcément négliger la grande qualité des effets spéciaux. On pourra par exemple apprécier une excellente séquence de tempête filmée d'une manière extrêmement intense - sans aucun doute l'une des plus belles scènes de tempête vue au cinéma depuis ces 10 dernières années! Avec une superbe mise en scène de très grande qualité (cela faisait longtemps que l'on avait pas vu un film à gros budget réalisé avec un tel soin artistique!), l'excellent 'Master and Commander' a de quoi cartonner à la prochaine remise des Oscars. C'est en tout cas tout le mal qu'on lui souhaite!

Les choix musicaux du réalisateur pour 'Master and Commander' sont assez étonnants puisque, en dehors de l'excellente utilisation très artistique de musiques classiques - tout comme le fit par exemple le grand Stanley Kubrick en son temps - la musique originale est signée par trois compositeurs relativement méconnus, Iva Davies, Christopher Gordon et Richard Tognetti. Gordon est le plus connu des trois, puisqu'il a déjà composé les musiques des téléfilms 'Moby Dick' (1998) et 'On The Beach' (2000). Pour Richard Tognetti, il s'agit de la première musique écrite pour un film, tandis que Iva Davies (qui est aussi parolier) n'a écrit que la musique pour 'Razorback' (1984) de Russel Mulcahy (à noter qu'il s'agit du premier compositeur contacté pour ce projet). On peut donc dire que les trois musiciens sont ici 'débutants', et qu'il est fort à parier que la grande réussite du film de Peter Weir saura les propulser tous les trois de l'avant. Pour la petite histoire, Peter Weir a décidé de faire appel à ces trois compositeurs après avoir entendu leur précédente collaboration sur 'The Ghost of Time', une oeuvre de commande pour la célébration du nouveau millénaire à Sydney quelques années auparavant (on retrouve dans les films des extraits de 'The Ghost of Time' ainsi que 'Endless Ocean'). La musique se partage donc ainsi entre une demi heure de score assez intense et d'excellentes pièces du répertoire classique, comme par exemple l'inoubliable 'Suite pour violoncelle' de J.S. Bach, utilisée dans la plupart des séquences de voyage du film (la musique irradie d'une lumière toute particulière les images du film).

Peter Weir est bien connu pour ses choix musicaux toujours très particuliers. Pour 'Master and Commander', la musique a une part importante dans le film, puisque Jack Aubrey et son ami Stephen Maturin jouent ensemble du violon et du violoncelle, ce qui est un prétexte à quelques très belles interprétations de pièces de Arcangelo Corelli (Adagio du 'Concerto Grosso opus 6 no 8, dit 'Concerto de Noël'), Mozart (3ème concerto pour violon K216, 3ème mouvement) ou bien encore Luigi Boccherini (quintette à cordes en Do, no 6, opus 30), sans oublier les très belles pièces de musiques traditionnelles anglaises, jouées en duo violoncelle/violon. A noter que, pour l'occasion, Russell Crowe a apprit à jouer du violon afin de rendre ces scènes en duo avec Paul Bettany beaucoup plus crédible. Tognetti se trouve être le directeur artistique du 'Australian Chamber Orchestra' depuis 1989. C'est donc lui qui fut responsable de la coordination du jeu instrumental de Russell Crowe. Mais on ne pourra pas passer à côté de l'utilisation poignante et brillante de la fameuse 'Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis' pour le compositeur anglais Ralph Vaughan-Williams (grand ami d'un autre compositeur anglais célèbre, Gustav Holst), la pièce étant utilisée dans les moments plus dramatiques du film. En fait, Peter Weir ne voulait pas d'une musique d'aventure typiquement hollywoodienne pour ce film. Un tel choix musical serait même allé à l'encontre de la démarche réaliste/dramatique voulu par le réalisateur. Ici, ne vous attendez donc pas à retrouver le style d'un 'Pirates', 'Cutthroat Island',' Captain Blood' ou 'The Sea Hawk'. On est très loin des cuivres pompeux et des pièces héroïques!

Concernant le score du film, on notera l'excellent 'The Far Side Of The World', essentiellement dominé par des percussions guerrières (les taïkos, percussions japonaises interprétées par le percussionniste Mike Fisher) avec quelques cordes et des notes de synthétiseurs atmosphériques. La musique crée à l'écran une certaine tension très captivante, surtout dans les séquences où l'équipage doit faire face à la menace du terrifiant Acheron, que certains considèrent même comme un vaisseau fantôme surgissant de nulle part. La globalité du score est essentiellement dominée par cette utilisation des percussions qui rythment les morceaux d'une force brute idéale pour l'âme guerrière du film. 'Into The Fog' repose à son tour sur ces rythmes de taïkos avec des cordes et des textures électroniques qui renforcent l'ambiance de tension du film lorsque la bataille contre l'Acheron devient imminente. Smoke N'Oakum' fait à son tour un bel usage des tambours taïkos sur une série d'ostinati rythmiques guerriers assez impressionnants dans le film, comme dans le sombre 'The Doldrums'. Quant à 'The Galapagos', ce dernier se distingue par son style nettement plus macabre avec des effets de cordes particulièrement sombres, et une superbe utilisation d'un violoncelle glauque, dans une nouvelle montée de tension impressionnante (le Acheron réapparaît mystérieusement lors de l'expédition de Maturin sur l'île des Galapagos). L'impact de ces musiques de suspense atmosphériques est assez impressionnant à l'écran. Evidemment, on regrettera juste le fait que la musique délaisse totalement toute approche thématique traditionnelle au profit d'une série de textures électroniques/instrumentales/rythmiques du plus bel effet.

Au final, le sombre et dissonant 'The Phasmid', ainsi que le rythmique 'The Battle' (utilisation de percussions diverses avec l'apparition étonnante d'une flûte aux sonorités asiatiques pour la bataille finale contre l'équipage français) et le sombre 'Full Circle' (superbes utilisations de sonorités électroniques à la fois profondes et lointaines, réellement terrifiantes dans le film!) concluent le film de manière sombre et rythmée. Vous l'aurez compris, la musique de 'Master and Commander' est donc assez particulière. Elle se partage ainsi entre pièces sombres, rythmées et atmosphériques et pièces du répertoire traditionnel et classique incluant Bach, Mozart, Corelli, Boccherini et Vaughan-Williams. Le résultat à l'écran est assez captivant, même si en écoute isolée, le score de Davies/Gordon/Tognetti perd totalement de toute sa puissance dans le film, faute d'une absence radicale d'éléments thématiques auquel se rattacher. L'utilisation des percussions japonaises sert cependant à unifier stylistiquement les 30 minutes composées par les trois musiciens pour 'Master and Commander', mais, malgré tout, on est loin ici du statut de chef-d'oeuvre. Mais ne soyons pas trop sévère, le résultat à l'écran est tout bonnement formidable. A vrai dire, cela faisait bien longtemps que l'on n'avait pas entendu une telle utilisation aussi astucieuse, déconcertante et osée d'un mélange musiques originales/classiques dans un film. A découvrir, surtout si vous vous lassez de la routine hollywoodienne habituelle!


---Quentin Billard