Très beau film du réalisateur controversé Adrian Lyne, « Indecent Proposal » (Proposition indécente) raconte l’histoire d’un jeune couple, Diana (Demi Moore) et David Murphy (Woody Harrelson) qui vit le parfait amour depuis l’enfance. Hélas, suite à une importante crise économique, Diana et David perdent chacun leur emploi. Criblés de dettes, ils n’ont plus d’autre choix que de réunir d’urgence 50.000 dollars qu’ils espèrent ainsi gagner en jouant à des jeux de hasard à Las Vegas. Malheureusement, ils perdent tout ce qui restait de leurs économies au jeu et se retrouvent désormais ruinés. C’est alors qu’intervient le mystérieux John Gage (Robert Redford), un milliardaire influent qui fait alors une proposition pour le moins inattendue au couple : il propose ainsi de leur offrir 1 million de dollars en échange d’une nuit d’amour avec Diana. D’abord choqués par une proposition aussi indécente, David et Diana réfléchissent et se laissent finalement convaincre, obligés d’accepter l’offre du milliardaire qui leur permettra enfin de rembourser toutes leurs dettes.

Réalisateur des très sulfureux « Nine 1/2 Weeks » et « Fatal Attraction », Adrian Lyne décida de s’orienter au début des années 90 vers un cinéma plus accessible et commercial avec « Indecent Proposal ». Le film ne fut pas épargné par la critique et provoqua même l’indignation des fans du réalisateur qui ne retrouvèrent pas le style sulfureux habituel cher au réalisateur (« Indecent Proposal » fut d’ailleurs nominé aux Razzie Awards 1993 dans la catégorie du « pire réalisateur »). Pourtant, le film s’avère plutôt réussi et particulièrement touchant, racontant l’histoire d’amour impossible entre un milliardaire amoureux fou d’une femme qui ne lui prêtera jamais le moindre regard. Réalisé sans artifice particulier, « Indecent Proposal » est un drame romantique particulièrement poignant, servi par un excellent trio formé par Woody Harrelson/Demi Moore et Robert Redford.

« Indecent Proposal » doit beaucoup à sa très belle partition de John Barry, qui, trois ans après « Dances with Wolves », renoue avec un style plus lyrique, intime et romantique. Le thème de la partition de John Barry prend les traits d’une magnifique mélodie pour piano, d’une délicatesse à faire frémir les plus endurcis, accompagnée le plus simplement du monde par quelques cordes, une mélodie plutôt fragile et gracieuse, extrêmement douce et romantique, qui illustre parfaitement le caractère dramatique de l'histoire : un couple se détruit, un amour impossible, etc. Fidèle à son goût pour un lyrisme épuré et poignant, John Barry sait, dès le générique de début du film, résumer brillamment toutes ces idées à travers sa musique. L’instrument principal de la partition de « Indecent Proposal » reste donc ici le piano, instrument de l’intimité par excellence chez John Barry.

On découvrira ensuite un second thème, associé dans le film à John Gage, brillamment interprété à l’écran par Robert Redford dans le rôle du milliardaire amoureux de Diana, un amour qui s’avère être sans issue. Tout comme le réalisateur lui-même, la musique de John Barry ne s’encombre pas de psychologie ou de réflexion sur le problème philosophique que soulève la démarche de John Gage dans le film (le « vrai » amour peut-il s’acheter ?) mais s’oriente davantage sur une évocation plutôt simple et intime des sentiments du personnage. Barry associe donc à ce personnage un thème lyrique et romantique, mais beaucoup plus léger que le thème principal associé au couple. Cette mélodie plus nostalgique d’esprit apparait souvent dans le film lors des passages entre Diana et John, et apporte une certaine lumière à ces scènes plus intimes. John Barry joue ici sur une certaine retenue et un minimalisme constant. En ce sens, ceux qui s’attendent à entendre ici de grandes envolées romantiques ou mélodramatiques risquent fort d’être déçus, car la musique de « Indecent Proposal » s’avère être extrêmement épurée et d’une grande sobriété. John Barry est depuis longtemps l’un des grands maîtres des musiques romantiques, lyriques et sentimentales dans le cinéma amércain, et le film d’Adrian Lyne n’échappe pas à la règle : le célèbre compositeur britannique nous offre ainsi une musique touchante, intime et vibrante, à travers laquelle on ressent les différents sentiments et émotions des trois personnages principaux, qu’il s’agisse des remords de David, des doutes de Diana ou de l’errance de John. Le compositeur a donc su brillamment rentrer en profondeur dans l'esprit des personnages, aboutissant ainsi à une partition intime et lyrique particulièrement réussie dans le film.

Certains morceaux du score s’avèrent être plus dramatique et plus sombre d’esprit, trahissant une certaine amertume et un désespoir sous-jacent, et plus particulièrement lorsque Diana quitte son mari pour rejoindre le milliardaire sur son paquebot. Ici aussi, John Barry confirme une certaine retenue et ne bascule jamais dans le mélodramatique. Sa musique trouve le ton juste sur les images du film, conservant une certaine finesse même si l’on regrettera une fois de plus le tic réellement agaçant du compositeur : un certain systématisme dans la façon de répéter toujours deux fois ses phrases mélodiques. A noter pour finir que l’album regroupe aussi plusieurs chansons du film, en particulier la très belle chanson « I’m Not in Love » de The Pretenders et « In All The Right Places » écrite par John Barry lui-même, chansons qui permettent dans le film de prolonger l’émotion de l’histoire.

Il est assez regrettable que John Barry ait décidé d’organiser sur l’album son score orchestral autour d’une seule piste de 25 minutes, ce qui diminue malheureusement l'intérêt de l'écoute de la musique sur le CD. Heureusement, ce très long morceau qui regroupe les principaux thèmes et morceaux de la partition de John Barry, nous permet de retrouver les ambiances principales de la musique du film d’Adrian Lyne, une musique qui s’impose finalement par sa très grande délicatesse, son émotion, son lyrisme tout en retenu et ses mélodies de piano poignantes. Au final, John Barry nous livre une partition minimaliste et romantique pour le très beau film d’Adrian Lyne, une musique qui devrait combler les amateurs du style lyrique du compositeur britannique !


---Quentin Billard