1-Rock Island, 1931 3.22
2-Wake 1.55
3-Just The Feller 2.44
4-Mr.Rance 1.38
5-Bit Borrowers 2.25
6-Murder (in four parts) 7.54
7-Road To Chicago 3.06
8-Reading Room 1.25
9-Someday Sweetheart 3.06*
10-Meet Maguire 1.44
11-Blood Dog 1.06
12-Finn McGovern 2.11
13-The Farm 2.09
14-Dirty Money 3.10
15-Rain Hammers 2.41
16-A Blind Eye 2.27
17-Nothing To Trade 2.25
18-Queer Notion 2.46**
19-Virgin Mary 1.34
20-Shoot The Dead 2.25
21-Grave Drive 1.20
22-Cathedral 2.40***
23-There'll Be Some
Changes Made 2.59+
24-Ghosts 3.40
25-Lexington Hotel,
Room 1432 1.45
26-Road To Perdition 3.55
27-Perdition-Piano Duet 3.22++

*Ecrit par Benjamin Spikes
et John Spikes
Interprété par The
Charleston Chasers.
**Ecrit par Coleman Hawkins
Interprété par Fletcher Henderson
& His Orchestra.
***Inclu extraits de
'Alma Redemptoris Mater'
Interprété par The Choir of
King's College, Cambridge.
+Ecrit par Billy Higgins
et W.Benton Overstreet
Interprété par
Chicago Rhythm Kings.
++Ecrit par John M.Williams
Interprété par Tom Hanks
et Paul Newman.

Musique  composée par:

Thomas Newman

Editeur:

Decca Records
017 167-2 DH

Produit par:
Thomas Newman,
Bill Bernstein

Monteur de la musique:
Bill Bernstein
Assistant monteur:
Michael Zainer
Chargé de la musique pour
DreamWorks Pictures:
Todd Homme
Chargé des soundtracks pour
Universal Music Group:
Kathy Nelson
Chairman, Universal
Classics Group:
Chris Roberts
Music Business Affairs:
Lenny Whol,
Cindy Zaplachinski

Music Clearances par:
Julie Butchko
Coordination de l'album:
Meredith Friedman,
Leah M.Panlilio

Artwork and pictures (c) 2002 Dreamworks L.L.C. & Twentieth Century Fox Film Corp. All rights reserved.

Note: ***1/2
ROAD TO PERDITION
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Thomas Newman
Fort du succès de son désormais incontournable 'American Beauty', Sam Mendes nous revenait en force 3 ans plus tard avec l'excellent 'Road To Perdition' (Les sentiers de la perdition), ou le récit d'un gangster trahi (Tom Hanks), obligé de fuir avec son fils pour échapper à un tueur à gage engagé par son ancien patron. Michael Sullivan Jr. (Tyler Hoechlin) vit avec son père, sa mère et son petit frère. Il ne sait rien du travail de son père, un homme un peu distant et mystérieux, protégé d'un certain John Rooney (Paul Newman) qui l'a élevé et aimé comme un fils. Michael décide d'en avoir le coeur net et part espionner son père le soir où il doit partir pour une mission, accompagné de Connor Rooney (Daniel Craig), le fils de John. Sur place, le jeune enfant est témoin de l'assassinat d'un homme auquel son propre père est mêlé. Sullivan découvre son fils sur place et lui demande de ne rien raconter de ce qu'il a vu, mais pour Connor, c'est un tout autre son de cloche. Il décide de faire abattre un soir sa femme Annie (Jennifer Jason Leigh) et son autre fils, Peter (Liam Aiken). Heureusement pour Michael Jr., il n'était pas chez lui ce soir là. Sullivan décide de fuir la ville avec son fils, poursuivis par Maguire (Jude Law), le tueur engagé par John et ses sbires pour éliminer Sullivan.

