Musique  composée par:

Graeme Revell

Editeur:


Réalisateur:
Phillip Noyce
Genre:
Thriller
Avec:
Nicole Kidman, Sam Neill,
Billy Zane.

(c) 1989 Warner Bros.

Note: ***1/2
DEAD CALM
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Graeme Revell
Grand classique incontournable dans la filmographie du versatile réalisateur australien Phillip Noyce, 'Dead Calm' (Calme blanc) s'inspire d'un roman de Charles Williams pour évoquer le cauchemar d'une femme piégée par un psychopathe à bord d'un bateau. A l'origine, c'est Orson Welles qui devait réaliser le film dans les années 60, mais la mort de l'un des acteurs du film et des problèmes financiers l'obligèrent à annuler le projet. En 1989, Philipp Noyce a finalement réussi à concrétiser le projet sous la forme d'un thriller captivant au suspense glauque à souhait. Rae Ingram (Nicole Kidman) et son mari John (Sam Neill) sont encore sous le choc de la mort tragique de leur enfant, tué dans un accident de voiture. Afin de se changer les idées, le couple décide d'embarquer seuls à bord de leur bateau pour une croisière sereine sur l'Océan Pacifique. Mais ce qui s'annonçait comme un voyage paisible et sans histoire va se transformer en un véritable cauchemar avec l'arrivée de Hughie Warriner (Billy Zane), un homme étrange qui prétend que son bateau est en train de couler et que tous ses occupants sont morts dès suite d'une intoxication alimentaire. Incrédule, John décide quand même de recueillir Hughie à bord, et ce bien qu'il ne croit pas du tout à son histoire. Il décide d'aller seul sur son bateau pour vérifier si ce qu'il a dit est vrai. Il va finalement découvrir que les occupants ont tous été assassinés et que le bateau est bel et bien en train de couler. Pour Rae, c'est le début de l'enfer lorsque Hughie se montre soudainement violent et la kidnappe en s'emparant du bateau de John. Ce dernier n'a plus qu'une seule solution: réparer le bateau d'Hughie et tenter d'intercepter Rae avant qu'il ne soit trop tard. De son côté, Rae va tout tenter pour neutraliser le psychopathe et retrouver John.

Si vous aimez les huis-clos glauque et le suspense non-stop, 'Dead Calm' devrait vous séduire pleinement. Minimaliste, le film évite les artifices hollywoodiens habituels en se concentrant sur une véritable ambiance noire au possible, où l'isolation côtoie la tension à bord d'un bateau naviguant sur un Océan sans fin. 'Dead Calm' est surtout connu pour sa fameuse scène infâme du 'viol' (qui n'en est pas vraiment un), lorsque Rae Ingram se donne à Hughie pour tenter de l'amadouer afin de mieux le neutraliser. Cette scène assez dérangeante a fait couler beaucoup d'encre (pour rien) du côté des critiques américaines et a probablement contribué à lancer la carrière de Nicole Kidman, qui vole véritablement la vedette ici aux excellents Sam Neill et Billy Zane, encore peu connu à l'époque et qui, rappelons-le, débuta sa carrière avec un tout petit rôle dans 'Back To The Future' de Robert Zemeckis (1985). Bien avant d'être célèbre, Nicole Kidman prouvait déjà qu'elle avait l'étoffe d'une grande comédienne qui deviendrait incontournable par la suite dans le cinéma américain. Le réalisateur a tout misé ici sur la mise en scène et le jeu des acteurs, et ce malgré une fin assez moyenne avec l'éternel 'come-back' hollywoodien du méchant que l'on croyait mort et qui finit de manière assez peu crédible. Il faut dire que cette fin a été ajoutée par la production dès suite des demandes du public lors des 'screen-tests' (le roman de Charles Williams se termine différemment). Mention spéciale à Billy Zane dans l'un de ses meilleurs rôles, son personnage rivalisant entre charme, brutalité et folie.

