1-Heat*+ 7.41
2-Always Forever Now++ 6.54
3-Condensers* 2.35
4-Refinery Surveillance*+ 1.45
5-Last Nite+++ 3.29
6-Ultramarine++++ 4.35
7-Armenia# 4.58
8-Of Helplessness* 2.39
9-Steel Cello Lament* 1.43
10-Myster Man+++ 4.39
11-New Dawn Fades## 2.51
12-Entrada & Shootout* 1.49
13-Force Marker** 3.36
14-Coffe Shop* 1.38
15-Fate Scrapes* 1.34
16-La Bas
(Edited Version)### 3.10
17-Gloradin### 3.56
18-Run UpHill* 2.51
19-Predator Diorama*+ 2.40
20-Of Separation* 2.21
21-God Moving Over
The Face of The Waters## 6.58

*Score de Elliot Goldenthal
**Ecrit, interprété et
produit par Brian Eno
+Interprété par le Kronos Quartet
++Interprété par Passengers
(Brian Eno/U2)
+++Interprété par Terje Rypdal
++++Interprété par Michael Brook
#Interprété par
Einsturzende Neubauten
##Interprété par Moby
###Interprété par Lisa Gerrard

Musique  composée par:

Elliot Goldenthal

Editeur:

Warner Bros Record
9362-46144-2

Score produit par:
Matthias Gohl
Musique éléctronique
produite par:
Richard Martinez
Monteurs de la musique:
Christopher Brooks,
Michael Connell,
Bill Abbott

Special Guest Artists:
Kronos Quartet and
"Deaf Elk" Guitar Orchestra
"Always Forever Now"
Performed by: Passengers
(Brian Eno/U2)
Music by: Passengers
(Brian Eno and U2)
"Last Nite and Mystery Man"
Performed and Written by:
Terje Rypdal.
Produced by: Manfred Eicher
"Ultramarine"
Performed, Written
and produced by:
Michael Brook
"Armenia"
Performed, Written
and Produced by:
Einsturzende Neubauten
"New Dawn Fades"
Performed and Produced by: Moby.
Written by: Joy Division
"God Moving Over The Face Of The Waters"
Performed and Produced by: Moby.
Written by: Richard Hall
"La Bas (Edited Version)
and Gloradin"

Performed, Written
and Produced by:
Lisa Gerrard

Artwork and pictures (c) 1995 Monarchy Entreprise B.V. and Regency Entertainment (USA), Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
HEAT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Elliot Goldenthal
'Heat' reste à ce jour l’un des meilleurs films du réalisateur Michael Mann, film mettant en scène l'affrontement entre deux grandes stars du cinéma américain, Al Pacino et Robert de Niro, entourés d'autres grands acteurs comme Val Kilmer, Jon Voight, Tom Sizemore, Diane Venora, Ashley Judd, Natalie Portman, et même Tom Noonan, de passage pour une scène. ‘Heat’ n'est pas qu'un simple film d'action, il est la représentation même d'un monde qui va à la dérive, un monde meurtri, livré à lui-même. Le film montre les conséquences de mauvais choix entraînant toute une succession d’événements tragiques et de conséquences dramatiques à long terme. La violence semble avoir tout envahi : la vie des couples s'effondre, les destins se brisent tout comme celui du flic Vincent Hanna (Al Pacino) et de sa femme Justine, celui de Chris Shiherlis (Val Kilmer) et de sa femme Charlene (Ashley Judd). La fille de Hanna (Natalie Portman) fait une tentative de suicide, parce que son père la néglige, obsédé par son travail ; une mère pleure sa fille, une prostituée assassinée par le bandit responsable de l’échec du premier braquage de Neil McCauley (Robert DeNiro) et assassin de son meilleur ami...pire encore, la mort l'emporte sur l'amour, puisque McCauley sera finalement tué dans un final quasi anthologique par Hanna, McCauley ayant dû abandonner la fille qu'il venait de rencontrer et à qui il avait promis de l'emmener loin d’ici pour vivre ensemble et fonder une famille. La peinture pessimiste de cet univers est amplifiée par un décor urbain assez froid, souvent claustrophobique, morose et déshumanisé. N’oublions pas non plus de mentionner la beauté des images et de la mise en scène de Michael Mann, assumant ses partis-pris visuels avec une audace constante, sans oublier quelques scènes d’action assez anthologiques comme la très spectaculaire fusillade dans la rue vers le milieu du film, scène incroyablement réaliste, utilisant le véritable bruit des armes à feu. En bref, 'Heat' est un polar réfléchi, tragique, violent et bouleversant, habilement mené par les grands monstres sacrés du cinéma américain, un vrai aboutissement du style fort et percutant de Michael Mann !

