1-I Am Dina 5.02
2-Graveyard 2.36
3-Dina's Etude 2.05
4-Dina Delivers 1.29
5-Marco Marries Dina 1.51
6-Firklover String Jig 1.20
7-Dina Tunes Out 1.13
8-Organ Grinder 1.53
9-Lorch Serenades 1.40
10-Love & Marriage 3.40
11-America Or Bust 2.02
12-Goodbye Lorch 1.36
13-Labor Pains 1.39
14-Good Will Hunting 1.02
15-Slow Dingo 2.02
16-Can't Buy Me Luv 2.31
17-Firklover Piano 0.44
18-Swiss Miss 1.51
19-We Are Dina 2.09
20-Dina's Lullaby 3.15*
21-She Said 3.07**
22-Dina's Firklover Party 1.59
23-Dit-Elle 4.14***
24-Film III 5.20***
25-Dina (radio edit) 3.53+

*Composé par Marco Beltrami
et Jorane
Interprété par Jorane
Montage musique:
Chris McGeary,
Mike Andreas.
**Interprété par Jorane
***Composé et interprété
par Jorane
+Composé par Jorane,
B.Nisperos, T.Babin
Interprété par Jorane.

Musique  composée par:

Marco Beltrami

Editeur:

Decca Records
017 509-2

Monteur de la musique:
Thomas Lester
Coordinateur soundtrack:
Daniel Pieper
pour Universal Music.

Artwork and pictures (c) 2002 Universal Music/Decca Records. All rights reserved.

Note: ****
I AM DINA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami
Pour son septième film, le réalisateur danois Ole Bornedal a décidé de frapper fort en adaptant à l'écran la trilogie de l'écrivaine norvégienne Herbjorg Wassmo ('Dina's Book', 'Son Of Joy' et 'Karna's Inheritance'). Avec son budget de 144 millions de couronnes norvégiennes (qui équivaut à peu près à 21 millions de dollars américains), 'I Am Dina' est sans aucun doute l'un des films les plus chers de toute l'histoire du cinéma Norvégien. Bornedal s'est même payé le luxe de faire appel à Gérard Depardieu et Christopher Eccleston pour ce drame terriblement poignant interprété par la formidable Maria Bonnevie qui remporta un 'Amanda Awards' en 2002 en Norvège pour son interprétation sublime de Dina. Ole Bornedal nous invite ainsi à partager l'histoire tragique et tourmentée de Dina, une jeune fille qui, à l'âge de 5 ans, tue accidentellement sa mère et vit par la suite recluse sur elle-même, sauvage, rebelle, haït par son père. La petite Dina trouve alors du réconfort auprès de Lorch (Soren Saetter-Lassen), son maître de musique qui lui apprend à jouer du violoncelle. Au fil des années, Dina grandit et devient une jeune femme mure, mais toujours aussi sauvage. Dina vit hors des conventions sociales. Elle est farouche, impulsive, brutale, rebelle et emplie d'une animosité qui ne l'a jamais quitté depuis la mort tragique de sa mère agonisante qu'elle a entendue hurler de douleur pendant que son père l'avait enfermé seule dans le grenier d'une maison. Jacob (Gérard Depardieu), le grand ami du père de Dina, tombe amoureux fou de sa fille et décide de l'épouser alors qu'il ne la connaît même pas. Il ne va pas tarder à comprendre qu'il a fait une erreur et qu'il commence à le regretter amèrement. De son côté, Dina découvre l'amour en compagnie de Jacob, et ce n'est pas pour autant qu'elle s'adoucit, loin de là. Après la mort tragique de son mari et le départ de Lorch, Dina commence à comprendre que tout ceux qu'elle aime meurent ou finissent par la quitter, comme si elle était maudite. En proie à de terribles hallucinations, la jeune femme vit constamment entre la vie et le monde de la mort, accompagnée sans cesse par les fantômes de sa mère et de son mari qu'elle a tué afin d'abréger ses souffrances.

