Scanners (1980)

1-Main Title 1.35
2-Vale Captured 4.07
3-Ephemerol 1.18
4-The Ripe Program 2.49
5-The Injection 2.48
6-Dirge For The Assassins 2.35
7-Vale's Lonely Walk 1.01
8-The Dart 1.32
9-Scanner Duel 5.47

The Brood (1979)

10-The Shape of Rage 12.16
(A Suite for 12 Strings)

Dead Ringers (1988)

11-Main Title 2.14
12-Bondage 2.41
13-Twins 1.00
14-Growing Awareness 0.58
15-Dependence 2.10
16-Helpless 0.47
17-The Operating Room 1.48
18-In Delirirum 2.39
19-Birthday Party 4.20
20-Suicide 5.27
21-Finale 3.16

Musique  composée par:

Howard Shore

Editeur:

Silva Screen
FILMCD 115

Produit par:
Howard Shore, Ford A.Thaxton
Producteur exécutif pour
Silva Screen Records Ltd:
Reynold da Silva
Supervision de l'édition CD:
David Stoner, James Fitzpatrick

Artwork and pictures (c) 1979, 1980, 1988, The Mantle Clinic II/Rank Film Distributors Ltd. All rights reserved.

Note: ***1/2
SCANNERS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Howard Shore
'Scanners' est sans aucun doute l'un des meilleurs films de David Cronenberg, le roi de l'horreur déjantée et torturée. Cronenberg décrit dans ce film canadien les méfaits d'un puissant 'scanner' nommé Darryl Revok (Michael Ironside), qui s'est mis en tête de conquérir le monde avec ses semblables. Les 'scanners' sont des êtres dotés de puissants pouvoirs télépathiques, capables de contrôler l'esprit des humains ou de provoquer des nausées, des malaises, des saignements de nez, etc. Afin de stopper les agissements de Revok, une organisation de sécurité nationale nommée la ConSec recrute alors un scanner nommé Cameron Vale (Stephen Lack), un clochard qui ignore encore tout de ses pouvoirs télépathiques. C'est le docteur Ruth (Patrick McGoohan) qui est chargé de former le scanner afin de le monter contre Revok et sa mystérieuse organisation de scanners assassins. Poursuivi par une horde de tueurs sans scrupules, Cameron va devoir user de ses pouvoirs pour survivre afin de rencontrer enfin Darryl Revok lors d'un affrontement final particulièrement mémorable et riche en rebondissements. A première vue, le scénario du film semble tenir sur une ligne: un bon scanner est formé pour affronter un mauvais scanner, mais comme d'habitude, Cronenberg tourne cette intrigue simpliste sous une forme plus complexe, plus torturée, et forcément plus passionnante. 'Scanners' doit essentiellement sa réputation de classique du cinéma d'horreur des années 80 grâce à sa mémorable séquence de l'explosion d'une tête vers le début du film, lors d'un test pour lequel Revok montre ses terrifiants pouvoirs meurtriers. Cette scène particulièrement gore fait appel à des effets spéciaux totalement artisanaux (du latex avec des ingrédients imitant du sang) mais extrêmement convaincant, même encore aujourd'hui. La séquence de l'affrontement final est elle aussi particulièrement gore et mémorable, dans un registre similaire au final de 'The Fury' de DePalma (duquel 'Scanners' semble quelque peu s'inspirer). Le film doit beaucoup à son excellente mise en scène, à un scénario de qualité et à l'excellente performance du sinistre Michael Ironside, révélé au public grâce à ce film. Bilan: un film d'horreur à l'ambiance envoûtante, réalisé avec une grande maestria!

Howard Shore venait de signer en 1979 la sinistre partition pour cordes pour 'The Brood', qui marque sa première collaboration avec David Cronenberg. Ce dernier semble avoir trouvé en Shore un même élan artistique, un même goût pour les ambiances macabres/envoûtantes. Le score de 'Scanners' se compose d'une partie orchestrale assez modeste et d'une impressionnante partie électronique quasiment expérimentale. Pour sa deuxième partition pour un film de Cronenberg, Shore frappe très fort et nous plonge dans une atmosphère suffocante et horrifique, dans laquelle on ressent un malaise constant, un malaise similaire à celui de Cameron Vale lorsqu'il découvre ses terrifiants pouvoirs ou lorsqu'il est assailli par des milliers de voix dans son esprit. Afin de retranscrire ce sentiment de malaise et de trouble constant, Shore a décidé d'opter pour une écriture atonale/avant-gardiste, dans la lignée du dissonant 'The Brood' mais en nettement plus chaotique. La partition utilise un seul thème principal exposé dès le début du 'Main Title' par des cordes en octaves. L'électronique intervient alors dans le générique de début pour créer une ambiance déjà particulièrement envoûtante, avec ces motifs de cordes répétitives et ces sonorités électroniques étranges (et parfois datées). On trouve déjà ici le style de l'excellente ouverture de 'The Fly' (1986), autre célèbre partition symphonique du compositeur pour l'un des meilleurs films de David Cronenberg.