Le film, comme d'habitude, doit beaucoup à sa musique, celle d’Elliot Goldenthal mais aussi des morceaux d’artistes divers sélectionnés par le réalisateur et inclut dans la bande son du film. Effectivement, comme Michael Mann le fera plus tard dans ‘The Insider’ et ‘Miami Vice’, le score de ‘Heat’ côtoie des morceaux non-originaux récupérés pour les besoins du film car parfaitement adaptés à l’esprit du film. On découvre ici un vrai travail de recherche sur le rapport image/musique, un peu comme le fit Stanley Kubrick avec la musique de Krzysztof Penderecki pour ‘The Shining’. Le score d’Elliot Goldenthal est très original car c’est la première fois qu’il fait appel au fameux Kronos Quartet (un groupe de quatuor à cordes formé en 1973 et spécialisé dans l’interprétation de la musique contemporaine) mélangé avec l’orchestre symphonique habituel et un groupe de guitares électriques Deaf Elk (formé de 6 à 8 guitares accordées de façon différentes afin d’obtenir un son plus étrange et décalé, incluant le guitariste Page Hamilton du groupe de métal « Helmet »). Les guitares de Deaf Elk apportent une couleur « hard » étrange à la musique, couleur véhiculée par leurs sonorités sèches et saturées. Rajoutons à cela une utilisation importante du synthétiseur pour augmenter l’impact de ces morceaux atmosphériques. Michael Mann voulait donc une musique plus froide, distante et urbaine pour son film, refusant toute approche orchestrale conventionnelle qui n’aurait de toute évidence pas collée avec sa vision très personnelle de cette histoire violente et tragique. Elliot Goldenthal a donc eu l’occasion d’expérimenter sur une partition plus froide, sombre et atmosphérique, avec des sonorités inédites dans l’œuvre du compositeur.

Il n’y a pas de thème à proprement parler dans ce score, si ce n’est l’utilisation d’un ostinato rythmique électronique entendu dès le premier morceau du film ‘Heat’, un ostinato obsédant qui fait monter la tension de la scène du début avec le braquage du fourgon blindé qui tourne au bain de sang. On notera d’ailleurs la façon intense dont Goldenthal arrive à faire monter progressivement la tension de façon inexorable dans un morceau plutôt sombre et dramatique, avec ses cordes froides qui ouvrent le film (et des harmonies typiques du compositeur) accompagnées par les guitares Deaf Elk et les synthétiseurs qui prennent ensuite le relais pour conclure de manière chaotique cette première scène agitée. C’est l’ostinato rythmique qui installe progressivement ici la tension, sans oublier l’utilisation du Kronos Quartet avec les percussions mélangées aux guitares Deaf Elk et les samples de voix d’homme tout droit sortis de ‘Wreckage and Rape’ de 'Alien 3', sans oublier l’utilisation d’une batterie vers la fin du morceau. Avec cette première pièce du score, Elliot Goldenthal montre une fois de plus son penchant très prononcé pour l’expérimentation musicale.

Des morceaux comme ‘Of Seperation’ ou ‘Run Up Hill’ évoquent le côté à la fois sombre et dramatique du film en mentionnant le caractère inexorable de cette histoire par le biais d’une atmosphère morose et pesante comme seul Elliot Goldenthal en possède le secret. Le morceau de Terje Rypdal, ‘Last Nite’ (et son solo de guitare électrique sur fond new-age) accompagne quand à lui les moments plus intimes, et notamment pour la scène où McCauley rencontre Eady (Amy Brenneman) et tombe amoureux d’elle. Mais ce morceau est réutilisé plus tard lorsqu’on comprend que le destin va amener les deux amants à se séparer de façon plus dramatique - on n’échappe pas à son destin ! Parmi les morceaux non-originaux, on notera le superbe ‘Force Marker’ écrit par Brian Eno et entièrement interprété sur synthétiseur. Avec un ostinato rythmique répétitif et électronique (même rythme et sons assez proche de la techno, pendant plus de 3 minutes), le morceau accompagne de manière intense et rythmée la scène du hold-up de la banque après l’incroyable séquence de fusillade dans la rue. Le morceau de Brian Eno apporte un rythme urgent et une tension très réussie pour la scène du hold-up, à tel point que l’on pourrait presque croire que ‘Force Marker’ a été composé pour cette scène (alors qu’il sort en réalité d’un ancien album de Brian Eno intitulé ‘Begegungen’) A noter aussi ‘La Bas’, un morceau de la chanteuse Lisa Gerrard accompagnant une partie de la scène où Hanna retrouve sa fille dans sa baignoire après sa tentative de suicide. Le climat grave et la voix sombre de la chanteuse renforce le caractère tragique de cette scène, le réalisateur s’arrangeant toujours pour éviter que les morceaux non-originaux ressemblent aux précédents, apportant une réelle diversité et une richesse d’écoute surprenante à cette compilation réussie de ces musiques du film.

