1-Générique début 2.03
2-Brouillard 1.55
3-Morue salée 0.49
4-Chez Chevassus 2.28
5-Le Printemps 1.35
6-Le Départ de La
Marie-Galante 3.19
7-La Mort de Louis-Olivier 1.00
8-Le Déménagement du
Café du Nord 1.30
9-La mort en route2.52
10-L'émeute/Le chemisier 1.55
11-Galop sur la Banquise 2.09
12-L'Hiver 2.03
13-Sois Prudente Pauline 4.21
14-Madame "La" chez Neel 1.59
15-Embarquement 2.30
16-Ramées 1.48
17-Un échange de regards 1.19
18-Sauver votre vie 2.03
19-Les Adieux 2.57
20-Final 5.22

Musique  composée par:

Pascal Estève

Editeur:

Polydor 542 572-2

Consultant musical:
Edouard Dubois
Production exécutive:
Emmanuel Legrand
Album conçu
et réalisé par:
Stéphane Lerouge,
Edouard Dubois

Coordination:
Daniel Richard, Laurent Bizot
Pascal Bod

Artwork and pictures (c) 2000 Universal Music. All rights reserved.

Note: ***1/2
LA VEUVE DE SAINT-PIERRE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Pascal Estève
Après 'La Fille sur le Pont', Patrice Leconte nous revient en pleine forme sur 'La Veuve de Saint-Pierre' où il s'inspire d'un fait divers survenu au milieu du 19ème siècle en France pour nous raconte ce drame poignant. L'histoire se passe en 1849, sur la petite île française tranquille de Saint-Pierre au large du Canada. Un soir, Neel Auguste (Emir Kusturica) et son compagnon de breuvage Louis-Olivier (Reynald Bouchard), tout deux sous l'effet de l'alcool, assassinent un homme. Jugés par le tribunal de Saint-Pierre, les deux individus sont condamnés à mort. Le seul problème, c'est qu'il n'y a ni de guillotine ni de bourreau sur l'île. Le gouvernement français promet de faire tout le nécessaire pour que les deux hommes soient le plus vite guillotinés comme prévu, mais tout tarde à venir. En attendant son exécution, Neel Auguste est placé sous la garde du capitaine Jean (Daniel Auteuil). Sa femme, Madame "La" (Juliette Binoche), commence à s'intéresser à Neel Auguste et le traite avec beaucoup d'attention et d'humanité. Elle lui propose alors de mener quelques actions charitables et d'aider la communauté en attendant son exécution. En grande humaniste qu'elle est, Madame La est convaincue que tout homme ayant commis un crime peut se racheter et prétendre retrouver la paix. En l'espace de quelques jours, Neel Auguste devient très populaire auprès des citoyens de l'île, à tel point que ces derniers finissent par se révolter et empêcher sa condamnation à mort. Mais il est trop tard: le gouvernement a fini par envoyer un bourreau et une guillotine par bateau sur l'île. Désormais, le capitaine et sa femme vont tout faire pour se battre et pour obtenir la rédemption de Neel Auguste. Mais la loi est la loi, et le capitaine sait que s'il persiste dans cette attitude, il sera jugé pour sédition et finira exécuté à son tour.

Bien plus ambitieux que les précédents films de Patrice Leconte (mais plus sérieux que '1 Chance sur 2'), 'La Veuve de Saint-Pierre' est un drame poignant dans lequel le réalisateur nous décrit une histoire d'amour poignante entre le capitaine et sa femme pour qui il voue une véritable admiration sans bornes, et qui se battront ensemble pour protéger un homme sur le point d'être exécuté, et qui se rachète en servant la communauté. On pourrait croire que la femme du capitaine est amoureuse de Neel Auguste, mais ce n'est pas de l'humour, plutôt une sorte de compassion chaleureuse et humaine pour un homme en qui elle ne voit que bonté même s'il est coupable d'un crime. A travers son entêtement, Madame La entraînera son mari et son protégé à leur perte. C'est tout là le récit poignant de cette histoire vraie que Patrice Leconte a brillamment mis en scène avec une sobriété exemplaire comme dans la plupart de ses films. Du point de vue de l'interprétation, on ne pourra pas passer à côté de la présence assez exceptionnelle du réalisateur Emir Kusturica ('Arizona Dream', 'Underground', 'Chat noir chat blanc', 'Le temps des gitans', etc.) dans le rôle de Neel Auguste. Jusqu'à présent, Kusturica n'avait encore jamais réellement joué dans un film, hormis ses quelques apparitions furtives dans ses propres films. Pourtant, Patrice Leconte expliquait dans une interview qu'il avait tenu à engager Kusturica car, selon lui, le réalisateur avait la 'gueule de l'emploi'. Satisfait à l'idée de tenter une nouvelle expérience, Kusturica s'est finalement laissé convaincre, et il a eu raison, car il interprète son personnage avec une certaine retenue et une sobriété de jeu exemplaire et touchante à la fois. Face à lui, Daniel Auteuil et Juliette Binoche sont extrêmement convaincants. Comme d'habitude, Leconte a sut s'entourer de la bonne équipe, et le résultat s'en fait grandement ressentir à l'écran.