'Road To Perdition' est plus qu'un simple thriller sur fond de criminalité et de gangster. Sam Mendes nous livre l'histoire poignante d'un père qui décide de mener sa dernière mission pour son fils, avant de trouver la rédemption en témoignant de son amour pour son fils comme il ne lui en a jamais témoigné. Le titre du film est fort astucieux, puisque 'Perdition' est le nom de la ville dans laquelle les deux héros se rendent vers la fin du film. C'est aussi le chemin de la perdition qu'emprunte Michael Sullivan, piégé dans un cercle infernal de violence et de vengeance, où la seule issue possible semble être la mort. Pour le petit Michael, c'est une sorte d'aventure initiatique dans laquelle il va comprendre ce que souhaitait réellement son père: l'empêcher de suivre le même chemin que lui, le chemin de la perdition. A ce sujet, le final du film est particulièrement poignant. Le film vaut évidemment par la qualité du jeu des acteurs, avec un Tom Hanks toujours au sommet de son art et surprenant dans la peau de ce gangster trahi et meurtri qui mène une vendetta personnelle pour venger la mort de sa femme et de son fils (on est loin ici de ses rôles habituels pour des comédies). Le jeune Tyler Hoechlin surprend aussi de par son jeu simple mais percutant, qui passe bien souvent par un regard perçant qui semble en dire plus long que de simples mots. On notera pour finir la froideur incroyable du jeu de Jude Law, formidable dans le rôle de ce tueur un peu fêlé et obsédé par la photographie de cadavres. Pour finir, on ne pourra que saluer l'excellente mise en scène du film, sobre, classique et élégante, le plus indéniable du film de Sam Mendes! A la fois thriller et drame poignant, qui s'interroge sur la conséquence des actes d'un homme sur son propre destin, 'Road To Perdition' est une nouvelle petite réussite du réalisateur de 'American Beauty'!

Thomas Newman collabore pour la seconde fois avec Sam Mendes après son score pour 'American Beauty'. La partition de 'Road To Perdition', généralement très appréciée par les béophiles, fait preuve de tout le savoir faire du compositeur, avec une formation instrumentale traditionnelle incluant l'orchestre, le piano et les synthétiseurs limite new-age. On retrouve aussi par moment quelques solistes avec guitares en tout genre (incluant mandoline), clarinette, flûtes (dont une flûte alto, au timbre plus chaud), hautbois d'amour, flûte irlandaise, cornemuse, etc. On retrouve, comme très souvent chez Thomas Newman, ce même souci des sonorités instrumentales recherchées, des ambiances fonctionnant tout en retenue, des ambiances parfois même planantes, reposant sur des harmonies de cordes vaporeuses et envoûtantes, etc. Pour ceux qui connaissent bien Thomas Newman, 'Road To Perdition' devrait leur permettre de nager en terrain connu. Certes, le film est plus ou moins violent, mais la musique nuance le propos du film et apporte un complément émotionnel quelque peu intense dans le film. Ici, pas de clusters de cordes, de cuivres vrombissants ou de percussions agressives, tout fonctionne sur la retenue avec, de temps à autre, quelques passages plus rythmés et nettement plus sombres et enlevés.

'Rock Island, 1931' nous propose une surprenante ouverture du score (et du film) avec l'utilisation d'une cornemuse soliste qui évoque le contexte du film (les personnages principaux sont d'origine irlandaise pour la plupart), accompagné par l'orchestre. C'est l'occasion pour le compositeur de nous introduire un premier thème sur une mesure à 3 temps, une introduction surprenante pour un compositeur qui n'avait encore jusqu'à présent jamais évoque l'Irlande ou le monde celtique dans sa musique. 'Wake' installe dès le début du film une ambiance quelque peu mélancolique et lente, avec un motif de 4 notes de hautbois avec cordes et harpe. Dès le début du film, on sait que les choses vont prendre une mauvaise tournure, comme si Newman cherchait déjà à anticiper ce qu'il va se passer pour nous faire rentrer plus rapidement dans son univers musical, et par conséquent, dans l'histoire du film (comme si Newman devenait le conteur de l'histoire). On retrouve dans 'Just The Feller' le Newman traditionnel et atmosphérique avec un piano vaporeux soutenu par quelques cordes et quelques synthés discrets qui créent une ambiance éthérée toute en retenue dans le film. On retrouve le côté plus inventif de Newman dans 'Mr.Rance' où il utilise des pizzicati avec une clarinette et quelques notes de guitares de style banjo, dans un style qui rappelle par moment certains passages de 'The Shawshank Redemption' (la partition la plus proche du style de 'Road To Perdition').