Pour Graeme Revell, 'Dead Calm' représente son entrée royale dans le milieu de la musique de film. Fort de ses expériences avec son groupe de musique 'industrielle' SPK (Surgical Penis Klinik), Graeme Revell nous délivre un score à la limite de l'expérimental pour 'Dead Calm'. Revell nous propose ici un étonnant mélange entre synthétiseurs, percussions électroniques, violoncelle soliste, deux voix de soprano mystérieuses et des sons de souffle humains psychotiques, interprétés par le compositeur lui-même. A l'origine, le producteur George Miller souhaitait accompagner le film avec des portions du 'Tanhauser' de Richard Wagner, mais à la suite d'un compromis entre le réalisateur, le compositeur et le production, Graeme Revell a finalement réussi à accoucher d'un score électronique expérimental extrêmement sombre, glauque et étrange à la fois. Dès l'introduction du film, Revell pose immédiatement le ton du score en introduisant brièvement les deux mystérieuses soprano aux sonorités hypnotisantes et éthérées, soutenues par de sinistres synthétiseurs macabres et pesants. L'électronique perdure tout au long de cette longue introduction en créant une ambiance quasiment suffocante qui annonce déjà le suspense du film et son côté huis-clos terriblement oppressant. On notera déjà ici l'ambiance terriblement macabre que crée les sonorités électroniques dissonantes du score durant cette introduction sombre et dramatique. La séquence où Hughie s'empare du bateau de John est ainsi illustrée avec percussions électroniques, samples bizarres de choeurs et une rythmique de souffle humain évoquant la folie du psychopathe. Si vous aimez les atmosphères éprouvantes et particulières, vous devriez adorer ce genre de musique, pour sûr! Toujours est-il que l'effet est immédiat à l'écran: on ressent un véritable malaise tout au long du film, surtout dans les passages où la musique de Revell apparaît (elle reste utilisée avec parcimonie malgré tout).

En dehors d'un passage plutôt poignant au synthé après le kidnapping de Rae, le score va développer une atmosphère pesante et très sombre, reposant en grande partie sur les nappes de synthétiseur et des sonorités électroniques glauques. Dès lors, Revell met en place son unique thème principal, développé pour la première fois dans le film par un violoncelle samplée et les mystérieuses voix de soprano qui semblent flotter dans l'air de manière quasi surréaliste. Là aussi, l'effet est immédiat à l'écran, Revell nous plongeant dans une atmosphère oppressante et lugubre à la fois. On notera une superbe utilisation des voix de soprano dans la séquence où Rae recherche John après avoir repris les commandes du bateau. Les parties vocales semblent parfois surgir de l'au-delà, d'où ce côté parfois surréaliste de la musique qui rivalise sans problème avec le réalisme du film, lui apportant une touche émotionnelle non négligeable et très forte à l'écran. Le thème principal va rester très présent, alternant entre synthé, violoncelle électronique et voix éthérées. On ressent à merveille ce sentiment de menace, de danger dans le thème du score de Revell.

Les percussions et les rythmes psychotiques de souffle humain sont là pour renforcer le caractère sombre et menaçant de ces passages atmosphériques évoquant la folie et la menace du psychopathe, tout en renforçant dans le film le sentiment d'isolation (ce qui expliquerait alors le côté répétitif de la musique). Revell conserve cette ambiance sombre et pesante jusqu'au final plus violent où le compositeur utilise des effets électroniques sombres et les percussions électroniques pour un générique de fin qui récapitule toutes les principales idées du film. Vous l'aurez compris, 'Dead Calm' est décidément une partition bien à part dans la carrière du compositeur, certainement pas son plus grand chef-d'oeuvre (le score est somme toute très répétitif malgré ses quelques 30 minutes de musique au total) mais sans aucun doute une de ses partitions incontournables (et aussi l'une de ses musiques les plus difficiles d'accès). Pour sa première partition écrite pour le cinéma, Graeme Revell nous prouvait déjà en 1989 qu'il avait décidément de la suite dans les idées, à une époque où il osait encore expérimenter. Si 'The Crow' a rendu le compositeur célèbre dans le public béophile, 'Dead Calm' a contribué à associer définitivement le nom de Graeme Revell à la musique de film américaine. A noter que cette partition semble avoir fait son petit effet si l'on considère le nombre de critiques qui vante l'originalité quasi innovante de cette partition qui, l'air de rien, aura décidément attiré l'attention de la plupart des béophiles!


---Quentin Billard