Le thème principal, attribué au personnage de Cameron Vale, évoque aussi cette idée d'affrontement entre le bon et le mauvais scanner. La tension et le malaise dominent l'étrange 'Vale Captured', pour la séquence du début où les deux agents capturent Vale dans un magasin. Le morceau fait la part belle ici à des synthétiseurs étranges et répétitifs (soutenus par une tenue de cordes stridentes), qui créent un climat particulièrement dérangeant, dans un registre expérimental. Shore évoque alors les pouvoirs de Vale lorsqu'il s'attaque involontairement à la femme qui parle de lui à basse voix. Les sonorités électroniques étranges et incongrues évoquent les terrifiants pouvoirs des scanners et créent une ambiance envoûtante très particulière dans le film. A vrai dire, 'Scanners' doit beaucoup à la terrifiante musique expérimentale d'Howard Shore. 'Vale Captured' finit lors de la capture de Vale dans un registre plus chaotique et désorienté, avec des clusters et des glissandos de cordes glaciales qui ne sont pas sans rappeler les partitions avant-gardistes des années 60 (Xenakis, Penderecki, Ligeti, Scelsi, etc.).

Vous l'aurez sans doute compris, le reste du score d'Howard Shore va s'attacher à développer et à prolonger cette ambiance envoûtante et étrange tout à fait représentative de la musique de 'Scanners'. Shore nous propose une fusion intéressante de l'orchestre et de l'électronique (qui sonne très années 80 par moment, comme dans 'Ephemerol' par exemple) qui évoque le côté à la fois humain (orchestre) et surnaturel (électronique glauque) des scanners. Rarement une telle combinaison aura autant portée ses fruits dans un film d'horreur de ce genre. A l'inverse de beaucoup de films d'horreurs d'aujourd'hui, la musique de 'Scanners' ne se contente pas d'être massive et bruyante, elle va nettement plus loin en créant une atmosphère extrêmement envoûtante et parfois dérangeante. On a à faire ici à une composition quasiment psychologique, où le tourment et le chaos se mêlent à l'horreur et aux frissons. Un morceau comme 'The Ripe Program' (scène de la mort du Dr.Ruth, avec ces sons stridents évoquant les scènes de 'scanning') est tout à fait représentatif de ce mix orchestre/synthé dans un style glacial et frissonnant à souhait. Dans 'The Injection', Shore intensifie la partie orchestrale dissonante pour la séquence où Vale est soumis à un douloureux test 'auditif'. Ici aussi, le malaise est quasiment palpable, la musique renforçant à l'écran cette ambiance désorientée, proche de la folie.

'Vale's Lonely Work' est un peu à part avec son climat plus mélancolique, répétitif et solitaire. Shore utilise ici les cordes et le célesta pour évoquer l'errance du héros scanner. On notera une reprise du thème joué ici par une trompette. La partition atteint finalement l'inévitable climax avec le sombre 'Scanner Duel' pour l'affrontement final entre Revok et Vale. Shore installe une ambiance tendue avec des sonorités électroniques toujours aussi bizarres et installe un tapis de dissonances qui ne va cesser de monter crescendo, de manière très répétitive. Shore retranscrit la violence (gore) de cet affrontement avec une ultime fusion orchestre/synthé et un dernier retour du thème principal (ici, rendu puissant par les trompettes) pour un final chaotique à souhait, un ultime moment de terreur qui conclut le film sur un ton résolument sombre. Au final, 'Scanners' est sans aucun doute LA première partition majeure d'Howard Shore pour le cinéma, dans la lignée de son travail atonal pour 'The Brood'. Amateurs de partitions expérimentale et difficile d'accès, ruez-vous sur le score de 'Scanners' si vous le ne connaissez pas encore! Le score ne mérite peut être pas encore le statut de chef-d'oeuvre du compositeur, mais il n'en demeure pas moins un bien bel effort mémorable dans le début de carrière du compositeur canadien!


---Quentin Billard