Newman nous dévoile une facette plus sombre du score dans le sinistre 'Bit Borrowers' avec ses cordes pesantes et graves et ses sonorités électroniques glauques et inquiétantes. On aura rarement entendu un Thomas Newman aussi sombre dans 'Road To Perdition', la preuve que le compositeur se plait désormais à varier les ambiances d'une partition à l'autre au lieu de rester cantonner aux comédies et aux drames qu'il met régulièrement en musique. Mais la partition prend une tournure plus dissonante dans le ténébreux 'Murder (In Four Parts)' pour la séquence de l'assassinat de la femme et du fils de Sullivan. Ici, Thomas Newman suggère la violence au lieu de nous l'asséner en plein visage, évitant les sentiments faciles et les ambiances conventionnelles. La tension, particulièrement présente, est relayée par des cordes insistantes, pesantes et envoûtantes, et des sonorités instrumentales qui vont crescendo, intensifiant l'émotion qui se dégage de cette sinistre séquence. Le suspense, très présent, n'en est pas moins nuancé par une certaine retenue qui, paradoxalement, rend la scène encore plus intense, sans tomber forcément dans le non-dit (c'est là tout le talent de Thomas Newman!). Le thème principal est exposé dans 'Road To Chicago', confié au piano et aux cordes, le genre de thème envoûtant et un mystérieux que Newman affectionne tant, et qui rappelle une fois encore ceux de 'The Shawshank Redemption' ou de 'The Green Mile'. D'une manière sobre mais efficace, le thème, pas forcément très mémorable, évoque le lien qui unit Sullivan et son fils et la mission que Michael doit mener à terme. Mais plutôt que de tomber dans du 'dramatisme' grandiloquent ou larmoyant, Newman préfère privilégier une ambiance thématique plus trouble, plus distante, et forcément plus personnelle. Attention cependant à la déception, pour ceux qui s'entendent à entendre dans ce score de grands thèmes dramatiques mémorables!

'Meet Maguire' nous dévoile enfin le côté plus expérimental du style de Thomas Newman, où l'on retrouve la formation instrumentale de 'Mr.Rance' avec clarinette, pizzicati insistant à la 'The Shawshank Redemption', guitares, timbales, etc. Grâce à son instrumentation un brin fantaisiste (on pense ici à 'Mad City' par exemple), Newman évoque le caractère dérangé du personnage de Jude Law alias Maguire, le tueur à gage qui poursuit Sullivan et son fils tout au long du film. Une fois encore, la musique apporte beaucoup à cette scène de par son côté recherché, à la limite ici de l'ironie voire du second degrés. La musique donne en tout cas un côté décalé et plutôt inquiétant au personnage de Maguire. On passe dans un univers plus atonal et glauque avec l'inquiétant 'Finn McGovern' pour la séquence de l'assassinat de McGovern, Newman installant une tension relayée par des cordes bourdonnantes et tendues et des sonorités électroniques intenses et inquiétantes. On ne pourra qu'apprécier la qualité de ces moments de suspense et de tension, des passages plus conventionnels mais qui apportent forcément un plus indéniable au film et à la partition dans sa globalité.

Newman évoque aussi le rapprochement du père et du fils dans le très beau 'The Farm', plus typique de ses musiques dramatiques/intimistes avec un piano léger et mélancolique et des cordes chaleureuses. Ici aussi, la musique joue sur la retenue, une retenue intimiste et particulièrement émouvante dans le film, dans la lignée de 'The Shawshank Redemption' (une fois de plus). 'Dirty Money' est un peu à part avec son caractère plus rythmé et quasi enjoué, pour la scène où Sullivan, avec l'aide de son fils, pille l'argent d'Al Capone dans les banques. Les cordes s'agitent ici, avec quelques sonorités instrumentales intéressantes (tambourin, cuivres, etc.), 'Dirty Money' exprimant la détermination du personnage de Tom Hanks sur un certain second degrés (le morceau paraît bien enjoué pour cette séquence pas si amusante que cela), la musique étant d'ailleurs particulièrement privilégié par le réalisateur si l'on considère l'excellent montage et le très bon mixage de la musique dans le film, jamais noyée sous des tonnes d'effets sonores ou de dialogues interminables, preuve que Sam Mendes affectionne particulièrement l'univers musical de Thomas Newman!