‘Entrada & Shootout’ impose progressivement un climat chaotique avec l’utilisation des guitares Deaf Elk très hard, des percussions et des sons électroniques très sombres (pour une scène de fusillade) avec les sursauts orchestraux qui se glissent entre ces différents éléments. Dans ‘Predator Diorama’, on retrouve cette atmosphère assez sombre avec des éléments similaires et l’utilisation du Kronos Quartet. Le morceau illustre la vengeance finale de McCauley qui s’est mis en tête de retrouver le traître, Waingro, et de le tuer une bonne fois pour toute. Sombre et tendu, ce morceau plus orchestral renforce le climat de tension déjà très présent dans ce film. Mais le score d’Elliot Goldenthal évoque aussi pleinement le caractère plus dramatique et tragique du film. Un morceau comme ‘Steel Cello Lament’ est tout à fait représentatif de ce côté tragique - à noter ici l’utilisation d’un violoncelle sombre et élégiaque sur un tempo lent et dramatique. ‘Of Helplessness’ est utilisé pour la scène poignante où la mère de la prostituée assassinée par Waingro pleure dans les bras de Vincent Hanna. Avec juste quelques cordes, Elliot Goldenthal arrive à véhiculer toute la souffrance et la tragédie de cette scène poignante. ‘Coffee Shop’ souligne avec quelques cordes et un piano la rencontre entre McCauley et Hanna dans un café, suggérant le lien qui unit ces deux personnages qui finiront par s’apprécier malgré le fait qu’ils soient obligés de s’affronter à cause du but qu’ils pourchassent - encore un élément dramatique que le réalisateur exploitera bien dans le dernier plan du film, pour la scène où Hanna tient la main de McCauley en train de mourir, après lui avoir tiré dessus. ‘Of Separation’ évoque la scène où McCauley doit quitter malgré lui Eady pour ne plus jamais la revoir, alors qu’il aperçoit au loin Hanna venu pour l’arrêter. Le caractère brutal et tragique de cette séparation est souligné encore une fois par des cordes dramatiques rappelant ‘Of Helplessness’, le morceau illustrant parfaitement toute l’intensité dramatique de la scène. Le film aboutit enfin à sa conclusion sur l’excellent ‘God Moving Over The Face Of The Water’ écrit par Richard Hall et interprété par Moby au synthétiseur. Le morceau apporte une émotion très touchante à cette scène finale en forme d’adieu. On regrettera simplement le fait que la version CD soit différente de celle du film.

En fin de compte, 'Heat' s’avère être un score atmosphérique très réussi, cohabitant avec de la musique non-originale typique des musiques des films de Michael Mann. Le mélange des deux éléments dans le film fonctionne parfaitement, Elliot Goldenthal ayant parfaitement saisi tous les propos du film à travers sa très sombre musique, à la fois tendue, sinistre, dramatique et élégiaque. On regrettera cependant l’omission d’un morceau sur le CD, entendu pour la scène où Hanna et ses hommes surveillent un dépôt où McCauley et Chris viennent faire un casse, un morceau qui rappelait étrangement le ‘Lontano’ de György Ligeti. Malgré les défauts inhérents au CD lui-même (la version du morceau final est très différente dans le CD et nettement plus intéressante dans le film), 'Heat' n’en demeure pas moins une excellente partition atmosphérique très réussie de la part d’Elliot Goldenthal, pas forcément facile d’accès mais qui permit au réalisateur d’expérimenter des choses nouvelles sur ce très beau film de Michael Mann !



---Quentin Billard