L'atout majeur de ce drame sordide et poignant provient ainsi de l'interprétation hallucinée de Marie Bonnevie qui nous livre ici une véritable leçon de jeu d'actrice. Formidable du début jusqu'à la fin, l'actrice norvégienne a sans aucun doute interprété ici le plus beau rôle de sa vie, soutenue par l'excellente mise en scène d'Ole Bornedal. Face à elle, Gérard Depardieu et Christopher Eccleston paraissent même presque ternes. Poignant du début jusqu'à la fin, 'I Am Dina' est un film dur qui nous parle avec pessimisme de la cruauté de l'existence humaine, de la souffrance, de la passion et des tourments de l'âme humaine. Le film de Bornedal rappelle même parfois le style noir et sans concession d'un Zulawski pour l'aspect tourmenté/psychologique et d'un Lars Von Trier pour le côté cru de la mise en scène. Le réalisateur parvient ainsi à restituer toute la saveur d'une oeuvre littéraire, sans effets de style superflus, sans éléments visuels gratuits, sans artifices cinématographiques. On pourra peut-être reprocher au film d'exagérer considérablement le caractère maudit de Dina (il ne lui arrive que des malheurs toutes les 5 minutes!), mais en dehors de ce détail minime, on ne pourra certainement pas rester insensible à cette histoire d'amour tumultueuse, passionnée, tragique et déchirante, filmée d'une main de maître avec grande classe!

Marco Beltrami a déjà collaboré avec Ole Bornedal à deux reprises puisqu'il a déjà signé les musiques de 'Nightwatch' (1997) et le téléfilm 'Deep Water' (1999). Pour sa troisième collaboration avec le réalisateur danois, Marco Beltrami dépasse toutes les attentes et nous livre une magnifique partition orchestrale à des années lumière de ce qu'il a put faire auparavant. Avec 'I Am Dina', Beltrami nous prouve enfin qu'il a l'étoffe d'un grand musicien capable de s'exprimer avec passion, ardeur et lyrisme. Comme le précise le compositeur lui-même dans une note du livret du CD, 'I Am Dina' est ce genre de projet inespéré pour un compositeur qui espère un jour ou l'autre avoir à composer pour ce genre de film plus artistique et plus personnel, car, avec 'I Am Dina', on est loin, très loin de la fadeur des productions hollywoodiennes et de certaines partitions de Beltrami pour des thrillers lambda genre 'The Watcher' ou 'Joy Ride'. Pour 'I Am Dina', Beltrami eu un an pour réfléchir à la manière dont il allait écrire sa musique. Le sujet se déroulant en Norvège, il fallait tenter de se rapprocher d'un certain classicisme tout en conférant à sa partition un caractère assez moderne et classique à la fois. A la première écoute de la musique dans le film, on ne peut qu'être touché par le lyrisme poignant qui se dégage de cette musique passionnée et tourmentée. De plus, la musique est nettement bien mise en valeur dans le film par le réalisateur qui a semble t'il accordé beaucoup d'importance au travail de Marco Beltrami. Ceci n'a rien d'étonnant puisque Dina, interprétée par la magnifique Maria Bonnevie, se refugie dans la musique pour oublier ses tourments. Au sujet de la musique de 'I Am Dina', le réalisateur n'hésite pas à affirmer:
" Le film ne fonctionne pas sans musique et la musique ne fonctionne pas sans film "

Cette simple phrase en apparence anodine résume pourtant à elle seule tout l'esprit du film et de la magnifique composition de Marco Beltrami, qui semble avoir trouvé un véritable écho artistique pour son inspiration auprès d'Ole Bornedal. Afin d'illustrer l'isolement de Dina dans la musique, Beltrami a choisi d'accorder le plus simplement du monde une part importante au violoncelle, véritable clef de voûte de la partition de 'I Am Dina'. Le violoncelle (interprété par Maria Kliegel) est en quelque sorte la 'voix' musicale de l'esprit passionné et tourmenté de Dina. Le compositeur fait aussi participer Jorane, la fameuse chanteuse canadienne qui se trouve être aussi violoncelliste. Pour un sujet aussi intense et dramatique, il fallait bien évidemment un thème principal à la hauteur de l'histoire. Le thème de 'I Am Dina' est une mélodie mystérieuse, sombre, envoûtante et même entêtante, un air mystérieusement introduit dès les premières secondes du film par un violoncelle détimbré en sourdine, et qui sera très vite attaché par la suite au personnage de Dina. Ainsi donc, ce thème de violoncelle, magnifiquement repris dans 'We Are Dina' aux cordes, apporte au film une dimension dramatique indispensable. A l'écoute de ce thème, difficile même de ne pas revoir toutes les images du film et de ressentir toutes ses émotions, preuve que le travail effectué par Beltrami sur 'I Am Dina' est d'une qualité rare de nos jours. Pour ce qui est du reste, on oscillera régulièrement entre des pièces sombres et dramatiques avec quelques plages plus atmosphériques et sinistres pour évoquer les tourments de Dina et ses hallucinations. A ce sujet, l'écoute du sinistre 'Dina Tunes Out' nous en convaincra parfaitement (à noter ici le rôle de l'électronique afin d'accentuer les visions hallucinées de Dina qui revoit les fantômes de sa mère et de Jacob). On retrouve même le Beltrami des musiques horrifiques dans la séquence où Dina tue Leo (Christopher Eccleston) vers la fin du film, tout comme la scène où Niels (Mads Mikkelsen) viole une servante, séquence brièvement accompagnée par un terrifiant cluster de cuivres dissonants et chaotiques à la 'Scream'. Pour le reste du score, hormis les sombres 'Good Will Hunting' (ultime scène d'hallucination sous l'eau à la fin du film) et l'inquiétant 'Swiss Miss', la musique s'orientera beaucoup plus vers un style mélancolique et dramatique parfaitement intégré dans l'esprit du film.