On ne pourra pas passer à côté de l'excellent 'Nothing To Trade' avec ses pizzicati interminables, ses cordes sombres et dissonantes et sa trompette en sourdine lointaine. Le morceau accompagne la séquence où Maguire s'attaque à Sullivan dans l'hôtel où se trouve Alexander Rance (Dylan Baker). Une fois encore, Newman prend des distances avec l'action et la violence, même si ici, le traitement des cordes se fait plus brutal, plus dissonant et presque plus percussif. On retrouve une ambiance plus similaire dans le sombre 'Shoot The Dead' avec des percussions soudaines, brutales et des cordes survoltées (sans aucun doute le morceau le plus orienté 'action' dans le score de 'Road To Perdition'), pour une autre scène de confrontation avec Maguire. On ne pourra pas passer à côté de l'excellent 'Ghostst', illustrant la séquence où Sullivan tue son patron. La scène (l'une des meilleures du film), est filmée dans un ralenti hypnotisant, sans bruitages durant la fusillade, privilégiant la musique à 100%. Des notes de piano résonnent sur des synthés atmosphériques vaporeux, résonnant de manière lointaine. Il s'opère ici aussi un certain décalage intéressant avec cette superbe scène-clé où la musique vient relativiser la violence de la scène et accentuer la maîtrise de la mise en scène de Sam Mendes. Ici, John Rooney tourne le dos à la fusillade, comme s'il se préparait à l'inexorable lorsqu'il va se retourner. De son côté, Sullivan tire dans le noir, où on ne le voit pas. Il devient ici un être de l'ombre, obscurci par son appétit de vengeance. C'est tout cela qui transparaît dans cette superbe séquence-clé incontournable dans le film! On finira avec le sombre et tourmenté 'Lexington Hotel, Room 1432', lorsque Sullivan accompli sa vengeance. La musique l'accompagne ici avec de terrifiantes timbales martelés de manière régulière un lente, comme pour évoquer l'inexorabilité de la vengeance de Sullivan, avec des cordes tourmentées et torturées, synonyme de violence. Le film finira alors sur une note plus émouvante avec le très beau 'Road To Perdition' et son thème de piano avec cordes chaleureuses qui évoque la relation père/fils, sublimée de manière poignante au cours d'un final magnifique.

Bilan plus que positif pour un très bon score de Thomas Newman dont l'unique défaut est de trop ressembler à tout ce que le compositeur a déjà fait auparavant (d'où le fait que la note que le score obtient est de 3,5 au lieu de 4). On a trop l'impression de réentendre ici 'The Shawshank Redemption', 'The Green Mile', 'Mad City', 'In The Bedroom', 'Meet Joe Black', etc. On ne peut évidemment pas en vouloir au compositeur qui reste ici fidèle à sa propre personnalité musicale (quoi de plus naturel), mais on aurait simplement apprécié entendre quelques idées plus novatrices, en dehors de la fantaisie instrumentale de certains passages du score. Il se dégage néanmoins de ce score une atmosphère vraiment particulière, faite de mélancolie, d'intimité, de retenue, de suspense, de tension et parfois même d'ironie. Au sommet de son art, Thomas Newman fait désormais partie de ces grands compositeurs un peu en marge du conventionnalisme hollywoodien, et qui savent conserver leurs propres idées musicales sans avoir à se fondre dans le moule hollywoodien. 'Road To Perdition' n'est pas ce style de BO facile d'accès ou appréciable à la première écoute. C'est le genre de musique qui grandit en nous à chaque écoute tout en s'imprégnant des images du très bon film de Sam Mendes. Alors, au final, que de talent!


---Quentin Billard