Pascal Estève n'est pas vraiment un nouveau venu dans la musique de film française, puisqu'il a écrit auparavant les musiques d'un autre film de Patrice Leconte, 'Le Parfum d'Yvonne' (1994), ainsi que 'L'Irrésolu' de Jean-Pierre Ronssin (1994). Mais c'est sans aucun doute sa participation à 'La Veuve de Saint-Pierre' qui lui a permit d'être découvert par les béophiles. Estève fait partie de cette nouvelle génération de compositeur français prêts à assurer la relève, tels que Alexandre Desplat, Philippe Rombi, Bruno Coulais, Nicolas Errèra, etc. Sa partition symphonique pour 'La Veuve de Saint-Pierre' fait preuve d'un classicisme d'écriture étonnant, raffiné et d'une grande beauté. A vrai dire, c'est l'utilisation de quelques instruments solistes qui attirent ici notre attention, et plus particulièrement l'accordéon avec d'autres instruments tels qu'un bandonéon, un hautbois, un violoncelle, un alto et une partie vocale soliste. Avec la traditionnelle ouverture du générique de début, Estève nous plonge immédiatement dans l'ambiance dramatique et mélancolique de sa musique avec des cordes sombres et lentes et quelques vents avec solistes qui annoncent déjà l'excellent thème principal. Ce thème mémorable possède un côté air populaire folklorique avec une certaine mélancolie nostalgique qui sied à merveille à l'ambiance dramatique du film. On ne pourra d'ailleurs pas passer à côté de la très belle variante instrumentale de ce thème dans 'Morue Salée' où Pascal Estève confie le thème au chant avec violon, violoncelle, alto et accordéon, toujours avec une certaine simplicité désarmante et touchante qui nous rappelle qu'il n'est pas toujours nécessaire d'en faire des tonnes pour émouvoir.

'Chez Chevassus' évoque alors la gravité du crime de Neel Auguste avec des cordes plus sombres et plus agitées, tandis que le compositeur tente d'apaiser le climat dans le lyrique 'Le Printemps' et son écriture de cordes très classique, qui rappelle par moment la spontanéité musicale d'un Georges Delerue. Estève prolonge cette atmosphère lyrique dans le poignant 'Le printemps' où règne désormais une certaine sérénité toujours relayée par les cordes, comme pour exprimer le fait que Neel Auguste semble avoir trouvé la paix dans ses activités. Le rappel poignant du thème principal aux cordes dans 'La mort de Louis-Olivier' est là pour nous rappeler le triste destin qui attend Neel à la fin de cette aventure. On retrouve une fois encore de très belles orchestrations alliant cordes, alto, chant, accordéon et violoncelle pour ce thème parfaitement intégré dans l'esprit dramatique du film. Dans un domaine plus folklorique, Estève nous permet d'entendre une jolie pièce à trois temps dans 'Le déménagement du café du Nord', lorsque Neel Auguste aide les habitants de l'île à déplacer une maison sur roue. Le compositeur en profite ainsi pour donner une nouvelle variante du thème sous un aspect plus dansant, évoquant son amitié avec les villageois. Toujours dans un souci dramatique, Estève se plaît à varier les ambiances et développe une certaine noirceur dans le sombre 'La mort en route' dominée par des cordes graves qui semble en dire long sur la scène, comme dans le sombre 'L'émeute/Le chemisier' avec ses cordes tourmentées pour la séquence de l'émeute des villageois pour défendre Neel Auguste.

Le reste du score est dans le même ordre d'idée, passant du mélancolique ('L'hiver' ou 'Madame 'la' chez Neel' avec une jolie formation de cordes) au sombre ('Ramées' évoquant la situation de Neel) jusqu'à un final que l'on soit à l'avance tragique, et qui débute avec le poignant 'Un échange de regards' pour aboutir au plaintif 'Les adieux' et au douloureux 'Final' où résonne l'accordéon de manière solitaire, comme une sorte de complainte lointaine sur le magnifique thème principal aux accents populaires. Bilan positif donc pour une très belle partition orchestrale au classicisme clairement revendiquée, dénuée de toute originalité mais parfaitement écrite et maîtrisée. On regrettera le côté un peu monotone et répétitif de cette musique qui, bien qu'elle alterne les passages légers, lyriques, sombres ou mélancoliques, n'en demeure pas moins relativement uniforme à l'écoute. Comme d'habitude, la musique apporte ici un complément émotionnel indispensable au film de Patrice Leconte, lui conférant un caractère dramatique décuplée par la sobriété et la maîtrise de la mise en scène. Au final, cet excellent travail du jeune Pascal Estève est la preuve que ce dernier est sans aucun doute une valeur sûre parmi la nouvelle génération de musiciens français dignes de succéder à Philippe Sarde, Georges Delerue, Michel Magne ou Antoine Duhamel.


---Quentin Billard