Face 1:

1-Le crabe-tambour 1ère partie
(thème principal) 2.13

Face 2:

2-Le crabe-tambour 2ème partie
(générique de fin) 2.06

Musique  composée par:

Philippe Sarde

Editeur:

Vogue-Melba-45 X 140339

Orchestre sous la direction de:
Carlo Savina

(c) 1977 Co-production AMLF/Lira Films/Bela Productions/TF1. Tous droits réservés.

Note: ***
LE CRABE-TAMBOUR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Sarde
Pierre Schoendoerffer s'est spécialisé tout au long de sa carrière de réalisateur (seulement 10 films à son actif depuis 'Ramuntcho' en 1959) dans les fictions traitant de la guerre et de l'armée française. 'Le Crabe-tambour' est sans aucun doute l'un de ses meilleurs films avec le fameux 'La 317ème Section' (1965), qui traitait de la guerre de Diên Biên Phu, sujet que le réalisateur abordera à nouveau dans le film homonyme de 1992. 'Le Crabe-tambour' évoque cette fois-ci l'histoire d'un médecin (Claude Rich) et d'un commandant (Jean Rochefort) d'une grande frégate française, qui, ensemble, se remémorent le souvenir d'un ancien officier alsacien qu'ils ont bien connus, le lieutenant Wilsdorf alias 'Le Crabe-tambour' (Jacques Perrin). 'Le Crabe-tambour' était un personnage intrigant, toujours accompagné par son fidèle chat noir qui le suivait partout. Son père le surnommait déjà 'le petit crabe', et, comme il jouait souvent du tambour sur son estomac après avoir bien mangé, il devint 'le Crabe-tambour'. C'est lorsque le médecin Pierre évoque brièvement le souvenir de Wilsdorf sur la passerelle que le commandant se sent soudainement assailli par des souvenirs qu'il ne peut s'empêcher de partager ensuite avec le médecin. Ensemble, ils se remémorent l'épisode de Wilsdorf lors de la guerre française en Indochine, puis en Algérie, lors du fameux putsch des généraux, qui valu au 'Crabe-tambour' de passer devant la cours martiale et de finir par écoper de 20 ans d'emprisonnement, alors que tout le monde pensait qu'il serait guillotiné à ce moment-là. Tourmenté, le commandant n'a jamais oublié ce moment douloureux où il trahit Wilsdorf au cours de son procès. Mais 'le Crabe-tambour' a été libéré il y a quelques années. Il est devenu un simple pêcheur. Aujourd'hui rongé secrètement par un cancer du poumon, le commandant n'espère qu'une chose à bord de son navire: rejoindre le bateau de pêche de Wilsdorf et lui faire ses adieux. Peut-être est-ce sa façon à lui de se faire pardonner avant de mourir.

L'excellent film de Schoendoerffer est tourné comme une sorte de film philosophique centré sur l'histoire d'un soldat légendaire. Le film est une adaptation du roman homonyme écrit par Schoendoerffer lui-même, récompensé en 1976 par le Grand Prix du roman de l'Académie Française (à noter que, toujours dans le monde de la littérature, Schoendoerffer est aussi l'auteur du fameux 'L'Adieu au Roi', que John Milius adaptera plus tard au cinéma en 1988). Pour les besoins de son film, le réalisateur a tenu le pari de tourner son film à bord du Jauréguiberry, célèbre escorteur d'escadre anti-aérien français, construit pour la détection aérienne et la conduite des missions aériennes et devenu actif dès 1958. Le navire effectua son dernier voyage en mer pour le tournage du 'Crabe-tambour' en 1977. Pour Schoendoerffer, le fait de tourner son film à bord de cet immense navire était symbolique. Il s'agissait pour lui de servir au mieux l'authenticité de son propos, puisqu'à l'origine, le personnage du 'Crabe-tambour' s'inspire du capitaine de vaisseau Pierre Guillaume, grand héros scout qui suivit un parcours similaire à celui de l'inoubliable personnage de Jacques Perrin dans 'Le Crabe-tambour'. Le film est tourné de manière lente, alternant de nombreux flash-back sur l'histoire de Wilsdorf. Si le récit a tendance à devenir lent et monotone, le réalisateur se rattrape sur la direction de ses trois principaux acteurs, Jean Rochefort, Claude Rich et Jacques Dufilho, tout trois excellents dans le rôle de ses officiers de la marine désabusés, chacun racontant à sa façon l'histoire du 'Crabe-tambour' (les séquences des histoires du personnage de Jacques Dufilho sont assez intrigantes, ce qui valu d'ailleurs à l'acteur le césar du meilleur second rôle masculin en 1978).