La seconde partie de 'I Am Dina' (plage 1 de l'album) correspond en fait à la séquence où Dina balance Jacob du haut d'une falaise pour mettre fin à ses souffrances. La scène est accompagnée avec une musique violente aux accents martelés, mettant en avant des cuivres bien sombres avec des timbales synonymes de gravité. A vrai dire, c'est ici ce terrifiant sentiment de gravité qui domine dans la séquence, Beltrami ayant opté pour une approche plus massive pour cette terrible séquence. On notera d'ailleurs l'utilisation tourmentée du violoncelle à la fin du morceau, l'instrument étant toujours lié au personnage de Dina et à sa psychologie torturée. Plus typique de l'ambiance mélancolique du score, 'Graveyard' impose une atmosphère plus lente et sombre avec des cordes résignées pour la séquence où la jeune Dina se rend avec Lorch sur la tombe de sa mère. On retrouve ici aussi ce sentiment de gravité, exprimé ici d'une manière plus calme mais aussi plus amère et résignée. Pour un compositeur qui n'a pratiquement eu jusqu'à présent qu'à mettre en musique des films avec des émotions faciles et extériorisées, 'I Am Dina' constitue un sacré défi dans le sens où il s'agissait ici de mettre en avant des sentiments plus profonds et plus psychologiques, un défi que le compositeur a remporté haut à la main grâce à la complicité d'Ole Bornedal. Dans un même esprit, on appréciera l'excellente reprise du thème de Dina au violoncelle dans 'Dina Delivers' pour évoquer l'errance et les tourments de la jeune fille.

Le compositeur glisse une petite touche d'humour dans le titre d'une des pistes de l'album, 'Marco Marries Dina'. Effectivement, le personnage qui épouse Dina dans le film s'appelle Jacob, et certainement pas Marco. Beltrami a ainsi associé son nom à Dina, comme si, ironiquement, la musique (le musicien) cherchait à ne faire qu'un avec le personnage de Dina. L'analogie peut paraître farfelue à première vue, et pourtant, dans le film, c'est bel et bien ce qu'il se passe, puisque le violoncelle du score de Beltrami accompagne régulièrement Dina totu au long du film. Plus encore, dans le mariage entre 'Marco' et 'Dina', on pourrait aussi voir le mariage entre la musique de film et le cinéma, un mariage unique en son genre et que l'on retrouve magnifié ici dans le très beau film d'Ole Bornedal. Visiblement, Beltrami s'est aussi fait plaisir en écrivant quelques belles pages 'classiques' pour violoncelle, comme c'est le cas pour l'excellent 'Dina's Etude', pièce pour violoncelle et piano qu'interprète avec passion Dina dans une scène de récital vers le début du film, accompagnée de son ami Lorch. On pourra aussi relever l'excellente reprise au violoncelle solo du thème de Dina dans 'Lorch Serenades'. Dans un genre plus léger et joyeux, on pourra noter 'Firklover String Jig', écrit sous la forme d'une petite danse norvégienne populaire, avec violoncelle et petite formation à cordes, et joué dans une scène du film lors d'une fête. Visiblement, Beltrami semble avoir beaucoup aimé ce petit thème de danse puisqu'il nous en propose deux autres versions dans 'Fiklover Piano' et 'Dina's Firklover Party' (avec un accordéon).