Philippe Sarde est au sommet de son art dans les années 70. Le compositeur venait d'écrire quelques unes de ses meilleures partitions telles que 'Le Locataire', 'Barocco', 'Le juge et l'assassin', 'Sept morts sur ordonnance', 'Les seins de glace', etc. Sa musique pour 'Le Crabe-tambour' ne fait certainement pas partie des grands classiques du Sarde des années 70. Néanmoins, on appréciera les recherches instrumentales/musicales habituelles du compositeur, toujours judicieux d'apporter un éclairage particulier aux films qu'il met en musique à travers ses partitions. Pour 'Le Crabe-tambour', Philippe Sarde a écrit une partition orchestrale assez sombre et atonale, dominé par un thème harmonique sombre et un thème entêtant joué par le fameux cor de chasse lié au personnage du 'Crabe-tambour'. L'utilisation étonnante d'un cor de chasse est en rapport direct avec le personnage interprété dans le film par Jacques Perrin, puisqu'on voit ce dernier accompagné par son fidèle clairon dans les séquences en Indochine. La partie asiatique du récit à Saigon est accompagnée à son tour par les notes du musicien Tran Quan Hai sur son monocorde vietnamien, l'un des plus célèbres instruments de la musique traditionnelle vietnamienne (lors d'une séquence à Terre-Neuve, Sarde n'hésitera pas à utiliser une sorte de petite musette traditionnelle, sur fond de cordes graves). C'est grâce à ce parfum d'authenticité musicale que Sarde arrive à soutenir l'authenticité du récit de Schoendoerffer.

Si le choix de ces deux instruments est on ne peut plus clair dans le film, il en va de même par rapport à la partie orchestrale atonale, qui n'hésite pas parfois à s'insérer par-dessus les deux instruments solistes. Cette musique orchestrale assez sombre apparaît dès l'ouverture du film, dominé par des cordes graves non dénuée d'une certaine noirceur. Cette musique atonale (mais pas du tout cacophonique, bien au contraire) accompagne la plupart des séquences où l'on voit le navire poursuivre son voyage sur des mers déchaînées. La musique est alors liée de manière intrinsèque aux tourments et aux sentiments du commandant, qui organise ce voyage dans l'espoir de retrouver une dernière fois le 'Crabe-tambour'. La musique apporte une certaine gravité assez sévère au film, une gravité souvent contrecarré par l'utilisation nostalgique du thème de cor de chasse lié au soldat mythique. D'une manière générale, Sarde a cherché à évoquer les sentiments des quatre personnages principaux (Wilsdorf, le commandant, le chef et le médecin) sur fond d'atmosphère plutôt grave et presque noire. La musique, qui tourne très souvent autour du même thème atonal répété à de multiples reprises tout au long du film, apporte un certain complément émotionnel à la fois fort et discret dans 'Le Crabe-tambour'. Certes, on est loin ici des grands chef-d'oeuvres du compositeur, et pourtant, la partition du 'Crabe-tambour' nous rappelle à quel point Philippe Sarde fut décidément l'un des grands compositeurs du cinéma français en cette fin des années 70, toujours prêt à relever le défi des parti-pris musicaux audacieux et recherchés.


---Quentin Billard