Malgré son climat sombre et tourmenté bien représenté dans des pièces telles que 'America or Bust', 'Can't Buy Me Luv' ou 'Slow Dingo' (évoquant l'attachement passager et purement charnel de Dina pour Thomas) confié à des cordes au classicisme évident avec quelques vents et un violoncelle à la Chostakovitch, le score de 'I Am Dina' nous réserve quelques moments de pure émotion avec les magnifiques 'Organ Grinder' et 'Goodbye Lorch'. Le second est confié à des cordes mélancoliques dans un style plus poignant, illustrant la scène où Dina reçoit la lettre d'adieu de Lorch avant que ce dernier meurt. On ressent ici une certaine tristesse, une amertume nostalgique que ressent alors Dina pour un ami qui s'en est allé. Difficile ici de rester insensible à la beauté de cette musique dans la scène en question (l'une des plus belles scènes du film d'ailleurs), surtout lorsque le violoncelle intervient pour apporter une dose d'émotion considérable (on regrette juste que le morceau soit si court). On retrouve alors cette tristesse dans le magnifique 'Organ Grinder', qui se trouve être le plus beau morceau qu'ait composé Marco Beltrami pour le score de 'I Am Dina'. La pièce accompagne la scène où Leo retrouve Dina à l'église, près de l'orgue. Avec un certain classicisme d'écriture et un lyrisme très européen d'esprit (on pense parfois à certaines partitions de Georges Delerue), le magnifique 'Organ Grinder' évoque l'amour impossible entre Dina et Leo, magnifié ici par des cordes à la fois tristes et douloureusement romantiques. Ici aussi, difficile de rester insensible à la beauté d'une telle musique qui, une fois collée sur les images du film, prend alors tout son sens. Qui pourrait dès lors croire que le compositeur de cette musique poignante est le même musicien qui a conçu les musiques sauvages et brutales de la trilogie 'Scream', à des années lumières de ce style? Une fois encore, Marco Beltrami nous prouve qu'il a la sensibilité d'un grand musicien, qui nous révèle ici un goût sûr pour un lyrisme et un classicime européen étonnant, et qui réussit à merveille au film de Bornedal. A noter que 'Organ Grinder' revient une seconde fois dans le film, pour la séquence où Dina retrouve Leo à la prison vers la fin de l'histoire (autre scène poignante du film). Pour finir en beauté, Beltrami nous réserve une petite pièce vocale confiée à la soliste Jorane dans 'Dina's Lullaby' pour le générique de fin. La chanteuse en profite ainsi pour mettre en avant la chaleur et la beauté du timbe de sa voix envoûtante à travers une mélodie simple et touchante, la chanteuse s'accompagnant ici de son violoncelle.

'I Am Dina', c'est une musique qui respire l'émotion, la passion et aussi les tourments de l'âme humaine. Marco Beltrami a réussit à retranscrire toute l'émotion du film d'Ole Bornedal en écrivant une musique sombre au classicime évident, surtout dans l'écriture soliste du violoncelle (les amateurs de cet instrument incomparabale seront aux anges avec la musique de 'I Am Dina'), une musique orchestrale qui ne cache pas son goût pour un certain lyrisme passionné et mélancolique, et que l'on retrouve surtout au travers de deux pièces d'une beauté poignante, 'Organ Grinder' et 'Goodbye Lorch'. Ceux qui pensaient que Marco Beltrami n'était qu'un énième artisan des musiques d'horreur/thriller hollywoodiennes se seront une fois encore trompés, car avec 'I Am Dina', Beltrami a enfin prouvé qu'il avait l'étoffe d'un grand compositeur accompli, capable de donner le meilleur de lui-même lorsqu'on lui donne un projet solide et suffisamment artisitique pour qu'il puisse s'exprimer pleinement. A l'écoute de cette musique riche et intense, on se laisse entraîner dans l'univers dramatique et psychologique du film de Bornedal. Seule ombre au tableau: on aurait bien aimé entendre certains passages plus sombres du film, et notamment les deux pièces atonales à la 'Scream', de même que l'ordre des pistes sur le CD est totalement différent de celui de l'ordre chronologique du film. Au final, 'I Am Dina' est sans aucun doute une très belle surprise inattendue de la part d'un Beltrami très inspiré et qui, à défaut de nous livrer un score révolutionnaire ou follement original, nous donne à entendre le meilleur de lui-même à travers l'un des meilleurs films de sa filmographie. Si vous ne connaissez pas encore cette partition honteusement passée inaperçue à la sortie du film en 2002, ruez-vous dessus: vous ne le regretterez pas, et en plus, vous pourrez y entendre un Beltrami dans un tout autre registre, bien loin de ses partitions d'horreur/thriller précédentes!


---Quentin Billard